mercredi 30 mars 2016

CHILI: LE SALON DE L'AÉRONAUTIQUE, UNE «PORTE D'ENTRÉE» EN AMÉRIQUE LATINE

SALON DE L'AÉRONAUTIQUE

Le salon biennal se vante de générer des échanges commerciaux dérivés d'environ 2,1 milliards de dollars, selon des estimations basées sur les résultats de la précédente édition.

Les deux principales attractions du Salon ont été présentées lundi aux médias à la veille de son ouverture au public: le chasseur furtif américain F-22 Raptor, bijou technologique dont les Etats-Unis protègent soigneusement les secrets qui font de lui l'avion de combat le plus puissant du monde et l'Airbus A350 XWB, considéré comme l'avion de ligne le plus moderne du monde.

Ce salon, qui s'achèvera dimanche, «porte d'entrée du marché sud-américain», constitue une «opportunité pour le marché régional de voir des choses qui se trouvent à l'autre bout du monde, comparer des systèmes orientaux et occidentaux» et se faire une idée pour des achats futurs, a déclaré à l'AFP son directeur exécutif, Fernando Silva.


afp/al

dimanche 27 mars 2016

PREMIER CAS DE TRANSMISSION DE ZIKA AU CHILI

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LA MONDIALISATION DU VIRUS ZIKA, DE L’AFRIQUE AUX AMÉRIQUES

Le moustique Aedes Aegypti, qui transmet Zika et d’autres virus comme celui de la dengue, n’est pas présent dans la partie continentale du Chili.


MOUSTIQUE FEMELLE  FAMILLE CULICIDAE
AEDES AEGYPTI MOUSTIQUE COMMUN.
PHOTO DAVID SCHARF
Le pays avait auparavant confirmé l’existence de 10 cas de Zika sur son territoire mettant tous en cause des gens ayant séjourné à l’étranger. 

Les autorités médicales chiliennes recommandent à ses citoyens ayant voyagé dans des régions touchées par le virus d’avoir des relations sexuelles protégées durant les quatre premières semaines suivant leur retour. 

La présence de l’Aedes Aegypti a été détectée sur le territoire de l’Île de Pâques, située à quelque 3500 kilomètres du Chili dans l’océan Pacifique.

samedi 26 mars 2016

LE VOL DU CONDOR ET LES FILS DE PUTE

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UNE MANIFESTANTE A INTERPELLÉ HENRY KISSINGER POUR AVOIR 
«SUPERVISÉ LES MASSACRES DU VIETNAM, DU CAMBODGE ET DU LAOS», 
AINSI QUE LE COUP D'ÉTAT AU CHILI QUI A RENVERSÉ 
SALVADOR ALLENDE EN SEPTEMBRE 1973. 
PHOTO GARY CAMERON

Le « Plan Condor » fut élaboré et mené « à bien », conjointement, par les barbouzes, les services secrets, les escadrons de la mort des dictatures terroristes des années 1970 en Amérique du sud : le Chili, le Brésil, la Bolivie, le Paraguay, l’Uruguay, l’Argentine. Les régimes militaires pouvaient ainsi traquer sans frontières, enlever, torturer, assassiner les « subversifs », les « communistes » (concept fort large), dans n’importe quel pays du « plan » et même extra-territorialement aux Etats-Unis et en Europe.
BERNIE SANDERS À HILLARY CLINTON - « JE SUIS FIER DE DIRE QU'HENRY KISSINGER N'EST PAS MON AMI. » *
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JUAN MANUEL GUILLERMO CONTRERAS SEPÚLVEDA, 
FUT LE DIRECTEUR DE LA DINA GESTAPO DE PINOCHET
Le concepteur de cette transnationale du crime
politique : le général fasciste binoclard Pinochet, tueur psychopathe, flanqué de son «directeur» des tortionnaires de la DINA (Manuel Contreras), roulait pour le très délicat et cultivé président Nixon. Et pour le « monde libre », celui dont la vocation reposait sur le refoulement du «communisme», de l’empire du mal. En novembre 1975 se tint à Santiago du Chili une réunion dégradée de « hauts gradés » sanglants des dictatures du cône sud, afin de coordonner leurs opérations répressives de nettoyage politique. Le Chili ne fut qu’apparemment le nid du condor : le véritable nid se nichait (et se niche encore) à Washington. Cette coordination criminelle s’inscrivait dans la politique interventionniste des Etats-Unis, dans le cadre géopolitique de la « guerre froide » et de la doctrine dite de « sécurité nationale » ; la lutte contre « l’ennemi intérieur », le plus dangereux : le peuple.

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HENRY KISSINGER, AUGUSTO PINOCHET ET ANTONIO FRANCISCO AZEREDO DA SILVEIRA, 
LORS D'UNE RÉCEPTION À L'AMBASSADE DU BRÉSIL À SANTIAGO DU CHILI. 
PHOTO UPI 

En 1982 furent découvertes au Paraguay les archives secrètes du « Plan Condor ». Elles étaient censées dormir pour l’éternité, faire oublier les 50.000 tués entre 1975 et 1983, les 35.000 disparus (syndicalistes, religieuses, montoneros, tupamaros, communistes, enseignants...). Lestés, les corps des suppliciés étaient jetés d’un avion dans l’océan. «Vols de la mort», torture électrique, viols, étouffement, noyade, les tortionnaires avaient carte blanche à leur imagination sadique, pour le compte de leurs maîtres du Pentagone, de la CIA, du FMI. Le « terrorisme d’Etat » pour liquider les militants, les résistances. Hier comme aujourd’hui...

LES DICTATEURS PINOCHET, VIDELA ET STROESSNER
Les bourreaux suivirent assidûment les cours de l’université barbouzarde française. La France, bonne mère, exporta son savoir faire algérien en matière de «pacification», de «corvées de bois» et de «guerre subversive». Elle envoya des démocrates , anciens de l’OAS, fins connaisseurs en matière de droits de l’homme. Elle installa, de 1959 à 1981, une «mission militaire permanente à Buenos Aires»... Le général Aussaresses, attaché militaire au Brésil, partagea ses lumières, forma des eh mules, des bourrins, des croisés, des tueurs, couverts par la DST, omniprésente en Amérique du sud dans la lutte contre l’émancipation, qualifiée de «lutte contre le terrorisme». À quand une auto critique, un bombardement critique, du trio infernal?

Le papa du Condor, un dénommé Henry Kissinger, reçut le prix Nobel de la paix, mérité, pour contribution à la juste cause.
Une con-décoration gagnée de haute lutte anti-communiste. À quand la béatification des bienfaiteurs de l’humanité: Pinochet ?  Videla ? Stroessner ? Somoza ? Somoza le nicaraguayen dont le président Roosevelt des States dit en 1939: «c’est peut -être un fils de pute, mais c’est notre fils de pute». 
Putain : bien vu !! Et il en reste des «fils de put »! Pas seulement en Amérique du sud. Tu as raison Eduardo. ¡Cuídate !

vendredi 25 mars 2016

31 ÈME ANNIVERSAIRE DE LA MORT DE GUERRERO, NATTINO ET PARADA 1985 -29 MARS- 2016




DILMA ROUSSEFF : ENTRETIEN


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LA PRÉSIDENTE BRÉSILIENNE, DILMA ROUSSEFF.
PHOTO ANDRESSA ANHOLETE 
L’économie s’effondre, la corruption gangrène son parti, la rue appelle à sa destitution, le Congrès l’empêche de gouverner, mais Dilma Rousseff, présidente du Brésil, réélue avec une courte majorité, fait front. Ni abattue, ni déprimée. Dans un entretien à cinq journaux étrangers, dont Le Monde, elle assure ne pas être impliquée dans le scandale de l’entreprise pétrolière Petrobras et de groupes du bâtiment et travaux publics (BTP), qui éclabousse les dirigeants politiques brésiliens.
Évoquant la procédure de destitution («impeachment») dont vous faites l’objet, vous parlez d’un «coup d’État». Est-ce approprié ?

En Amérique latine, nous avons vécu des coups d’État militaires. Nous vivons aujourd’hui dans un système démocratique, et les coups d’État ont changé de nature. Un coup d’État aujourd’hui correspond à la violation de la Constitution qui garantit les droits individuels, institutionnels, l’indépendance des pouvoirs et le respect des droits de l’homme. La loi est claire : pour qu’il y ait impeachment, il faut qu’il y ait un crime de responsabilité. La motivation de la procédure en cours est fragile : on me reproche le pédalage fiscal [recours à des emprunts auprès d’établissements publics pour financer des dépenses budgétaires qui seront portées au débit des comptes publics avec un décalage]. Un procédé que, jusqu’à mon premier mandat, tous les présidents ont utilisé.

Une procédure de destitution sans base légale constitue un coup d’État institutionnel. C’est dangereux. La population brésilienne manifeste. Je suis favorable aux manifestations. Je suis d’une génération où, quand on ouvrait la bouche, on allait en prison. Il faut écouter la rue, mais la clameur de la rue ne peut être utilisée pour contraindre des députés, des ministres. Ce ne sont pas des méthodes démocratiques. Ce sont des méthodes fascistes.

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LA PRÉSIDENTE BRÉSILIENNE, DILMA ROUSSEFF. 
PHOTO JEFFERSON BERNARDES 
Si la procédure de destitution venait à aboutir, quelle serait votre réaction ?

Dans une démocratie, on se doit de réagir démocratiquement. Nous aurons donc recours à tous les instruments légaux en notre pouvoir pour mettre en évidence ce coup d’État. Si on ne répond pas à cette violation constitutionnelle, la vie politique brésilienne en gardera des cicatrices profondes. Nous devons réagir, répondre à l’ordre intimé par les manifestants «Nao vai ter golpe !» («il n’y aura pas de coup d’État»). Notre démocratie est née de luttes, de morts, de tortures, de tentatives, d’erreurs, de succès, nous ne devons pas l’affaiblir.

La nomination de l’ancien président Lula comme ministre de la « Casa Civil », sorte de premier ministre ou chef de cabinet, a été perçue comme une manœuvre visant à lui éviter la prison…

Tout est fait pour fragiliser mon gouvernement. La venue de Lula me renforcerait. Lula n’est pas seulement un habile négociateur, il connaît très bien les problèmes du Brésil. Il est sans l’ombre d’un doute le meilleur leader depuis Getulio Vargas. Nous avons travaillé ensemble, bâti une série de programmes sociaux, comme «Minha Casa Minha Vida» [«ma maison, ma vie» pour l’accès à la propriété]. Supposer que l’[ex]-président viendrait au gouvernement pour se protéger ne peut naître que dans l’esprit de quelqu’un qui cherche les problèmes.

Quelle protection étrange ! Un ministre n’échappe pas aux poursuites. Il dépend de la Cour suprême, que personne ne peut contester. La question n’est pas d’être jugé ou pas, mais par qui. Supposer que la Cour suprême est plus légère révèle une méconnaissance du droit pénal brésilien. L’affaire du «Mensalao» [scandale d’achat de voix au Congrès en 2005] a été jugée par la Cour suprême. Quoi qu’il advienne, Lula viendra m’épauler, si ce n’est en tant que ministre, ce sera en tant que conseiller.



Pourquoi ne pas s’en tenir à ce rôle ?

Lula n’a jamais cessé d’être mon conseiller. Je l’ai convié au gouvernement depuis le début de mon second mandat. Voyant la crise s’installer, il a fini par accepter.

Que répondre à ceux qui vous suggèrent de démissionner ?

Pourquoi démissionner ? Car je suis une femme fragile, ou pour éviter de m’obliger à partir pour de faux motifs ? On dit, «elle doit être épuisée». Ce n’est pas le cas. J’ai été emprisonnée trois ans [sous la dictature militaire]. La lutte pour la démocratie de mon pays me donne la force. Je ne suis pas déprimée. Je dors bien. Pour m’ôter le pouvoir, il faudra des preuves.

Convoquer Lula comme premier ministre, n’est-ce pas une forme de renoncement ?

Lula est mon partenaire. J’ai aidé Lula lorsqu’il était confronté à l’adversité. En 2005, j’ai été son ministre de la Casa Civil en pleine crise du «Mensalao». J’ai la certitude qu’il m’aidera aussi. En aucun cas il ne s’agit d’une démission, c’est l’union des forces.

Les scandales de corruption ont conduit à une défiance généralisée des politiques. Comment restaurer la confiance ?

Quand on commence à remettre en question les dirigeants politiques, surgit la quête d’un «sauveur de la patrie» qui peut mener à la tentation autoritaire. Le système brésilien tel qu’il est mènera régulièrement à des crises. Un gouvernement a besoin de trois partis, cinq au maximum. Au Brésil, il en faut une douzaine. Il faut conclure un pacte pour dessiner l’issue démocratique de cette crise. Nous pouvons modifier les choses, mêler le présidentialisme au parlementarisme, approfondir le présidentialisme… Mais ceci ne peut être fait sans un accord. Il faut un dialogue. Prendre son temps. Les conquêtes se font à cheval, gouverner se fait à pied.

Que dire de l’économie ?

Nous avons dû mener une cure d’austérité, non pas pour cesser les programmes sociaux mais pour les maintenir. Pour cela, il nous fallait des recettes supplémentaires. Mais il y a eu cette attitude démagogique consistant à bloquer les lois visant à obtenir des recettes supplémentaires. Il faut en finir avec ça. Nous avons les moyens de sortir de la crise cette année. Le mode de pensée de l’opposition qui consiste à dire «le pire pour le gouvernement sera le mieux pour nous» est pervers.

Craignez-vous une explosion sociale ?

Le Brésil n’est pas un pays en insurrection. Mais je déplore la montée de l’intolérance politique, la confrontation à laquelle se livrent les deux camps [opposant les défenseurs de l’impeachment aux défenseurs du PT]. Des amis, des familles se battent, ce n’est pas une bonne base pour la démocratie. A la veille des manifestations du 13 mars [réclamant l’«impeachment»], j’ai parlé à la télévision pour rappeler le droit de manifester, pas d’être violent. Je crois en l’esprit pacifique du peuple brésilien.

Des soupçons planent sur vos campagnes électorales. Avez-vous bénéficié de financements illégaux ?

Non. Toutes mes campagnes ont été approuvées par la Cour des comptes. Toutes. J’aimerais savoir où sont les financements illégaux. Joao Santana [publicitaire de sa campagne soupçonné dans le cadre de l’enquête Lava Jato] et sa femme n’ont rien à confesser à ce sujet.

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PHOTO PEDRO LADEIRA

En tant que ministre de l’énergie, vous étiez au conseil d’administration de Petrobras. Comment pouviez-vous ignorer le scandale ?

Il y a une différence entre directeur exécutif et conseil d’administration. Le conseil d’administration reçoit ses informations de directeurs exécutifs. Je n’étais pas seule membre du conseil d’administration. Nous étions un groupe. Aucun de nous n’a rien su de ce scandale.

LE CHILIEN CODELCO ENREGISTRE UNE PERTE NETTE DE 1,3 MRD USD EN 2015


Hors la dépréciations d'actifs, le groupe aurait dégagé un bénéfice légèrement supérieur à 1 milliard de dollars, a-t-elle ajouté. Le résultat final est une perte comptable de 1,3 milliard de dollars.

«Ce doit être une des plus mauvaises années. J'espère que ce sera la plus mauvais (de son histoire) », a déclaré Nelson Pizarro, le président exécutif de l'entreprise, lors de la présentation des résultats.

En 2014, Codelco avait publié un bénéfice net de 3,03 milliards de dollars, en chute de 22% par rapport à 2013.

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PHOTO CODELCO


Le résultat 2015 est notamment plombé par une chute du cours du cuivre de 20%, le métal rouge passant de 3,11 dollars la livre en moyenne en 2014 à 2,49 en 2015, dans un contexte de faible demande de la Chine, premier acheteur mondial.

De son côté, la production de l'entreprise publique a augmenté en 2015 de 3,6%, totalisant 1,7 million de tonnes, alors que les coûts de production ont chuté de 8%.

«Notre production a été historique, nos coûts ont été historiques, notre performance a été historique, tout a été positif, mais cela n'a pas été suffisant pour compenser la chute brutale des cours » du cuivre, a poursuivi Nelson Pizarro.

Pour faire face à la chute des cours, le groupe public chilien s'est lancé dans un vaste plan d'économies de 1,2 milliards de dollars en 2015, impliquant des réductions de postes et une révision à la baisse de ses investissements sur les cinq prochaines années, auxquels s'ajouteront 574 millions de dollars d'économie en 2016.


afp/rp

L’EAU : UN PROBLÈME STRATÉGIQUE POUR LE NORD DU CHILI

Résumé
Aujourd’hui, et bien plus encore demain, l’eau est devenue un enjeu de puissance et une source de tension entre États. L’eau est déjà placée au cœur des priorités stratégiques et des problématiques de sécurité collective de certains pays. Franck Galland en apporte le témoignage à travers l’analyse d’exemples concrets issus de la partie nord du Chili. Une rareté grandissante de la ressource en eau dans cette partie du monde est jugée de plus en plus problématique pour les sociétés minières qui exploitent le cuivre dans cette région. Le problème est d’autant plus grave pour les compagnies minières internationales que le gouvernement bolivien a récemment fait valoir ses droits sur le bassin de la Silala, qui est essentiel pour l’alimentation en eau du Nord du Chili. En conséquence, des nouvelles tensions diplomatiques entre Chili et Bolivie sont apparues.
 
Au-delà des constats et des perspectives, l’auteur apporte un éclairage sur les réflexions gouvernementales en cours et les décisions stratégiques à attendre de pays assez avancés sur les concepts de « water security » ou d’« environmental security », que sont la Grande-Bretagne, et surtout les États-Unis. Pour les experts en sécurité du Pentagone, ou d’instituts de recherche stratégique anglo-saxons, la question de l’eau devient d’une telle criticité dans certaines parties du monde, qu’elle impose de nouvelles postures stratégiques et des capacités de réponse opérationnelle aux crises « hors cadre » qui pourraient se produire.



Dans Géoéconomie 2009/2 (n° 49)





par Franck Galland

Un partenariat entre Chili et Jordanie

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Une rencontre au sommet a pu paraître anecdotique pour les spécialistes de la politique étrangère chilienne. À Santiago, le 20 octobre 2008, la présidente du Chili, Michelle Bachelet, recevait en effet, avec tout le faste dû à son rang, Sa Majesté le roi Abdallah de Jordanie. Certains analystes, occidentaux en particulier, ont pu juger sans grand intérêt cette visite d’État. Leur jugement était cependant erroné. On ne peut en effet que regretter que celui-ci ne s’arrête qu’à la simple vision protocolaire de cette visite. Ce jugement se fonde sur des critères certes objectifs – il est vrai que Jordanie et Chili sont deux pays aussi éloignés géographiquement, politiquement que culturellement – mais j’ai bien peur qu’il manque considérablement de recul. Car pour qui s’attarde sur les raisons profondes de ce déplacement, il s’avère qu’une cause plus stratégique a motivé la venue du roi de Jordanie dans la capitale chilienne : l’eau.

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Pour preuve de la finalité de cette visite, l’accord de coopération qui a pu être signé par les deux pays sur l’optimisation des ressources en eau. Celui-ci prévoit également un échange d’expérience destiné à faciliter la distribution d’eau vers les secteurs de l’industrie et de l’agriculture. Chili et Jordanie ont en effet pour particularité commune de manquer d’eau sur tout ou partie de leur territoire. Ils ont également en commun de devoir gérer la demande – croissante pour le Chili, naissante pour la Jordanie – d’une industrie minière traditionnellement très consommatrice en eau.

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Par ailleurs, une des motivations de l’accord signé entre Jordanie et Chili porte sur les difficultés rencontrées par le pompage de l’eau dessalée vers les zones urbaines. Dans ce domaine, il est vrai que la Jordanie dispose d’une expérience certaine qu’elle peut transmettre au Chili. Situé dans une zone semi-aride, le royaume de Jordanie reçoit sur seulement 6 % de sa superficie des précipitations supérieures à 300 mm/an, quantité estimée minimale pour faire pousser du blé. Alors que les eaux de surfaces du royaume n’excèdent pas 530 millions de m3 par an, ses ressources souterraines disponibles ne sont plus que de 400 millions de m3 par an. La quantité d’eau disponible par habitant est ainsi passée de 249 m3/an en 1993, à 163 m3/an et l’on s’attend à un déclin supplémentaire qui atteindra 109 m3/an en 2020 (quand la France dispose en moyenne de 3 000 m3 de ressources disponibles par habitant et par an [1][1] Gestion et hydrodiplomatie de l’eau au Proche-Orient,... !). D’où l’obligation pour une ville comme Amman de trouver des ressources d’eau alternatives, dans un contexte où la capitale jordanienne a maintenant dépassé le stade des 6 millions d’habitants (contre 4,1 millions au recensement de 1994), croissant annuellement de 2,4 % pour atteindre les 9,3 millions d’individus en 2020.

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Afin de répondre au défi que représente l’alimentation en eau d’Amman, la Jordanie est ainsi allée à la recherche de nouvelles sources d’eau, éloignées de sa capitale. Degrémont, filiale de Suez Environnement, a été mandaté pour réaliser ce projet. Il vise la construction et l’exploitation d’une usine de dessalement de 47 millions de m3/an destinée à traiter des eaux de surface issues des sources salines de Wadi Ma’in, Zara et Wadi Mujib. Celles-ci sont ensuite acheminées par un pipeline long de 40 km jusqu’à Amman, via six stations de pompages. Pour qui connaît la zone de la mer Morte, et sa déclinaison par rapport à Amman, ce projet est un véritable challenge technique puisque la première station de pompage se situe à -342 m par rapport au niveau de la mer, et la dernière, avant d’arriver au réservoir d’Amman-Dabouq, à + 947 m. On comprend ainsi mieux pourquoi la Jordanie semble vouloir faire part de son expérience dans le domaine du pompage au Chili.

Géopolitique de l’eau au nord du Chili

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Dans les faits, la région septentrionale du Chili connaît un déficit hydrique chronique, qui est maintenant arrivé à un stade critique. Cette situation pose d’énormes difficultés aux compagnies d’extraction minière qui sont très actives dans la production de cuivre dans les deux régions de Tarapaca et d’Antofagasta, les plus au nord du pays. Dans une zone qui est sans doute la plus aride du monde, car en partie recouverte par le désert d’Atacama, les compagnies minières sont maintenant structurellement soumises à des restrictions imposées par l’autorité régionale de protection de l’environnement, la Corema, de façon à limiter les ponctions qu’elles exercent sur les eaux de surfaces. Ce fut en particulier le cas pour la mine de cuivre de Collahuasi, co-exploitée par Anglo-American et Falconbridge, qui a dû diminuer fin 2005 son utilisation de la Salar Coposa de 1 000 litres/seconde à 750 litres/seconde.

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Cette tendance ne va faire que s’aggraver, à tel point que des analystes financiers [2][2] “Limited water sources in Chile could lead to higher... ont tiré la sonnette d’alarme sur la viabilité de certains projets d’extraction dans cette partie du Chili qui représente les deux tiers des capacités de la production nationale de cuivre. Il est vrai que les mines de cuivre sont de gros consommateurs d’eau, puisqu’il faut compter 500 litres d’eau par tonne de métal rouge produite. Ainsi, le projet Spence de BHP Billiton et le projet Esperanza d’Antofagasta Minerals ont été remis en question par des experts, notamment en raison de leur incapacité à pouvoir disposer à terme d’une offre suffisante en eau [3][3] “The Chilean Water dilemna in the Northern mining district”,....

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À cette raréfaction constatée des ressources en eau s’ajoute également un problème de souveraineté territoriale à ce jour non résolu sur les eaux de la Silala.

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Le bassin de la Silala est formé d’un aquifère et d’un cours d’eau, qui, bien que peu abondant (moins de 0,5 m3/s), est stratégique pour le nord du Chili. Or, les quatre-vingt-quatorze sources qui donnent naissance à la Silala sont en territoire bolivien. La Bolivie, le plus pauvre des États d’Amérique latine, tente donc de valoriser une ressource dont elle s’estime lésée à double titre. Tout d’abord, à l’issue de la guerre du Pacifique qui l’a opposée au Chili entre 1879 et 1884, la Bolivie a perdu son accès à la mer et 400 km de côtes. Le bassin de la Silala se situait alors intégralement en territoire bolivien.

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Ensuite, une déviation artificielle du cours de la Silala vers le nord du Chili a été opérée par une entreprise chilienne. L’exploitation du canal a ensuite été attribuée sous la forme d’une concession à l’Antofagasta Bolivian Railway Company [4][4] Société devenue Ferrocarril Antofagasta-Bolivia., en 1906 et 1908, respectivement par les gouvernements chilien et bolivien. Or, en 2000, le gouvernement de La Paz a mis aux enchères les droits d’exploitation de la Silala et les a cédés pour 46,8 millions de dollars à l’entreprise bolivienne Ductec, lui ouvrant le droit à une exploitation de la rivière pour les quarante prochaines années [5][5] “The Silala river, water in dispute”, Sandra Guijarro....

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Ductec a par la suite exigé un paiement auprès de plusieurs entreprises chiliennes appartenant au secteur du cuivre pour leur utilisation de l’eau de la Silala, ce que ces dernières ont refusé d’honorer. L’État chilien est alors monté au créneau pour soutenir ses entreprises, arguant du caractère international du cours d’eau, et de l’incompatibilité de cette pratique avec les principes du droit international concernant l’eau douce. Dans le registre des tensions de part et d’autre de la frontière, il en est également une autre qui est venue cette fois directement du président bolivien Evo Morales. À peine élu, il a proposé en décembre 2006 que soient mises en bouteille les eaux de la Silala avec un slogan publicitaire qui disait «buvez l’eau de la Silala, en soutien de notre souveraineté [6][6] « Bolivia threatens Chile’s copper output with water... ».

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La Bolivie a en outre exprimé à plusieurs reprises son souhait de retrouver un accès direct, même restreint, à l’océan, hypothèse immédiatement rejetée par le Chili, l’estimant contraire à l’inaliénabilité de sa souveraineté territoriale. Fidel Castro, lors de la visite de Michelle Bachelet à Cuba en février 2009, évoquait, non sans causer un incident diplomatique, la « terrible humiliation [7][7] « Silala y mar en agenda de reunion bilateral », Los... » causée par « l’oligarchie chilienne » pendant la guerre du Pacifique. Enfin, en décidant en 2006 de multiplier les postes frontières, le président bolivien Evo Morales a fait entrer le litige dans la sphère de la sécurité entre les deux États.

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De la réalité à la fiction, il n’y a souvent qu’un pas. Aussi, quelle ne fut pas notre surprise de découvrir dans le scénario du dernier James Bond, Quantum of Solace, une histoire dans laquelle les réserves d’eau de la Bolivie étaient détournées au profit d’un trust international. Là encore – mais cette fois dans l’imaginaire des scénaristes de ce film – la Bolivie était devenue le centre de tensions autour de l’eau.

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Plus sérieusement, le conflit d’usage entre Bolivie et Chili s’inscrit dans le schéma désormais classique d’une rivalité amont-aval, où le riverain d’amont met en valeur la ressource partagée après son riverain d’aval. S’opposent alors la défense d’usages antérieurs et la création de nouvelles utilisations et demandes en eau. Des représentants des deux États se sont réunis en mars 2009 pour tenter de régler les différends territoriaux ainsi que ceux liés à la Silala. Il était notamment prévu l’installation d’instruments de mesure du débit à plusieurs points de la Silala. Cependant, l’élection présidentielle chilienne se déroulant en 2010, il est peu probable que l’année 2009 se révèle décisive pour la résolution de problèmes aussi sensibles que le partage de l’eau et un différent territorial.

L’eau : un enjeu de sécurité collective

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Ce cas d’espèce est sans doute unique en Amérique latine, tant le continent sud-américain n’est pas connu pour ses conflits transfrontaliers dans le domaine de l’eau. On réserve plutôt ceux-ci au domaine de l’énergie. En revanche, les tensions telles que décrites sur la Silala entre Chili et Bolivie sont – et seront – de plus en plus nombreuses dans d’autres parties du monde. Trois chercheurs [8][8] Aaron Wolf, Associate Professor of Geography, Oregon... ont, dans cette perspective, qualifiés d’« à risques » les ensembles suivants : les bassins du Ganges-Brahmapoutre, les bassins d’Afrique australe (Kunene, Okavango, Limpopo, Zambèze, Incomati), le lac Tchad, le fleuve Sénégal qui délimite les frontières nord et est du pays, la grande rivière de La Plata entre Argentine et Uruguay, ou encore la rivière Tumen aux confins extrême-orientaux de la Russie et de la Chine.

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Le bassin du Nil pourrait être ajouté à cette liste, tant le moindre aménagement hydraulique du Nil Bleu par l’Éthiopie, rendu pourtant nécessaire par les défis alimentaires que doit relever ce pays, ne saurait être envisageable. Les gouvernements égyptiens et soudanais réagiraient en effet de concert pour empêcher tout projet de barrage ou d’irrigation à partir des eaux du fleuve. Une baisse de régime du Nil n’est en effet pas tolérée par les pays de l’aval, Soudan et Égypte, sachant en particulier que le Nil fournit 98 % de l’eau consommée en Égypte et que, sur ses rives, se concentrent 95 % de la population égyptienne.

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L’eau est ainsi devenue un sujet de sécurité collective qui ne fera que s’accentuer dans les années à venir, sachant déjà que « l’absence ou l’insuffisance d’eau potable tue dix fois plus que l’ensemble des conflits armés [9][9] Voir discours d’ouverture du forum mondial de l’eau... ». Devant un auditoire du Royal United Services Institute de Londres (RUSI), le 10 mai 2007, la ministre des Affaires étrangères britannique appelait officiers généraux, hauts fonctionnaires et chefs d’entreprises présents dans l’assistance à se mobiliser sur la problématique du changement climatique et d’en analyser méthodiquement les conséquences pour les armées et les intérêts stratégiques de la Grande-Bretagne. Elle a notamment eu des paroles très fortes de sens : « Refuser aujourd’hui d’admettre que le changement climatique est une affaire de sécurité, c’est, selon moi, suivre les pas de ceux qui, en 1920, ont refusé de reconnaître les conséquences des réparations sur l’avenir de l’Europe [10][10] “The case for Climate Security”, Lecture by the Foreign... ».

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On comprend ainsi mieux pourquoi le changement climatique, dont Nicolas Stern a dit « qu’il s’exprime en degré mais qu’il se traduit en eau », et la rareté déjà existante des ressources en eau, doivent être placés au rang de priorités stratégiques.

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Dans ce contexte, deux réflexions me semblent utiles d’être développées.

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Au premier chef, l’action des États-Unis dans la prévention des conflits liés à l’eau sera à mon sens de plus en plus importante. Des signaux très clairs ont été envoyés à l’administration précédente sans que celle-ci ne les retienne. Ainsi, un rapport de 2003 intitulé « Le scénario d’un changement climatique brutal et ses implications pour la sécurité nationale des États-Unis », élaboré par Peter Schwartz, consultant de la CIA et ancien responsable de la prospective à la Royal Dutch Shell, recommandait au ministère de la Défense américain de faire du changement climatique un enjeu de sécurité nationale, partant du principe que toutes les projections attestent que les pénuries d’eau potable entraîneront inévitablement des conflits et des perturbations continuelles de sécurité dans les prochaines années.
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Dans un registre différent, un rapport préparé pour le Director of Net Assessment de l’Office of the Secretary of Defense, anticipait, sur un mode de scenarios planning, des conflits prévisibles à cause de l’eau en Asie du Sud-Est et en Asie centrale à horizon 2025 [11][11] “Water and conflicts in Asia : 2025”, Scenarios and....

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Les premiers mois de gouvernement de l’administration Obama montrent désormais concrètement que le développement durable et les énergies vertes sont des axes essentiels de la stratégie de la nouvelle équipe présidentielle. Dans ce cadre, l’eau y occupera une place primordiale, tant sur le plan intérieur qu’extérieur. L’eau est par exemple d’ores et déjà partie intégrante du plan de relance décidé par le président Obama avec 7 milliards de dollars qui y sont consacrés, dont 4 milliards pour le Clean Water State Revolving Fund, et 2 milliards pour le Drinking Water State Revolving Fund.

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Par ailleurs, la politique étrangère des États-Unis prendra à n’en pas douter l’eau comme axe d’intervention, ne faisant qu’accentuer le volontarisme américain déjà constaté sur le sujet. Entre 2000 et 2004, les États-Unis ont en effet dépensé près de 3 milliards de dollars sur des programmes d’eau et d’assainissement, un tiers de cette somme ayant été consacré à l’Irak et à l’Afghanistan. Il est cependant à prévoir que ces allocations de ressources seront géographiquement plus diversifiées et prendront en compte des zones où l’eau est définitivement l’enjeu du moment, et encore plus celui de demain. Citons en cela les zones du Nil Bleu (Éthiopie, Soudan, Égypte), du Tigre et de l’Euphrate (Turquie, Syrie, Irak), la vallée du Jourdain (Israël, Jordanie, Territoires palestiniens), et l’espace régional du Turkestan (région d’Asie centrale comprenant le Turkmenistan, l’Ouzbekistan, le Tadjikistan, le Kirghizstan, le sud du Kazakhstan et le Xinjiang chinois).

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La deuxième réflexion que je souhaite partager porte sur l’implication de l’industrie qui ira grandissante dans la protection de la ressource en eau.

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À Davos, lors de l’édition 2008, Klaus Schwab, fondateur et président du forum, ainsi que Peter Brabek-Letmathe, président du conseil d’administration de Nestlé, avaient appelé à « une coalition public-privé inédite et puissante [12][12] « Davos face au défi planétaire de l’eau », Klaus Schwab... » pour que la ressource en eau soit mieux protégée. En 2009, le patron de Nestlé avait une nouvelle fois choisi d’intervenir sur ce thème, et s’était adjoint les services de Richard Evans, le CEO du géant minier Rio Tinto, et par ailleurs président du Global Agenda Council on the future of Minings and Minerals. Comme ont déjà pu le montrer les exemples du Chili et de la Bolivie, l’intervention à Davos du président de Rio Tinto est une preuve supplémentaire que l’eau, « or bleu » de ce début du XXIe siècle, impose également un changement de posture et d’intervention stratégique à l’industrie minière.

Notes

[1] Gestion et hydrodiplomatie de l’eau au Proche-Orient, Fadi Georges Comair, Les Éditions L’Orient Le Jour, 2008.
[2] “Limited water sources in Chile could lead to higher costs of production”, Tom Stundza, Purchazing, 14 juin 2007.
[3] “The Chilean Water dilemna in the Northern mining district”, Industry Review, Merrill Lynch, mai 2007.
[4] Société devenue Ferrocarril Antofagasta-Bolivia.
[5] “The Silala river, water in dispute”, Sandra Guijarro Vilela.
[6] « Bolivia threatens Chile’s copper output with water dispute », Matthew Craze, Bloomberg, 27 décembre 2006.
[7] « Silala y mar en agenda de reunion bilateral », Los Tiempos, novembre 2009.
[8] Aaron Wolf, Associate Professor of Geography, Oregon State University; Shira Yoffe, Diplomatic Fellow, American Association for the Advancement of Science, Washington DC; Mark Giordano, Senior Researcher, International Water Management Institute, Colombo, Sri Lanka : “International waters : identifying basins at risk”, 31 janvier 2003.
[9] Voir discours d’ouverture du forum mondial de l’eau (www.worldwatercouncil.org), Mexico, mars 2006.
[10] “The case for Climate Security”, Lecture by the Foreign Secretary, the Rt. Hon. Margaret Beckett, MP, at the Royal United Services Institute on May 10th 2007.
[11] “Water and conflicts in Asia : 2025”, Scenarios and Implications, Strategic Assessment Center, Science Applications International Corporation, décembre 2003.
[12]  « Davos face au défi planétaire de l’eau », Klaus Schwab et Peter Brabeck-Letmathe, La Tribune, 29 janvier 2008.

BOLIVIE-CHILI LE TON MONTE ENCORE D'UN CRAN

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«Chaque jour, le Chili tire profit illégalement et astucieusement des eaux du fleuve Silala sans compenser cet usage abusif qui nuit à notre patrimoine », a déclaré Evo Morales.

Cette nouvelle menace intervient alors que le Chili prépare actuellement à Paris sa défense contre la requête déposée par la Bolivie en 2013 devant la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye pour obtenir un accès souverain à la mer. En septembre dernier, la CIJ s’est déclarée compétente pour juger le conflit territorial entre Santiago et La Paz.

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 LIT DE RIVIÈRE SILALA

Tentatives de négociation stériles

Depuis 1979, les deux pays n’ont plus de relations diplomatiques et les tentatives de négociations bilatérales pour régler ce différend ont toujours échoué. Evo Morales a pourtant invité le gouvernement chilien, ce mercredi, à un « dialogue franc et sincère pour trouver une solution consensuelle afin que la Bolivie puisse accéder souverainement à la mer ».

Une invitation qui n’a pas été du goût des autorités chiliennes. « C’est contradictoire de dire que la Bolivie est prête à dialoguer et dans le même temps d’annoncer une éventuelle poursuite contre le Chili pour l’utilisation des eaux du Silala. Ceci n’est rien d’autre qu’une fausse proposition de dialogue à laquelle la Bolivie nous a habitués par le passé », a rétorqué Heraldo Muñoz au micro de CNN Chile. « La Bolivie peut déposer autant de plaintes qu’elle souhaite, le Chili ne cédera aucune partie de son territoire ».

Un conflit vieux de plus de 130 ans

 PLAN PROVISOIRE
TRAITÉ DE 1904  
La Bolivie réclame un accès à la mer dont elle est privée depuis que le Chili a conquis les 400 kilomètres de côtes boliviennes lors de la guerre du Pacifique (1879-1883). En 1904, les deux pays ont signé un traité de paix et d’amitié entérinant la cession de 120.000 km2 au Chili.

Confortée par un arrêt de la CIJ de janvier 2014, qui a accordé au Pérou une partie du territoire maritime contrôlée par le Chili depuis la guerre du Pacifique, la Bolivie espère récupérer un accès à la mer pour développer son économie. Le Chili refuse cependant de lui céder toute partie de son territoire. Il estime que la question a été définitivement réglée par le traité de 1904 et que son voisin accède déjà à l’océan grâce à des accords préférentiels avec les ports chiliens.

Si Michelle Bachelet, pendant son premier mandat, et Evo Morales, avaient avancé vers un compromis, tout espoir d’accord entre les deux pays a été abandonné depuis et le conflit risque de durer encore pendant de longs mois.

(lepetitjournal.com/santiago) - Jeudi 24 mars 2016

jeudi 24 mars 2016

DICTATURE ARGENTINE : TROIS ANCIENS CADRES DE FORD INCULPÉS POUR COMPLICITÉ

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LE MODÈLE FORD « FALCON »
GRAFFITI DICTATURE ARGENTINE 2006

Le 24 mars 1976. L'Argentine vit le sixième coup d'État de son histoire. En quelques heures, les militaires argentins prennent le pouvoir et donnent naissance à la pire dictature qu'ait connue le pays (1976-1983). Au même moment, à quelques kilomètres au nord de la capitale, Pedro Troiani, responsable syndical, pointe à l'usine Ford, comme chaque jour depuis 13 ans. Moins d'une heure plus tard, sous la houlette du lieutenant-colonel Molinari, une unité de l'armée argentine investit les lieux.

L'armée s'installe chez Ford


LE MODÈLE FORD « FALCON »

GRAFFITI DICTATURE ARGENTINE
Un bivouac est rapidement installé et une centaine d'hommes se déploient sur le vaste terrain qu'occupe Ford Argentine. « Au début, je ne me suis pas inquiété, assure Pedro Troiani, j'ai pensé qu'ils venaient surveiller les installations. Comme la direction avait reçu des menaces d'attentat, cela nous a paru presque normal. » En fin de journée, une queue inhabituelle se forme à la sortie de l'usine et les documents d'identité des ouvriers sont réclamés un à un par le personnel de sécurité de l'entreprise. Le tout premier jour, déjà, trois jeunes ouvriers, tous délégués syndicaux, sont livrés aux militaires puis disparaissent.
Au fil des semaines, la mécanique devient plus claire pour P. Troiani. Les ouvriers n'ont plus accès aux installations sportives, désormais réservées au QG militaire. « Les officiers connaissaient nos horaires et nos postes. Ils venaient nous chercher accompagnés de nos propres chefs d'atelier », raconte-t-il. Menottés, transportés dans des camionnettes prêtées par l'entreprise, les ouvriers sont emmenés jusqu'au « quincho », un espace de détente qui verra passer chacun des 24 employés disparus de l'usine Ford en quelques semaines. Ils y subiront tortures et humiliations. À la tombée de la nuit, visages masqués par une capuche, ils sont violemment transportés hors de l'entreprise. « On n'a jamais imaginé que cela pouvait aller aussi loin. Comme je n'avais rien à me reprocher, je me disais qu'au pire ils me détiendraient 24 ou 48 heures maximum », explique Troiani, finalement appréhendé le 13 avril. Tout comme ses autres compagnons, il ne retrouvera sa liberté, conditionnelle, qu'un an plus tard.
Licenciements pour « absence »

Il ne faudra que deux jours à Ford pour faire parvenir un télégramme à son épouse Élisa : « Absent sans justification, nous vous sommons de vous présenter au travail le 16 avril et/ou de justifier dûment vos absences. Faute de quoi, nous vous considérerons comme licencié pour abandon de poste (…). » En 1976, Ford nage en pleine crise politique et économique en Argentine. Après l'âge d'or des années 60, l'entreprise, jusque-là conciliante avec les demandes de ses salariés, doit changer de stratégie. « Sur ma ligne de montage, la direction voulait passer de 230 véhicules par jour à 260, sans embaucher un seul homme. C'était insoutenable », assure Troiani. Débarrassée de la pression syndicale, l'entreprise augmentera finalement la cadence, et licenciera. « Ce coup d'État n'aurait pas été possible sans la complicité des entreprises. (…) Après vingt ans de luttes sociales, celui qui commandait était celui qui devait obéir. Militaires et entrepreneurs avaient un intérêt commun », explique Victoria Basualdo, chercheuse spécialisée dans les mouvements syndicaux. Ford n'est pas la seule. Mercedes-Benz, Fiat et plusieurs entreprises argentines sont également dans le collimateur de la justice.

Le silence de Ford

Depuis plus de vingt ans, ces ex-ouvriers de Ford se sont lancés dans une bataille juridique qui pourrait aboutir cette année, avec la tenue du procès. En 2013, après examen des preuves et des témoignages, trois ex-cadres ont été mis en examen pour « privations de liberté doublement aggravées par les abus d'autorité, les violences et les menaces ». Ils sont également accusés d'avoir autorisé, dans l'entreprise, l'établissement d'un centre de torture. Leurs avocats, contactés par Le Point, n'ont pas donné suite à nos appels. Leur stratégie semble être de faire durer la procédure pour éviter un procès à leurs clients vieillissants.

Des vingt-quatre ouvriers de Ford, seuls neuf sont encore vivants. « Je ne demande qu'une condamnation. Je ne souhaite même pas qu'ils aillent en prison », assure-t-il. « Il n'est pas en paix. Il faut qu'on lui rende justice, que quelqu'un dise qu'il n'avait rien fait de mal », ajoute son épouse. De la part de Ford, le silence est assourdissant. « Ils ne nous ont jamais reçus », déplore Pablo Troiani. Leur avocat, Tomas Ojea Quintana, ne souhaite pas en rester là. « Pour que des cas similaires de crimes contre l'humanité ne se reproduisent pas, il faut s'attaquer à la responsabilité entrepreneuriale. On ne peut pas poursuivre pénalement une entreprise, mais on étudie activement la possibilité d'engager une procédure civile contre Ford  », annonce-t-il avec un regard qui ne laisse aucun doute sur sa détermination.