lundi 7 mars 2016

LULA / CAMPAGNE DE DESTRUCTION D'IMAGE

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L’EMPIRE MÉDIATIQUE O GLOBO, 
S'ATTAQUE À LULA
S’agirait-il de «cadeaux» offert par les entreprises de BTP en échange de services rendus par Lula ? Tient-on bientôt la preuve que l’ancien président membre du Parti des travailleurs (PT, gauche) autrefois adulé serait lui aussi mouillé dans cette sale affaire Petrobras ? La justice enquête, relayée par une presse à l’affût d’un indice qui pourrait compromettre l’ancien syndicaliste, n’hésitant pas, comme le journal O Globo fin janvier, à titrer « Lava Jato tape à la porte de Lula ». La tension est encore montée d’un cran, jeudi 3 mars, avec le scoop « Bombastica » (explosif) de la revue IstoE révélant que le sénateur (PT) Delicidio Do Amaral accusé d’avoir fait obstruction à la justice dans l’affaire Lava Jato, se serait confessé en dénonçant gravement Lula et sa successeure Dilma Rousseff.

Ces fuites judiciaires quasi quotidiennes démolissent peu à peu l’héritage de l’ex-idole des classes populaires du Brésil. Réelles ou fantasmées, anecdotiques ou gênantes, ces affaires démontrent que Lula, qui a quitté le pouvoir auréolé d’une popularité de 80 %, n’est plus intouchable.


PEU IMPORTE LE DOSSIER EN QUESTION, LA PRESSE NE LÉSINE PAS SUR LES COUPS BAS. 

Verbe, charisme, pragmatisme

Après avoir opté pour le flegme, traitant dans une indifférence mêlée de mépris les derniers scoops le
concernant, l’animal politique, désormais, se fâche. L’ex-président devait transmettre une déposition écrite auprès de la justice de l’État de Sao Paulo. Une stratégie censée lui éviter une convocation coercitive qu’aurait filmée la Globo, la chaîne de télévision la plus populaire du pays. Un site, « A bem da verdade» («en vérité») devrait aussi, selon le quotidien Folha de Sao Paulo, voir le jour d’ici peu pour lister toutes les actions juridiques intentées aux journaux qui le «persécutent». Il se dit enfin que le PT serait à l’origine de la récente démission du ministre de la justice, José Eduardo Cardozo, accusé de ne pas «tenir» la police fédérale. Une rumeur démentie par le parti.

La colère de Lula trahit les ambitions de l’homme politique. A 70 ans, après avoir rempli deux mandats, presque sans faute, après avoir vaincu un cancer de la gorge et surmonté le scandale du «mensalao» (achat de voix au Congrès), l’homme semble prêt à repartir au combat pour les élections présidentielles de 2018, voire plus tôt si sa successeure, Dilma Rousseff, elle aussi effleurée par quelques affaires, venait à être destituée.

Son verbe, son charisme, son pragmatisme font de lui « le » candidat du PT. Selon le dernier sondage Datafolha réalisé les 24 et 25 février, l’ex-président recueille 20 % des intentions de vote, derrière le candidat de l’opposition, Aécio Neves, du Parti social-démocrate brésilien (PSDB) avec 24 % et devant Marina Silva (19 %), du parti écologiste Rede, adversaire surprise de Mme Rousseff lors des dernières élections. « Lula n’est plus imbattable, mais il n’est pas mort », commente Cristiano Noronha, vice-président du cabinet d’analyse politique Arko Advice.

En cette période de débandade économique, alors que le pays ex-star des émergents s’enfonce dans une récession sans fin, Lula continue d’incarner la prospérité et le plein-emploi. «Il peut séduire les nostalgiques des “années bonheur”», estime Stéphane Monclaire, professeur de sciences politiques à la Sorbonne et fin connaisseur du Brésil. Mais pour gagner, ajoute-t-il, à moins d’être stoppé par la justice, « il doit prendre ses distances avec Dilma. »


L’ENTOURAGE DE L’ANCIEN PRÉSIDENT DÉNONCE, DE SON CÔTÉ, UNE CHASSE AUX SORCIÈRES VISANT À TORPILLER UNE ÉVENTUELLE CANDIDATURE DE LULA (2002-2010) À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DE 2018. « IL N’Y A PAS D’ÂME PLUS HONNÊTE QUE MOI DANS CE PAYS », S’EST RÉCEMMENT PUBLIQUEMENT DÉFENDU L’INTÉRESSÉ.


BRÉSIL: INTERROGÉ PAR LA POLICE DANS L'AFFAIRE PETROBRAS, LULA CONTRE-ATTAQUE

Toute la classe politique éclaboussée

Voilà le dilemme de l’ancien président : tuer sa «fille», celle qu’il a lui-même placée au pouvoir en 2010. Car Dilma Rousseff, haïe de la plupart des Brésiliens, incarne la crise, le chômage et l’inflation. Accusée d’avoir trahi le PT pour obéir au marché en menant une politique de rigueur, elle s’est attiré l’inimitié des militants fidèles aux idéaux de la gauche, sans amadouer l’opposition.

Pour reconquérir les déçus du PT, Lula s’est lancé dans une opération délicate consistant à critiquer le gouvernement sans l’attaquer frontalement. Le divorce semble maintenant consommé. A la fête des trente-six ans du PT, à Rio de Janeiro, Mme Rousseff n’est pas venue. Et Lula a feint de l’ignorer. Mais le jeu est dangereux. La présidente appartient au même parti que lui. Lorsqu’elle est attaquée par l’opposition, il ne peut que la défendre. De plus, s’éloigner d’elle ne suffira pas à faire oublier les multiples scandales qui rejaillissent sur lui et sur le parti. Enfin, il lui faut trouver des idées neuves pour redresser le pays. Or, Lula semble en manque d’arguments, tant pour le pays que pour se défendre.

Son embarras reflète celui de toute la classe politique brésilienne. Le pays est comme paralysé, suspendu aux derniers rebondissements de l’affaire Petrobras. Un monstre judiciaire qui a mis au jour un système de corruption impliquant le gratin des affaires et de la politique. Les partis de la coalition au pouvoir, le PT et le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB, centre) sont les principaux accusés, mais personne, en réalité, n’est épargné. À part peut-être de Marina Silva, les électeurs doutent de la probité de l’ensemble de leurs élites et assistent, devant leur poste de télé, au « reality show de la justice » mettant en spectacle la veulerie de protagonistes de gauche, de droite ou du centre. Lula n’a que quelques mois pour les convaincre qu’il ne fait pas partie de ce monde-là et qu’il est capable de redresser un pays en pleine déliquescence.