mercredi 8 avril 2015

UN BOURREAU TRÈS BIEN PROTÉGÉ

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MICHAEL VERNON TOWNLEY WELSCH SICAIRE 
DE LA DINA LA GESTAPO DE PINOCHET. CAPTURE D'ÉCRAN
La justice autorise un agent de l’ex-dictature chilienne à ne pas verser son dû à la femme d’un fonctionnaire international assassiné à Santiago en 1976
MICHAEL TOWNLEY SICAIRE DE LA DINA
CAPTURE D'ÉCRAN 
Michael Vernon Townley est ce qu’on appelle un «témoin protégé». Pour avoir aidé la justice américaine à éclaircir une affaire de première importance à la fin des années 1970, il est défendu par elle, depuis, contre tous ceux qui souhaitent lui faire payer ses crimes. Un tribunal de Washington en a donné une nouvelle preuve le mois dernier en refusant réparation à la veuve d’une de ses victimes, Carmelo Soria, un fonctionnaire international assassiné à Santiago en 1976, sous la dictature de Pinochet.

Né aux Etats-Unis en 1942, Michael Townley est parti avec ses parents pour le Chili à l’âge de 14 ans. Il y a séjourné longuement et, devenu adulte, s’est mis à y travailler pour la CIA. Violemment anticommuniste, il a quitté son pays d’adoption lors de l’arrivée au pouvoir du président socialiste Salvador Allende. Puis il y est revenu quelques années plus tard, après le renversement des autorités de gauche par une junte d’extrême droite.

Participation à un attentat

MICHAEL TOWNLEY SICAIRE DE LA DINA
Un retour macabre. Michael Townley s’est mis au service de la police secrète de la dictature, la tristement célèbre Direction nationale du renseignement (DINA), qui a été pendant des années à la pointe de la répression. Il a notamment participé à l’assassinat du général Carlos Prats, ancien chef d’état-major de l’armée chilienne, et de sa femme à Buenos Aires en 1974 et au meurtre de Carmelo Soria, un militant communiste espagnol en poste à Santiago au siège d’une instance onusienne, la Commission économique pour l’Amérique latine. Arrêté en pleine rue par des militaires, le fonctionnaire international a été retrouvé mort avec des traces de torture deux jours plus tard. Un supplice qu’il a enduré au moins partiellement au domicile de l’Américain.

Mais Michael Townley a été mêlé à un crime plus grave encore. Il a participé à l’attentat à la voiture piégée qui a tué l’ancien ministre des Affaires étrangères du gouvernement socialiste, Orlando Letelier, en 1976 au cœur de Washington. Si les Etats-Unis avaient jusqu’alors toléré les crimes de la junte chilienne, ils n’ont pas supporté que leur capitale en devienne le théâtre. Ils ont alors proposé à leur ressortissant de leur détailler le complot en échange d’un statut de «témoin protégé».

Dans un célèbre jeu vidéo


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MICHAEL DE SANTA, NÉ MICHAEL TOWNLEY, EST UN PERSONNAGE FICTIF 
DU JEU GRAND THEFT AUTO V, FIGURANT PARMI LES TROIS PROTAGONISTES
 DU CINQUIÈME ÉPISODE DE LA SÉRIE GRAND THEFT AUTO.

LA RÉALITÉ 
LA CASA DE LO CURRO

Cela fait maintenant plus de trente ans que le personnage vit sous une fausse identité. Mais les proches de certaines de ses victimes sont toujours aussi décidés à le poursuivre. Après une très longue procédure, la veuve de Carmelo Soria, Laura Gonzalez-Vera, a obtenu de la justice espagnole qu’elle condamne Michael Townley à lui payer 7 millions de dollars. Un verdict confirmé par un tribunal américain.

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Mais cette peine restait théorique. Lorsqu’il s’est agi de passer à la pratique, une cour américaine a jugé que Michael Townley ne possédait pas les moyens financiers suffisants pour verser une telle somme. Elle a décidé que Laura Gonzalez-Vera recevrait plutôt de l’assassin de son mari 75 dollars par semaine, estimant que c’est ce montant qu’elle pouvait «raisonnablement attendre». Mais c’était encore trop, apparemment, pour l’ancien agent de la CIA et de la DINA, qui a régulièrement omis de payer son dû.

La veuve, décidée à défendre ses droits, a émis plusieurs recours ces dernières années. Elle a notamment demandé une augmentation de l’amende après avoir appris que Michael Townley intéressait les milieux du spectacle. Soit un producteur de cinéma, qui projetait de réaliser une série télévisée inspirée de sa vie, et des fabricants de jeux vidéos, qui souhaitait inscrire son personnage dessiné dans Grand Theft Auto V. Laura Gonzalez-Vera a prié parallèlement la justice de bien vouloir contraindre le criminel à verser au moins les 75 dollars auxquels il a été condamné.

Un juge de la Cour de district de Washington lui a répondu le 19 mars dernier qu’il lui était légalement impossible d’élever l’amende comme de contraindre Michael Townley à verser ses 75 dollars. Sur ce dernier point, il était envisageable de lui demander d’acquitter son dû mais pas de le lui imposer. Le magistrat reconnaît la faiblesse de son verdict. Mais, souligne-t-il, l’équilibre entre intérêt des plaignants et intérêt des témoins protégés a été fixé par le Congrès.