vendredi 20 février 2015

22 FÉVRIER 1944 : PLACARDAGE DE «L’AFFICHE ROUGE»

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« L’AFFICHE ROUGE »
DES LIBÉRATEURS PRÉSENTÉS COMME DES CRIMINELS
Il faisait partie des Francs-tireurs et partisans – Main-d’œuvre immigrée. Il furent arrêtés en novembre 1943. Les 22 hommes sont fusillés le 21 février 1944 au fort du Mont-Valérien. Olga Bancic, la seule femme du groupe, est décapitée le 10 mai à Stuttgart, en application du manuel de droit criminel de la Wehrmacht interdisant alors de fusiller les femmes.
Tout de suite après, une affiche est placardée en 15000 exemplaires sur les murs de France. Le tract qui l’accompagne présente ces libérateurs de l'intérieur comme un ramassis de tueurs  
« Si des Français pillent, volent, sabotent et tuent... Ce sont toujours des étrangers qui les commandent. Ce sont toujours des chômeurs et des criminels professionnels qui exécutent. Ce sont toujours des juifs qui les inspirent. C’est l’armée du crime contre la France. Le banditisme n’est pas l’expression du Patriotisme blessé, c’est le complot étranger contre la vie des Français et contre la souveraineté de la France. »

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L’affiche, éditée par le Centre d’études antibolchéviques,  devait servit à la propagande nazie qui stigmatisa l’origine étrangère de la plupart des membres de ce groupe. Mais les visages des résistants suscitèrent plutôt la sympathie et l’admiration : de nombreux anonymes déposèrent des fleurs au pied des affiches et collèrent des bandeaux sur lesquels on pouvait lire : « Oui, l’armée de la résistance », « Morts pour la France », ou encore « Des martyrs ».


Voici ce qu’en disait l’écrivain Simone de Beauvoir
MISSAK MANOUCHIAN © (CRDA)
dans son autobiographie : «À Paris, les occupants ne collaient plus d’«Avis» aux murs ; cependant ils affichèrent les photographies des «terroristes étrangers» qu’ils condamnèrent à mort le 18 février et dont vingt-deux furent exécutés le 4 mars : malgré la grossièreté des clichés, tous ces visages qu’on proposait à notre haine étaient émouvants et même beaux; je les regardai longtemps, sous les voûtes du métro, pensant avec tristesse que je les oublierais. » (La Force de l’âge)



QUELQUES-UNS DES RÉSISTANTS DE L’AFFICHE ROUGE, DANS LA COUR DE LA PRISON DE FRESNES. L’ARMÉNIEN MISSAK MANOUCHIAN EST LE 6ÈME EN PARTANT DE LA DROITE.  LES FRANCS-TIREURS ET PARTISANS - MAIN-D'ŒUVRE IMMIGRÉE (FTP-MOI) SONT UN  MOUVEMENT DE RÉSISTANCE ARMÉE À L'OCCUPATION NAZIE EN FRANCE. 


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« STROPHES POUR SE SOUVENIR », POÈME DE LOUIS ARAGON, CE POÈME EST CHANTÉ PAR LÉO FERRÉ SOUS LE TITRE «L'AFFICHE ROUGE». DURÉE: 00H03:33





Strophes pour se souvenir

«Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents

Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers momentsEt c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses

Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan

Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée o mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant. »


Louis Aragon (1897 - 1982) « Strophes pour se souvenir », poème extrait du Roman Inachevé, en 1955, en mémoire du groupe Manouchian, résistants étrangers fusillés par la Gestapo en 1944