mercredi 31 janvier 2018

PÉDOPHILIE : APRÈS SA DÉSASTREUSE VISITE AU CHILI, LE PAPE RIPOSTE

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 LE PAPE FRANÇOIS LORS DE LA CÉLÉBRATION D'UNE  
MESSE EN PLEIN AIR, À LOBITOS BEACH (CHILI) LE 18 JANVIER 2018
PHOTO VINCENZO PINTO

François a décidé d’envoyer dans le pays un représentant « pour écouter » les victimes. Sa défense d’un évêque accusé d’avoir protégé un prêtre pédophile avait choqué.
Par Cécile Chambraud
La tension était trop forte pour espérer qu’elle retombe d’elle-même. Le service de presse du Vatican a annoncé, mardi 30 janvier, que le pape François avait décidé d’envoyer un représentant à Santiago du Chili « pour écouter ceux qui ont manifesté la volonté de faire connaître des éléments qu’ils possèdent ». Cette périphrase désigne les victimes du prêtre chilien Fernando Karadima, reconnu coupable d’agressions sexuelles sur mineurs par l’Eglise catholique en 2011.

Ces victimes dénoncent la nomination par François d’un des anciens protégés de Fernando Karadima, Mgr Juan Barros, comme évêque d’Osorno, un diocèse du sud du pays, en janvier 2015. Plusieurs accusent ce prélat d’avoir été présent, à l’époque, pendant qu’ils étaient agressés, et d’avoir couvert par la suite les agissements de son ancien mentor.

Lors de sa récente visite au Chili (du 15 au 18 janvier), le pontife s’était dit « convaincu que [Mgr Barros] est innocent » et avait affirmé qu’il n’y « a pas une seule preuve contre lui » mais bien des « calomnies ». Voici désormais Mgr Barros, dont le pape a refusé par deux fois la démission, visé par une enquête du Vatican.

La bronca contre l’attitude et les propos du pape, à l’occasion de ce voyage, a été telle qu’elle a éclipsé les autres aspects de sa visite. Elle lui a valu une cuisante – et courageuse – remontrance de l’archevêque de Boston, Mgr Sean O’Malley, qui a jugé « compréhensible que la déclaration du pape François à Santiago du Chili ait été une source de grande douleur pour les survivants d’agressions sexuelles par des membres du clergé ».

Le cardinal O’Malley est l’une des figures de la lutte contre la pédophilie dans le clergé américain. Proche du pape François, qui l’a inclus dans son conseil des neuf cardinaux, il préside la commission d’experts chargés par le pape de proposer des réformes pour mieux protéger les mineurs contre la pédophilie. Jusqu’à ce voyage, le retard pris par les réformes destinées à mieux lutter contre ce fléau dans l’Eglise catholique était mis en bonne partie sur le compte des résistances dans la curie romaine, l’administration du Vatican.

Cela avait été mis en avant par Marie Collins pour démissionner de la commission pontificale de protection des mineurs. Cette Irlandaise, agressée par un prêtre à l’âge de 13 ans, avait claqué la porte, en mars 2017, en invoquant des « revers constants » dus « à la résistance de certains membres de la curie du Vatican aux travaux de la commission » et à un « manque de coopération honteux ».

Signaux de mauvais augure

Elle accusait notamment – sans la nommer – la Congrégation pour la doctrine de la foi, chargée de juger les prêtres accusés d’agressions sexuelles, de s’être opposée à la création d’un tribunal destiné à juger les évêques négligents dans la gestion de cas d’agressions sexuelles, que François avait pourtant annoncé.

Mais les propos tenus par François au Chili, le fait qu’il ait évité de rencontrer les victimes de Fernando Karadima, qui contestent la nomination de Mgr Barros, et la présence de ce dernier aux côtés du pape à chacune de ses messes, ont cette fois jeté un doute sur la détermination du souverain pontife à sanctionner véritablement les évêques qui auraient couvert de tels faits.

Ce doute vient s’ajouter à d’autres signaux, plus anciens, déjà jugés de mauvais augure par les associations de victimes. Elles reprochent ainsi au pape son soutien au cardinal George Pell, numéro trois du Vatican, inculpé d’agressions sexuelles par la justice australienne, qui a quitté Rome fin juin 2017 et s’est mis en congé de ses fonctions dans le but d’assurer sa défense. Alors que François ne manque pas une occasion de s’en prendre au « cléricalisme », certains sont aujourd’hui tentés de croire qu’il ne va pas jusqu’au bout de son engagement lorsqu’il s’agit des évêques.

« Nouvelles décourageantes »

Par ailleurs, les membres de la commission pour la protection des mineurs, présidée par le cardinal O’Malley, sont plongés dans l’incertitude. Depuis le 17 décembre 2017, troisième anniversaire de leur nomination, ils ignorent si l’instance sera prolongée et s’ils en feront encore partie. Et ils sont sans nouvelle des propositions qu’ils ont remises au pape en septembre.

Elles comportaient un modèle de recommandations contre la pédophilie pour les diocèses qui n’en sont pas encore dotés, demandaient un réexamen du secret pontifical lorsqu’il s’applique aux cas d’agression sexuelle pour permettre aux victimes d’être informées des procès canoniques, préconisaient la création d’un conseil international de « survivants » et plaidaient pour la suppression du délai de prescription de vingt ans. L’épisode chilien ne les a pas précisément rassurés.

Sur le site du Centre pour la protection de l’enfance, qui fait partie de l’Université grégorienne, à Rome, le post d’une chercheuse, daté du 26 janvier, évoque « les mots malheureux » du pape, les « nouvelles décourageantes » et interroge : « Y a-t-il l’espoir d’un réel changement dans l’Eglise ? » Ce centre est présidé par l’un des membres de la commission pontificale, le jésuite allemand Hans Zollner.

Depuis deux semaines, l’incompréhension a largement débordé le cercle des victimes et de ceux qui les épaulent. Ce ne sont pas les habituels opposants du pape qui se sont manifestés. Le trouble a gagné bien au-delà. « La défense de Barros par François a été excessive », a écrit le jésuite Thomas Reese dans un article sévère publié par le National Catholic Reporter.

La contre-offensive du pape a en réalité commencé quelques jours après son retour du Chili et du Pérou. Le Vatican a alors annoncé qu’un séminaire sur la protection des enfants, présidé par le cardinal O’Malley, serait organisé dans le cadre des Journées mondiales de la famille, qui auront lieu du 21 au 26 août en Irlande. Un pays touché par de multiples scandales mis au jour par les enquêtes publiques menées dans les années 2000. Des victimes y participeront ; François devrait y intervenir.

C’est sur la foi « d’éléments récemment parvenus », a affirmé, mardi, le service de presse du Vatican, que le pape a décidé d’envoyer au Chili l’archevêque de Malte Charles Scicluna. Le choix de cet enquêteur ne doit rien au hasard. Aujourd’hui président au Vatican d’une cour d’appel pour les agressions sexuelles, Mgr Scicluna s’est illustré dans le passé pour avoir enquêté, au sein de la Congrégation pour la doctrine de la foi, sur les crimes commis par le Mexicain Marcial Maciel, le fondateur des Légionnaires du Christ, qui avait ses entrées auprès de Jean Paul II.


mardi 30 janvier 2018

LE PAPE ENVOIE MGR SCICLUNA AU CHILI POUR ÉCOUTER LES VICTIMES D’ABUS SEXUELS

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MGR CHARLES JUDE SCICLUNA, ARCHEVÊQUE DE MALTE. 
 PHOTO ALESSIA GIULIANI 
Connaisseur chevronné de l’épineuse question des abus sexuels dans l’Eglise, Mgr Charles Scicluna, archevêque de Malte, est envoyé à Santiago « pour écouter ceux qui ont exprimé la volonté de soumettre des éléments en leur possession » concernant le cas de Mgr Barros.
« POUR CROIRE EN NOUS IL FAUT AVOIR LA FOI, 
MAIS POUR QUE JE CROIE EN VOUS 
IL FAUT M'APPORTER DES PREUVES. »
Le pape François a demandé à l’archevêque de Malte, Mgr Charles J. Scicluna, par ailleurs président du collège pour l’examen des recours en matière de délits graves au sien de la Congrégation pour la doctrine de la foi, de se rendre à Santiago du Chili, a annoncé mardi 30 janvier le Saint-Siège.

La tâche de celui qui, sous le pontificat de Benoît XVI, était considéré comme l’homme de la « tolérance zéro » en matière de pédophilie, sera d’« écouter ceux qui ont exprimé la volonté de soumettre des éléments en leur possession » concernant l’évêque d’Osorno, Mgr Juan Barros Madrid. Lors de son voyage au Chili, mi-janvier, le pape François a, à deux reprises, pris la défense de cet évêque, provoquant une polémique.

L’évêque d’Osorno est en effet impliqué dans le scandale Karadima, du nom de cet ancien curé d’une paroisse d’un quartier huppé de Santiago à l’origine de nombreuses vocations, mais qui s’est révélé un redoutable prédateur sexuel et qui, dénoncé en 2004, n’a été renvoyé de l’état clérical qu’en 2011.

Jeune homme, Juan Barros avait fait partie du groupe de jeunes dont la vocation avait été éveillée par Karadima. Un autre jeune de ce groupe l’accuse d’avoir été présent dans une pièce contiguë à celle où il était aux prises avec le prêtre abuseur. Et d’être donc, de ce fait, complice, la porte étant restée ouverte. Juan Barros affirme, lui, n’avoir rien su.

« J’ai le cœur ouvert à recevoir les victimes »

« Le cas de Barros a été étudié et réétudié, mais aucun élément n’est arrivé. Et moi, je ne peux pas le condamner si je n’ai pas d’éléments. Si je le condamnais sans élément ou sans certitude morale, je commettrais, moi, un déni de justice », avait affirmé le pape François dans l’avion qui le ramenait de Lima, se disant « convaincu » que Mgr Barros est « innocent ».

Les victimes « ne sont pas venues apporter d’éléments pour un jugement. Tout cela est trop léger pour être pris en compte : quelqu’un qui accuse sans élément, avec opiniâtreté, c’est de la calomnie», avait-il martelé, se disant néanmoins prêt à entendre tout élément à charge contre Mgr Barros : « J’ai le cœur ouvert à recevoir les victimes. ».

Pas de rencontre avec les victimes de Karadima

« Autour de Karadima, cela fonctionnait comme une secte », se souvient José Andrés Murillo, lui aussi ancien du groupe, abusé à l’époque par le prêtre et aujourd’hui directeur de la fondation « Pour la confiance », qui lutte contre les abus sexuels. « Ce contexte est une preuve suffisante contre Barros », affirme-t-il.

Lors du voyage du pape, il expliquait par ailleurs à La Croix que la fondation « Pour la confiance » a demandé à rencontrer le pape pendant son voyage, mais que la nonciature apostolique lui a répondu que l’agenda était trop chargé.

Durant son séjour à Santiago, le pape a néanmoins rencontré des victimes d’abus sexuels, sans qu’il soit précisé s’il s’agissait de victimes de Karadima. Il ne s’agissait en tout cas pas de personnes en lien avec la fondation « Pour la confiance ».

Contactée de nouveau par La Croix, la fondation n’a pas souhaité réagir à cette annonce pour le moment, dans l’attente d’en savoir plus.

FACEBOOK


lundi 29 janvier 2018

MARK ZUCKERBERG VOUS VEUT DU BIEN


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« MATRIX » LA CENTRALE ÉLECTRIQUE À ÉNERGIE HUMAINE
© LANA ET LILLY WACHOWSKI / WARNER
Si l’impact pernicieux des nouvelles technologies sur la politique, la démocratie et nos fonctions cognitives fait aujourd’hui scandale, c’est principalement à cause du rapport très ambigu, voire schizophrène, qu’elles entretiennent avec leurs utilisateurs.
par Evgeny Morozov 
 PHOTO JOHN LUND 
Cette relation est mue à la fois par la compassion et l’indifférence, deux logiques adverses qui jouaient autrefois un rôle nécessaire, permettant aux entreprises technologiques d’invoquer leurs bonnes intentions quand on les accusait de malveillance. La coexistence de ces deux principes contradictoires semble de moins en moins tenable, révélant enfin l’incohérence de leur vision d’ensemble.

Leur compassion affichée n’est pas tout à fait fausse. Les géants des technologies, aussi puissants soient-ils, dépendent beaucoup de la publicité et des ventes, c’est-à-dire de notre capacité à consommer. Leurs intérêts sont donc, dans une certaine mesure, indexés sur ceux de leurs utilisateurs. Sans ressources, ces derniers ne pourraient pas acheter les produits tant vantés. C’est pourquoi certains magnats de la technologie manifestent leur soutien au revenu de base universel et s’essaient à la résolution des problèmes croissants de protection sociale en matière d’éducation ou de santé (lire, sur ce blog, « L’utopie du revenu garanti récupérée par la Silicon Valley et « La Sécu selon Uber »).

La méthode n’est pas sans rappeler celle d’Henry Ford, qui versait à ses ouvriers de plus gros salaires pour qu’ils puissent acheter les voitures de sa marque. On pourrait établir une comparaison moins flatteuse encore avec les propriétaires d’esclaves, qui devaient nourrir et veiller à la santé de leur main-d’œuvre, au risque de la perdre pour cause d’épuisement et de maladie.

Néanmoins, contrairement à Henry Ford ou aux propriétaires d’esclaves, les magnats de la technologie ne veulent pas financer eux-mêmes le revenu de base universel, qui apparaît de plus en plus comme leur solution favorite. Une augmentation des impôts pourrait y contribuer, pourvu qu’on ne puise pas dans leurs propres bénéfices — elles ont besoin de cet argent pour financer le tourisme dans l’espace. Qui pourrait leur en vouloir ? Tout oligarque qui se respecte a besoin d’une issue de secours.

La générosité de la Silicon Valley est surtout accidentelle : les quelques avantages que les utilisateurs sont parvenus à tirer de leurs services prétendument bon marché, voire gratuits, sont souvent temporaires, car leur modèle économique est largement financé par des sociétés de capital-risque qui comptent sur celui-ci pour éliminer la concurrence locale et conquérir le marché mondial.

Quant à la deuxième logique qui caractérise ces entreprises, celle de l’indifférence totale envers le nouvel excédent de population en ligne que forment ses utilisateurs, elle découle de la dynamique de concurrence inhérente à ce secteur. Si les grandes entreprises technologiques tendent à monopoliser une niche en particulier (comme les réseaux sociaux ou le commerce en ligne), leur concurrence se situe à un niveau supérieur : celui des services de l’information.

C’est pourquoi beaucoup d’entre elles doivent s’engager en territoire inconnu en suivant les nouvelles tendances, de l’« informatique en nuage » (de l’anglais, cloud computing) aux véhicules autonomes. Pour beaucoup, comme Amazon avec sa panoplie de services en ligne, ces nouveaux secteurs génèrent déjà une plus grande marge de profits que leur activité d’origine.


L’ingrédient mystère d’un tel succès n’est autre que l’intelligence artificielle (IA). Cette dernière s’est nourrie des données collectées auprès des utilisateurs de plateformes technologiques mises au point par la Silicon Valley à l’époque où elle s’adressait aux consommateurs. Maintenant qu’elle est développée, cette capacité d’IA peut servir des intérêts très différents, ceux du gouvernement ou du secteur privé, par exemple, privant ses anciens chouchous du bienfaiteur qui subventionnait jusqu’ici leurs vidéos de chatons.

L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE DE GOOGLE A APPRIS À DEVENIR
 « TRÈS AGRESSIVE » LORS DE SITUATIONS STRESSANTES 
Google vient de lancer une plateforme d’IA destinée aux entreprises qui veulent mettre en œuvre une infrastructure d’apprentissage automatique (machine learning) de afin de construire leurs propres modèles (contre rétribution, bien entendu). Il sait pertinemment qu’il est toujours rentable de s’attirer la sympathie des utilisateurs, par exemple en leur donnant des outils d’IA pour trouver des œuvres d’art qui ressemblent à leur visage (1). Ces instruments gagnent ainsi en précision et peuvent ensuite être vendus aux entreprises. Mais pour combien de temps encore Google aura-t-il besoin de cobayes ?

Aucune force politique actuelle ne saurait comment gérer des problèmes tels que les fausses nouvelles ou les cyberattaques sans l’aide providentielle de la Silicon Valley

Les progrès de l’IA rendent la Silicon Valley indispensable. C’est une chose pour les entreprises technologiques de s’inquiéter de savoir si leurs utilisateurs peuvent se payer une paire de baskets, en les harcelant de pubs sur tous les sites Web. C’en est une autre de proposer des services que seule l’IA peut fournir et qui influent sur des aspects essentiels de notre existence.

Prenez par exemple la lutte contre les fausses nouvelles, les cyberattaques, le cancer, le gaspillage énergétique : l’IA, concentrée dans les mains d’une oligarchie, est déployée dans tous ces domaines. Le monde survivrait sans trop de mal à la disparition des fournisseurs de publicité et des sites de vente en ligne, mais aujourd’hui il ne peut pas se passer de solutions utilisant l’IA pour résoudre ses nombreuses crises.

La Silicon Valley rejoint ainsi Wall Street dans la catégorie des secteurs too big to fail (en français « trop important pour disparaître »), à ceci près que pour les politiciens centristes, son effondrement aurait aussi d’immenses conséquences idéologiques. Au demeurant, aucune force politique actuelle ne saurait comment gérer des problèmes tels que les fausses nouvelles ou les cyberattaques sans l’aide providentielle de la Silicon Valley. Nos dirigeants ne sont pas du tout prêts à adopter la solution la plus évidente, qui consisterait à rechercher les causes du problème, au lieu d’atténuer leurs effets à grands renforts d’IA.

Que penser alors de l’engagement de Mark Zuckerberg à revoir sa plateforme pour faire en sorte que « le temps passé sur Facebook ne soit pas du temps perdu » ? Des ingénieurs de la Silicon Valley ayant récemment avoué qu’ils contribuaient à renforcer l’addiction des utilisateurs, on peut en déduire l’orientation générale que prendra ce Facebook 2.0.

Employant une fois de plus la rhétorique de la compassion, il promettra d’éliminer ses contenus stupides en déployant sa puissante intelligence artificielle pour trouver des posts intéressants et épanouissants. Et, comme d’habitude, Facebook nous dira que plus il en sait sur nous, meilleures seront ses recommandations.

C’est bien là le nœud du problème : en ce bas monde, les grands groupes technologiques opèrent des services de communication hautement addictifs afin d’accumuler des données sur nous et raffiner leurs solutions d’IA dans tous les domaines, y compris pour répondre à l’addiction qu’ils ont eux-mêmes créée.

La dystopie commence véritablement quand, sous la pression de la concurrence, les derniers vestiges de la logique de compassion feront place à celle de l’indifférence : accros aux contenus stupides et perdus dans le labyrinthe infini des mèmes de provenance douteuse, nous, l’excédent de population en ligne, devrons finalement nous débrouiller seuls.

Heureusement, pour certains, les entreprises technologiques vendront des services de protection adaptés, basés sur l’IA. Les élites intellectuelles s’en sortiront en suivant des cures, l’équivalent numérique du chou kale et du quinoa, en regardant des sites d’artisanat cachés aux non-initiés. Tous les autres seront condamnés à se gaver de mèmes sans intérêt, générés par des machines d’apprentissage dans le seul but de nous convaincre d’acheter la version de luxe de notre plateforme favorite pour être enfin tranquilles. L’avantage, c’est que le capitalisme numérique fournit des solutions à ses propres problèmes, l’inconvénient, c’est qu’il le fait selon ses propres termes.


Evgeny Morozov


(1) Lire Benjamin Hue, « L’application de Google qui trouve votre sosie artistique soulève des inquiétudes », RTL.fr, 18 janvier 2018.

Traduction depuis l’anglais : Métissa André

Version anglaise sur le site du Guardian



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CHANGEMENT D’ALGORITHME SUR FACEBOOK : MOINS DE CONTENUS « MÉDIAS », PLUS DE RECETTES PUBLICITAIRES


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CHANGEMENT D’ALGORITHME SUR FACEBOOK 

Facebook a décidé de favoriser le partage de contenus personnels, au détriment de l’information. Pourquoi ?


MARK ZUCKERBERG EN 2017.
PHOTO ANTHONY QUINTANO

«Chers amis, ce n’est pas nous, c’est vous. le problème vient de vous. Vous avez cessé de partager tous les détails intimes de votre vie et nous ne pouvons plus vous monétiser comme nous le souhaitons. C’est pourquoi nous avons décidé de changer notre mode de relation. Nous voulons vous convaincre de partager plus, afin de vous montrer plus de publicités. »

Ceci n’est évidemment pas une citation exacte de Mark Zuckerberg, mais une traduction approximative de ce que signifient vraiment ses derniers propos. Dans une déclaration publiée le 12 janvier, le fondateur de la société a en effet annoncé de nouveaux changements sur le fil d’actualités de sa plateforme, qui donnera désormais la priorité aux messages des amis et de la famille plutôt qu’au contenu posté par les organes de presse et les entreprises.

Les informations diffusées par les médias, ainsi que d’autres contenus du même type apparaîtront moins dans les fils d’actualité, à moins qu’ils ne soient partagés par les utilisateurs et largement commentés. L’entreprise a également déclaré qu’elle modifierait son « ranking » (système de classement des informations qui apparaissent sur le fil) afin de privilégier des « informations de qualité », sans toutefois préciser de quoi il s’agissait. La publicité, elle, ne sera pas affectée par ces changements – vous serez toujours bombardé de publicités, que vous le vouliez ou non – et qu’elles soient pertinentes pour vous ou non.

Zuckerberg a déclaré que ces changements ont été pensés pour améliorer la plateforme. « Nous souhaitons rapprocher les gens – que ce soit de leur famille ou de leurs amis, ou les rassembler autour de moments importants dans le monde – nous voulons aider à faire en sorte que le temps passé sur Facebook soit bien utilisé », a-t-il déclaré dans un message sur le site Facebook.

Mais soyons clairs, ce dernier changement d’ algorithme visant à encourager des interactions plus personnelles n’a rien à voir avec vous – il est en rapport avec le chiffre d’affaires de Facebook.

Facebook s’inquiète depuis des mois du « context collapse » ou « effondrement contextuel ». En clair, les utilisateurs sont devenus beaucoup plus réticents à publier des données personnelles en ligne et, à mesure que les flux d’actualités des internautes se remplissent de contenus produits par des producteurs de contenu et autres influenceurs, les audiences sont devenues plus passives que partageuses.

Une étude menée aux États-Unis démontre que les adultes passent environ 50 minutes par jour sur le géant des réseaux sociaux – bien que ce temps ait tendance à diminuer. Les utilisateurs de Facebook vieillissent, aussi – depuis un certain temps déjà – et les jeunes utilisateurs se tournent vers des réseaux concurrents comme Snapchat pour partager leurs faits et gestes.

Monétiser l’audience

Le modèle économique de Facebook repose sur la vente de nos données aux annonceurs, données qui ne sont rien d’autre que des représentations hautement sophistiquées de notre identité numérique et de nos émotions. Mais, de plus en plus, les utilisateurs de Facebook affichent des liens vers des sites web tiers sur leurs murs (information, divertissement), partageant moins au sujet de leur vie personnelle.

L’entreprise s’efforce pourtant d’encourager le partage d’informations personnelles. La fonction « Ce jour-là », par exemple, a été créée pour pousser les utilisateurs à partager des informations qui concernent leur vie privée. Avec maladresse, cependant, car « Ce jour-là », vous avez peut-être perdu un être cher ou été viré.

C’est ainsi qu’ont fleuri sur nos murs Facebook des rappels d’invitations (anniversaires ou autres événements), et de petits messages nous incitant à partager notre vie sur le réseau. En accédant au contenu de nos téléphones, Facebook a également essayé de nous convaincre de partager davantage sur notre mur. Les photos prises avec votre téléphone sont directement incluses dans les messages suggérés, par exemple. De même, le dispositif Facebook Live a été fortement promu, là encore dans le but d’encourager le partage d’informations personnelles.

Du côté des médias, c’est la panique. Beaucoup s’inquiètent de voir leur trafic chuter soudainement dans les semaines à venir, quand Facebook fermera le robinet et commencera à supprimer leurs contenus des fils d’actualité.

Capter l’attention

Il y a bien quelques sites d’information spécialisés qui passent par un système payant (ou paywall) et qui, par conséquent, sont restés assez indépendants de l’influence des médias sociaux. Leur contenu peut être partagé sur les réseaux sociaux, certains articles sont en libres accès, mais ils dépendent moins que les autres des revenus publicitaires générés par le trafic obtenu via les médias sociaux.

Malheureusement, la plupart des autres médias d’information ont investi massivement dans leur présence sur Facebook – investissant aussi dans les équipes et la technologie qui leur permettent de soutenir cette stratégie sociale. Certains rédacteurs en chef ont pourchassé l’audience via les médias sociaux, rassurés de voir que les millions de visites obtenues par ce biais seraient transformés, à un moment ou à un autre, en modèle économique viable. Ce qui n’a pas été le cas.

Au contraire, ce système a renforcé la position de « gardien de l’information » de Facebook, tout en améliorant considérablement les résultats du géant de la technologie. Facebook, avec Google, jouit d’une position quasi monopolistique dans la sphère numérique ; les deux sociétés ont empoché environ 84 % du total des dépenses publicitaires en ligne en 2017.

Facebook agit en toute impunité, protégeant jalousement les secrets de son algorithme de classement (ranking). La plateforme est devenue le plus grand site de partage d’informations au monde, et contrôle au niveau individuel ce que deux milliards de personnes voient quotidiennement sur leurs fils d’actualités.

Déficit démocratique

Ces changements soulèvent une préoccupation démocratique de premier ordre : Facebook a effectivement le pouvoir de cacher les informations qu’il n’aime pas. Rien n’indique qu’il le fait, mais nous devrions tous être effarés qu’une entreprise si puissante atteigne ce niveau de contrôle de l’information.

Les derniers revirements de Facebook signifient effectivement que si les éditeurs veulent que leur contenu soit vu par le public, ils devront payer Facebook par la publicité ou négocier de nouvelles ententes qui mineront davantage leur indépendance éditoriale et renforceront la domination de Facebook sur le marché.

Ce changement n’affecte en rien la propagation de ce qu’on appelle les « fake news » et contribue même à aggraver le problème. Bien qu’il n’ y ait pas de remède miracle contre les fake news, les efforts de Facebook pour les combattre, jusqu’ici ont été peu concluants. Et il y a un risque réel que les derniers aménagements du « ranking » exacerbent ce problème.

En effet, le contenu à haut potentiel de viralité, celui qui suscite beaucoup de débats et de commentaires – le genre de contenus que Facebook veut encourager – peut tout à fait être inexact et non vérifié.

C’est là un territoire dangereux pour médias : le phénomène de la « bulle de filtre », qui consiste à ne voir, indéfiniment, que du contenu correspondant à ses préférences, va s’amplifier.

Pire encore, les controverses et les débats importants – ce qui fait toute la saveur et tout l’intérêt de la diversité médiatique – pourraient bien disparaître à jamais dans le nouveau monde que nous concoctent les médias sociaux.

The Conversation Tom Felle a reçu £335,000 £ de Google Digital News Initiative (DNI) en 2017, afin de conduire une recherche sur l’utilisation de l’Intelligence Artificielle pour trouver et vérifier des informations dans les données publiques.

AUSCHWITZ PROJEKT

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samedi 27 janvier 2018

AUSCHWITZ : UN LABORATOIRE GRANDEUR NATURE DE L’IDÉOLOGIE NAZIE


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PLAN DES DIFFÉRENTS CAMPS NAZIS
D'AUSCHWITZ (CAPTURE D'ÉCRAN)
Pour célébrer la date anniversaire de la libération du camp, Arte propose le documentaire « Auschwitz Projekt », qui révèle qu’Auschwitz ne fut pas seulement un camp de concentration mais un gigantesque complexe avec ses usines, mines et exploitations agricoles, ce qui en fit un laboratoire grandeur nature de l'hubris nazie.
Arbeit macht frei (le travail rend libre). Le monde entier connaît cette devise d'un cynisme démoniaque surplombant le portail d’Auschwitz qui trône au seuil de l’Anus mundi. Pour célébrer comme chaque année la libération du camp, le 27 janvier 1945, Arte propose un documentaire qui prend en quelque sorte de la hauteur face à ces images ultra célèbres, et nous révèle, cartes et plans aériens à l'appui, qu’Auschwitz ne fut pas seulement un lieu destiné à détruire les « races inférieures » et les ennemis du Reich mais, comme l'évoque le titre du film, un « projet » conçu pour donner corps à la dystopie hitlérienne.

Ce qu'on nomme « Auschwitz » n'était pas uniquement un camp d'extermination mais un gigantesque complexe concentrationnaire s'étendant sur des milliers de kilomètres carrés pour mettre en œuvre le programme de la weltanschauung (vision du monde) nazie, reposant sur quatre pôles : concentration et extermination mais aussi, moins connu : industrie et science.




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À travers d'époustouflantes images aériennes et des témoignages poignants, Emil Weiss ("Destruction") montre comment Auschwitz fut la quintessence d'un projet d'aménagement territorial global de l'Europe de l'Est orchestré par Hitler.Auschwitz. Le nom évoque d'abord le plus grand camp de concentration et d'extermination nazi où périrent plus d'un million d'hommes, de femmes et d'enfants, juifs dans leur immense majorité. Mais il est aussi associé à un énorme projet d'aménagement territorial de l'Europe de l'Est annexée au Grand Reich, avec, dès 1940, la mise en chantier d'une "zone d'intérêt" d'une superficie de 40 km2. Outre les trois principaux camps, (Auschwitz I, Auschwitz II Birkenau et Auschwitz III Monowitz), on y trouve des fermes, des camps annexes, des centres de recherche ou encore un projet urbain. À l'extérieur de cette zone, le complexe se prolonge sur des dizaines de kilomètres avec une trentaine d'autres camps, des usines et des mines. Un projet global qui répond aux deux obsessions du Führer : le Lebensraum, la conquête de "l’espace vital" que constitue l’Est européen, et l’extermination des Juifs.
Symbole ultimeDéjà auteur pour ARTE d'une trilogie sur Auschwitz, Hourban (Destruction), Emil Weiss met en évidence les vestiges topographiques du site concentrationnaire grâce à d'impressionnantes vues aériennes. Sur ce vaste espace sont appliquées toutes les politiques mises en œuvre par l’État nazi puisqu'à l'entreprise concentrationnaire et génocidaire s'ajoutent des programmes d'ordre territorial, racial, industriel, agricole et scientifique. Des témoignages extraits des écrits de Primo Levi, Charlotte Delbo et Simone Veil, qui travailla dans le camp de Bobrek créé par Siemens, viennent aussi rappeler à quel point le complexe fut une manne lucrative pour le IIIe Reich, qui louait à bas coût ses prisonniers aux firmes allemandes, comme Krupp et IG Farben. Emil Weiss souligne ainsi comment la participation massive de l'industrie a rendu possibles la germanisation d'Auschwitz et l'extermination de millions de personnes.


Un cauchemar industriel

Après le canonique Shoah de Claude Lanzmann, après la fiction symbolique du Hongrois László Nemes, Le Fils de Saul, comment filmer à nouveau Auschwitz ? Le réalisateur Emil Weiss qui a déjà conçu Hourban (Destruction), une trilogie documentaire autour du camp, a choisi de décrire cette délirante expérimentation d'une façon sobre, avec pour seule BO un arrière-fond de bruits de machines, de trains et de sirènes. Peu d'images d'archives, seulement quelques photos, et des témoignages de survivants, lus par des comédiens, dont ceux de Simone Veil, de Primo Levi, mais aussi celui d'un personnage moins connu, Witold Pilecki. Cet officier polonais se fit volontairement interner pour monter un réseau de résistance et tenter – vainement – d'alerter le monde sur ce qui se passait en ce lieu. De simples mots, qui résonnent tel un fragile vernis d'humanité face à la brutalité et au gigantisme glacé de ce cauchemar industriel.

Cette sobriété sans pathos est rehaussée par de spectaculaires vues aériennes et des cartes précises. En survolant la ville et la campagne polonaises actuelles, en soulignant, sur les images, les ruines et les bâtiments quelquefois encore en place et parfois encore en activité, le film nous fait toucher du doigt l'ampleur titanesque du projet et permet d'en découvrir les traces toujours visibles dans la topographie actuelle.

Un puzzle concentrationnaire

La tragédie commence en 1940, quand l’invasion allemande transforme la petite ville polonaise d'Oświęcim, rebaptisée à cette occasion de son nom allemand d’Auschwitz. Cette bourgade de 12 600 âmes dont environ 7 000 sont juives, est située, non loin de Cracovie, dans une riche région agricole du sud de la Pologne, qui possède aussi des mines de charbon. Les habitants juifs sont internés et les Polonais expulsés et expropriés.

La première pièce du puzzle concentrationnaire d'Auschwitz est le « Stammlager », le camp originel, celui avec le fameux portail et ses baraquements de briques qui servaient avant la guerre de caserne à l'armée polonaise. Les premiers détenus sont des opposants polonais encadrés par des droits communs tirés des bagnes allemands, les “kapos”.

En 1941 arrivent des prisonniers de guerre soviétiques qui seront affectés à la construction de l'immense camp de concentration d’Auschwitz II-Birkenau, à deux kilomètres du Stammlager. Birkenau deviendra le plus grand camp d'extermination du IIIe Reich, où seront assassinées plus de 1 million de personnes, en particulier des centaines de milliers de Juifs hongrois. C'est ici que se trouve la « rampe », terminus de la voie ferrée où étaient triées les victimes après un terrible voyage en wagons plombés. A 7 km de là, fut construit Auschwitz III-Monowitz, immense camp de travail qui fournissait la main-d’œuvre louée par les SS à l'usine Buna appartenant à l'entreprise allemande IG Farben.

L'IMMENSE USINE DE CAOUTCHOUC DE LA BUNA, GÉRÉE PAR
IG FARBEN, DONT LES OUVRIERS-ESCLAVES ÉTAIENT DES DÉTENUS

La technique a triomphé de l'humanité

Mais dans un périmètre beaucoup plus large, on trouve de nombreuses installations, scientifiques, industrielles et agricoles, où l'industrie allemande collaborait avec le régime en lui fournissant ses productions obtenues par le travail des déportés venus de toute l'Europe.

Auschwitz fut bien un laboratoire de l'idéologie nazie. Un espace où la « race des maîtres », après avoir chassé les habitants slaves et juifs, rêvait d'établir son Lebensraum (« espace vital ») et prospérer en usant jusqu'à la mort la force de travail de ses esclaves ou alors en les utilisant comme cobayes pour ses sinistres expérimentations scientifiques et eugénistes.

Avec ses immenses chantiers, ses mines, ses usines géantes, ses laboratoires, Auschwitz est bien l'image inquiétante d’un monde où comme le dénonçait le philosophe Heidegger, pourtant compromis avec le nazisme, la technique a triomphé de l'humanité. L’humain disparaît dans un processus industriel, et les individus ne sont plus que des Stücks, des « pièces” numérotés par leur tatouage. Et un des aspects le plus troublants de ce film est qu'il nous fait réaliser que les vestiges de cet enfer industriel sont encore bien visibles. Comme l'observe le commentaire : « Interroger les vestiges topographiques de ce complexe, c'est affronter un système qui par bien des aspects se prolonge jusqu'à nous. »

Auschwitz Projekt, un film d’Emil Weiss mardi 30 janvier 2018, 23h sur Arte 


À voir en ligne gratuitement jusqu'au samedi 31 mars 2018

LE PCF AUX CÔTÉS DE LULA ET DU PEUPLE BRÉSILIEN


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L’ANCIEN PRÉSIDENT BRÉSILIEN, LUIS INACIO LULA DA SILVA, 
RÉAGIT À SA CONDAMNATION, À SAO PAULO, LE 24 JANVIER 2018
PHOTO NELSON ALMEIDA 

Ce mercredi 24 Janvier, le tribunal d’appel de Porto Allègre, en alourdissant la peine de l’ex-Président Luiz Inácio Lula da Silva sans preuves tangibles de corruption, vient de signer un véritable acte de guerre contre la démocratie.
UNE D'« O GLOBO »
Ce jugement orchestré depuis le début pour empêcher Lula d’être candidat en Octobre prochain à la présidentielle alors qu’il est largement favori dans les sondages, est une véritable caricature judiciaire.


Les mêmes qui ont favorisé le coup d’état institutionnel de 2016, qui depuis ont dilapidé le patrimoine et la richesse nationale en détruisant les programmes sociaux au service des populations les plus défavorisée, en bradant la souveraineté nationale du Brésil, applaudissent des deux mains.

Le combat est loin d’être terminé. Le peuple Brésilien reste mobilisé par une volonté démocratique qui traverse la majorité de la société, qui n'admet pas cette condamnation sans preuve et la manipulation de la justice à des fins de persécution politique.

Les partis de gauche, les mouvements sociaux, les démocrates du Brésil sont plus unis que jamais, renforcés par les nombreuses luttes qui ont mobilisé les foules ces derniers mois. Leur volonté est de porter rapidement la candidature de Lula à la présidentielle afin que le Brésil reprenne la route de l’émancipation humaine avec les autres peuples Latino-américains.

Face à l’intolérable, le PCF reste aux côtés de celles et ceux qui luttent et du combat de Lula pour la justice sociale.

mardi 23 janvier 2018

MACRON REÇOIT MACRI

Le vendredi 26 janvier les deux présidents vont se réunir. L’Argentine sera t-elle présente dans les médias français pour parler de la dérive répressive du gouvernement de M. Macri et de la dégradation économique, sociale et institutionnelle dont souffre le pays ? La lettre ouverte adressée a M. Macron par des membres de la communauté argentine fait état d'un bilan accablant de la gestion Macri.

À l’occasion de la venue du président argentin Mauricio Macri le 26 janvier

LETTRE OUVERTE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

M. le Président de la République,


Sachant que dans quelques jours vous allez recevoir le président de la République Argentine, M.Mauricio Macri, nous, résidents argentins en France, avec le soutien des citoyens et organisations françaises signataires ci-dessous, voulons vous faire part de notre inquiétude concernant la régression des avancées démocratiques dans notre pays, depuis son investiture à la tête de l'État, le 10 décembre 2015.

Contrairement à ce que l’on pouvait attendre d’un candidat élu démocratiquement avec 51 % des voix et qui ne cessait de répéter qu’il respecterait les actions et décisions positives  de l’ancien gouvernement, nous avons remarqué avec stupeur, dès la prise de fonctions du nouveau Président, que son intention était de détruire, non seulement les acquis de la période venant de s’écouler, mais aussi de tous ceux existant depuis la chute de la sinistre dictature en 1983.

Le bilan nous semble accablant :

- De graves atteintes à la liberté d'expression sont commises : des journalistes réputés sont limogés ; des programmes de la télévision et de la radio publiques sont supprimés et des médias d’opposition asphyxiés. La nouvelle administration se livre à une authentique chasse aux sorcières : des dizaines de milliers d'employés de l'administration sont renvoyés en raison de leur appartenance ou de leurs sympathies politiques présumées ou après contrôle de leurs comptes Facebook. Le mois dernier le gouvernement argentin a annulé les accréditations et visas des représentants syndicaux et des organisations sociales leur permettant de se rendre à la 11e conférence ministérielle de l’OMC qui se tenait à Buenos Aires. Tel est le cas d’Attac France, mise sur cette liste noire.

- La criminalisation des mouvements sociaux et syndicaux se poursuit depuis deux ans par une forte répression des travailleurs en grève. La scandaleuse détention préventive ordonnée par Gerardo Morales, gouverneur de la province de Jujuy avec le soutien du président Macri, depuis le 16 janvier 2016 de Milagro Sala, est un exemple de l'escalade répressive. Cette dirigeante du mouvement social Tupac Amaru et députée du parlement du Mercosur fait l’objet d’accusations arbitraires, dénoncées par toutes les instances nationales et internationales des droits humains (ONU, Cour Intéraméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) et Amnesty international,..). La Cour Suprême argentine a d’ailleurs exigé que le gouvernement fasse droit aux demandes de libération formulés par la CIDH. La véritable cause de l’arrestation de Milagro Sala est d’avoir osé remettre en question un système excluant la population la plus démunie du Nord de l’Argentine.

- Sous couvert de lutte contre la corruption par la mise en scène spectaculaire d’arrestations d’ex-hauts fonctionnaires et d’ hommes d’affaires ayant passé des contrats publiques avec l’ancien gouvernement, M. Macri tente de dissimuler son implication dans le scandale des sociétés off-shore dernièrement révélé par les Panama Papers et ceci avec la complicité de plusieurs juges et des deux principaux médias argentins. Mauricio Macri et sa famille apparaissent dans plus d’une cinquantaine de ces sociétés, ce qui fait du président argentin, l’une des personnalités publiques mondiales la plus impliquée dans ce scandale. Or il n’est pas du tout inquiété par les juges locaux. Il est paradoxal que les réunions du G20, qui prétend lutter contre les paradis fiscaux soient présidées cette année par le même M. Macri.

- Alors que le pays s’endette dangereusement et que la fuite des capitaux s’amplifie, l’ensemble de la population souffre d’une inflation galopante (24,8 % en 2017). Des augmentations invraisemblables du prix de l’énergie (entre 700 et 1200%), des médicaments, de l’essence et du transport jettent des centaines de milliers de citoyens dans la pauvreté. A la nouvelle loi réduisant le montant des retraites, aux attaques contre le monde éducatif et culturel, au coup d’arrêt à une politique d’expansion de la science argentine et à la réduction du personnel hospitalier s’ajoute l’énorme quantité d’usines et de commerces fermés depuis deux ans. Ce ne sont là que quelques exemples de la dégradation des conditions de vie des Argentins.

- Les politiques de Mémoire, Vérité et Justice promues depuis douze ans sont en danger. En effet des figures emblématiques d’organisations de Défense des Droits de l'Homme ont fait l'objet de menaces de mort, sans que le gouvernement ne réagisse. Plusieurs membres du gouvernement avancent des déclarations négationnistes en menaçant de mettre fin aux procès contre les civils et militaires accusés de torture, d’assassinats, de disparitions et vols de nouveau-nés, durant la dernière dictature militaire

L’Argentine souffre aujourd’hui avec M. Macri, d’une dérive autoritaire, dont le solde s’alourdit de jour en jour :

- disparition puis meurtre de Santiago Maldonado et assassinat d’une balle dans le dos de Rafael Nahuel, militants de la cause mapuche.

- répression devant le Parlement les 14 et 18 décembre derniers lors des manifestations contre la réforme des retraites : arrestation de dizaines de manifestants et impossibilité pour les députés de l’opposition de pénétrer dans l’hémicycle, réprimés par les forces de l’ordre puis mis en examen, accusés d’avoir perturbé la séance.

- prison préventive abusive et accusation infondée de trahison à la patrie pour les membres de l’ancien gouvernement.

- persécution et répression des peuples originaires : les Mapuches en Patagonie et les Wichis dans la province de Formosa.

Enfin, dans ce climat d’atteintes aux droits humains et à la démocratie, l’ex-commissaire tortionnaire Miguel Etchecolatz condamné à 6 reprises à la prison à perpétuité pour ses crimes commis pendant la dictature (séquestration suivi de tortures et assassinats), s’est vu accorder la prison domiciliaire dans le lieu de son choix.

Monsieur le Président, vous sachant très attaché aux valeurs républicaines et démocratiques et en tant que président du pays des Droits de l’Homme, nous sollicitons de votre part lors de votre prochaine rencontre avec M. Macri de lui transmettre notre préoccupation quant à la situation actuelle de l’Argentine et en particulier celle concernant l’inquiétante dégradation de l’État de droit. A cet égard nous apprécierons que vous intercédiez pour la libérté immédiate de Milagro Sala et tous les prisonniers politiques en Argentine.

En espérant que notre lettre saura attirer toute votre attention, nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en notre plus haute considération.

Assemblée de Citoyens Argentins en France (ACAF)

(acafcorreo@gmail.com)

Le 20/01/2018

Pour soutenir et voir les premiers signataires:

https://goo.gl/forms/UhBt8Ko8tokQKY9O2