mardi 19 décembre 2017

LE CONSERVATEUR ET ANCIEN PRÉSIDENT SEBASTIAN PIÑERA ÉLU À LA TÊTE DU CHILI

[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
AU QUARTIER GÉNÉRAL DE SEBASTIAN PIÑERA, VAINQUEUR DU SECOND TOUR DE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE AU CHILI, LE 17 DÉCEMBRE 2017   PHOTO IVAN ALVARADO 
Celui qui a déjà dirigé le pays entre 2010 et 2014 succède à la présidente de centre gauche, Michelle Bachelet. Le Chili a basculé à droite, dimanche 17 décembre, en élisant, au second tour de la présidentielle, Sebastian Piñera. Il suit l’exemple de plusieurs pays latino-américains ces dernières années.
Par Christine Legrand (Buenos Aires)
PHOTO MARTIN BERNETTI  
L’homme d’affaires millionnaire, qui a déjà gouverné le pays entre 2010 et 2014, l’a emporté confortablement avec plus de 54 % des suffrages face à son rival de centre gauche, le sénateur radical et ancien journaliste Alejandro Guillier (45,43 % des voix).

À 68 ans, M. Piñera succédera à la socialiste Michelle Bachelet, le 11 mars 2018, pour un mandat de quatre ans. « Nous avons subi une défaite douloureuse », a reconnu M. Guillier à l’issue d’un scrutin qui s’annonçait très serré.

Héritage de Pinochet

 À la tête de Chile Vamos, toujours bronzé, toujours souriant, M. Piñera est l’un des hommes les plus riches du Chili, avec une fortune estimée à plus de 2 milliards d’euros. Il se dit partisan d’une « droite rénovée et libérale », débarrassée de l’héritage Pinochet. Il a toujours cherché à marquer ses distances avec cette période noire du Chili ayant voté non, en 1988, au plébiscite qui avait précipité la chute du régime militaire.

Cette fois, M. Piñera s’est vu contraint de durcir son discours à la suite de l’irruption sur la scène présidentielle de José Antonio Kast, le candidat d’extrême droite et d’une partie des milieux militaires. Au second tour, M. Kast, qui avait fait 7,8% au premier tour en revendiquant l’héritage de Pinochet, a apporté son soutien inconditionnel à M. Piñera, qui n’avait obtenu que 36,6 %, bien en dessous des prédictions des sondages.

Economiste formé à Harvard, M. Piñera a fait fortune en lançant les cartes de crédit au Chili dans les années 1980. Il a promis à son électorat conservateur de revenir sur les avancées sociétales du gouvernement sortant, notamment le mariage homosexuel et la dépénalisation de l’avortement. Avec le slogan « Des jours meilleurs vont venir », il a promis croissance et créations d’emplois dans un pays à l’économie en berne depuis deux ans.

Pilotant son propre hélicoptère, l’ancien propriétaire d’une chaîne de télévision, du populaire club de football Colo Colo et principal actionnaire de la compagnie d’aviation chilienne LAN Airlines, avait mis du temps, quand il avait été élu la première fois président, à renoncer à toutes ses participations.

Des partisans du président élu, Sebastian Piñera, célèbrent la victoire de leur candidat dans les rues de Santiago, le 17 décembre.

Deuxième mandat

En 2010, il avait été le premier président élu de droite depuis le retour de la démocratie, parvenant à rompre l’hégémonie de la coalition de centre gauche, la Concertation démocratique, au pouvoir depuis la fin de la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990). Son arrivée au palais présidentiel de La Moneda n’avait pas entraîné de grands changements au sein d’une société profondément conservatrice. Etre un nouveau riche au Chili n’est pas un handicap, au contraire, et les succès comme entrepreneur de M. Piñera sont son principal atout.

Au cours de son premier mandat, il avait bénéficié des prix élevés sur les marchés internationaux du cuivre, principale ressource du Chili, qui en est le premier producteur et exportateur mondial. Il pourrait à nouveau profiter du récent rebond du cours du métal pour dynamiser l’économie. Il a promis de doubler le taux de croissance (1,4 % en 2017), de créer 600 000 emplois, de baisser les impôts pour les entreprises, d’augmenter les retraites et de réduire la pauvreté.

Pendant sa campagne, il avait accusé M. Guillier « de vendre du vent », d’être proche de Podemos en Espagne, voire du président vénézuélien, Nicolas Maduro. Rompant avec l’usage diplomatique, le président de droite argentin, Mauricio Macri, avait exprimé son soutien à M. Piñera, ami de longue date.

« Deux visions du Chili »

Le nouveau président élu n’aura pas la majorité au Parlement. Les législatives, organisées lors du premier tour et pour la première fois lors d’un scrutin à la proportionnelle, ont laissé un paysage fragmenté dans les deux chambres. Il y a désormais plus de femmes et le Frente Amplio (« Front large », coalition de la gauche radicale) est devenu le principal bloc de gauche avec vingt députés et un sénateur.

L’échec de son rival de centre gauche est interprété comme le signe du large mécontentement de l’opinion contre la présidente sortante. Connu comme le présentateur vedette du principal journal télévisé du Chili, M. Guillier semble pourtant avoir bénéficié du report des voix du Frente Amplio, qui avait créé la surprise au premier tour, le 19 novembre, arrivant en troisième position avec plus de 20 % des voix.

Beatriz Sanchez, la candidate de la coalition, n’avait pourtant pas donné de consigne de vote à ses partisans en vue du second tour, mais avait dit qu’elle voterait, personnellement, pour M. Guillier. Pour barrer la route à M. Piñera, les piliers du Front, les jeunes députés et anciens leadeurs de la révolution étudiante de 2011, Giorgio Jackson et Gabriel Boric, avaient fait de même. « C’est la confrontation de deux visions du Chili », avait souligné M. Guillier pendant sa campagne, s’inscrivant dans la continuité des réformes progressistes de Mme Bachelet.