mercredi 31 août 2011

NOUVELLES SANCTIONS DANS LA POLICE APRÈS LA MORT D'UN ADOLESCENT

Le directeur des Carabiniers, le général Eduardo Gordon a expliqué mardi que « des responsabilités supplémentaires avaient été identifiées dans la chaîne de commandement » et qu'un colonel, un capitaine et un major étaient démis de leurs fonctions, « conséquences collatérales » de la mort du jeune homme.
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Une des affiches produites à l'occasion de l'assassinat de Manuel Gutierrez, adolescent
tué par la police lors des manifestations pour l'éducation publique au Chili :
"POUR UN QUI TOMBE, DES MILLIERS QUI SE LEVENT"

Manuel Gutierrez, 16 ans, avait été atteint à la poitrine par un tir dans la nuit de jeudi à vendredi à Macul, un des quartiers de la capitale théâtre de violences entre jeunes et policiers, au terme de deux jours de grève nationale.

Démission du général

Le gouvernement chilien a ordonné lundi soir la démission du général Sergio Gajardo, responsable adjoint de la police de la capitale, qui avait catégoriquement écarté qu'un de ses membres puisse avoir tiré, et avait même initialement exclu une enquête. Cet officier -ancien lieutenant de la police politique qui a servi sous la dictature- possède un historique très chargé par des violations des droits de l'homme, et son nom est cité dans au moins 2 dossiers emblématiques d'assassinats politiques.

La police a finalement établi, après enquête, qu'un sous-officier cette nuit-là dans ce secteur, « avait fait usage de son arme », un pistolet-mitrailleur Uzi, puis avait nettoyé son arme et remplacé les munitions manquantes sans rédiger de rapport.


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LA NUIT DU 25 AOUT A SANTIAGO, DES PROCHES DU JEUNE MANUEL GUTIERREZ
PLEURENT SA MORT DANS LA RUE SOUS LE BALLES DE LA POLICE

« Un des nôtres a manqué à tous ses devoirs en faisant usage de son arme et qui plus est a tenté de cacher l'information, violant un autre de nos principes, la vérité », a déclaré le général Gordon mardi, en offrant les « sincères condoléances » de la police à la famille.

Il a confirmé que le général Gajardo avait été démis.

La mort de Gutierrez avait mis le gouvernement sous une pression accrue, au sortir d'une grève de 48 heures, mercredi et jeudi, convoquée par le premier syndicat du pays et marquée par de multiples affrontements entre jeunes et policiers. Plus de 200 personnes ont été blessées et 1400 arrêtées.

AU CHILI, LE MOUVEMENT SOCIAL ENDEUILLÉ PAR LA MORT D'UN JEUNE GARÇON

Avec notre correspondante à Santiago, Claire Martin

Un mort, plus de 200 policiers et manifestants blessés, près de 1400 arrestations, un million et demi d’euros de dommages. C’est le bilan des deux jours de grève nationale organisée à l’appel de la Centrale unitaire des travailleurs, la CUT, des étudiants et des professeurs. Deux jours marquées par des affrontements entre policiers et casseurs, des barricades, des pillages de magasin, des voitures et des bus brûlés.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, dans des circonstances confuses, un jeune de 16 ans, Manuel Gutierrez, a été tué d’une balle dans la poitrine à Macul, une des communes périphériques de Santiago. La famille accuse la police, qui plaide non coupable. Une enquête a été ouverte.

Ce triste bilan a été déploré par le gouvernement comme par les manifestants. Les violences ont terni la marche pacifique, qui aurait réuni jeudi de 200 à 600 000 de personnes dans le pays. Les manifestants réclamaient des réformes des retraites, des assurances de santé, de l’éducation. Sur ce dernier point, le président a appelé vendredi 26 août au dialogue. Peut-être s’est-il rendu compte que plus le temps passe, plus le mouvement étudiant devient un mouvement social et qu’il sera plus difficile encore à apaiser.

vendredi 26 août 2011

LA VAGUE DE CONTESTATION SOCIALE ENFLE AU CHILI

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LA PRÉSIDENTE DE LA FÉDÉRATION D'ÉTUDIANTS DU CHILI, CAMILA VALLEJOS, MARCHE DURANT LE DEUXIÈME JOUR DE GRÈVE NATIONAL CONVOQUÉ PAR LA CENTRALE UNITAIRE DE TRAVAILLEURS AU CENTRE DE SANTIAGO DU CHILI. PHOTO MARIO RUIZ / EFE 25-08-2011
Dix-sept mois après son accession à la présidence, Sebastian Piñera souffre d'une cote de popularité au plus bas (26%) d'autant plus douloureuse que son implication dans le sauvetage des 33 mineurs de Copiapo avait, un temps, favorisé sa popularité.

Depuis janvier 2011, le pays est secoué de vagues successives de contestations. Cela a commencé dans l'extrême sud du pays, notamment à Punta Arenas, quand la population a violemment protesté contre la hausse du gaz qu'elle utilise douze mois sur douze pour se chauffer.


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 UN MANIFESTANT FAIT SEMBLANT DE VISER AVEC UN PISTOLET DE JOUET, DES MEMBRES DES FORCES SPÉCIALES -LE VIOLENT ESCADRON ANTI-ÉMEUTES DE LA POLICE-, DURANT LE DEUXIÈME JOUR DE GRÈVE GÉNÉRALE À SANTIAGO DU CHILI. PHOTO ROBERTO CANDIA / AP DU 25-08-2011
Puis de grandes manifestations ont été organisées pour contester le gigantesque projet hydroélectrique HydroAisen qui doit noyer des milliers d'hectares d'une des parties les plus sauvages de la Patagonie chilienne.

C'est la protestation étudiante qui a pris le plus d'ampleur à partir de juin. Chaque semaine, les étudiants organisent des blocages d'établissements et des manifestations monstres dans les grandes villes du pays. Fait nouveau: ce ne sont pas les seuls groupes gauchistes mais la plupart des étudiants issus de la classe moyenne qui sont au centre de la contestation.



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LA POLICE ANTI-ÉMEUTES ARRÊTE UN AUTRE MANIFESTANT DURANT LE DEUXIÈME JOUR DE GRÈVE GÉNÉRALE À SANTIAGO DU CHILI.  PHOTO VICTOR R. CAIVANO / AP  DU 25-08-2011 
L'héritage de Pinochet

Le mouvement est très populaire, sa principale revendication étant la gratuité des études. La plupart des familles chiliennes sont obligées de s'endetter pour envoyer étudier leurs enfants. «Cinq ans d'études, quinze de remboursement», affichait jeudi une étudiante. Ce système, hérité de la période Pinochet, «a asséché les financements des établissements publics et créé un système très discriminant, estime Marco Ominami, ancien candidat à la présidence et président de la Fondacion Progresa. On ne peut pas se contenter de modifier à la marge les règles, il est temps de les changer en profondeur


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VIOLENTE ARRESTATION D'UN ÉTUDIANT LORS DU DEUXIÈME JOUR DE GRÈVE GÉNÉRALE À SANTIAGO DU CHILI.  PHOTO JOSE MIGUEL ROJAS / AP 25-08-2011 
Maria Eugenia de La Fuente, du secrétariat général du gouvernement, explique au contraire que les dernières propositions du gouvernement permettent de répondre aux principales revendications des étudiants. «Nous avons proposé une baisse substantielle des taux d'intérêt des prêts aidés de 5,6 à 2% et élargi l'accès des bourses à 60% de la population étudiante.»


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PLUSIEURS AGENTS DE LA POLICE ANTI-ÉMEUTES ARRIVENT POUR ARRÊTER UN JEUNE MANIFESTANT DURANT LE DEUXIÈME JOUR DE GRÈVE GÉNÉRALE À SANTIAGO DU CHILI.  PHOTO STRINGER / REUTERS DU 25-08-2011
L'opposition de centre gauche, battue par Pinera aux dernières élections, n'échappe pas aux critiques des manifestants qui considèrent qu'elle n'a pas su ou osé changer le système Pinochet pendant les vingt ans où elle a gouverné le pays.

CHILI : ENQUÊTE SUR LA MORT DU PÈRE DU MICHELLE BACHELET

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L'ANCIEN PRESIDENT SALVADOR ALLENDE ET LE GÉNÉRAL ALBERTO BACHELET 
Le général Alberto Bachelet, qui occupait un haut poste au ministère de la Défense du gouvernement d'Allende, avait été emprisonné après le coup d'État du 11 septembre 1973, traduit en conseil de guerre, et est décédé en détention en mars 1974 à 51 ans.

Le juge Carroza a indiqué avoir déjà entendu la veuve du général Bachelet, Angela Jeria, et un ancien capitaine, Raul Vergara, un co-détenu.

«Nous verrons en fonction des résultats d'autres actions éventuelles», a souligné le magistrat, en référence à de possibles poursuites.

La présidente (de 2005 à 2010) Michelle Bachelet, 59 ans, fut elle-même détenue et torturée avec sa mère en 1975, avant de partir en exil. Elle a toujours été d'une grande discrétion publique sur son histoire familiale.

La justice chilienne revisite depuis peu des zones d'ombres de la dictature: elle a ainsi rouvert l'enquête sur la mort d'Allende lors du coup d'État, concluant au suicide. Elle doit réenquêter aussi sur la mort en 1973 du poète Pablo Neruda, un adversaire emblématique de la dictature.

Une commission mandatée en 2009 par Mme Bachelet vient de réévaluer de plusieurs milliers de victimes, à environ 37 000 cas de torture et détention illégale et à 3225 morts et disparus, le bilan de la dictature de 1973 à 1990, à la lumière d'éléments ou témoignages nouveaux.

mercredi 24 août 2011

CHILI: LA GRÈVE NATIONALE MAINTIENT LA PRESSION DE LA MOBILISATION ÉTUDIANTE

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CHILI: GRÈVE GÉNÉRALE LES SYNDICALISTES ANNONCENT UNE PARTICIPATION MASSIVE.
PHOTO   ELCIUDADANO.CL
En plusieurs points de Santiago, la capitale chilienne de 6 millions d'habitants, la police a fait usage de lances à eau et de gaz lacrymogène pour dégager des carrefours où avaient été improvisés des barrages avant le lever du jour, ou disperser des manifestations spontanées qui bloquaient la circulation.
En fin de matinée, 35 personnes avaient été arrêtées au niveau national, en majorité des "encapuchados", jeunes en capuche, selon le vice-ministre de l'Intérieur Rodrigo Ubilla. L'un d'entre eux a été interpellé pour "tentative d'homicide sur un policier".
Selon le même bilan provisoire, 11 personnes, dont neuf policiers, ont été blessées dans les accrochages localisés, de moindre ampleur que les violences ayant émaillé les manifestations étudiantes des derniers semaines.


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 POCHOIR, DU PRÉSIDENT CHILIEN, LE MILLIARDAIRE CONSERVATEUR SEBASTIÁN PIÑERA.  

« J'AI ÉTUDIÉ GRATUITEMENT » 
« MAIS TU PEUX PAYER
EN MENSUALITÉS »
PHOTO MAURICIO DÍAZ CHEZ FLICKR 
Mais une marche massive était prévue jeudi à Santiago, au deuxième jour de la grève, avec la présence annoncée des étudiants.
Pouvoir et syndicats se disputaient ardemment sur l'impact de la grève.
Les transports publics fonctionnent à 95%, et la situation était "tout à fait normale" dans les trains de Santiago, à l'aéroport comme dans les ports du pays, a assuré le ministre des Transports Pedro Pablo Errazuriz.
"Tout le monde sait bien que le pays n'est pas normal aujourd'hui", a contesté Arturo Martinez, président de la Centrale Unitaire des Travailleurs (CUT), premier syndicat du pays représentant 10% des actifs, et à l'origine de la grève.
Pour le gouvernement de droite de Sebastian Piñera, qui traverse sa pire épreuve sociale en 17 mois au pouvoir, la grève est "injustifiée" et "opportuniste", dans l'aspiration de la contestation étudiante qui réclamé depuis mai une réforme de l'éducation.
Parmi les demandes des grévistes, figuraient entre autres, une baisse des impôts, une réforme des retraites, du code du travail, et une meilleure affectation des dividendes de la forte croissance du Chili (5,2% en 2010, 8% depuis janvier) à l'éducation ou la santé.
Pour maints analystes, le malaise est partagé bien au-delà des étudiants: "c'est la crise d'un modèle qui, dans l'éducation, a généré de nombreuses inégalités, et dans le social se traduit par une faible protection des travailleurs", analyse le sociologue Manuel Antonio Garreton.
"A travers ces mobilisations, la société chilienne parle, cherche une façon de passer d'un ordre social pinochetiste à un ordre réellement démocratique, que nous n'avons pas encore", estime l'analyste de l'Université catholique.
L'éducation en est le point focal, il constitue un poste d'endettement majeur de dizaines de milliers de foyers chiliens en quête d'un enseignement de qualité. Ce que ne peut garantir le secteur public, parent pauvre du système depuis le désengagement de l'Etat sous les années Pinochet (1973-1990).
Dans la nuit de mardi, le vacarme des "cacerolazos", ce tintamarre citoyen de pots et casseroles, a résonné de nouveau dans plusieurs quartiers de la capitale, ressuscitant un geste spontané de défiance aux autorités, en vogue sous la dictature.
A Nunoa, un quartier branché de Santiago, il n'était pas le fait de militants, d'encapuchados, ni même d'étudiants, mais de centaines de familles de classes moyennes, enfants à leur côtés, a constaté l'AFP.
"Le gouvernement doit gouverner pour tous, les étudiants ne sont pas les seuls citoyens du pays", mettait en garde ce week-end M. Piñera, pris au mot cette semaine par les syndicats.

EN FINIR (VRAIMENT) AVEC L’ÈRE PINOCHET

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PHOTO FELIPE TRUEBA DU 19-08-2011
Jamais, depuis la fin de la dictature, en 1990, le pays n’avait connu d’aussi importantes mobilisations. Jamais, depuis 1956, un gouvernement démocratique n’avait fait face à une telle contestation populaire. A l’origine de ce mouvement, les étudiants ont placé le gouvernement de M. Sebastián Piñera (droite) dans une position délicate : sa côte de popularité – 26 % – fait d’ores et déjà de lui le président le moins populaire depuis le retour à la démocratie.

Cette longue bande de terre qui longe l’océan Pacifique était pourtant le dernier pays de la région où l’on attendait une telle effervescence. Le « jaguar » latino-américain, « modèle typiquement libéral » (2) ne faisait-il pas l’admiration des éditorialistes en vue ? La stabilité politique y était assurée, expliquaient-ils, puisque « la réalité y avait fini par éroder les mythes et les utopies de la gauche, la plaçant (…) sur le terrain de la réalité, douchant ses fureurs passées et la rendant raisonnable et végétarienne [sic] » (3). Le 28 avril 2011, pourtant, les étudiants chiliens montraient les dents. Et pas les molaires.

Ce jour-là, les étudiants des établissements publics et privés dénoncent le niveau d’endettement qu’implique l’accès à l’éducation supérieure. Dans un pays où le salaire minimum s’établit à 182 000 pesos (moins de 300 euros) et le salaire moyen à 512 000 pesos (moins de 800 euros), les jeunes (et leurs familles) déboursent entre 170 000 et 400 000 pesos (entre 250 et 600 euros) par mois pour suivre un cursus universitaire. En conséquence, 70 % des étudiants s’endettent, et 65 % des plus pauvres interrompent leurs études pour des raisons financières (4).


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PHOTO  ELISEO FERNÁNDEZ DU 17-08-2011
Réunissant 8 000 personnes, cette première manifestation ne semble pas, a priori, promise à un quelconque avenir. Elle vient néanmoins gonfler un peu plus le fleuve de la protestation sociale, déjà nourri par diverses mobilisations à travers le pays : en faveur d’une meilleure redistribution des profits liés à l’extraction du cuivre à Calama, du maintien du prix du gaz à Magallanes, de l’indemnisation des victimes du tremblement de terre de janvier 2010 sur la côte, du respect des Indiens Mapuches dans le sud (5), ou encore de la diversité sexuelle à Santiago. Au mois de mars, le projet HidroAysén avait lui aussi participé à unir un peu plus les Chiliens – contre lui.

Piloté par la multinationale italienne Endesa-Enel, associée au groupe chilien Colbún, et soutenu par le gouvernement, les partis de droite et certains dirigeants de la Concertación (6) (centre-gauche), ce projet de construction de cinq immenses barrages en Patagonie avait été approuvé sans la moindre consultation citoyenne. Devant l’ampleur de la mobilisation (plus de trente mille personnes à travers le pays), le gouvernement se trouve dans une situation compliquée.

En juin, la mobilisation étudiante atteint sa vitesse de croisière : le 16 se produit la première manifestation de 200 000 personnes – la plus grande depuis la période de la dictature. Organisant des grèves massives et bloquant des lycées, les manifestants dénoncent la « marchandisation de l’éducation » et exigent « un enseignement gratuit et de qualité » : une revendication qui remet en cause les fondations mêmes du « modèle chilien », hérité de la dictature (lire dans cette page « Un héritage encombrant »). Dans les rues, les étudiants ne s’y trompent pas, qui scandent « Elle va tomber, elle va tomber, l’éducation de Pinochet ! », en référence aux slogans entendus lors des manifestations contre la dictature, il y a plus de vingt ans (« Elle va tomber, elle va tomber la dictature de Pinochet ! »)



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PHOTOMONTAGE MILTON FRIEDMAN (GAUCHE) ET AUGUSTO PINOCHET. LES IDÉES ÉCONOMIQUES DE MILTON FRIEDMAN  SUR LE MONÉTARISME, LA FISCALITÉ, LES PRIVATISATIONS ET LA DÉRÈGLEMENTATION ONT INSPIRÉ LES POLITIQUES ÉCONOMIQUES DE NOMBREUX GOUVERNEMENTS À TRAVERS LE MONDE, NOTAMMENT CEUX DE D’AUGUSTO PINOCHET AU CHILI, RONALD REAGAN AUX ÉTATS-UNIS, DE MARGARET THATCHER EN GRANDE-BRETAGNE, OU DE BRIAN MULRONEY AU CANADA.
Car si le Chili de Pinochet a constitué un « laboratoire » pour les politiques néolibérales, c’est aussi dans le domaine de l’éducation. Le rêve que l’économiste monétariste Milton Friedman formulait en 1984, les généraux y avaient travaillé dès leur prise du pouvoir.

Rares en 1973, les écoles privées accueillent désormais 60 % des élèves dans le primaire et le secondaire. Moins de 25 % du système éducatif est financé par l’Etat, les budgets des établissements dépendent, en moyenne, à 75 % des frais d’inscriptions. D’ailleurs, l’Etat chilien ne consacre que 4,4 % du produit intérieur brut (PIB) à l’enseignement, bien moins que les 7 % recommandés par l’Unesco. Dans le domaine de l’université – cas unique en Amérique latine –, il n’existe dans le pays aucun établissement public gratuit. Selon le sociologue Mario Garcés, les réformes Pinochet – maintenues et approfondies par les différents gouvernements depuis la chute de la dictature – ont perverti la mission du système éducatif : il visait à l’origine à favoriser la mobilité sociale ; il assure désormais la reproduction des inégalités (7).

Mais – interrogent les étudiants, auxquels n’ont pas échappé les discours satisfaits sur le « développement » de l’économie chilienne (lui ayant ouvert les portes de l’OCDE en décembre 2009) – si l’éducation était gratuite il y a quarante ans, alors que le pays était pauvre, pourquoi devrait-elle être payante aujourd’hui, alors qu’il est devenu (plus) riche ? Une question qui suffit à faire basculer tout une logique cul par-dessus tête, et dont la portée dépasse évidemment le domaine de l’éducation. Comme les revendications étudiantes : tenue d’une Assemblée constituante pour promouvoir une véritable démocratie, la renationalisation du cuivre (8) ou encore la réforme fiscale ; il s’agit, au bout du compte, « d’en finir avec l’ère Pinochet ». Suspicieux face à des dirigeants politiques qui ne leur inspirent plus confiance, les manifestants exigent que l’avenir du système éducatif soit soumis à un référendum (pourtant interdit par la Constitution).

Dénoncer les partis politiques ne signifie pas nécessairement promouvoir une forme d’apolitisme béat. Les étudiants ont occupé les sièges de la chaîne de télévision (Chilevisión), de l’Union démocrate indépendante (UDI – le parti issu du pinochétisme) ainsi que celui du Parti socialiste, identifiés comme trois symboles du pouvoir. Les discours apologétiques d’une gauche institutionnelle qui se dit volontiers coupable d’avoir « trop demandé » – déclenchant ainsi la colère, inévitable, des possédants en 1973 – ou ceux visant à promouvoir le retrait de l’Etat, ne semblent pas avoir prise sur une génération qui n’a pas connu le putsch. Les manifestants n’hésitent pas, d’ailleurs, à réhabiliter la figure de l’ancien président, Salvador Allende : ses discours sur l’éducation, prononcés il y a plus de quarante ans, ont récemment battu des records de consultation sur Internet ; son effigie apparaît de nouveau dans les manifestations, où des pancartes proclament que « Les rêves d’Allende sont à portée de main ».

Cette clarté politique n’a pas affaibli le mouvement étudiant – bien au contraire. Ils ont reçu le soutien des universitaires, des enseignants du secondaire, des associations de parents d’élèves, de différentes organisations non gouvernementales (ONG), réunies autour de l’Association chilienne des ONG, Accion (9), et de syndicats importants (professeurs, fonctionnaires, personnels de santé, etc). Bien souvent, la solidarité s’organise pour soutenir les manifestants occupant un établissement, sous la forme de paniers de nourriture que l’on apporte aux « bloqueurs », par exemple. Selon les sondages, pourtant commandités par des médias tous proches du pouvoir, les étudiants jouissent du soutien de 70 % à 80 % de la population.

Alors, pourquoi maintenant ? Certes, le Chili a déjà connu des mobilisations étudiantes, notamment la « révolution des pingouins » (10), en 2006, sous la présidence de Mme Michelle Bachelet (centre-gauche). Toutefois, jamais les manifestations n’attirèrent autant de monde : pendant deux décennies, les gouvernements de centre-gauche de la Concertación parvinrent à administrer l’héritage de la dictature tout en réduisant la pauvreté. Mais en accentuant les inégalités : à l’heure actuelle, le Chili figure au nombre des quinze pays les plus inégaux de la planète (11). Peu à peu, les espoirs de transformation liés à la chute de la dictature ont été douchés, cependant que s’accumulaient les dettes des étudiants.

L’injustice du système est peut-être apparue sous un jour plus cru avec l’arrivée au pouvoir de M. Piñera, lequel s’est vite donné pour mission de renforcer – encore – les logiques de marché au sein du système éducatif. Les conflits d’intérêts au sein du cabinet ont par ailleurs mis en évidence certaines dérives : le ministre de l’éducation de M. Piñera, M. Joaquín Lavín, était également fondateur et actionnaire de l’Université du développement, un établissement privé (12).

La réponse du gouvernement, pour l’heure, consiste à tenter de criminaliser les manifestants. La presse ne manque pas de souligner les exactions de fractions violentes, parfois infiltrées par des policiers en civil (comme l’ont démontré de nombreuses vidéos et photographies (13)). Le 4 août, estimant qu’il y a « une limite à tout », M. Piñera faisait interdire une manifestation sur l’avenue Alameda (choisie par les étudiants parce qu’évoquée par Allende dans son ultime discours) : la répression y fut systématique, avec plus de 870 interpellations. Mais la violence policière n’a fait qu’accroître le soutien populaire aux manifestants. Le soir même, les cacerolazos (manifestations au cours desquelles chacun maltraite une casserole) retentissaient à travers le pays : l’intransigeance gouvernementale avait transformé le défilé en « protestation nationale », terme utilisé pour décrire… les rassemblements en faveur de la démocratie à l’époque de la dictature.

Les étudiants demeurent mobilisés. Avec l’ensemble de leurs soutiens – qui ne ne se cantonnent plus aux classes moyennes –, ils se joindront à une grève générale les 24 et 25 août, dans l’espoir d’élargir la brèche ouverte.


[Un héritage encombrant]

Constitution
La Constitution en vigueur date de 1980 : elle fut approuvée (grâce à une fraude) sous la dictature. Antidémocratique, elle assure presque mécaniquement la moitié des sièges du Sénat et de la Chambre des députés à la droite chilienne, pourtant minoritaire.

Education
En 1981, Augusto Pinochet réforme le système universitaire et élimine l’éducation supérieure gratuite. Le 10 mars 1990, la veille de son départ, il promulgue la Loi organique constitutionnelle de l’enseignement (LOCE), qui réduit encore le rôle de l’Etat dans l’éducation et délègue de nouvelles prérogatives au secteur privé.

Protection sociale
En 1980, la dictature privatise le système de retraites (Décrets 3.500 et 3.501 proposés par le frère de M. Piñera, José). En 1981 sont créées les Isapres, systèmes de santé privés. Ils ne seront pas renationalisés lors du retour à la démocratie.

Médias
Le jour du coup d’Etat, la junte publie le bando 15 (arrêt n° 15) qui interdit tous les journaux sauf El Mercurio et La Tercera, à l’origine des deux groupes de presse qui contrôlent le secteur des médias chiliens aujourd’hui.

Victor de La Fuente

(1) Plus de deux cents mille personnes les 16 et 30 juin, le 14 juillet puis, à nouveau les 9 et 18 août).

(2) El regreso del idiota, Alvaro Vargas Llosa, Plinio Apuleyo Mendoza, Carlos Albero Montaner, préface de Mario Vargas Llosa, Random House S.A., Mexico, 2007.

(3) Ibid. Lire également Franck Gaudichaud, « Au Chili, les vieilles lunes de la nouvelle droite », Le Monde diplomatique, mai 2011.

(4) Estudio sobre las causas de la deserción universitaria. Centro de Microdatos, Departamento de Economía, Universidad de Chile.

(5) Lire Alain Devalpo, « Mapuches, les Chiliens dont on ne parle pas », La valise diplomatique, 15 septembre 2010.

(6) La Concertation pour la démocratie est une alliance de centre gauche, aujourd’hui composée de quatre partis (Parti socialiste [PS], Parti pour la démocratie [PPD], Parti démocrate-chrétien [PDC] et Parti radical social-démocrate [PRSD]) qui a gouverné pendant vingt ans, à la chute de la dictature.

(7) Mario Garcés Durán, directeur de l’organisation non gouvernementale (ONG) Education et communication (ECO). Entretien avec la BBC Monde.

(8) L’entreprise d’Etat d’extraction du cuivre Codelco n’a jamais été privatisée, mais la dictature a ouvert de nouvelles concessions au profit de multinationales. La Concertación a suivi la même politique. A l’heure actuelle, 70 % du cuivre chilien est exploité par des entreprises étrangères. Voir le site du Comité de défense et de réappropriation du cuivre.

(9) Voir le site Internet d’Accion.

(10) Image due à la couleur des uniformes blancs et noirs des élèves des collèges publics.

(11) Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ; « Rapport régional sur le développement humain pour l’Amérique latine et les Caraïbes » (pdf).

(12) Le ministre de l’éducation Joaquín Lavín a été remercié en plein conflit, le 18 juillet. M. Piñera l’a maintenu au sein de son cabinet. Le nouveau ministre de l’éducation se nome Felipe Bulnes.

(13) Voir par exemple « Carabineros infiltrados en protestas » sur le site de la chaine Chilevision.

CECILIA S’OCCUPE DU SOCIAL, QUI N’ATTIRE GUÈRE PIÑERA


Née en 1954, Cecilia Morel Montes est issue d’une famille de classe moyenne supérieure. Jeunesse dans un quartier aisé de la capitale, collège privé: on ne manque de rien chez les Morel même si l’on n’appartient pas à la grande aristocratie chilienne. Comme beaucoup de jeunes filles de son milieu, elle entreprend des études supérieures dans le domaine social : diplôme d’infirmière, suivi d’un autre en orientation familiale. C’est d’ailleurs sur les bancs de l’Université catholique qu’elle rencontre Sebastián Piñera, avec qui elle se marie à 19 ans avant de le suivre à l’université de Harvard aux Etats-Unis. On est en décembre 1973, trois mois après le coup d’Etat de Pinochet.

Discrète, elle accompagnera l’ascension économique et politique vertigineuse de son mari. En introduisant dès les années 80 le système de cartes de crédit au Chili, en investissant dans la compagnie aérienne Lan Chile ainsi que dans une chaîne de télévision privée, celui-ci a fait fortune et se hisse au 701e rang du classement Forbes des personnalités les plus riches de la planète. Et puis, le 18 janvier 2010, c’est la consécration. Sebastián Piñera gagne les élections présidentielles et ramène la droite chilienne au pouvoir après vingt ans de domination des partis de centre-gauche.

Alors que les épouses des précédents présidents s’étaient faites relativement discrètes, Cecilia Morel se voit assigner la lourde fonction d’apporter une touche sociale et émotive à la présidence, tant son mari peine à quitter sa stature d’homme d’affaires pour celle d’homme d’Etat. Impétueux, imprévisible, maladroit en termes de communication, le style Piñera passe mal auprès de nombreux Chiliens habitués, il est vrai, à la bonhomie de Michelle Bachelet. "Il manque certains filtres au Président pour dire les choses", reconnaît le sénateur Hernán Larrain dans un article d’ "El Mostrador".

Cecilia Morel tente de combler le vide lors de déplacements. Ainsi, à la mine San José, elle sympathisera avec les épouses des mineurs qui attendent anxieusement le retour de leur mari coincé à 600 mètres sous terre. Le jour du sauvetage, la rumeur dit qu’elle aurait rappelé à l’ordre le Président qui souhaitait descendre lui-même au fond de la mine à bord de la capsule.

Pour l’heure, les manifestations des étudiants du secondaire et du supérieur qui durent depuis trois mois ont fait chuter la cote de popularité de son mari à 29%. Celui-ci semble en effet complètement dépassé par l’ampleur de la protestation.

La Première dame a donc établi un plan de communication avec Andrés Chadwick, le porte-parole du gouvernement, et s’est rendue au Sud du pays soutenir les familles victimes du tremblement de terre de l’année dernière. Elle a aussi rencontré les habitants d’un village de la côte contaminé par les rejets polluants d’une centrale thermique. L’objectif est clair: améliorer l’image du chef de l’Etat.

Mais les coups viennent aussi du cœur de la coalition de droite qui gouverne le pays depuis un an et demi. Sebastián Piñera incarne en effet un secteur ultra-libéral mais peu conservateur, dont le modèle serait plutôt Nicolas Sarkozy ou David Cameron. Or, cette tendance, pour des raisons électorales, doit cohabiter avec une droite pinochetiste, ultraconservatrice, proche de l’Opus Dei, qui voit d’un mauvais œil tout type de changement.

Ce secteur-là, Cecilia Morel tient fortement à s’en démarquer : "Je ne me suis jamais sentie appartenir au monde des aristocrates, car ils n’acceptent pas Sebastián, excepté les plus intimes. Ils nous rejettent car nous avons voté "non" (NdlR: au plébiscite organisé par Pinochet en 1988). A l’époque de Pinochet, je descendais dans la rue frapper sur les casseroles. Mes amis intimes m’ordonnaient de rentrer à la maison. On ne se parlait plus pendant six mois", explique-t-elle dans la revue "Paula".

Carte sociale et émotionnelle au sein du couple présidentiel, Cecilia Morel remplit son rôle parfaitement pour l’instant. Néanmoins, le schéma est peut-être un peu trop classique pour un pays qui reste encore marqué par le charisme de Michelle Bachelet, qui, divorcée, a exercé son mandat sans l’appui d’aucun conjoint.

lundi 22 août 2011

ARRESTATION DES 7 POLICIERS INCULPES DES 15 HOMICIDES DE LONQUEN


Les sept anciens policiers sont accusés de l'homicide des 15 personnes dont les restes ont été retrouvés dans ces « Fours de Lonquén ». Il s’agit d’anciens fours  pour le traitement de la chaux, désaffectés, et utilisés par les sbires pour dissimuler 15 cadavres. C’est aussi un des plus atroces massacres commis sous Pinochet, emblématique des nombreux crimes de sa dictature.
 
LES FAMILLES DES VICTIMES LORS D'UNE MESSE EN HOMMAGE AUX MARTYRS
DE LONQUEN - PHOTO LUIS NAVARRO

Par l’énormité des faits –quinze victimes entre 17 et 51 ans, tous des paysans, tués ensemble les mains attachées au dos et ensevelis clandestinement–, la macabre découverte a suscité à l’époque une grande commotion au Chili et au delà.

Elle est venue aussi confirmer ce que les organismes humanitaires de l’église et quelques avocats des droits de l’homme soupçonnaient depuis quelque temps : la dictature militaire procédait à des enterrements clandestins pour dissimuler des massacres. Ce fut la mise à jour du premier charnier secret de la dictature parmi une longue liste qui n’est toujours pas close, et il a fallu se rendre à l’évidence que le pays en était truffé.

La funeste trouvaille a fait réagir aussi le dictateur, qui craignant d’autres découvertes du même genre déclencha très vite l’opération « retrait de téléviseurs ».
Ce nom de code, transmis crypté fin 1978 aux unités militaires tout au long du pays, a consisté en repérer les charniers, déterrer en secret des centaines de cadavres, les mettre dans des sacs, les conduire à bord des hélicoptères Puma de l’armée de terre et les couler en mer au large des côtes chiliennes, préalablement lestés d’un morceau de rail.

Les inculpés sont le lieutenant colonel Lautaro Castro Mendoza –à l’époque capitaine– et les carabiniers Juan Villegas Navarro, Félix Sagredo Aravena, Manuel Muñoz Rencoret, Jacinto Torres González, David Coliqueo Fuentealba, José Belmar Sepúlveda et Justo Peralta Romo.

L'avocat des parents des victimes, Nelson Caucoto, s'est déclaré satisfait de la résolution.
Ce dossier douloureux a connu un sort long et complexe. L’appareil judiciaire de la dictature l’a d’abord enterré, puis a essayé de le couvrir par la loi d’amnistie édictée par Pinochet.

Des années de procédures se sont poursuivies pour arriver finalement à la vérité, et notamment l’efficace intervention d’experts étrangers en médecine légale qui ont longuement examiné les dépouilles.


En février 2010, le laboratoire Health Science Center de l'université de Texas a rendu les analyses de reconnaissance des victimes –qui auront duré presque quatre ans–, en identifiant 13 des 15 corps.
C’étaient un père et ses 4 fils ; trois autres frères d’une même famille ; un autre père et ses deux fils, et 4 autres jeunes sans liens de parenté. Tous les hommes d’un village.

Longtemps, on avait cru qu’ils avaient été fusillés, mais les expertises n’ont pas retrouvé des balles ni des traces de coups de feu. Ils ont tous été assassinés à coups de pied et à coups de crosse.

NOUVELLE MANIFESTATION MONSTRE À SANTIAGO EN FAVEUR DE L'ÉDUCATION

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NOUVELLE MANIFESTATION MONSTRE À SANTIAGO EN FAVEUR DE L'ÉDUCATION.
PHOTO PERIÓDICO EL CIUDADANO
Avec notre correspondante à Santiago, Claire Martin

Depuis trois mois, le gouvernement espère que la mobilisation étudiante s’essouffle. Elle ne cesse de grossir. Ce « mouvement étudiant » est en train de devenir un « mouvement social ». Et les analystes évoquent un « printemps chilien », un « mai 68 chilien ». La journée d’hier l’a démontré.

Les gens ont répondu massivement à la Marche familiale pour l’Education lancée à l’appel des étudiants et des professeurs. Parents, grands-parents, enfants ont marché, pancartes à la main, dans les rues de Santiago jusqu’au concert organisé dans le parc O’Higgins, un des plus grands parcs de la capitale. Une manifestation pacifique : c’est la deuxième fois que les étudiants réussissent ce tour de force.

Depuis la dictature d’Augusto Pinochet, qui s’est terminé il y a 21 ans, les manifestations massives se terminaient systématiquement par des heurts avec la police. Hier également, un groupe d’environ 300 étudiants et élèves du secondaire a entamé une marche vers le Congrès, qui se trouve à 120 km de distance, pour réclamer des solutions politiques. Plus préoccupant, trois élèves, entre 17 et 18 ans, en sont aujourd’hui à leur 35ème jour de grève de la faim pour revendiquer une meilleure éducation.

samedi 20 août 2011

CHILI : LE BILAN HUMAIN DE LA DICTATURE D'AUGUSTO PINOCHET REVU À LA HAUSSE

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LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COMISIÓN VALECH MARIA LUISA SEPULVEDA REND LE RAPPORT AU PRÉSIDENT CHILIEN, LE MILLIARDAIRE CONSERVATEUR SEBASTIÁN PIÑERA.. PHOTO ALEX IBAÑEZ


Avec notre correspondante à Santiago, Claire Martin

Près de 38 000 personnes ont été torturées sous la dictature d’Augusto Pinochet. Plus de 3 200 ont été tuées ou portées disparues. Ce sont les chiffres établis par la nouvelle Commission des droits de l’homme, chargée de compléter les informations jusqu’ici connues. En 1991, au lendemain de la dictature, un premier rapport, dit Rettig, a établi le nombre de morts et disparus au Chili. En 2005, un second, dit Valech, a comptabilisé les cas de tortures et d’arrestations pour raisons politiques.

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LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COMISIÓN VALECH MARIA LUISA SEPULVEDA REND LE RAPPORT AU PRÉSIDENT CHILIEN, LE MILLIARDAIRE CONSERVATEUR SEBASTIÁN PIÑERA.. PHOTO ALEX IBAÑEZ
Mais beaucoup de victimes avaient gardé le silence. Il y a un an et demi, une nouvelle commission a été formée. Elle a recueilli 32 000 témoignages et a retenu près d’un tiers d’entre eux. Pour l’association des disparus sous la dictature, « c’est une nouvelle offense faites aux victimes ». Cette dernière ne comprend pas que tant de cas aient été jugés irrecevables.

L’association rappelle aussi que ces rapports ne permettent pas de faire justice. Les noms des bourreaux, qui apparaissent dans les témoignages, sont gardés sous silence durant 50 ans. Le gouvernement devrait verser aux nouvelles victimes une réparation : 178 euros mensuels, en plus de bénéfices dans l'éducation et la santé.

LE SNESUP-FSU SE SOLIDARISE AVEC LES ETUDIANTS CHILIENS

LA MARCHE DES 100.000 PARAPLUIES, LE 18 AOUT A SANTIAGO. MALGRE LA NEIGE ET LA PLUIE, PRES DE CENT MILLE PERSONNES ONT DEFILE PACIFIQUEMENT POUR L'EDUCATION PUBLIQUE
Malgré les vacances d'hiver au Chili, des centaines de milliers d'étudiants et de lycéens, de professeurs, de parents et de citoyens ont envahi à plusieurs reprises les rues de Santiago, de Concepcion ou de Valparaiso pour exiger, à coups de grèves et d'occupations une Education publique gratuite et de qualité, et son inscription dans une nouvelle Constitution.

L'Enseignement supérieur est devenu un marché que se partagent de nombreuses universités privées qui, avec la complicité de la coalition libérale au pouvoir, spéculent sur les diplômes au détriment de la qualité de l'enseignement et de la recherche.

Les étudiants et les lycéens, accompagnés par la population, remettent en cause les politiques menées depuis des décennies, dénoncent des droits d'inscriptions démentiels et la marchandisation systématique de l'Education, poursuivie par la Concertacion (alliance sociale-démocrate et démocrate-chrétienne qui a succédé à Pinochet) dont le bilan est également dénoncé.

DEPUIS PLUS DE SIX SEMAINES, DES MILLIERS DE JEUNES CITOYENS ET LEURS FAMILLES
BATTENT LE PAVE DE SANTIAGO ET DES VILLES DU CHILI POUR L'EDUCATION PUBLIQUE

A cette exigence populaire, le gouvernement chilien répond par une répression sans précédent depuis la chute de Pinochet, avec l'arrestation de milliers d'étudiants ou lycéens et des centaines de blessés.

Ce mouvement étudiant et citoyen, le plus important depuis l'Unité populaire de 1970, s'élargit au-delà du milieu éducatif et dénonce notamment le saccage sauvage de l'environnement par les multinationales, l'exploitation des mineurs, la répression contre les Indiens Mapuche et bien d'autres régressions.

Ainsi, les 24 et 25 août, la centrale syndicale chilienne (CUT) appelle à deux jours de grève générale pour une confluence de toutes ces revendications à la fin des vacances d'hiver. Ces mouvements convergents mettent en difficulté un pouvoir contraint par le FMI et Washington, de plus en plus impopulaire et acculé à la répression.

Le SNESUP, qui soutint avec enthousiasme l'expérience de l'Unité populaire et le président Allende, qui aida les universitaires chiliens du temps de la dictature, applaudit et encourage cette explosion populaire, et lui apporte toute sa solidarité.
Le SNESUP interviendra concrètement pour maintenir et développer les collaborations universitaires, et pour soutenir à Santiago comme à Paris les collègues et étudiants dans cette lutte qui nous concerne plus que jamais. Plus que jamais, comme dans les années 1970, nous avons le Chili au cœur.

Paris, le 12 août 2011

lundi 15 août 2011

LE MAIRE DE SANTIAGO VEUT APPELER L’ARMÉE EN AIDE

Un effectif du redoutable escadron anti-émeutes en faction devant l'université du Chili. Les brutales mesures répressives de la police chilienne ont déjà fait l'objet d'interventions des organismes internationaux de défense des droits de l'homme et des mineurs.
En parlant des mobilisations des étudiants à l’approche du 11 septembre, date anniversaire du putsch sanglant de 1973 et jour de manifestations  débouchant souvent sur des incidents, Pablo Zalaquett a suggéré que « si les escadrons anti-émeutes de la police ne suffisent pas à les contrôler, on pourrait appeler l’armée en aide ». Il a ajouté que cela ne lui plaisait pas, « mais il me plaît encore moins que nous ayons à regretter des morts ou des blessés ».

Le maire Zalaquett a été un acteur présent dans ce conflit, en exprimant publiquement son rejet aux marches massives des étudiants –qui demandent des ressources pour l’éducation publique– car elles gênent la circulation en centre ville.

Ses déclarations ont provoqué l’indignation de l’opposition et l’embarras au sein de l’Udi, sa propre formation politique et celle du président, le milliardaire Sebastian Pinera, héritier politique de Pinochet et très contesté par la population.

Ingénieur commercial et proche du « jet-set » chilien, diplômé de l’université de Navarre, –le campus privé de l’Opus Dei fondé en Espagne sous la dictature, vivier des cadres du franquisme et qui fournit aussi plusieurs responsables du gouvernement Pinera–, le maire de Santiago ne craint apparemment pas de réveiller les démons récents de la vie politique chilienne.

En effet, des appels du même genre, savamment distillés et habilement combinés avec une vaste campagne de déstabilisation, ont précédé l’avènement des militaires au pouvoir et la longue nuit du Chili.

Aux moments où la protestation des étudiants arrive à un point décisif, alors qu’ils subissent une répression brutale et que des graves menaces ont été proférées contre ses dirigeants, ces propos du maire s’inscrivent dans une dangereuse escalade qui rappelle les heures les plus sombres du Chili.


samedi 13 août 2011

A LA UNE : LES ÉTUDIANTS CHILIENS NE DÉCOLÈRENT PAS

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LE GESTE DES ETUDIANTS QUI RENDENT LES GRENADES LACRYMOGENES ET EN DESSINENT LE SYMBOLE DE LA PAIX DEVANT LA MONEDA. PHOTO  HÉCTOR ARAVENA 

Cette initiative ne plaît pas du tout aux étudiants. « On n’a pas besoin de la médiation de l’Eglise », affirme une des porte-paroles du mouvement, Camilla Valejo, dans les colonnes de El Mercurio. L’étudiante en géographie est allée avec ses camarades au siège du gouvernement pour y déposer des restes de bombes lacrymogènes. Ces bombes ont été utilisées par la police pour disperser des manifestations. « Ce n’est pas avec ces outils-là que l’on entame des négociations », assure l’étudiante.

Le président chilien insiste sur la nécessité d’un compromis

Dans le journal La Tercera, Sebastian Piñera, affirme que l’on ne peut pas assurer une éducation supérieure gratuite pour tout le monde. Or, c’est une des revendications majeures des contestataires. Le président rappelle que, déjà, les étudiants les plus défavorisés ne paient pas de frais d’inscription à l’université mais il est impossible de faire plus, dit-il. Pour résoudre le conflit, qui dure depuis trois mois, le gouvernement appelle tous les acteurs à faire preuve de civisme. « Nous devons penser d’abord à notre pays, a lancé le porte-parole de l’exécutif ». C’est à lire dans le journal chilien La Tercera.