mardi 12 octobre 2010

Pinochet est mort sans avoir été condamné

Par LEXPRESS.fr, avec Reuters, publié le lundi 11 décembre 2006, mis à jour à 08:17 - mis à jour le 25/10/2007
L'ancien dictateur chilien, symbole de la répression en Amérique latine dans les années 70-80, est mort dimanche à l'âge de 91 ans sans avoir jamais été condamné pour aucun crime
L'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet, symbole de la répression en Amérique latine dans les années 70-80, est mort dimanche à l'âge de 91 ans sans avoir jamais été condamné pour aucun crime.
Le général avait pris le pouvoir en septembre 1973 en renversant lors d'un coup d'Etat soutenu par les Etats-Unis le président socialiste Salvador Allende, avant de devenir le dictateur le plus célèbre d'Amérique latine pendant la Guerre froide. Ses partisans, qui restent nombreux au Chili, estiment qu'il a évité au pays de devenir marxiste.
La répression brutale exercée par la police secrète peu après le coup d'Etat a entraîné la mort de plus de 3000 personnes. Quelque 28.000 ont été torturées et on estime à 200 000 le nombre de Chiliens qui ont pris le chemin de l'exil.
Signe de la manière dont Pinochet continue de diviser le pays, des milliers de Chiliens ont dansé dans les rues à l'annonce de sa mort, ce qui a donné lieu à des affrontements avec la police, tandis que d'autres pleuraient devant l'hôpital où il est décédé.
L'ex-dictateur, qui souffrait de diabète depuis plusieurs années, avait subi un pontage après avoir été victime d'une attaque cardiaque le 3 décembre.
"Il est mort entouré de sa famille", a déclaré dimanche aux journalistes le médecin Juan Ignacio Vergara de l'hôpital militaire de Santiago en précisant que la santé de Pinochet s'était brutalement détériorée dimanche.
Les dispositions à prendre pour les funérailles constituaient un dilemme pour la présidente de centre-gauche Michelle Bachelet dont le père est mort après avoir été torturé en prison et qui elle-même dut prendre le chemin de l'exil après avoir été arrêtée et détenue dans un centre de torture.
Le gouvernement a finalement opté pour une voie moyenne. Un porte-parole a fait savoir que Pinochet aurait droit aux honneurs militaires en tant qu'ancien commandant en chef de l'armée, mais pas aux funérailles nationales.
Pinochet sera incinéré. Le ministre de la Défense assistera à la cérémonie.
La police s'est déjà déployée dans les rues près de l'Ecole militaire où auront lieu les funérailles mardi.
"Fêter la mort du tyran"
Parmi ceux qui ont célébré la mort de l'ancien dictateur dimanche sur la Plaza Italia, près du centre-ville, se trouvaient des jeunes qui n'étaient pas nés quand il a quitté le pouvoir en 1990, ainsi que des personnes victimes de la dictature.
"Je vais fêter avec ma famille la mort du tyran. J'ai même une bouteille d'alcool brésilien que je garde depuis 25 ans pour célébrer ce jour, a dit un juriste de 75 ans, Santiago Cavieres.
"J'étais dans le Stade national (NDLR: utilisé en 1973 comme camp de concentration) et de là, ils m'ont envoyé au camp de concentration de Chacabuco où j'ai passé huit mois. Tout le monde y était torturé", dit-il.
Près du palais gouvernemental, des manifestants anti-Pinochet ont allumé des feux de joie et ont lancé des barres de métal et des bouteilles sur les policiers qui ont répliqué en faisant usage de canons à eau et de gaz lacrymogènes. Quatre personnes ont été arrêtées.
Du côté des partisans de l'ex-dictateur, qui mettent aussi en avant ses réformes économiques, plus de 1000 personnes s'étaient rassemblées dimanche devant l'hôpital militaire, chantant l'hymne national d'une voix brisée par l'émotion.
"Il a fait des erreurs comme tout être humain, mais il a beaucoup fait pour ce pays", affirmait Adriana Malter, grand-mère et commerçante.
"Tristesse" de Margaret Thatcher
L'ancien Premier ministre britannique Margaret Thatcher, l'une des plus importantes alliées de Pinochet - il l'avait soutenue dans la guerre des Malouines en 1982 - a fait lire un communiqué faisant part de sa profonde tristesse.
En France, Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur et candidat à l'élection présidentielle, a dit n'avoir "aucune" réaction à l'annonce la mort d'Augusto Pinochet.
Pour Jack Lang, ancien président de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, "le nom de Pinochet restera indissolublement lié aux heures les plus noires du fascisme latino-américain".
"Nos pensées aujourd'hui vont aux victimes de son règne et à leurs familles", a déclaré à Washington, Tony Fratto, porte-parole de la Maison-Blanche.
Pinochet a été l'objet de dizaines d'accusations de violations des droits de l'homme. Les efforts pour le juger pour sa responsabilité présumée dans ces crimes n'ont jamais abouti. Ses avocats sont toujours parvenus à lui éviter un procès, en mettant généralement en avant sa santé défaillante. De nombreux officiers militaires et des membres de sa police secrète ont toutefois été reconnus coupables de torture, d'assassinats et d'enlèvements.
Le "prestige" de l'ancien dictateur a cependant été largement écorné en 2004, quand la justice a révélé qu'il avait dissimulé 27 millions de dollars sur des comptes secrets dans des paradis fiscaux.
Le général avait perdu en 1988 un référendum sur le renouvellement de son mandat et quitté le pouvoir en 1990. Il est cependant demeuré pendant plusieurs années le chef des forces armées et s'est réservé un siège de sénateur à vie grâce à une réforme de la constitution.
Dans un communiqué lu par sa femme le 25 novembre pour son 91e anniversaire, Pinochet, qui était alors en résidence surveillée en relation avec une affaire d'enlèvements d'opposants en 1974, a assumé la "responsabilité politique" des actes commis quand il était au pouvoir. Son unique ambition, a-t-il dit, était de faire du Chili "un grand pays et d'empêcher sa désintégration".