vendredi 28 février 2014

ISABEL ALLENDE, PREMIÈRE FEMME DÉSIGNÉE À LA TÊTE DU SÉNAT CHILIEN

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LA SÉNATRICE SOCIALISTE CHILIENNE ISABEL ALLENDE,
S’APPRÊTE À PRENDRE LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT CHILIEN. 
PHOTO IVAN FRANCO , DU 9 SEPTEMBRE 2011

« Mon père, comme nous le savons, a été président du Sénat pendant trois ans, et pour moi, c'est un immense honneur et une énorme fierté d'être la première femme [présidente] dans l'histoire du Sénat», a déclaré Isabel Allende à Radio Cooperativa.

Un double symbole

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PHOTO MARIO RUIZ, 10 DÉCEMBRE 2013 
L'un des premiers actes de la présidente du Sénat nouvellement désignée sera de remettre l'écharpe présidentielle aux couleurs nationales, bleu, blanc et rouge, à la prochaine dirigeante chilienne,Michelle Bachelet, lors de son investiture au Congrès, le 11 mars à Valparaiso. « C'est une photo qui fera le tour du monde », a assuré le sénateur socialiste Fulvio Rossi, soulignant que « la présence de deux femmes aux postes les plus importants du Chili légitime pour toujours l'importance des femmes à des postes de pouvoir ». Le sénateur voit un « énorme symbole » dans le fait qu'une « femme, socialiste, sénatrice, fille du président Salvador Allende, remette l'écharpe présidentielle à une autre femme, socialiste et élue présidente ».


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PHOTO DAVID VON BLOHN DU 14 NOVEMBRE 2013

Michelle Bachelet, ancienne médecin, ministre et responsable de ONU-Femmes, a été la première femme élue à la présidence du Chili en 2006. Elle vient d'être élue pour un second mandat, après un intermède de quatre ans. Lors du coup d'État d'Augusto Pinochet le 11 septembre 1973, le père de la présidente élue, Alberto Bachelet, a été arrêté puis torturé à mort pour sa fidélité à l'égard du président déchu Salvador Allende.
Avec AFP

jeudi 27 février 2014

COMBIEN GAGNE UN PRÉSIDENT LATINO-AMÉRICAIN ?

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Le président mexicain Enrique Peña Nieto arrive en tête de ce classement avec plus de 20 000 dollars mensuels [environ 15 000 euros]. Il devance le président chilien en fin de mandat Sebastian Piñera, dont le salaire s'élève à plus de 15 000 dollars par mois [11 000 euros]. 

En queue de peloton, on retrouve Evo Morales, président de la Bolivie, qui gagne 2 167 dollars par mois [1 500 euros], et José Mujica, président uruguayen, à qui il reste 1 250 dollars [900 euros] après avoir reversé 90% de son salaire à des associations caricatives.

samedi 22 février 2014

1,4 TONNE DE COCAÏNE CACHÉE DANS UN CAMION DU DAKAR

LA POLICE JUDICIAIRE A RÉALISÉ JEUDI UNE SAISIE RECORD DE 1,4 TONNE DE COCAÏNE DANS LE PORT DU HAVRE (SEINE-MARITIME).

Une info de l'ambassade bulgare. Grâce à un signalement des autorités bulgares, reçu début février par l'ambassade de France à Sofia, la police judiciaire a pris en filature le camion et un "véhicule ouvreur" depuis le port de la Seine-Maritime, a déclaré vendredi à la presse le procureur de Lille Frédéric Fèvre. Les chauffeurs de ces véhicules, deux Espagnols trentenaires, ont été arrêtés jeudi sur l'aire de repos de Saint-Amand-Montrond, dans le Cher, a-t-il ajouté.

Quatre arrestations. Ces deux Espagnols, considérés par les enquêteurs comme des logisticiens, étaient vendredi en garde à vue dans les locaux de l'Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTRIS) à Nanterre, dans les Hauts-de-Seine. Deux organisateurs présumés du trafic, tous deux bulgares, ont par ailleurs été arrêtés jeudi en Bulgarie, dans la province orientale de Varna. D'autres interpellations devraient suivre en Espagne, dans le cadre d'une enquête confiée à la juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Lille en collaboration avec les autorités espagnoles et bulgares.

Félicitations de Valls. Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls s'est rendu vendredi en fin de matinée au siège de l'OCRTRIS à la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) à Nanterre, dans les Hauts-de-Seine pour "rencontrer et féliciter les enquêteurs", selon le ministère.

vendredi 21 février 2014

AUGUSTO CESAR SANDINO, LE GÉNÉRAL DES HOMMES LIBRES DU NICARAGUA

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AUGUSTO CESAR SANDINO AU CENTRE DE L'IMMAGE
Entre les deux guerres, le Nicaraguayen a acquis une renommée mondiale. On pourrait presque parler de mythe. Patriote et anti-impéraliste, Sandino a consacré sa vie au combat pour la souveraineté du Nicaragua, alors bafoué par des dictatures et par l’occupation des États-Unis. Qui aurait pu imaginer que ce fils, né d’une relation entre une paysanne métisse et un propriétaire terrien, allait prendre la tête d’un soulèvement populaire armé à même de mettre en déroute l’armada yankee ? Augusto Cesar Sandino est né à Niquinohomo, en 1895. Son enfance est à l’image des privations endurées par l’immense majorité de ses concitoyens. Il en tirera une grande fierté. Son « plus grand honneur, a-t-il confié, c’est d’être issu du sein des opprimés, qui sont l’âme et le nerf de la race ». Son éveil politique remonte à la première grande invasion états-unienne, en 1912, alors que le pays se révolte contre le régime d’Adolfo Diaz, un fieffé acolyte de Washington. En résistance, le général Benjamin Zeledon est tué lors d’un combat. Le jeune Sandino se recueillera sur sa dépouille et écrira plus tard, lorsqu’il sera le leader de la guérilla : « (Sa) mort m’a donné la clé de notre situation nationale (…) La guerre dans laquelle nous sommes impliqués, nous la considérons comme une continuité de celle-là. »

Augusto Sandino quitte le Nicaragua. On le retrouve au Guatemala, au Honduras. Il travaille comme mécanicien ou encore au sein du mastodonte United Fruit Company, symbole de l’oppression politico-économique américaine dans cette région. Car l’Amérique centrale est, déjà à l’époque, l’arrière-cour par excellence des États-Unis. Au Mexique où il travaille pour des compagnies pétrolières, il se rapproche des milieux révolutionnaires, socialistes, syndicaux et maçonniques. Les luttes de la classe ouvrière contre l’exploitation états-unienne font rage. Sandino ne s’organise pas au sein des mouvements politiques existants, mais y puise des idées qui forgeront sa propre pensée, empreinte de souverainisme, d’humanisme et d’un certain mysticisme comme en atteste son manifeste Lumière et Vérité, rédigé en 1931. Il retourne précipitamment au Nicaragua en 1926, où une guerre civile a éclaté à la suite du coup d’État du général Emiliano Chamorro, soutenu par la Maison-Blanche. Les marines ont officiellement quitté le territoire depuis un an, mais des instructeurs veillent à la formation de la répressive garde nationale. Sandino intègre le soulèvement conduit par le général libéral Moncada et s’illustre déjà à la tête d’une troupe. Retourné par Washington, Moncada renonce à la lutte en 1927. Sandino, lui, refuse de se soumettre. « Je mourrai avec les peu qui m’accompagnent parce qu’il est préférable de mourir comme des rebelles pour ne pas vivre comme des esclaves. » Il plante son QG à San Juan de Segovia et se bat dans un pays de nouveau assiégé par des milliers de marines et les éléments de la garde nationale. Son appel à défendre la souveraineté nationale du Nicaragua est entendu par-delà les frontières. Des frères latinos se joignent à son combat anti-impérialiste, comme le communiste salvadorien Farabundo Marti. La guerre de guérilla menée par ces courageux va-nu-pieds est populaire. De revers en victoires militaires quasi légendaires, sa « folle petite armée », selon l’expression de la poétesse chilienne Gabriela Mistral, réussit le tour de force de faire mordre la poussière aux troupes yankees, les contraignant ainsi à se retirer du Nicaragua le 1er janvier 1933. Le mythe Sandino est né ; le sandinisme a triomphé. En février, il signe à Managua un traité de paix avec le président Sacasa. Durant un an, l’homme au sombrero dénonce les assassinats de guérilleros perpétrés par la garde nationale, dirigée par le funeste Anastasio Somoza, qui instaurera par la suite une dictature sanguinaire.

Le 21 février 1934, après avoir dîné avec le chef de l’État, Sandino ainsi que deux autres généraux sont arrêtés sur ordre de l’administration américaine. Somoza ordonne leur exécution. En faisant disparaître son corps, le futur bourreau de Managua croyait se débarrasser du père de la révolution populaire. Grave erreur. En 1961, la guérilla de gauche se baptise Front sandiniste de libération nationale, et fait siens les principes libérateurs de son mentor, ainsi que son drapeau rouge et noir. Le slogan « Patrie et Liberté » est de nouveau sur les lèvres. En 1979, la guérilla entrera triomphante dans Managua, mettant ainsi un terme à la féroce dynastie des Somoza. Visionnaire, le général des hommes libres avait un jour déclaré : « Nous irons vers le soleil de la liberté ou vers la mort, et si nous mourons, notre cause continuera de vivre. D’autres nous suivront. »

Manifeste de San Albino  Le 1er juillet 1927, Augusto Cesar Sandino rédige son premier Manifeste politique, dit de San Albino, où il a installé son campement. Dans cette adresse au peuple du Nicaragua, le leader de la guérilla explique les motifs de l’insurrection populaire. Extraits. « Celui qui n’exige rien de la patrie, même pas un morceau de terre par sépulture, mérite d’être écouté et cru. Je suis nicaraguayen, et fier que le sang qui coule dans mes veines soit surtout du sang indo-américain qui contient le mystère du patriotisme loyal et sincère. Je suis un travailleur de la ville, un artisan comme l’on dit, mais mon idéal naît d’un large front d’internationalisme, du droit à être libre et à exiger la justice, même si pour atteindre cet état de perfection il faille verser mon sang propre ou étranger. Mon plus grand honneur est d’être issu du sein des opprimés qui sont l’âme et le nerf de la race. Je jure devant la patrie et face à l’histoire que mon épée défendra le décor national. À l’envahisseur traître et aux traîtres de ma patrie, je réponds par mon 
cri de combat. Patrie et liberté ! »

STRATÉGIE DE LA TENSION AU VENEZUELA

MARÍA CORINA MACHADO,  ANTONIO LEDEZMA
ET LEOPOLDO LÓPEZ. PHOTO EFE
Ce qui, quelques jours auparavant, avait débuté comme une banale fronde étudiante a, entre temps, changé de nature. Avec pour chefs de file Leopoldo López, coordinateur national du parti Volonté populaire et ex-maire de Chacao (un quartier chic de Caracas), la députée María Corina Machado, très appréciée dans les secteurs les plus radicaux, ainsi que le maire « social-démocrate » du grand Caracas, Antonio Ledezma, les dirigeants de l’opposition appellent au soulèvement contre le régime «autoritaire », « corrompu » et « incompétent » du président Nicolas Maduro. Ce que d’aucuns nomment déjà avec gourmandise « le printemps vénézuélien » vient-il de commencer ?


18.02.2014, GROGNE DES SECTEURS HUPPÉS VÉNÉZUÉLIENS MANIFESTENT DEPUIS DÉBUT FÉVRIER.  PHOTO LEO RAMIREZ


Le pays traverse une période délicate, nul n’en disconvient. Insécurité, pénuries (dont la très médiatisée absence de papier toilette dans les rayons des supermarchés), marché noir et surtout inflation galopante (56 % en 2013) y ont, ces derniers temps, semé, selon le camp où le citoyen se situe, l’inquiétude ou l’exaspération.

Un contrôle des changes ayant été instauré en 2003 par Chávez pour empêcher la fuite des capitaux, les Vénézuéliens qui ont besoin de dollars pour importer ou voyager à l’extérieur doivent passer par un organisme d’Etat et les acheter à un prix imposé, nommé « préférentiel ». La quantité de dollars disponibles à ce taux étant restreinte, alors que la demande demeure importante, un marché noir a surgi, sur lequel la monnaie américaine se négocie à des prix faramineux – jusqu’à douze fois le taux officiel de 6,3 bolivars par dollar. « Ce qui a réellement poussé l’inflation, il y a près d’un an, explique l’économiste Marc Weisbrot, co-directeur du Center for Economic and Policy Research, à Washington, fut la réduction de l’octroi de dollars pour le marché extérieur. Ceux-ci ont été réduits de moitié en octobre 2012 et pratiquement éliminés en février 2013. De sorte que beaucoup d’importateurs ont dû acheter davantage de dollars au marché noir. C’est de là qu’est venu le pic d’inflation [2]. »


NOVEMBRE 2013, DES FEMMES FONT LA QUEUE POUR ACHETER DU PAPIER TOILETTE DANS UN SUPERMARCHÉ DE CARACAS EN RAISON DE LA PÉNURIE DE PRODUITS DE BASE. PHOTO JORGE SILVA /  REUTERS


Dans l’analyse du phénomène, beaucoup en sont restés là, pointant du doigt la responsabilité ou l’incompétence des cercles dirigeants au sein desquels, de fait, se déroule un débat – ouverture, poursuite de la même politique, radicalisation ? – sur les mesures à prendre pour mettre un terme à ces distorsions [3]. Mais bien peu ont mis l’accent sur la partie immergée de l’iceberg : comme au Chili, au cours des mois qui ont précédé le renversement et la mort de Salvador Allende, c’est bel et bien une entreprise de déstabilisation économique qui fait tanguer le Venezuela.


LE PRÉSIDENT VÉNÉZUÉLIEN, NICOLAS MADURO, ACCUSE LES MANIFESTANTS D'ÊTRE RESPONSABLES DES VIOLENCES QUI ONT CONDUIT À LA MORT DE TROIS PERSONNES, LE 12 FÉVRIER 2014 PHOTO  REUTERS - HANDOUT
En novembre 2013, l’affluence populaire pour acheter « à des prix justes » les produits électroménagers de la chaîne Daka, après que, occupée par le gouvernement, elle ait vu ses biens confisqués à Caracas, Punto Fijo, Barquisimeto et Valencia, a mis un coup de projecteur sur les méthodes utilisées pour spéculer, saboter l’économie, ou les deux à la fois : après avoir obtenu plus de 400 millions de dollars publics, de 2004 à 2012, pour importer ces biens à bas prix, Daka pratiquait une surfacturation pouvant aller jusqu’à 1 000 % en les revendant. Au même moment, une inspection du magasin d’électronique et d’audio-visuel Pablo Electronica détectait une augmentation injustifiée des tarifs (de 400 à 2000 %). On pourrait remplir des pages entières d’exemples, tant ils sont légion. Dès lors, dans son offensive contre « la guerre économique », le pouvoir a mis en place un plan ambitieux de régulation des prix des biens et des services, et en a incontestablement récolté les fruits : le 8 décembre, alors qu’on les disait (ou croyait, ou souhaitait) moribondes, les forces chavistes remportaient les élections municipales, prenant ou conservant 76,42 % des mairies du pays (256 municipios) et devançant la Plateforme d’unité démocratique (MUD : 22,69 %, 76 municipios) de plus d’un million de voix. Depuis, la « Loi organique des prix justes », entrée en vigueur le 11 janvier 2014, limite les marges bénéficiaires sur les biens et les services à 30 %.


DES MANIFESTANTS À CARACAS LORS D'AFFRONTEMENTS AVEC LA POLICE, LE 19 FÉVRIER 2014. PHOTO  LEO RAMIREZ AFP

De quoi augmenter les pénuries s’insurgent les opposants et les économistes libéraux ! Mais quelles pénuries ? Pas un jour ne se passe sans que, comme le 5 février, dans l’Etat de Táchira, les autorités ne découvrent 939,2 tonnes – 939,2 tonnes ! – de riz, sucre, beurre, lait, café, huile, etc., dissimulés dans des entrepôts et soustraits aux rayonnages des magasins. Pas un jour ne s’écoule sans que, comme le 8 février, dans le Département d’Apure, on ne saisisse 32 tonnes d’aliments – et 4 992 rouleaux de papier hygiénique ! – destinées à partir en contrebande vers la Colombie. Ce même 8 février, le superintendant Luis Mota Domínguez informait que venaient d’être trouvés, dans trois dépôts de la Distribuidoras y Ensambles de Venezuela, située à Valencia (Etat de Carabobo), plus de 49 000 appareils électroménagers – machines à laver, cuisinières, réfrigérateurs, etc. – importés depuis plus de trois ans grâce aux millions de dollars « préférentiels » octroyés par le gouvernement. Alors des pénuries, effectivement, et pour cause, il y en a.

L’opinion ainsi travaillée par ces séquences de film catastrophe, l’opposition peut passer (ou re-passer) à l’action. Regroupée au sein de la MUD, elle n’a pas accepté la victoire de M. Maduro à l’élection présidentielle d’avril 2013, avec 50,66 % des voix. Cette marge étroite incita le candidat battu pour la deuxième fois en six mois [4], M. Henrique Capriles Radonski, à refuser de reconnaître le verdict des urnes et à lancer ses partisans dans une campagne de « désobéissance civile » qui provoqua onze morts et des dizaines de blessés. Washington ne donnant plus le « la » dans la région, depuis la naissance de l’Union des nations sud-américaines (Unasur) et de la Communauté des Etats latino-américains et caraïbes (Celac), la campagne internationale entreprise sur le thème de la « fraude électorale » ne donna pas les résultats escomptés et cette poussée de violence s’interrompit momentanément.

Toutefois, pariant sur la panique suscitée, y compris au sein des milieux populaires, par la déstabilisation de l’économie, par l’annonce ou l’invention des pénuries, la droite dure pensait pouvoir donner le coup de grâce à la révolution bolivarienne à l’occasion des élections municipales du 8 décembre dernier. Elle les transforma en plébiscite et en vote-sanction contre la gestion de M. Maduro. Pari perdu. Au fil des mois, en gouvernant d’une main ferme, celui-ci a su se vêtir de la légitimité dont il ne jouissait pas forcément au début de son mandat. Après cette quatrième défaite en quelques mois [5], la perspective de reprendre le pouvoir se ferme à nouveau pour la droite : dans un pays accoutumé à voir se succéder les scrutins, il n’y aura plus d’élections avant les législatives de fin 2015 et un éventuel référendum révocatoire en 2016 !

Attendre, une fois de plus ? De la démocratie, certains secteurs de l’opposition vénézuélienne ont une conception toute particulière. Tout comme M. Leopoldo López, Mme María Corina Machado considère que, pour provoquer « le naufrage du régime », il n’est plus possible de respecter le calendrier électoral. C’est donc avec le slogan « la salida » (« la sortie ») que l’un et l’autre appellent à l’insurrection. En avril 2002, déjà, M. López a activement participé au coup d’Etat (raté) contre Hugo Chávez et figure sur la liste des signataires du décret qui, à l’instigation du bref dictateur, le patron des patrons Pedro Carmona, a alors dissous le Congrès et tous les pouvoirs constitués. Accusé d’irrégularités administratives lorsqu’il était maire de Chacao, il a été jugé en 2008 et s’est vu interdire toute postulation à une charge publique jusqu’en 2014. Comme lui (qui se voit en « président de transition »), Mme Machado (qui se rêve en « première présidente » du Venezuela), multiplie les contacts, en Colombie, avec l’ex-président Alvaro Uribe ou ses proches, ainsi qu’aux Etats-Unis où la visite qu’elle fit le 31 mai 2005, dans le Bureau ovale, au président George Bush, n’est pas passée inaperçue.

On notera au passage que l’offensive des secteurs extrémistes que l’un et l’autre représentent a, outre l’objectif de chasser M. Maduro du pouvoir, celui de mettre sur la touche M. Capriles, deux fois vaincu à la présidentielle et accusé de mollesse dans ses campagnes et la contestation des résultats. Dans le cadre de la lutte féroce qui se livre au sein de la MUD pour le contrôle de l’opposition, ce dernier fait le grand écart, se montrant (relativement) critique quant à la tactique de mobilisation de Volonté populaire, afin de conserver l’électorat de droite plus modéré, sans se couper totalement – « Nous sommes différents, mais nous sommes solidaires » – des radicaux. Avec même, parfois, quelques éclairs de lucidité : « Si le peuple humble ne participe pas [aux manifestations], a-t-il déclaré lors d’une interview donnée à CNN [6], ce serait mentir à ceux qui ont un espoir, à ceux qui sortent pour marcher, ce serait leur mentir que de leur dire qu’ils vont trouver la solution [la fameuse «salida »] du jour au lendemain. »

S’il est parfaitement vrai que comparaison n’est pas raison, et que la paranoïa n’est pas bonne conseillère, on ne peut manquer de noter les similitudes entre l’actuelle escalade et l’enchaînement des événements qui ont mené au coup d’Etat d’avril 2002. En ce sens, les trois morts du 12 février attirent l’attention. D’après les premiers éléments de l’enquête, tous trois, comme nombre des victimes d’il y a douze ans, ont été abattus d’une balle dans la tête ; politiquement aux antipodes, deux d’entre eux, l’opposant Bassil Da Acosta et le militant chaviste Juan Montoya, ont été tués, à proximité l’un de l’autre, par la même arme, dans le quartier de La Candelaría. On se souvient que le 11 avril 2002, des francs-tireurs tirant à la fois sur les manifestants de l’opposition et sur les «bolivariens» avaient chauffé les esprits à blanc, créé la confusion, et permis au groupe d’officiers félons ayant organisé cette opération de type militaire de renverser Chavez, accusé d’avoir donné l’ordre de tirer sur ses opposants [7].

Comme à l’époque on accusait les Cercles bolivariens – organisation populaire, d’essence pacifique, soutenant la révolution – d’être à l’origine de ces assassinats et d’agir comme les chemises noires de Mussolini, les « colectivos » (collectifs), organisations de base issues des quartiers populaires, sont aujourd’hui mis en cause, présentés comme des «bandes de délinquants protégées et armées par le chavisme » – quand ce n’est pas comme des « Tontons macoutes », ainsi que l’a fait El País, le 18 février 2002 [8].

Imité par beaucoup, ce quotidien espagnol avait, à l’époque, pendant l’incarcération de Chávez, du 11 avril au soir au 13 en fin d’après-midi, célébré le coup d’Etat : « L’armée, poussée par la rue, a mis un point final au rêve d’une rhétorique révolution bolivarienne menée par un ex-golpiste qui, après avoir gagné les élections, s’est transformé, depuis le pouvoir, en un autocrate dangereux pour son pays et le reste du monde (…) La goutte qui a fait déborder le vase et a soulevé les militaires a été la répression déclenchée par la police et les francs-tireurs fidèles à Chávez, qui ont causé quinze morts et une centaine de blessés au troisième jour d’une grève générale qui a uni paradoxalement syndicats et patrons [9]. »

Douze ans plus tard, unie dans sa même détestation de la gauche latino-américaine, en général, et de la vénézuélienne en particulier, l’internationale médiatique a été rejointe par la nébuleuse des «réseaux sociaux » qui, de tweet en retweet, à coups de photos de répression sanglante et de torture prises sous d’autres cieux, mais attribuées au gouvernement bolivarien, s’activent à le délégitimer [10].

Enfin, mais faut-il le préciser, ce n’est plus le président George W. Bush qui y va de son coup de pouce aux séditieux, mais l’administration de M. Barack Obama. En réponse au secrétaire d’Etat John Kerry, qui a condamné la « violence insensée » exercée contre les manifestants, le ministre des Affaires étrangères Elías Jaua a notifié le 17 février à trois diplomates américains en poste à Caracas – au… service des visas – qu’ils avaient 48 heures pour quitter le pays au motif de leur participation « à l’organisation et la promotion de groupes qui ont tenté de générer de la violence au Venezuela ». « Ce sont des fonctionnaires qui vont dans les universités, a précisé le président Maduro. Nous les avons surveillés pendant des réunions dans des universités privées, ces deux derniers mois [11]. »

Alors que, deux jours auparavant, dans le centre de la capitale, des dizaines de milliers de Vénézuéliens, parmi lesquels des colonnes de jeunes et d’étudiants des Universités publiques, défilaient pour l’appuyer, le chef de l’Etat a assuré qu’il ferait poursuivre de la même manière « les opposants et les chavistes qui recourraient à la violence [12] ». Sous le coup d’un mandat d’arrêt pour celles du 15 février et pour ses appels à la sédition, et passé à la clandestinité, M. López est réapparu le 18 février, à la tête de manifestants « vêtus de blanc », pour aller déposer une pétition au ministère de l’Intérieur et de la Justice. Au terme de cette manifestation non autorisée, qui s’est néanmoins déroulée sans incidents dans l’est de Caracas, il s’est spectaculairement rendu à des fonctionnaires de la Garde nationale, avant d’être emmené dans un véhicule de police, non sans avoir dénoncé « une justice injuste et corrompue ».

Au même moment, les travailleurs de la compagnie pétrolière nationale PDVSA manifestaient eux aussi dans le calme, jusqu’au palais présidentiel de Miraflores, où M. Maduro appela à la paix. Toutefois, la production de « martyrs » permettant de dénoncer « la répression » et de se poser en victime devant l’opinion internationale, nul ne peut exclure que de futures provocations n’endeuilleront pas le pays. C’est ainsi que, au cours de la manifestation précitée, M. Maduro a lancé une très grave accusation – « Nous avons reçu l’information que la droite, la plus extrême droite de Miami et du Venezuela (…) a mobilisé des groupes pour le [Leopoldo López] chercher et le tuer afin de créer une crise politique et déclencher une guerre civile au Venezuela. » – avant de préciser que le gouvernement garantit l’intégrité physique de l’opposant. Trouvant l’histoire « trop belle pour être vraie », d’aucuns, sans aucun doute, hurleront à la loufoquerie ou à la manipulation. Toutefois, devant une caméra de CNN, l’épouse de M. López n’a pas démenti l’information : « Le gouvernement s’est montré préoccupé par cette situation et a pris contact avec la famille pour assurer la sécurité de Leopoldo [alors dans la clandestinité], et c’est ce qui a été fait.» Qu’on se souvienne du 11 avril 2002 : pour arriver à leurs fins, les factieux n’ont pas hésité à faire tirer sur leurs propres partisans, utilisés comme chair à canon.

En attendant, dans l’après-midi du 18 février, des groupes criminels ont tiré sur une coopérative textile «chaviste », à Los Cortijos (Etat de Miranda), faisant un mort et plusieurs blessés. A Valencia, c’est une marche de l’opposition se dirigeant vers la Plaza de Toros qui s’est terminée avec huit blessés par balles. A Barquisimeto, le central téléphonique a été incendié…

Ce qu’on appelle la stratégie de la tension.



Notes




[1] Voir la vidéo disponible sur http://www.aporrea.org/oposicion/n245262.html

[2] The Guardian, Londres, 7 novembre 2013.

[3] Le 22 janvier, le gouvernement a annoncé l’activation d’un nouveau système de change, avec deux prix différents pour la devise : un taux préférentiel de 6,30 bolivars pour 1 dollar pour les éléments prioritaires et un taux maximum fixe pour les offres du Système Complémentaire d’Administration des Devises (SICAD) consacrées à d’autres aspects non prioritaires : voyages à l’étranger, cartes de crédit, lignes aériennes, envois familiaux, investissement étranger et réassurances.

[4] Le 7 octobre 2012, il avait déjà été battu par Hugo Chavez (55,07 % contre 44,31 % des voix). Malade d’un cancer, le président élu décédera le 5 mars 2013.

[5] Aux défaites subies aux deux présidentielle et à la municipale, il convient d’ajouter celle des régionales de décembre 2012, alors que le président Chávez luttait contre le cancer : le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) y remportait vingt Etats sur vingt-trois, la MUD n’en dirigeant plus que trois – Lara, Amazonas et Miranda, avec comme gouverneur Henrique Capriles dans ce dernier cas.

[6] « Capriles acusa a López de reeditar fracaso de la oposición por falta de apoyo popular », Correo del Orinoco, 18 février 2014.

[7] Lire « Chávez sauvé par le peuple », Le Monde diplomatique, mai 2002.

[8] Tout comme en 2002, des militaires et policiers hostiles au pouvoir en place avaient participé au golpe, on ne peut exclure, au vu des éléments et vidéos rassemblés par le quotidien Últimas Noticias, que des policiers du Service bolivarien des renseignements (Sebin), échappant à leur hiérarchie, soient impliqués dans les événements tragiques du 12 février. Une enquête est en cours, demandée par le président Maduro.

[9] Editorial « Golpe a un caudillo », El País, 13 avril 2012.

[10] Voir à cet égard les exemples qui accompagnent l’article de Romain Migus, « Coup de projecteur sur les zones d’ombre médiatiques », Venezuela Infos (http://venezuelainfos.wordpress.com/), 18 février 2014.

[11] Le Monde.fr avec AFP et Reuters, 17 février 2014.

[12] BBC Mundo, Londres, 16 février.

mardi 18 février 2014

VENEZUELA : INFORMATION D'UN VRAI JOURNALISTE SUR PLACE

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L'OPPOSANT VÉNÉZUÉLIEN LEOPOLDO LOPEZ  FUT ARRÊTÉ PAR LA GARDE NATIONALE, LE 18 FÉVRIER 2014 À CARACAS. PHOTO JUAN BARRETO / AFP

La stratégie de confrontation directe choisie par M. Lopez et quelques autres ne fait pas l’unanimité au sein de la coalition d’opposition de la Table de l’unité démocratique (MUD), dont la principale figure, le gouverneur et ancien candidat présidentiel Henrique Capriles, a estimé que les conditions «n’étaient pas réunies» pour obtenir le départ du gouvernement.

Guerre interne dans l’opposition

L’opposition vénézuélienne n’est pas un bloc monolithique. Même si tous les partis partagent un programme commun (1) , les stratégies de prises de pouvoir et surtout les ambitions personnelles ne manquent jamais de raviver les tensions au sein de la contrerévolution, Or le leadership qu’Henrique Capriles s’était construit depuis sa victoire aux primaires de la plateforme unitaire de l’opposition (Mesa de Unidad Démocratica -MUD) en février 2012 s’est quelque peu érodé au fil des quatre défaites électorales (2) . Lors des élections municipales de décembre 2013, le parti de Leopoldo Lopez, Voluntad Popular a même remporté plus de mairies que Primero Justicia, le parti de Capriles.

Le questionnement interne suite aux défaites dans les urnes a ravivé les vieux démons d’une opposition prête à considérer légitime tous les chemins possibles pour conquérir le pouvoir.

Profitant d’un mécontentement compréhensible d’une partie de la population face à une guerre économique qui affecte quotidiennement les vénézuéliens (3) , le secteur le plus extrême de l’opposition a décidé de passer à l’attaque.

Dés les premiers jours de l’année 2014, Leopoldo Lopez, Maria Corina Machado ou Antonio Ledezma appelaient « au soulèvement » comme moyen « démocratique » pour chasser le gouvernement (4) . Les vrais démocrates apprécieront l’oxymore. Rappelons que l’unique moyen démocratique pour changer de gouvernement est la convocation d’un référendum révocatoire à mi-mandat, c’est à dire à partir d’avril 2016.

Leopoldo Lopez ne s’arrêtera pas là. Au cours d’un meeting, le 2 février 2014, il lance à ses partisans     : « les problèmes dont souffre le peuple ont un coupable. Ce coupable est le pouvoir national (…) nous ne pouvons plus dire que le problème c’est seulement Nicolas Maduro. Le problème ce sont tous les pouvoirs publics nationaux »(5) . Coup d’Etat, vous avez dit coup d’Etat ?

Au cours du même meeting, Maria Corina Machado affirmera que « la seule réponse possible, c’est la rébellion (…). Certains disent qu’il faut attendre les élections dans je-ne-sais-trop combien d’années (…) Le Venezuela ne peut plus attendre » (6) . Le message de confrontation est lancé au gouvernement mais aussi à la MUD et à Capriles. La tentative de mainmise sur l’opposition par les secteurs les plus anti-démocratiques de l’antichavisme est confirmé par Leopoldo Lopez lorsqu’il convoque une manifestation pour le 12 février 2014 : « Notre lutte passe par la rue (…) je suis sûr que ce 12 février, nous verrons Henrique Capriles dans la rue. Je lance un appel [à tous les dirigeants de l’opposition] mais surtout à Henrique, qui a une très grande responsabilité, pour qu’il nous rejoigne dans cette clameur de changement» (7) . Les urnes ou le putsch. Les leaders de l’opposition ont les cartes en mains…

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L'OPPOSITION DEMANDE LA DÉMISSION DU PRÉSIDENT VÉNÉZUÉLIEN NICOLAS MADURO. (16 FÉVRIER 2014). PHOTO REUTERS


Ce qui fut annoncé arriva

Le 12 février la manifestation convoquée se dirigeât vers le siège du pouvoir judiciaire (Ministerio Publico) situé dans le centre populaire de la capitale. La plupart des dirigeants de l’opposition, dont Capriles Radonski, était aux abonnés absents. Le faible cortège était surtout composé d’étudiants des classes moyennes supérieures provenant des universités privées. Sur place, Leopoldo Lopez et Maria Corina Machado haranguaient la foule dans des termes similaires à ceux proférés quelques jours plus tôt, avant d’abandonner la manifestation sans prendre le soin de lancer le mot d’ordre de la dispersion de la manifestation. Alors que la majorité des étudiants quittait les lieux sans heurt, des groupes de choc prenaient le relais. Les pancartes pacifistes laissaient place aux jets de pierre et autres cocktails Molotov. Et tout bascula.

Au milieu des affrontements, des coups de feu furent tirés. Juan « Juancho » Montoya, un militant chaviste présent sur les lieux et Basil Da Costa un étudiant d'opposition mourraient tous deux assassinés d’une balle dans la tête.  La police nationale réussit à repousser les fauteurs de trouble qui se replièrent à Chacao, arrondissement huppé de Caracas, dont le maire, Ramon Muchacho est membre du parti Primero Justicia. Quelques heures plus tard et alors que les affrontements s’étaient déplacés dans cette zone de la ville, Roberto Redman, un militant de l’opposition, qui avait porté le cadavre du jeune Basil, était à son tour assassiné. La machine médiatique internationale s’emballa. Le gouvernement fut accusé de sanglantes répressions alors que les forces de maintien de l’ordre n’utilisent aucune arme létale pour faire face aux groupuscules armés de l’opposition (8) .

Les entreprises de communication privées dénoncèrent la censure gouvernementale après qu'une chaîne câblée colombienne, NTN24, fut retirée de la programmation par les opérateurs de câble privés pour avoir enfreint la loi vénézuélienne de ne pas retransmettre en direct les images des violences de rue. Il ne s'agissait donc pas d’une censure opérée par le pouvoir, les média audiovisuels internationaux et nationaux ayant largement couvert la partie pacifique de la manifestation. En revanche, aucun média international ne s'est attardé à dénoncer les attaques à l’arme à feu contre le siège de la télévision publique VTV. Une employée de la chaîne ayant même reçu une balle dans les côtes. Liberté d'expression à deux vitesses ?

Au soir du 12 février, on dénombrait en plus des trois morts, de nombreux blessés y compris chez les forces de l'ordre et les travailleurs du Metro de Caracas, pris d'assaut par les groupes de choc de l'opposition, 6 voitures de police incendiées, des sièges d'institutions publiques détruits, sans compter les nombreux dommages collatéraux dont ont souffert les habitants de Caracas.

Des critiques se firent entendre au sein même de l’opposition. Une journaliste du journal antichaviste El Universal,  dénonça l’irresponsabilité et le manque de  leadership de Leopoldo Lopez qui abandonna les étudiants lorsque les affrontements eurent commencé (9) . Le maire de Chacao publia un tweet cinglant : « nous reconnaissons le manque de leadership de l'opposition. Seul l’anarchie règne. C’est ce que nous voulons ? » (10) . Dans un premier temps, Capriles Radonski se fit écho de « la mainmise de groupes violents sur une manifestation pacifique» (11)  .

L'enquête démontrera, comme l'a indiqué le Ministre de l'intérieur et de la justice, Miguel Rodriguez Torres, que les deux personnes assassinées prés du Ministerio Publico le furent avec la même arme à feu, renforçant ainsi la thèse de l’infiltration  de mercenaires paramilitaires d’opposition dans l’objectif de créer le chaos, et d’enflammer les tensions entre vénézuéliens. Un scénario similaire à celui vécu lors du coup d'Etat du 11 avril 2002 (12) . Les plus vulnérables à cette stratégie sont malheureusement les jeunes étudiants qui croient pouvoir renverser un gouvernement appuyé par la majorité du peuple et par l’armée.

Comme dans n’importe quel pays démocratique, la justice recherche désormais le principal responsable de ces violences, Leopoldo Lopez, pour le mettre en examen. Nous n’osons imaginer ce qu’il se serait passé si de tels évènements avaient eu lieu dans n’importe quel pays occidental. Qu’aurait fait le pouvoir français si la manifestation Jour de Colère (qui comme la manifestation de Leopoldo Lopez n'avait de mot d’ordre commun que la chute d’un gouvernement élu) s’était soldé par trois assassinats et de nombreux blessés chez les forces de l’ordre. Il y a fort à parier que ses organisateurs seraient aujourd’hui sous les verrous sans que cela n’émeuve personne ni qu’aucun parti politique, pas même le Front National, n’en vienne à les défendre.

Mais s’il s’agit du Venezuela, les media y décèlent une persécution politique. Capriles Radonski, quand à lui s’est solidarisé avec Leopoldo Lopez, tout en insistant sur les différentes stratégies qui l’opposent á son ancien comparse (13) .  L’ancien candidat à la présidentielle a même appelé à une manifestation contre la violence et le paramilitarisme (sic), espérant ainsi récupérer à son compte les manifestants de ces derniers jours. Comble de l’ironie pour celui qui devrait assumer la responsabilité intellectuelle de l’assassinat de 11 militants chavistes au lendemain de sa défaite électorale aux élections présidentielles d’avril 2013 (14) .

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LA POLICE A DISPERSÉ À COUPS DE GAZ LACRYMOGÈNES ET DE CANONS À EAU UNE CENTAINE D'ÉTUDIANTS QUI DÉFILAIENT SUR UNE AVENUE PRINCIPALE DE CARACAS. (16 FÉVRIER 2014). PHOTO REUTERS


La main de l’Empire américain n’est pas une chimère

Alors que Nicolas Maduro a reçu des messages de solidarité et de condamnation des violences de l’opposition de la part de nombreux gouvernements et partis politiques de par le monde et de l’Union des Nations Sud-américaines (Unasur), le gouvernement des Etats-Unis prenait un ton menaçant. Lors d’une allocution télévisuelle, le président Maduro dénonçait que le sous-secrétaire d’Etat adjoint pour l’Amérique latine, Alex Lee, avait émis une série d’exigences (libération des responsables des violences, arrêt des poursuites contre Leopoldo Lopez, dialogue immédiat avec l’opposition) sous peine de « générer des conséquences négatives au niveau international »  (15) .
Cette menace à peine voilée est en fait le résultat de la participation active des Etats Unis dans les récents évènements qui secouent le Venezuela. Soulignons une fois, pour les éternels sceptiques, que la déstabilisation du gouvernement bolivarien n’aura de cesse que lorsque les Etats-Unis reprendront le contrôle du maniement de l’industrie pétrolière comme dans le passé.

En réponse, le président Maduro a décidé d’expulser du pays trois citoyens étatsuniens pour leur récente participation active dans la formation et le financement d’étudiants aux techniques de coup d’Etat soft (16) .

Dans la nébuleuse d’informations sur la situation actuelle au Venezuela, de grossières manipulations médiatiques tentent de légitimer le discours de l’opposition qui dénonce la torture et la répression sanglante du gouvernement. Cette cyber-attaque est surtout un moyen de décrédibiliser le Venezuela  au niveau international et de chauffer les esprits des partisans de l’opposition afin de générer une situation d’ingouvernabilité à l’instar des évènements actuels en Ukraine.

Rappelons que le Venezuela est le cinquième pays au monde qui se sert le plus de Twitter (17) . Ce réseau social, abondamment utilisé dans les autoproclamées « Révolutions » arabes, est devenu une arme de premier choix dans la déstabilisation du gouvernement bolivarien. Ainsi, des photos de répressions et de tortures, reflétant des réalités étrangères, sont envoyées massivement aux jeunes vénézuéliens leur faisant croire que les scènes se déroulent dans leur pays (18) . De retweet en retweet en passant par de nombreux hastags, un nombre non négligeable de jeunes opposants à la Révolution est ainsi manipulé.

« Intox » et les fausses photos

Sur la photo suivante nous pouvons voir comment une manifestation à Sao Paulo devient une manifestation à Caracas:

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Sur la photo ci dessous une image aérienne d’un pèlerinage religieux se transforme en une manifestation massive de l’opposition qui n’a pourtant jamais eu lieu:

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Les étudiants chiliens doivent sauter au plafond en voyant leurs camarades utilisés par l’extrême droite vénézuélienne :

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Qui se doutait que les policiers égyptiens réprimaient des citoyens vénézuéliens ?

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[Site le site origine de l’image ]

[ Ludmila Vinogradoff, correspondante au Venezuela du Journal monarchiste et conservateur, ABC s'excuse pour son accusation bidon et pour l’utilisation et les fausses photos (les photos ont été supprimées) mais les propos excessifs et tendancieux sont maintenus. NDR


Un cas de torture dans le royaume d’Espagne devient un argument pour la droite vénézuélienne :

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[Site le site origine de l’image]

Rien n’arrête le cynisme de l’opposition. Les morts du conflit syrien sont transférés au Venezuela dans la ville de Maracay :

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Même le pauvre Loukanikos, icône animale de la révolte grecque, n’est pas épargné. Que fait la SPA ?

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[Site le site origine de l’image]

Le camp bolivarien doit donc une fois de plus faire face aux tentatives de déstabilisation de la contre-révolution au moment précis où le gouvernement prend des mesures radicales pour lutter contre la guerre économique et contre l’insécurité.

Même si le Peuple, l’armée et la police défendent les institutions démocratiques, la vigilance est de mise. Face à la désinformation des entreprises privées de communication, la solidarité internationale est plus que jamais de vigueur afin de déjouer la propagande médiatique contre la Révolution Bolivarienne. A un an de la disparition physique du Comandante Chávez, son Peuple est bien décidé à perpétuer son héritage révolutionnaire.

Notes :

 (1) Voir Romain Migus, El programa de la MUD, Caracas, ed. Barrio Alerta, 2012, disponible sur http://albaciudad.org/wp/wp-content/uploads/2012/09/libro_el_programa_de_la_mud.pdf

(2) Élections présidentielles du 7 octobre 2012 et du 13 avril 2013, élections régionales du 16 décembre 2012, élections municipales du 8 décembre 2013 (91% des états régionaux et 75% des mairies gagnés par le chavisme).

  (3) La guerre économique et les réponses gouvernementales ne sont pas le sujet de cet article. Mais il est indéniable que la spéculation contre le bolívar, les ruptures de stock organisées,  et la contrebande de produits de première nécessité vers la Colombie ont des conséquences immédiates sur la vie quotidienne. Pour un approfondissement de ce sujet, voir jacques Sapir, «‘ La situation économique au Venezuela «‘, Russeurope, 17/02/2014, http://russeurope.hypotheses.org/2001

  (4) Voir “¡LaSalida es la calle! ¡#LaSalida es la calle!”, Youtube, 25/01/2014, http://www.youtube.com/watch?v=MZBiTc6Z4Os (traduction de l’auteur).

  (5) Voir “Protestas en Venezuela, 2 de Feberero de 2014 #LaSalida“, Youtube, 03/02/2014, http://www.youtube.com/watch?v=hyh3AEf5JDA (traduction de l’auteur).

  (6) Ibid.

  (7) Voir “Leopoldo López El 12F vamos a la calle con la consigna justicia y cárcel para los corruptos“, Youtube, 09/02/2014, http://www.youtube.com/watch?v=f9X67Jvw5Lk (traduction de l’auteur).

(8) Pour être plus précis nous soulignons que les forces de police utilisent des bombes lacrymogènes et des cartouches de gros sel, et un usage très limité de la force si l’on compare avec la répression des manifestations dans les pays européens.

  (9) Testimonio de una periodista de El Universal: «Leopoldo no tuvo bolas. Le agarró la mano a su esposa, se fue y dejó a los carajitos alborotados», Aporrea, 13/02/2014. http://www.aporrea.org/oposicion/n245131.html

  (10) “Vandalismo en Chacao: Ramón Muchacho se pregunta ¿quién asume la responsabilidad?”, Noticias24, 12/02/2014,
http://www.noticias24.com/venezuela/noticia/222431/vandalismo-en-chacao-ramon-muchacho-se-pregunta-quien-asume-la-responsabilidad/

(11) “Capriles condena violencia en marcha estudiantil, Prensa Primero Justicia, 12/02/2014, http://www.primerojusticia.org.ve/cms/index.php?option=com_flexicontent&view=item&cid=158:en-la-prensa&id=13853:capriles-condena-violencia-en-marcha-estudiantil&Itemid=500

  (12) Voir “Fallecidos el 12F fueron con la misma arma de fuego”, YVKE Mondial, 14/02/2014, http://www.radiomundial.com.ve/article/fallecidos-el-12-f-fueron-asesinados-con-la-misma-arma . Sur les assassinats similaires pendant le coup d’Etat d’avril 2002, voir l’excellent documentaire de Angel Palacios, “Puente llaguno: clave de una massacre”, http://www.youtube.com/watch?v=fkrAI72ct-I

(13) “Capriles llama a movilizaciones contra la violencia y el paramilitarismo”, El Universal, 16/02/2014,  http://www.eluniversal.com/nacional-y-politica/140216/capriles-llama-a-movilizacion-contra-la-violencia-y-el-paramilitarismo

  (14) Voir Romain Migus, “Nuit de cristal au Venezuela”, Venezuela en Vivo, 17/04/2013,  http://www.romainmigus.com/2013/06/nuit-de-cristal-au-venezuela.html

  (15) “Venezuela rechaza declaraciones de secretario estadounidense John Kerry”, Telesur, 16/02/2014,  http://www.telesurtv.net/articulos/2014/02/16/venezuela-rechaza-declaraciones-de-secretario-estadounidense-john-kerry-2982.html

  (16) “Funcionarios norteamericanos tienen 48 horas para salir de Venezuela”, Noticias24, 16/02/2014,   http://www.noticias24.com/venezuela/noticia/222622/elias-jaua-funcionarios-norteamericanos-tienen-48-horas-para-salir-de-venezuela/

  (17) “Venezuela: quinto país del mundo que más usa el twitter”. Ciudad CCS, 29/05/11, http://www.ciudadccs.info/?p=176192

(18) Telesur a réalisé une compilation de ces montages médiatiques. Voir: https://www.facebook.com/media/set/?set=a.10151869482281179.1073741986.186321186178&type=1

Source : http://www.romainmigus.com/2014/02/venezuela-coup-de-projecteur-sur-les.html#

VENEZUELA: QUAND L’« OBJECTIVITÉ » JOURNALISTIQUE SE PERD DANS LES RUELLES DE CARACAS

UN MANIFESTANT DEVANT UNE RANGÉE DE POLICE ANTI-ÉMEUTE, MERCREDI 12 FÉVRIER 2014 À CARACAS. PHOTO JORGE SILVA. REUTERS 
Le Venezuela n’est pas un paradis. Personne n’a la stupidité de le penser. Le processus à l’œuvre depuis l’élection du président défunt Hugo Chavez, en 1998, est critiquable à bien des égards. Comme tout processus politique. Il est aussi fort de transformations qui ont constitué autant de ruptures et de progrès sur le plan social ou éducatif. Pourquoi le nier? Au point de voir un journaliste du 20 heures d’une chaîne publique française contraint de présenter des excuses à la suite de la diffusion d’un reportage au Venezuela pétri de mensonges? Les charges médiatiques étaient bien moins virulentes contre 
les gouvernements dits de Punto Fijo, lorsque les sociaux-démocrates et les démocrates-chrétiens se partageaient les postes, non sans avoir bourrés les urnes.



LA RÉVOLUTION NE SERA PAS TÉLÉVISÉE (HQ) - COUP D'ETAT CONTRE HUGO CHAVEZ


Le sujet anti-«révolution bolivarienne», ce marronnier

À l’époque, les Vénézuéliens, affamés par les plans d’ajustements structurels du FMI, étaient descendus en masse dans 
les rues. La répression avait fait alors 3 000 morts. 
Les États-Unis, qui se disent «profondément préoccupés» par «les tensions et la violence» en cours, s’étaient empressés, en 2002, de féliciter les auteurs du coup d’État contre Hugo Chavez. L’immense majorité 
des médias leur avaient alors emboîté le pas, offrant 
là une légitimité à des putschistes!

Les campagnes 
anti-«révolution bolivarienne» sont récurrentes: 
un marronnier, comme on dit dans le jargon du métier. 
Les exemples affluent comme les qualificatifs à l’encontre d’Hugo Chavez, ravalé au rang de dictateur. Mais qui peut décemment taire qu’il a remporté près d’une quinzaine de scrutins libres et transparents? Sa popularité, à faire pâlir plus d’un chef d’État soi-disant plus respectable parce que dans le vent des idées majeures, est toujours aussi vive auprès d’une majorité de Vénézuéliens. Tordre les faits, c’est mépriser l’éthique professionnelle. Et alimenter le discrédit dont souffrent (déjà) les médias. Le fondateur d’un quotidien du soir a dit : «L’objectivité n’existe pas! L’honnêteté, oui!» Ce n’était pas Jean Jaurès.