mercredi 21 août 2013

L'ONU CRITIQUE L'UTILISATION D'UNE LOI ANTITERRORISTE DE PINOCHET CONTRE LES MAPUCHE

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DES MAPUCHES LORS D'UNE MANIFESTATION DANS LA CAPITALE CHILIENNE EN OCTOBRE 2011. PHOTO D'ARCHIVES CLAUDIO SANTANA, AFP

Fin juillet, Ben Emmerson, le rapporteur spécial de l'ONU sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a recommandé « que cesse immédiatement tout usage de cette législation au sujet des revendications territoriales mapuche ». Cet avocat, expert en droit international, a affirmé que la loi antiterroriste « était utilisée comme mode de discrimination contre les Mapuche », première minorité indigène du Chili, avec quelque 700 000 membres, soit 6 % de la population.

«MANQUE DE FONDEMENT ET D'INFORMATION», RÉPOND LE MINISTRE

Il a recommandé au prochain président du Chili, qui sera élu en novembre, de créer un ministère des affaires indigènes qui « résolve la dette historique de l'Etat chilien » et en « finisse avec ce cycle de violence avant qu'il ne devienne incontrôlable ». Le sort des Mapuche dépend actuellement du ministère du développement social. Il a enfin souligné la nécessité de faire approuver par le Parlement chilien une loi garantissant la reconnaissance constitutionnelle des peuples aborigènes.

« Il ne nous paraît pas approprié qu'un observateur de l'ONU, qui n'a aucune responsabilité sur la sécurité du pays, émette un avis qui manque de fondement et d'information », a répondu le ministre de l'intérieur et de la sécurité, Andres Chadwick. Estimant que « le Chili n'est pas à l'abri des actions terroristes », il a défendu une « loi spéciale qui permette de les combattre ».

En janvier, après la mort d'un couple d'agriculteurs tué au cours de l'incendie de leur ferme, Cristian Larroulet, le secrétaire général de la présidence, avait indiqué : « nous sommes en présence d'un groupe terroriste organisé, bien entraîné, et qui a des contacts avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, extrême gauche) ». Le président Piñera s'était rendu sur les lieux dénonçant la violence de « groupes extrémistes ». La loi antiterroriste dictée en 1984 par le général Pinochet restreint les droits de la défense et durcit, notamment, le cadre de la détention.
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BEN EMMERSON, LE RAPPORTEUR SPÉCIAL DE L'ONU SUR LA PROMOTION ET LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES. PHOTO JEAN-MARC FERRÉ


« DETTE HISTORIQUE DE L'ETAT »

Les Mapuche (« peuple de la terre ») vivent pauvrement de l'agriculture et de l'élevage. Ils réclament la restitution de terres ancestrales entre les mains de grands propriétaires terriens et de multinationales. Ils sont l'un des rares peuples à avoir résisté, au XVIe siècle, à la conquête espagnole. Des affrontements les opposent régulièrement aux forces de l'ordre. Plus d'une dizaine de Mapuche ont été tués par balles au cours des dernières années lors de répressions dénoncées par des associations de défense des droits de l'homme, tel Amnesty International.

Le mouvement Mapuche est aujourd'hui affaibli par ses divisions. Les plus radicaux exigent le droit à l'autonomie et à l'autodétermination. Une dizaine de procès sont en cours contre 85 indigènes. « Aucun gouvernement ne s'intéresse à la cause Mapuche, ni celui de Piñera, ni les antérieurs de la Concertation de centre gauche, qui ont gouverné pendant vingt ans, après le retour de la démocratie », dénonce Jorge Huenchullan, le porte-parole de la communauté Mapuche de Temucuicui.

En 2009, sous le gouvernement de Michelle Bachelet – grande favorite pour le scrutin du 17 novembre –, la présidente socialiste avait également recouru à la loi antiterroriste pour des violences en Araucanie.