samedi 26 novembre 2016

FREI BETTO : «IL A FAIT DE CUBA UNE NATION SOUVERAINE»


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LE REFLET D’UNE L’IMAGE DE FIDEL CASTRO
DANS UN QUARTIER OUVRIER DE LA HAVANE.
PHOTO PAOLO PELLEGRIN

Frei Betto, dominicain brésilien et ami de Castro, rend hommage à la «dernière grande figure politique du XXe siècle».
FREI BETTO ET FIDEL CASTRO EN 1985
Le dominicain brésilien Frei Betto, 72 ans, est sans doute l’un de ceux qui ont le mieux connu Fidel Castro, dont il fut l’ami. Sa série d’entretiens sur la religion avec le leader cubain a été publiée en France en 1986. Conseiller des mouvements populaires, il est aussi une des grandes figures de la théologie de la libération, courant né dans les années 60 en Amérique latine pour promouvoir l’engagement de l’Église au côté des pauvres.

«J’ai connu Fidel Castro le 19 juillet 1980 à Managua, lors du premier anniversaire de la révolution sandiniste. Ce soir-là, on a parlé jusqu’à l’aube, lui et moi. Il m’a demandé de l’aider à rapprocher l’Eglise catholique cubaine de son gouvernement. Je lui ai répondu qu’il me fallait d’abord l’aval des évêques locaux - que j’ai obtenu. Au fil de ma mission, Fidel et moi nous sommes rapprochés. Ces dernières années, il me recevait chez lui. A plusieurs reprises, en me quittant, il a eu ces mots : "Priez pour nous." J’ai le sentiment qu’il n’était déjà plus un homme athée, qu’il est mort en agnostique. Cela transparaît dans la préface de ma biographie [à paraître prochainement, ndlr], qu’il a rédigée.

«Notre ultime rencontre date du 13 août, le jour de ses 90 ans. Il était affaibli mais lucide. Fidel Castro était la dernière grande figure politique du XXe siècle. Avant lui, Cuba était tenu pour "le prostibule des Caraïbes". Il en a fait une nation souveraine. S’il voyait en Barack Obama un homme serein, il restait méfiant face à ses gestes d’ouverture, craignant un simple changement tactique pour remettre Cuba dans l’orbite des Etats-Unis. On l’accuse d’avoir bafoué les droits de l’homme. Or, grâce à lui, les plus fondamentaux de ces droits - l’accès à alimentation, la santé et l’éducation - sont garantis à Cuba. Aucun autre pays latino-américain ne peut en dire autant. Je dirais même qu’il a contribué au retour à la démocratie dans notre région en entraînant des membres des guérillas opposées aux dictatures qui avaient pris le pouvoir avec l’aide de la CIA, dans les années 60 et 70. Son action, ses paroles ont stimulé la gauche latino-américaine, qui perd une référence. C’est le pape François - dont il était un admirateur - qui est appelé à jouer ce rôle. De par sa critique du capitalisme, mais aussi parce qu’il a réhabilité la théologie de la libération que Jean Paul II et Benoît XVI avaient combattue, éloignant les plus démunis de l’Eglise.»

Chantal Rayes à São Paulo