mercredi 31 août 2016

BRÉSIL : LA PRÉSIDENTE DILMA ROUSSEFF DESTITUÉE


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DILMA ROUSSEFF, LE 29 AOÛT 2016.
PHOTO UESLEI MARCELINO

Accusée de « crime de responsabilité », la dauphine de Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) n’aura cessé au long de son procès de se déclarer honnête et innocente s’estimant victime d’une terrible injustice. «L’histoire se chargera d’innocenter Dilma Rousseff», a conclu José Eduardo Cardozo qui fut tout au long du processus l’avocat de la présidente.

« Canaille, canaille, canaille ! »




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Le motif principal de la destitution est une manipulation comptable, appelée « pédalage budgétaire » qui aurait permis à Dilma Rousseff de masquer la réalité du déficit budgétaire du pays, aidant à sa réélection en 2014. Mais c’est en réalité l’ensemble de sa politique, ses erreurs tactiques, ses défauts personnels, son incapacité à gouverner avec un Congrès hostile ainsi que les errances du parti des travailleurs (PT, gauche), qui ont été, au cours de ces cinq jours de procès, mis en accusation.




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Telle la cible expiatoire des maux du Brésil, Dilma Rousseff a été jugée comme la principale responsable de la crise économique, de la récession et du chômage, de la paralysie politique et de l’immoralité politique à la suite de la déflagration de l’opération « Lava Jato » qui a mis au jour les méandres d’un système de corruption tentaculaire impliquant les grands partis politiques, dont le PT, le groupe pétrolier Pétrobras et les géants du BTP.



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Plus qu’un jugement, la présidente et les 81 sénateurs ont offert le spectacle d’un combat rhétorique retransmis en direct sur les télévisions brésiliennes. À la défense dénonçant un « coup d’État », une « mise en péril de la démocratie » voire une « infamie », ont répondu les accusateurs, relatant les mensonges de Dilma Rousseff, sa « surdité politique », sa gestion désastreuse du pays et la « démagogie irresponsable du PT ».

« Nous ne jugeons pas seulement des actes, nous jugeons des habitudes administratives », a résumé le sénateur Eduardo Lopes du Parti républicain brésilien (PRB) proche des Eglises évangéliques. « Le véritable coup d’État est celui qui fut mené contre les Brésiliens au chômage et les jeunes qui ne disposent plus de bourse pour étudier », a ajouté Ana Amélia du Parti populaire (PP, droite). « Canaille, canaille, canaille ! », s’étouffera enfin le sénateur Lindbergh Farias (PT) quelques minutes avant le verdict, faisant référence à des mots prononcés lors du putsch contre le président Joao Goulart en 1964, point de départ d’une dictature militaire de vingt-et-un ans, comparant ce procès une mauvaise « farce ».

Dramatisation excessive



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Dans cette tragédie politique, Dieu a eu sa place. À l’origine de la demande d’impeachment, déposée sur le bureau de l’ancien président de la chambre des députés, Eduardo Cunha du PMDB – contraint à la démission après des accusations de corruption et de blanchiment d’argent – l’avocate enflammée Janaina Paschoal s’est dite inspirée par l’esprit saint pour sauver le pays de ses souffrances. « C’est Dieu qui a fait que différentes personnes, au même moment, chacune dans ses fonctions, ont compris ce qui arrivait au pays, leur donnant le courage de se dresser et de faire quelque chose [pour l’impeachment] », a-t-elle lancé, présentant, la voix tremblotante, ses excuses à Dilma Rousseff pour les souffrances endurées. « Je lui demande de comprendre que j’ai fait ça aussi en pensant à ses petits-enfants ». Cette émotion bien éloignée du terrain juridique se traduira par les larmes de l’avocat José Eduardo Cardozo et la stupéfaction des Brésiliens.

Paradoxalement, le thème de la corruption et l’évocation du « Petrolao » (le scandale de corruption lié à Petrobras) à l’origine de la colère populaire et des manifestations pro-impeachment des derniers mois fut peu présent dans les débats. « L’opposition pouvait difficilement insister sur ce point, étant elle-même mouillée dans l’affaire », observe Sylvio Costa, fondateur du site d’observatoire du Congrès brésilien, Congresso Em Foco. La corruption était toutefois l’une des causes implicites de l’impeachment, pense-t-il. « Il faut être ingénu pour penser que Dilma Rousseff qui fut présidente du conseil d’administration de Petrobras ignorait tout. L’enquête n’est pas encore terminée », estime M. Costa.

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Le procès en destitution de Dilma Rousseff au Sénat après le vote déjà théâtral des députés en avril permettant l’ouverture de la procédure impeachment, a révélé aux Brésiliens un monde politique que la plupart méconnaissaient. « Un spectacle parfois effrayant », constate Daniel Vila-Nova professeur de droit constitutionnel à l’institution brésilien de droit public (IBD) à Brasilia, commentateur des débats pour la télévision TV Senado. « Une hypocrisie institutionnelle », ajoute-t-il. Faute de disposer d’une motion de censure qui aurait permis de motiver le départ d’une chef d’Etat et de gouvernement taxée d’incompétence, il aura fallu dénicher un « crime de responsabilité » obligeant les sénateurs à une dramatisation excessive.

«Quelque chose ne va pas avec notre système politique », a conclu le sénateur Humberto Costa (PT). À ce jour, pourtant, aucun projet ne mentionne cette réforme politique et électorale que beaucoup jugent indispensable.

mardi 30 août 2016

LA FRANCE VEUT L'ARRÊT DES NÉGOCIATIONS SUR LE TAFTA


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Il a justifié cette demande par le fait que les négociations, qui sont menées, côté européen, par la Commission européenne au nom des 27 Etats membres, souffraient d'un déséquilibre en faveur des positions américaines.


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« Les américains ne donnent rien ou alors des miettes (...), ce n'est pas comme ça qu'entre alliés on doit négocier », a-t-il indiqué, ajoutant que « les relations ne sont pas à la hauteur entre l'Europe et les USA, il faut reprendre plus tard sur de bonnes bases ».


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« Il faut un coup d'arrêt clair et définitif à ces négociations pour repartir sur de bonnes bases », a encore argumenté Matthias Fekl. La France exprimera cette position en septembre, lors d'une réunion des ministres chargés du commerce extérieur à Bratislava, a-t-il précisé. À noter que cette annonce intervient après celle du vice-chancelier allemand, Sigmar Gabriel, qui estimait dimanche que les négociations sur le traité transatlantique avaient « de facto échoué ».

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LA FRANCE VA ARRÊTER LES NÉGOCIATIONS SUR LE TAFTA 
PHOTO FRANCOIS LENOIR

Pour mieux comprendre les contours de ce traité controversé, regardez la vidéo ci-dessous :



samedi 27 août 2016

CHILI: LE LEADER MONDIAL DU CUIVRE CODELCO RÉDUIT SES PERTES AU 1ER SEMESTRE

Cette situation est due à « une chute du prix du cuivre de 21% par rapport au premier semestre 2015», ajouté à la dépréciation du dollars au Chili, a expliqué Nelson Pizarro, président exécutif de Codelco, lors d'une conférence de presse.

Au cours du premier semestre 2016, Codelco a enregistré une perte nette de 151 millions de dollars, suivie d'un bénéfice net de 54 millions de dollars au deuxième semestre. Un résultat interprété par la direction de l'entreprise comme un retour à la stabilité. Ils ont dit espérer finir l'année dans le vert.

Durant ce premier semestre, un nouveau record de production a été établi par le groupe, à 843.000 tonnes de métal rouge, en hausse de 1,4% sur un an.

« Nous avons démontré que nous avons la capacité à nous adapter au contexte difficile que connaît l'industrie, mais ce n'est pas suffisant, notre situation reste fragile », a indiqué M. Pizarro.

Codelco souffre depuis plusieurs mois de la chute des cours du cuivre, en raison d'une moindre demande de la Chine, ce qui l'avait déjà plongé dans le rouge en 2015, où il a affiché une perte nette historique de 1,3 milliard de dollars.

En réaction, le groupe public chilien s'est lancé dans un vaste plan d'économies de 1,2 milliard de dollars en 2015, impliquant des réductions de postes et une révision à la baisse de ses investissements sur les cinq prochaines années, auxquels s'ajouteront 574 millions de dollars d'économies en 2016.

afp/rp

samedi 20 août 2016

UN PONT S'EFFONDRE DANS LE SUD DU CHILI




Six voitures d'un train chargé d'hydroxyde de sodium, de sel et de pétrole sont tombées dans une rivière au sud du Chili jeudi, à cause de l'effondrement d'un pont ferroviaire, selon les chemins de fer chiliens. Aucun blessé n'a été rapporté.

Le train, composé de 50 voitures, traversait la rivière Tolten à Pitrufquén, à environ 700 kilomètres au sud de la capitale Santiago, quand un pont construit en 1890 a cédé, indique la compagnie ferroviaire nationale (EFE).

Celle-ci précise que de l'hydroxyde de sodium se serait déversé dans la rivière depuis l'une des voitures. Mais l'Office national des urgences du Chili (Onemi) ajoute que des tests réalisés ne montrent aucun signe de fuite. 

L'hydroxyde de sodium, ou soude caustique, est utilisé dans la production industrielle ou encore les nettoyants pour fours.

mardi 16 août 2016

HAÏTI - SOCIAL : RUÉE DE MILLIERS D'HAÏTIENS ILLÉGAUX AU CHILI

La majorité des haïtiens tentent d'échapper à la crise politique et économique qui touche Haïti et sont attirés par la stabilité de l'économie et l'emploi au Chili, indique un rapport de la police civile. Ces migrants illégaux haïtiens voient le Chili comme un pays de nouvelles opportunités, après leurs déceptions au Brésil ces 3 dernières années...

« Les Haïtiens migrent vers le Chili parce que le pays a l'une des économies les plus stables en Amérique latine, qu’il y a des possibilités d'emploi et une petite communauté d'haïtiens déjà installée », a déclaré Benito Baranda, Président de l'ONG Solidarité Amérique

La majorité des haïtiens se sont installés dans le Nord de Santiago du Chili, travaillant principalement dans la construction, un grand nombre d'entre eux sont en situation migratoire irrégulière, selon le Ministère de l'Immigration chilienne.

SL/ HaïtiLibre 

dimanche 14 août 2016

À CUBA, FIDEL CASTRO RÉAPPARAÎT EN PUBLIC POUR SON 90ÈME ANNIVERSAIRE

La veille, l’homme s’était livré à l’un des exercices dans lesquels il excelle le plus : la critique des Etats-Unis. Dans un article intitulé « L’anniversaire » et publié vendredi soir dans la presse d’État, le Commandante évoque les tentatives répétées des diverses administrations américaines de l’assassiner. D’après les services de renseignement cubains, il a été la cible de 634 complots entre 1958 – un an avant son arrivée au pouvoir – et 2000.

Manque de « hauteur de vue »

Cette piqûre de rappel intervient alors que son pays est en plein rapprochement avec son vieil ennemi de la guerre froide. Fidel Castro n’épargne d’ailleurs pas l’un des artisans de ce qui est l’un des changements les plus radicaux survenus sur l’île ces dernières années : l’actuel président des États-Unis, Barack Obama. Il lui reproche ainsi d’avoir manqué de « hauteur de vue » au cours de sa visite historique en mai au Japon.

« Le discours du président américain au Japon était dépourvu d’excuses pour le massacre de centaines de milliers de personnes à Hiroshima, même s’ils [les États-Unis] connaissaient les effets de la bombe. »

Parallèlement, le Lider Maximo rend un hommage appuyé aux « grandes puissances » que sont la Chine et la Russie, dont le président Vladimir Poutine a souhaité « bonne santé, longévité, vitalité et prospérité » à son « cher ami » cubain.

Santé et éducation gratuites

Depuis des semaines sur l’île, une multitude d’affiches rendent hommage à l’un des hommes les plus influents et les plus controversés du XXe siècle. Fidel Castro reste pour beaucoup celui qui a instauré un régime socialiste à parti unique, fortement critiqué sur la scène internationale pour les nombreuses violations des droits de l’homme. Mais il est aussi celui qui a apporté santé et éducation gratuites à des millions de Cubains, en grande majorité pauvres.

Fidel Castro est retiré de la vie publique depuis 2006 pour raisons de santé et a laissé le pouvoir à son frère Raul. Lors de sa précédente apparition publique, le 19 avril à la clôture du congrès du Parti communiste cubain, il avait admis, la voix tremblante : « Bientôt j’en aurai fini comme tous les autres. Notre tour viendra à tous. »

samedi 13 août 2016

ALTO HOSPICIO (CHILI): 1 300 FAMILLES EXPULSÉES DE TERRAINS SQUATTÉS DANS LE NORD DU PAYS

Et puis le gouverneur provincial d’Iquique (la capitale de la région), Francisco Pinto, a signalé que les familles avaient été prévenues de l’expulsion entre mars et mai derniers. Bizarrement, tous ces gens qui vivaient dans des logements auto-construits avec les moyens du bord n’ont pas trouvé d’autre solution entre-temps… Là aussi, c’est toujours le même genre de justifications « démocratico-légales » du côté du pouvoir, et toujours les mêmes injustices sociales.


mercredi 10 août 2016

FIDEL CASTRO. DE L'ÉCOLE JÉSUITE À LA RÉVOLUTION MARXISTE

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FIDEL CASTRO EN 1959 À NEW YORK PHOTO IC
La mythification, comme la guerre idéologique, déforme toujours l’itinéraire complexe du leader cubain. Pour beaucoup, ce « communiste souterrain » aurait caché son jeu pour « trahir la révolution ». L’hypothèse ne résiste pas à l’analyse historique. L’étude de la jeunesse du «Comandante », né il y a 90 ans en août 1926, s’avère incontournable pour déceler à la fois la cohérence et les contradictions de ses engagements, pour comprendre comment Castro est devenu Fidel...

FIDEL CASTRO BOIT UNE BOUTEILLE DE COCA-COLA 1972
PHOTO ROMANO CAGNONI
Il avait tout pour être un « héritier » ; il est un transfuge de sa classe. Fidel Alejandro Castro Ruz naît hors mariage, le 13 août 1926. Ce troisième fils d’un père espagnol, Angel, venu combattre les partisans de l’indépendance de l’île, et de sa servante cubaine, Lina Ruz, épouse illégitime, a tout pour devenir lui-même un oligarque, un grand propriétaire terrien comme papa, à Birán, actuelle province de Holguín. Dix mille hectares. Ils seront en partie confisqués par la révolution, puis « cédés » par la famille Castro.


Le garnement joue dans les dépendances de la « finca » avec les fils des paysans pauvres qui triment sans répit pour son père (300 familles). Le solide gaillard se rend vite compte que ses copains vivent misérablement, sont maltraités ; les relations avec le patriarche, sa brute de père, se tendent. Castro confiera à Ignacio Ramonet qu’il devint révolutionnaire à partir précisément de cet environnement d’enfance. Doué, le jeune Castro étudie, comme tous les fils de bonne famille, chez les Jésuites, d’abord à Santiago, ensuite au collège Belén à La Havane. Ses maîtres l’éveillent, dirait-on aujourd’hui, à la citoyenneté.

À l’automne 1945, il s’inscrit à la fac de droit de La Havane. Rebelle sans cause précise, il fait le coup de poing et de feu contre les bandes d’ultras. Il se politise à grande vitesse, acquiert une conscience révolutionnaire et prend souvent la parole dans le patio ou sur les escaliers de l’université. Le 6 novembre 1947, il y proclame une sorte de programme patriotique ; la frustration d’une pseudo-indépendance nationale, de surcroît tardive (1899), le hante. Le jeune étudiant marche en tête des manifestations contre le gouvernement corrompu et « vendu » de Grau San Martin. Dans ce chaudron idéologique, il lit Marx et se familiarise avec ses idées. Faire la révolution. Orateur hors pair, il milite à la puissante Fédération des étudiants universitaires (FEU), et se fait rapidement connaître, à tel point que « trois ans plus tard, il sera déjà un homme politique en vue à Cuba. À La Havane, Castro était déjà Fidel » (1).

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FIDEL CASTRO DURANT UN MATCH DE BASKET-BALL 1972 AU CHILI
PHOTO ROMANO CAGNONI


Castro s’engage dans la vie publique en 1947 ; il rejoint le très anticommuniste, petit-bourgeois et populiste Parti du peuple cubain (PPC), plus connu sous le nom de Parti orthodoxe. Son leader, Eduardo Chibas, au programme social progressiste, dénonce la corruption et jouit d’une grande popularité. Chaque semaine, il s’adresse aux Cubains dans une émission à Radio CMQ. Fidel reste « orthodoxe » pendant huit ans, y compris après le suicide en direct à la radio, en 1951, du charismatique Chibas, destiné à « réveiller » le peuple. En 1948, présent à Bogota pour un congrès étudiant, Castro participe au Bogotazo, le soulèvement populaire provoqué par l’assassinat de Jorge Eliécer Gaitán, candidat « libéral » favori aux élections à venir. De retour à Cuba, candidat du PPC à la députation, le jeune juriste semble promis à une carrière politique chez les « orthodoxes ».

Le coup d’État militaire de Fulgencio Batista, pour le compte de Washington, le 10 mars 1952, à trois mois d’élections que le PPC allait sûrement gagner, modifie toute la donne. Bogota, La Havane, l’intervention des États-Unis renforcent Castro dans son anti-impérialisme. Dès l’installation de la sanglante dictature (20 000 morts entre mars 1952 et décembre 1958), Castro part en guerre contre elle. La voie électorale se ferme. Peu à peu, il s’oriente vers une stratégie insurrectionnelle, de guerre de guérilla, dans le droit fil de l’histoire cubaine, de l’héritage des deux guerres d’indépendance.

Castro a conscience de prolonger la pensée et l’action du « héros national » José Marti, son inspirateur et modèle mort au combat le 19 mai 1895. À cette époque, Castro est d’abord « martinien », porteur d’un « nationalisme » radical hérité du patrimoine historique cubain, teinté de « socialisme utopique ». Pour José Marti, les États-Unis constituaient déjà, au XIXe siècle, « le pire danger qui menace notre Amérique ». La formation – incomplète – de la nation cubaine, dans ce contexte, acquiert une dimension anti-impérialiste. Le « fidélisme » apparaît alors comme « une synthèse pragmatique, un mélange d’un peu de Marx, de Engels, de Lénine, assez de Che et beaucoup de José Marti » (2). Sur cet « avant 1959 », Castro dira qu’il « avait peut-être deux millions de préjugés petits-bourgeois » (3).


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 LE LEADER CUBAIN FIDEL CASTRO LIVRE UN DISCOURS
VÉHÉMENT ATTAQUANT LES EU DANS UNE TV DE LA HAVANE.
PHOTO ROLLS PRESS

Le 26 juillet 1953, sous les ordres de Castro, 131 jeunes partent à l’assaut de la symbolique forteresse militaire, la caserne de Moncada à Santiago. L’opération, destinée à provoquer un soulèvement populaire, échoue et la petite troupe est décimée : 6 morts au combat, 49 survivants torturés, puis massacrés. L’acharnement des tortionnaires et le courage inouï de ces jeunes confèrent à l’action un impact national, émotionnel et politique considérable. Le Parti socialiste populaire (PSP, communiste) qualifie, lui, l’assaut de « tentative de putsch aventuriste ». Le PSP traîne une réputation entachée de collaboration depuis le gouvernement de Front populaire avec Batista, dans lequel il eut deux ministres de 1942 à 1944.

Le 16 octobre 1953, Fidel Castro, avocat, assume lui-même sa défense lors du procès des assaillants. Sa célèbre plaidoirie-programme devient historique sous le titre « L’histoire m’acquittera ». Durant deux heures, l’accusé défend une cause collective et s’attribue le rôle d’accusateur, accable le tyran, démonte les mécanismes néocolonialistes d’exploitation, de domination, plaide pour un « gouvernement révolutionnaire », se pose en héritier de José Marti, qu’il qualifie d’« auteur intellectuel de l’assaut à la Moncada ». Il avance des réformes sociales inspirées du programme réformiste « orthodoxe », en appelle à saint Thomas d’Aquin pour légitimer le droit du peuple à démettre un tyran (4). Le discours, improvisé, est reconstitué et circule clandestinement. Il vaut à son auteur une large reconnaissance politique, notamment celle, unanime, de la communauté intellectuelle.

Castro, plus populaire que jamais, écope de 15 ans de prison. Un fort mouvement populaire arrache une loi d’amnistie et obtient, au bout de 21,5 mois, la libération de celui qui, pour les Cubains et bien au-delà, est désormais « Fidel ». En août 1955, il publie le premier manifeste du Mouvement du 26 juillet (mouvement créé après l’assaut) : réforme agraire, industrialisation, rétablissement de la Constitution de 1940, construction de logements, baisse des loyers, réformes économiques et ­sociales progressistes, nationalisation des services publics…

La répression oblige, en janvier 1956, Fidel et les militants les plus marqués à émigrer au Mexique. Ils y préparent une expédition armée pour renverser Batista. Au Mexique, il se définit comme « un marxiste en pensée », ce que contestera implicitement le Che. Dans une lettre de la Sierra à René Ramos Latour (Daniel), dirigeant « santiaguero » du Mouvement du 26 juillet, datée du 14 décembre 1957, Che écrit : « J’ai considéré Fidel comme un authentique leader de la bourgeoisie de gauche. »

Le 2 décembre 1956, sur le « Granma », un vieux rafiot exigu, 82 hommes embarquent pour « libérer Cuba ». Une traversée infernale de 7 jours et un débarquement catastrophique sur la côte orientale. Repéré par l’armée, le petit groupe est quasiment anéanti. Fidel, une nouvelle fois, et son frère Raul, s’en sortent. Ils parviennent à gagner la Sierra Maestra et mettent en place la guerre de guérilla.

C’est autour de cette Armée rebelle (fidéliste), le vecteur le plus révolutionnaire, le moins anticommuniste, que se forge une sorte de front antidictatorial, scellé au mois de juillet 1957 par le manifeste de la Sierra, puis par le pacte de Caracas (juillet 1958). En régime de monoculture en crise, les couches rurales se sont prolétarisées, la petite-bourgeoisie s’est radicalisée ; la classe ouvrière n’a pas « dirigé » le processus mais lui a servi de base. Les préjugés anticommunistes freinent. Le Mouvement du 26 juillet lui-même voit l’Armée rebelle, selon Fidel, « comme des agitateurs ». En mai 1958, il déclare au journaliste nord-américain Jules Dubois : « Je n’ai jamais été et ne suis pas communiste. Si je l’étais, je serais suffisamment courageux pour le proclamer » (5).

La guerre de guérilla dure 25 mois ; 300 guérilleros affrontent 12 000 soldats. L’opération militaire de Batista (« Fin de Fidel ») tourne à la débâcle. Le 8 janvier 1959, en pleine guerre froide, Fidel et sa légende entrent dans La Havane, acclamés par une « marée humaine » (6). Fidel le fédérateur, le libérateur, symbole de nation.

Le 16 avril 1961, à La Havane, la foule se presse aux obsèques des victimes des raids aériens ennemis. Les bombardements de la CIA clouent au sol la petite aviation cubaine, tandis que se prépare l’invasion de la baie des Cochons par 1 400 exilés mercenaires, écrasés en 66 heures. Dans son discours des funérailles, Fidel appelle à défendre « notre révolution socialiste ». Il a attendu deux ans et demi après la victoire de l’Armée ­rebelle pour se réclamer du socialisme. Le long mûrissement du leader, l’expérience, vécue, de la nature de l’impérialisme, l’évolution des conditions objectives et subjectives, les enjeux et problèmes de l’époque ont « radicalisé » Fidel. En devenant communiste, il a contribué à son tour à radicaliser le processus révolutionnaire. L’agression des États-Unis a accéléré cette interaction dialectique. La révolution répond à chaque mesure hostile de Washington par l’approfondissement des changements. Un exemple : la loi 851 du 6 juillet 1960 réplique à la suppression de la quote-part d’importation de sucre cubain par la nationalisation des propriétés et des banques nord-américaines à Cuba.

Lorsque Kennedy impose le blocus total de l’île, l’aide de l’Union soviétique permet à Cuba de tenir. Y avait-il une alternative aux liens avec l’URSS, à l’entrée en 1972 dans le Comecon ? Ils lui offrent les moyens d’un développement social, éducatif, sanitaire, remarquable, mais ne remettent pas en cause la monoculture. Cuba est désormais réserve sucrière du « camp socialiste ». En 1991, Fidel déclare : « Nous avions déifié l’Union soviétique. » Il porte désormais un regard critique sur une période ambivalente.

Les discours politiciens sur « la trahison » de Fidel ou sur son « communisme souterrain », son « machiavélisme », relèvent de la propagande et occultent l’évolution fascinante du « Comandante » Fidel.

(1) « Les Quatre Saisons de Fidel Castro », de J.-P. Clerc, Éditions du Seuil, 1996.
(2) « Fidel », de V. Skierka, éditions Martinez Roca, 2002.
(3) « Le Socialisme à la cubaine », de J. Ortiz et G. Fournial, Éditions sociales, 1983.
(4) « L’histoire m’acquittera », de F. Castro, traduit et annoté par J.-F. Bonaldi, Éd. le Temps des cerises, 2013.
(5) « Journal de la révolution cubaine », de C. Franqui, Éditions du Seuil, Paris, 1976.
(6) Castro, Fidel, « les Chemins de la victoire. Mémoires », Éditions Michel Lafon, 2012. À consulter également : « Biographie à deux voix », F. Castro, I. Ramonet, Fayard/Galilée, 2007.


DU MÊME AUTEUR  :

mardi 9 août 2016

LE VATICAN VA JUGER UN PRÊTRE CONDAMNÉ POUR PÉDOPHILIE AU CHILI


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LE PRÊTRE IRLANDAIS JOHN O'REILLY  ENTOURÉ D'ENFANTS  

Le père O'Reilly, un des prêtres les plus influents du Chili, proche des milieux d'affaires et de la classe politique, a été reconnu coupable de sévices sexuels répétés sur une mineure entre 2010 et 2012 dans une école de Santiago, où il exerçait en tant que guide spirituel.

Déchu de sa nationalité

Il a été condamné en novembre 2014 à quatre années de liberté surveillée, à l'issue desquelles il sera expulsé du Chili. John O'Reilly avait déjà été déchu en mars 2015 de sa nationalité chilienne, qui lui avait été accordée en 2008. Le prêtre clame son innocence et nie les faits qui lui sont imputés, selon un récent rapport de la gendarmerie du Chili. L'Église chilienne a publiquement demandé pardon en avril 2011 pour des cas de pédophilie ayant impliqué une vingtaine de prêtres.

RÉACTION AUX NOMBREUX SCANDALES PÉDOPHILES IMPLIQUANT L’EGLISE. 
PHOTO STR / AFP


Une nouvelle instance de droit canonique

Le père O’Reilly, l’un des prêtres les plus influents du Chili, proche des milieux d’affaires et de la classe politique, a été reconnu coupable de sévices sexuels répétés sur une mineure entre 2010 et 2012 dans une école de Santiago, où il exerçait en tant que guide spirituel. Le prêtre, qui clame son innocence, sera expulsé du pays à l’issue de sa peine après avoir déjà été déchu de sa nationalité chilienne en mars 2015.


Face à la multiplication des scandales pédophiles qui ont impliqué l’Eglise, le Vatican a créé l’an dernier une nouvelle instance de droit canonique spécifique. Un premier procès s’était tenu en juillet 2015 pour juger un ancien nonce accusé d’abus sexuels sur mineurs et de détention de matériel pédopornographique en République dominicaine.

vendredi 5 août 2016

LES CHILIENS DE L'ÉTRANGER POURRONT DE NOUVEAU VOTER

Un droit que le retour à la démocratie en 1990 n'avait pas réussi à rétablir. Une anomalie d'autant plus frappante que les étrangers résidant plus de cinq ans au Chili ont le droit de vote. La faute à qui ? A la droite. Pour la même raison : la crainte que ces expatriés votent majoritairement à gauche et ne les défavorisé. 

Et cela malgré les chiffres. Car seuls 13 % des Chiliens vivant à l'étranger sont partis pour des raisons politiques. Ils pourront dorénavant voter pour les primaires présidentielles, les élections présidentielles, les plébiscites, les référendums. 

Ce droit concernera près de 450 000 Chiliens qui pourront l'exercer dès novembre 2017, lors des prochaines présidentielles. Leur participation comptera d'autant plus qu'on prévoit déjà une forte abstention des Chiliens vivant dans le pays.

jeudi 4 août 2016

QUAND LE CHILI RÉALISE QUE BIEN TROP D'ENFANTS MEURENT SOUS LA TUTELLE DE L'ÉTAT

Mais surtout, à 85 %, il gère des foyers qui accueillent des enfants qui ont été séparés de leur famille quand la justice estime que celle-ci est incapable de les élever. 

Lissette faisait partie de cette dernière catégorie. Elle était battue par son père et a été également victime d’abus sexuel. L'enfant est morte d’un arrêt cardio-vasculaire. La directrice de l’organisme a immédiatement expliqué que c’était la tristesse qui l’avait tuée : elle attendait une visite qui n’est pas venue. Une explication qui n’a convaincu personne. La directrice a finalement donné sa démission onze jours plus tard.

Le Sename, un système en roue libre ?

L’enquête n’est pas terminée, mais il pourrait y avoir eu négligence du foyer. L'affaire a conduit la Chambre des députés à créer une commission d’enquête sur le fonctionnement de cet organisme d’'État. Jusqu'ici, cette commission a révélé que le personnel de ce type de foyers n’est absolument pas qualifié, qu’il administre des sédatifs et tout type de médicaments à tout va aux mineurs et sans aucun contrôle.

Elle a également révélé que les infrastructures sont déplorables et que les ressources sont insuffisantes. Et que Lissette n'est que la dernière d’une longue liste. Combien de mineurs sous la responsabilité de l’'État chilien sont-ils morts ? La Chambre des députés a posé la question au ministère de la Justice, portefeuille en chargé du Sename. Réponse : 185 depuis 2005. Un chiffre qui a consterné et horrifié les Chiliens.

Une estimation encore en deçà des faits ?

Et pourtant, ce chiffre s’est pourtant vite révélé en deçà de la réalité. La nouvelle directrice du Sename a tout simplement avoué que ses services ne savaient pas combien ils sont. Car les décès ne sont pas enregistrés comme tels. Le Sename est en train de recouper tous les registres pour pouvoir donner un chiffre précis. Il pourrait être question de près de 500 décès, dont beaucoup par négligence.

Cette bataille des chiffres révèle un dispositif en faillite totale, incapable de protéger les enfants dont il a la charge. Par ailleurs, les défaillances du Service national des mineurs posent la question du statut des enfants dans ce pays, le Chili. Les enfants, des citoyens de deuxième catégorie parce qu’ils ne votent pas, critiquent des analystes.