samedi 3 décembre 2016

POURQUOI EDF MISE À FOND SUR LE CHILI


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PHOTO LUDOVIC DUPIN

Comme la plupart des énergéticiens, EDF en mord pour le Chili. En quelques années, le pays est devenu l’eldorado des renouvelables. Ce statut tient aux conditions naturelles exceptionnelles du pays. L’Atacama offre 300 jours de soleil par an, le plus haut niveau de radiation solaire au monde, un site plat qui permet de réaliser les installations au moindre coût... "Le rendement des panneaux solaires est ici de 31%, alors qu’il est de 15% dans le sud de la France", dit Guillaume de Forceville, directeur général d’EDF Chili.

Même situation pour l’éolien. Grâce aux vents puissants du Pacifique, les turbines tournent à plein régime. Caractéristique du Chili, les renouvelables prospèrent sans subventions. Parfois l’électricité est vendue directement sur le marché spot. C’est le cas pour le projet Boléro. Autre atout du Chili, sa stabilité juridique et financière. 

"Le pays qui dispose d’un marché de la dette et de nombreux fonds de pension est très ouvert aux investisseurs étrangers", indique Sébastien Clerc, directeur général de Voltalia, un producteur d’énergies renouvelables. Les énergéticiens sont d’autant plus enclins à investir que le pays a via ses mines de cuivre –le Chili est le premier producteur mondial-, de gros besoins électriques.



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Coup de pied dans la fourmilière

Résultat, les prix de l’électricité ont toujours été historiquement élevés. Bien au-dessus de 100 dollars le megawattheure. Quatre compagnies se sont longtemps partagés ce marché très juteux: l’Américain AES-Gener, le Chilien Colbun, l’Italien Enel et le Français Engie qui compte 3,1 gigawatts essentiellement dans des actifs thermiques (gaz et charbon). Cet oligopole prospérait tranquillement avec la complicité plus ou moins tacite des autorités.

Comme elles proposaient des enchères sur de faibles volumes et sur des durées courtes (environ 5 ans), les concurrents potentiels étaient dissuadés. La situation frisa même le grotesque quand le gouvernement mis des lots aux enchères… qui ne trouvèrent pas preneur. Rien de tel qu’une pénurie d’électricité pour entretenir des prix élevés. Tout change à partir de 2013 avec l’arrivée de Maximo Pacheco au ministère de l’Energie. Ce franc-tireur donne un coup de pied dans la fourmilière en proposant des achats à long terme (sur 15-20 ans) et multi-sources (éolien, solaire, thermique). Résultat: deux nouveaux acteurs débarquent sur le marché : l’Espagnol Gas Natural Fenosa et EDF.

Bientôt un autre parc solaire

En un peu plus de deux ans, le Français a fait vite. Outre Boléro, EDF va bientôt lancer un autre parc solaire, Santiago Solar (115 MW), à une quarantaine de kilomètres de la capitale et dans l’Atacama une ferme éolienne Cabo Leones 1 (115 MW). Dans les énergies fossiles, il envisage de construire à Concepcion, à 500 kilomètres au sud de Santiago, Octopus, un terminal de regazéification couplé à une centrale à cycle combiné gaz.

"Lorsque Octopus sera réalisé, on l’espère en 2019, nous disposerons d’un gigawatt de capacités au Chili sur un marché qui en compte une vingtaine", indique Jean-Bernard Lévy. Les projets d’EDF s’élèvent à environ deux milliards d’euros, dont 600 millions en propre pour l’électricien. Il reste maintenant à gagner de l’argent. Ce qui n’est pas toujours évident, car l’économie du Chili repose en grande partie sur le marché des matières premières qui est de nature très cyclique.

Ces derniers mois, l’afflux de projets renouvelables s’est heurté à la baisse de production des mines de cuivre, conséquence du ralentissement de la Chine. Résultat, la Chili s’est retrouvé avec des surcapacités et cette année, pendant 133 jours, il n’eut d’autres solutions que de fournir l’électricité gratuitement