Mais le miracle économique des « fermes a saumon » a fait long feu, laissant plus de la moitié de la population de la ville au chômage et les eaux des fjords contaminées par une bactérie interdisant la pêche. Quellon, ravagée économiquement, est aujourd’hui au bord de l’explosion sociale.
La nature chilienne offre des conditions rêvées pour élever le saumon Atlantique : des fjords immenses d’eau suffisamment froide et une faune riche de petits poissons pour nourrir les gros. La législation du pays autorise par ailleurs des salaires bien moins onéreux qu’en Norvège (environ 300 euros par mois) et une réglementation sanitaire plus souple (des doses d’antibiotiques jusqu’à 200 fois plus importantes). Les fjords de la région des lacs, au nord de la Patagonie chilienne, se sont ainsi remplis de "fermes à saumon" de façon exponentielle ces vingt dernières années. Ces "fermes", qui appartiennent pour la plupart à des multinationales étrangères, sont de grandes cages en filets placées en pleine mer où les saumons sont nourris et traités jusqu’à ce qu’ils atteignent leur taille idéale pour l’exportation. Ils sont alors aspirés dans des tubes jusqu’à la côte, préparés puis conditionnés pour l’envoi vers Miami, Rio ou Paris le lendemain. L’industrie a atteint 2.4 milliards de dollars de bénéfices l’an dernier. Des milliers de Chiliens ont trouvé un travail dans ces usines et Quellon était justement un exemple de ces villes pointées comme miracle de l’or rose du saumon.
Mais cultiver le saumon en mer est un jeu subtil avec l’écosystème et la concentration des poisons favorise, entre autres, la transmission de maladies. Depuis 2007, les élevages chiliens ont été touchés par des épidémies du virus AIS (anémie infectieuse du saumon) comme l’ont été la Norvège, l’Ecosse et le Canada auparavant. Ce virus, fatal et contagieux pour le saumon Atlantique, a décimé les élevages et fait baisser brutalement le rendement des fermes. En parallèle, le Chili n’a pas dérogé au débarquement médiatique de l’effrayante crise économique mondiale. C’est dans ce contexte que les multinationales salmonicoles se sont permis de licencier sans préavis près de 2000 Chiliens dans la région de Quellon depuis mars dernier.
Dans la ville déprimée, bars pleins mais poches vides, le moral n’y est pas. C’est alors qu’arrive la "marée rouge", cette bactérie qui rend les fruits de mers impropres à la consommation, à la fin du mois de mars. Les pêcheurs traditionnels se retrouvent donc également au chômage et la frustration des habitants monte. Mais d’où vient cette "marée rouge" ? Les fermes à saumons controversées sont pointées du doigt et le doute se renforce sur la pollution qu’elles peuvent engendrer. L’injustice de la situation provoque des réactions de plus en plus violentes dans la région et le 3 mai, les bureaux d’une des usines qui a licencié (SalmonChile) sont incendiés volontairement par un "comité autonome". C’est lorsque qu’une étude établit, mi mai, que la bactérie de la marée rouge a bien été introduite dans les fjords de Quellon par les bateaux en transit des entreprises salmonicoles que la goutte fait déborder le port. Une semaine plus tard, une marche extraordinaire des citoyens se met en branle et bloque la panaméricaine.
Produire plus de saumon au risque de tarir la mine d’or en la polluant... la métaphore du poisson qui se mord la queue est certes un peu facile. Au détour d’une des plages où sont installées les fermes à saumon, un homme a emménagé dans une cabane de pêcheur pour y trouver sa solution individuelle. Osvaldo vit de sa pêche de saumons et de crabes. "Moi je n’ai pas de problème, je vend mes crabes et je peux m’acheter mes cigarettes. Par contre, les familles de Quellon qui ont des dettes pour leur maison et leurs cartes de crédits ne vont pas pouvoir tenir. [...] Les gens vont repartir sur leurs terres" dit-il, assis sur un des débris de polystyrène venu de l’aquaculture au large.
Juana est une des femmes chanceuses qui a conservé son emploi à l’usine de saumon. Elle y travaille 60 heures par semaine depuis sept ans pour 460 euros par mois. Juana a commencé en retirant les arêtes, mais suite à une tendinite, elle pose aujourd’hui des étiquettes sur les poissons prêts. Malgré cela, elle pense aussi quitter la ville dans l’atmosphère de panique qui y règne. "Quand j’ai vu tout ce qui se passait encore ici, cela m’a vraiment donné envie de partir, je crois qu’il n’y a pas de futur ici. Quand je suis arrivée à Quellon, je voyais un grand futur, tout ce que je pourrais m’acheter...[...] Mais les gens partent. Tout simplement, ils partent. Tout simplement, ils prennent leurs affaires et ils s’en vont."
La nature chilienne offre des conditions rêvées pour élever le saumon Atlantique : des fjords immenses d’eau suffisamment froide et une faune riche de petits poissons pour nourrir les gros. La législation du pays autorise par ailleurs des salaires bien moins onéreux qu’en Norvège (environ 300 euros par mois) et une réglementation sanitaire plus souple (des doses d’antibiotiques jusqu’à 200 fois plus importantes). Les fjords de la région des lacs, au nord de la Patagonie chilienne, se sont ainsi remplis de "fermes à saumon" de façon exponentielle ces vingt dernières années. Ces "fermes", qui appartiennent pour la plupart à des multinationales étrangères, sont de grandes cages en filets placées en pleine mer où les saumons sont nourris et traités jusqu’à ce qu’ils atteignent leur taille idéale pour l’exportation. Ils sont alors aspirés dans des tubes jusqu’à la côte, préparés puis conditionnés pour l’envoi vers Miami, Rio ou Paris le lendemain. L’industrie a atteint 2.4 milliards de dollars de bénéfices l’an dernier. Des milliers de Chiliens ont trouvé un travail dans ces usines et Quellon était justement un exemple de ces villes pointées comme miracle de l’or rose du saumon.
Mais cultiver le saumon en mer est un jeu subtil avec l’écosystème et la concentration des poisons favorise, entre autres, la transmission de maladies. Depuis 2007, les élevages chiliens ont été touchés par des épidémies du virus AIS (anémie infectieuse du saumon) comme l’ont été la Norvège, l’Ecosse et le Canada auparavant. Ce virus, fatal et contagieux pour le saumon Atlantique, a décimé les élevages et fait baisser brutalement le rendement des fermes. En parallèle, le Chili n’a pas dérogé au débarquement médiatique de l’effrayante crise économique mondiale. C’est dans ce contexte que les multinationales salmonicoles se sont permis de licencier sans préavis près de 2000 Chiliens dans la région de Quellon depuis mars dernier.
Dans la ville déprimée, bars pleins mais poches vides, le moral n’y est pas. C’est alors qu’arrive la "marée rouge", cette bactérie qui rend les fruits de mers impropres à la consommation, à la fin du mois de mars. Les pêcheurs traditionnels se retrouvent donc également au chômage et la frustration des habitants monte. Mais d’où vient cette "marée rouge" ? Les fermes à saumons controversées sont pointées du doigt et le doute se renforce sur la pollution qu’elles peuvent engendrer. L’injustice de la situation provoque des réactions de plus en plus violentes dans la région et le 3 mai, les bureaux d’une des usines qui a licencié (SalmonChile) sont incendiés volontairement par un "comité autonome". C’est lorsque qu’une étude établit, mi mai, que la bactérie de la marée rouge a bien été introduite dans les fjords de Quellon par les bateaux en transit des entreprises salmonicoles que la goutte fait déborder le port. Une semaine plus tard, une marche extraordinaire des citoyens se met en branle et bloque la panaméricaine.
Produire plus de saumon au risque de tarir la mine d’or en la polluant... la métaphore du poisson qui se mord la queue est certes un peu facile. Au détour d’une des plages où sont installées les fermes à saumon, un homme a emménagé dans une cabane de pêcheur pour y trouver sa solution individuelle. Osvaldo vit de sa pêche de saumons et de crabes. "Moi je n’ai pas de problème, je vend mes crabes et je peux m’acheter mes cigarettes. Par contre, les familles de Quellon qui ont des dettes pour leur maison et leurs cartes de crédits ne vont pas pouvoir tenir. [...] Les gens vont repartir sur leurs terres" dit-il, assis sur un des débris de polystyrène venu de l’aquaculture au large.
Juana est une des femmes chanceuses qui a conservé son emploi à l’usine de saumon. Elle y travaille 60 heures par semaine depuis sept ans pour 460 euros par mois. Juana a commencé en retirant les arêtes, mais suite à une tendinite, elle pose aujourd’hui des étiquettes sur les poissons prêts. Malgré cela, elle pense aussi quitter la ville dans l’atmosphère de panique qui y règne. "Quand j’ai vu tout ce qui se passait encore ici, cela m’a vraiment donné envie de partir, je crois qu’il n’y a pas de futur ici. Quand je suis arrivée à Quellon, je voyais un grand futur, tout ce que je pourrais m’acheter...[...] Mais les gens partent. Tout simplement, ils partent. Tout simplement, ils prennent leurs affaires et ils s’en vont."