samedi 8 mars 2014

OFFENSIVE DES PAYS CONSERVATEURS SUR LES DROITS DES FEMMES EN EUROPE ET DANS LE MONDE

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NAJAT VALLAUD BELKACEM, MINISTRE DES DROITS DES FEMMES ET PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENTAU SÉNAT LE 9 JANVIER 2014 

De fait, plusieurs textes internationaux sont en cours de révision. Les Nations unies préparent ainsi pour 2015 une conférence « Pékin + 20 », destinée à réactualiser les objectifs fixés par la conférence de Pékin en 1995, parmi lesquels l'élimination de toute forme de discrimination, la garantie des droits à la santé et à l'éducation ou encore de ceux liés à la procréation. Dès septembre, doit avoir lieu, à New York, une réunion « Le Caire + 20 », censée réviser des objectifs liés au développement humain et aux dynamiques de population, intégrant en particulier les droits reproductifs et l'égalité entre femmes et hommes. La 3e conférence internationale sur la population et le développement s'était tenue dans la capitale égyptienne en 1994.

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AFFICHE DU PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS POUR LA JOURNÉE INTERNATIONALE DES DROITS DES FEMMES

TENSIONS LIÉES AUX DROITS SEXUELS

« Il s'agit, plus globalement, de redéfinir les Objectifs du millénaire pour le développement, dont la date butoir est 2015, à travers les nouveaux Objectifs du développement durable pour la période 2015-2030 », explique Nicolas Rainaud, chargé de plaidoyer à Équilibres & Populations, organisation non gouvernementale travaillant à l'amélioration des conditions de vie et du statut des femmes. Dans les enceintes onusiennes, le thème qui crée le plus de tensions diplomatiques est toujours celui lié aux droits sexuels et à la santé reproductive. Certains pays ne veulent pas entendre parler de “droits”. »

Alors que, sur ces questions, des progrès avaient été enregistrés ces dernières années, la tendance semble aujourd'hui à la stagnation, voire à la régression. Il n'est même pas certain qu'un nouveau texte sera soumis à la conférence « Le Caire + 20 ». Il pourrait n'y avoir qu'un simple état des lieux, région par région, sans nouveaux objectifs.

RÉTICENCES EN EUROPE

En Europe, la Pologne et Malte sont les plus réticents. La Russie et la Hongrie freinent également, ce qui était aussi le cas de l'Irlande jusqu'à récemment. Le Vatican, selon les spécialistes du dossier, est à la manœuvre. Une offensive religieuse relayée par les pays musulmans les plus intégristes, dans le Golfe comme en Afrique.

Cette bataille sur les textes se traduit dans les faits, à des degrés divers. En Espagne, le gouvernement tente de revenir sur le droit à l'avortement. En France, les oppositions au mariage pour tous se sont fortement exprimées dans la rue. En Ouganda, une loi antihomosexualité particulièrement dure a entraîné une réaction de la communauté internationale ainsi que le report d'un prêt de la Banque mondiale.


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L'ÉTAT DES LÉGISLATIONS SUR L'AVORTEMENT DANS LE MONDE

RÉPONSE À UNE ORIENTATION TROP « LIBÉRALE »

Pour Xavier Lacroix, doyen de la faculté de théologie de Lyon et représentant de l'Eglise catholique au sein du Conseil consultatif national d'éthique, il ne s'agit pas d'une offensive réactionnaire, mais d'une réponse à une orientation jugée trop « libérale » au niveau international. « Plutôt qu'un retour en arrière, il y a plutôt une fuite en avant et donc la nécessité, pour l'Eglise, de freiner le mouvement, explique-t-il. La liberté de choix individuel est le maître mot aux Nations unies. Or, pour l'Eglise, ce n'est pas le critère absolu. Il y a aussi le respect du bien commun, de la cellule familiale de base : père, mère et enfant. »

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AFFICHE DE LA JOURNÉE POUR LES DROITS DES FEMMES À STRASBOURG 2013
Devant cette contre-offensive, nombre de pays restent prudents quant à la nécessité de rouvrir certains débats. Le risque d'un recul n'est pas à écarter, disent-ils. « A partir du moment où l'agenda post-2015 est sur la table, on va devoir se battre, estime Pascal Canfin, le ministre français délégué au développement. On est dans une logique offensive, tout en ayant conscience qu'il existe un risque de régression. » « Les pays les plus conservateurs parlent le plus fort, ajoute Mme Vallaud-Belkacem. Il faut que les pays progressistes se mobilisent, se fassent entendre. »

Pour gagner la bataille, « il faut, montrer que l'accès des femmes aux différents services, santé, travail… est une question de droit, mais aussi d'efficacité », fait valoir M. Canfin, qui défend une approche pragmatique, susceptible d'entraîner des pays comptant parmi les plus réfractaires aux problématiques de droits sexuels des femmes. « Le développement ne peut exister si les femmes en restent à l'écart », ajoute-t-il.

Rémi Barroux 
Journaliste au Monde