samedi 30 mars 2019

BRÉSIL : UNE JUGE INTERDIT LA COMMÉMORATION DU COUP D’ÉTAT MILITAIRE DE 1964


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Le président brésilien Jair Bolsonaro souhaitait que le coup d’État soit « commémoré comme il se doit », à l’occasion de la date anniversaire des 50 ans.
Il va devoir revoir son plan de célébrer les 55 ans du coup d’État militaire. Une juge brésilienne a interdit vendredi au gouvernement du président d’extrême droite Jair Bolsonaro de commémorer ce dimanche l’anniversaire du coup d’État de 1964, indiquant que l’initiative était « incompatible » avec la Constitution de 1988.

Selon cette magistrate de Brasilia, Ivani Silva da Luz, la commémoration proposée par le président Bolsonaro lui-même viole « le processus de reconstruction démocratique » promue par la Constitution. Par ailleurs, les dates commémoratives officielles doivent être approuvées par le Congrès. « Après des années de luttes politico-idéologiques, de résistance démocratique et de reconquête de l’État de droit, qui ont abouti à la promulgation de la Constitution fédérale, il est attendu de la concorde, de la sérénité et de l’équilibre de la part des institutions », a écrit la magistrate dans sa décision.

Lundi, le porte-parole de la présidence avait annoncé que le 31 mars 1964 devait être « commémoré comme il se doit » dans les casernes. Le Parquet fédéral avait réagi en recommandant que les régiments s’abstiennent « de promouvoir ou participer à toute manifestation publique pour célébrer le coup d’État militaire ».

Les procureurs avaient donné 48 heures aux chefs militaires pour les « informer des mesures prises pour se conformer » à cette interdiction, note le journal brésilien O Globo. L’entité responsable de la défense du citoyen avait estimé que ces cérémonies étaient « incompatibles avec l’État de droit démocratique ».

Face à la polémique, le président lui-même a nuancé ses propos jeudi, affirmant qu’il ne s’agissait pas de «commémorer, mais de « se remémorer » cet épisode de l’histoire brésilienne.

434 assassinats en 21 ans de dictature

Aucun détail n’avait jusque-là filtré sur les cérémonies prévues dans les casernes, mais un régiment de Sao Paulo a déjà célébré jeudi cet anniversaire avec la lecture d’un message du ministre de la Défense, Fernando Azevedo e Silva, pour qui les militaires ont servi de « rempart contre le totalitarisme ». Ce ministre, ancien général de l’armée, avait lui aussi indiqué jeudi qu’il ne souhaitait pas « célébrer » le coup d’État, mais plutôt le « rappeler » pour que les jeunes sachent ce qu’il s’était passé, soulignent le journal Estado de Minas ainsi qu’une journaliste d’O Globo sur Twitter.

Sous le mot d’ordre « Plus jamais de dictature », des manifestations sont prévues dimanche dans plusieurs villes brésiliennes. Car le souvenir de cette période est particulièrement douloureux. Selon un rapport publié en 2014 par la Commission nationale de la vérité, 434 assassinats ont été perpétrés au cours des 21 ans de régime militaire, sans compter les centaines de détentions arbitraires et cas de torture d’opposants.

QUAND JAIR BOLSONARO VEUT CÉLÉBRER LE COUP D’ÉTAT DE 1964


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CÉRÉMONIE DE REMISE DES DIPLÔMES ET COMMÉMORATION
DU COUP D’ÉTAT MILITAIRE DE 1964, À SAO PAULO, BRÉSIL
LE 28 MARS 2019 PHOTO NELSON ALMEIDA
L’exigence du président brésilien de «commémorer » le 55ème anniversaire du coup d’État militaire de 1964, qui a ouvert la voie à vingt ans de dictature, a suscité une avalanche de protestations. 
DESSIN VITOR TEIXEIRA
L’initiative, venue d’un chef d’État habitué à flatter les tortionnaires et vanter les régimes autoritaires pourvu qu’ils soient étiquetés à droite, n’a finalement rien d’étonnant. Mais quatre ans après le travail de la Commission de la vérité, recensant les horreurs de la dictature militaire (1964-1985), l’exigence de Jair Bolsonaro de «commémorer» le 55ème anniversaire du coup d’État de 1964, reste un choc.

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C’est que pour le président ancien capitaine d’infanterie, de coup d’État il n’y eut point. Lorsqu’il parle de ce 31 mars de 1964 qui conduisit l’armée à renverser le président de gauche Joao Goulart, ouvrant la voie à une dictature de plus de vingt ans, Jair Bolsonaro évoque une « révolution démocratique ». Un terme repris par certains généraux.

Pour une partie de l’armée comme pour Jair Boslonaro les militaires ont « sauvé » le Brésil de la menace communiste. Jamais avare d’une provocation, le président s’est même laissé aller à comparer les exactions de l’époque à des « petits problèmes » comme il en existe « dans les couples ».

« Appelons les choses par leur nom. Bolsonaro parle de “petits problèmes” pour nier la dictature : viols de femmes, tortures d’enfants, séquestrations, coups, assassinats d’opposants. Ce président n’a pas de dignité », s’est étranglé sur Twitter le député Marcelo Freixo du Parti socialisme et liberté (PSOL) ajoutant : « Nous avons un gouvernement de fanatiques. »

Dans la foulée, le mot-clé #DitaduraNuncaMais «Ditadura nunca mais » (« la dictature plus jamais ») s’est répandu sur les réseaux sociaux pour rappeler à la mémoire du président et de ses fans les barbaries de la période. Les uns remémorant le supplice de Stuart Angel, 25 ans, traîné derrière un véhicule, obligé de mettre la bouche dans le pot d’échappement et dont les ossements ont été identifiés quarante-trois ans après sa mort, les autres évoquant le calvaire de Carlos Azevedo torturé alors qu’il n’avait qu’un an et huit mois, avant de se suicider en 2013.
« Les militaires ont toujours été des révisionnistes. Jair Bolsonaro, lui, est un négationniste. »
La dictature qui suivit le coup d’Etat de 1964 a fait officiellement 434 victimes et disparus, recensés par la Commission de la vérité mise en place par la présidente de gauche Dilma Rousseff, élue en 2010. Ancienne guérillera elle-même torturée, c’est la dauphine de Lula qui mettra fin aux célébrations du 31 mars 1964, jusqu’ici tolérées dans les casernes. « Les militaires ont toujours été des révisionnistes. Jair Bolsonaro, lui, est un négationniste », se désole Rosa Cardoso, avocate qui défendit des prisonniers politiques sous la dictature.

Reste que les festivités souhaitées par un président, qui multiplie les faux pas et est désormais décrit par les éditorialistes comme un bouffon dépassé par sa fonction, ont suscité une avalanche de protestations de la part des associations de victimes mais aussi d’institutions. Le ministère public a ainsi affirmé que célébrer un coup d’État était « incompatible avec un État de droit démocratique ».

Acculé, Jair Bolsonaro est revenu sur ses propos jeudi 28 mars affirmant que l’idée était de se « remémorer » et non de « commémorer » la date controversée tandis que le lendemain, une juge de Brasilia interdisait toute célébration faisant affront à « la mémoire et la vérité », indiquant que l’initiative était « incompatible » avec la Constitution de 1988.
Claire Gatinois (Sao Paulo, correspondante)

HEURTS ET ARRESTATIONS LORS DE LA JOURNÉE DU JEUNE COMBATTANT AU CHILI


« HEURTS ET ARRESTATIONS LORS DE LA 
JOURNÉE DU JEUNE COMBATTANT AU CHILI» 
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    CHILI : LA « JOURNÉE DU JEUNE COMBATTANT »

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    L'AFFICHE FUT PUBLIÉE PAR LA 
    COMMISSION DE LA JEUNESSE 
    DU CODEPU EN 1988

    À Santiago, chaque année, des manifestations sont organisées en mémoire de Rafael et Eduardo Vergara Toledo, deux frères assassinés en 1985 par la police de Pinochet.  

    « HEURTS ET ARRESTATIONS LORS DE LA 
    JOURNÉE DU JEUNE COMBATTANT AU CHILI» 
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    vendredi 29 mars 2019

    FLASHMOB No Más AFP - Ñ -

    « NO+AFP », « NO MÁS AFP ».  ASSEZ D'AFP, 
    « NOUS NE VOULONS PLUS D’AFP ».
    « FLASHMOB No Más AFP - Ñ -» 
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       « NO+AFP », « No más AFP ».  Assez d'AFP, « nous ne voulons plus d’AFP ».


      Que sont les AFP ? 

      Les AFP, Administradora de Fondos de Pensiones, sont les agences privées chargées de la gestion du système de retraite chilien. Elles sont crées sous la dictature militaire d’Augusto Pinochet, en novembre 1980, par le décret-loi n°3.500. Cette mesure réforme l’ancien système de retraite par répartition en faveur d’un système de capitalisation individuelle. Tous les travailleurs chiliens sont obligatoirement affiliés à une AFP à laquelle ils doivent verser 10% de leur salaire.

      Sous le slogan «No más AFP», des manifestations éclatent à travers tout le pays. Les Chiliens rejettent leur système de retraite privé hérité de la dictature.

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      jeudi 28 mars 2019

      DEUX JUGES À L’ASSAUT DE LA DICTATURE


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      DEUX JUGES À L’ASSAUT DE LA DICTATURE
      À l’aube d’un samedi banal, non loin de l’aéroport international de Santiago-du-Chili, où les touristes lisent à leur descente d’avion que « le Chili progresse dans l’ordre et dans la paix », trois militants communistes (Manuel Guerrero, José-Manuel Parada et Santiago Nattino) étaient retrouvés égorgés (1).
      par Brigitte Calame et Montserrat Sans 
      Le Monde diplomatique, Août 1986, pages 5 et 6 
      6Lecture 7 min.
      LES JUGES JOSÉ CANOVAS ET CARLOS CERDA
      Cinq mois plus tard, en août 1985, sur les marches du palais de justice de la capitale, M. José Canovas, un juge intègre, tel ce héros d’un roman de Leonardo Sciascia, faisait trembler la dictature du général Pinochet en inculpant quatorze membres de la gendarmerie chilienne, les carabineros, de complicité dans le triple assassinat.

      Le juge, avec une opiniâtreté insolite, avait lentement réussi à établir la responsabilité de la direction des services de renseignement des carabiniers (DICOMCAR). Dans son rapport de plus de deux mille pages, il révélait comment six enseignants, séquestrés par les carabiniers quelques jours avant le triple égorgement, avaient, sous la torture, fourni des renseignements sur l’activité politique des victimes. Ces enseignants ont pu décrire, par la suite, le lieu de leur incarcération clandestine ; ils se souvenaient avoir régulièrement entendu le son discordant d’une cloche d’église et le bruit d’une scie électrique.

      Les tortionnaires n’imaginaient sans doute pas que, sous un tel régime, il allait se trouver un juge incorruptible obstiné à établir la vérité et à servir la justice. Aussi, conséquence de douze ans d’impunité, ils avaient partout laissé des traces et commis de nombreuses « négligences » : ils enlevèrent, par exemple, José-Manuel Parada, documentaliste au Vicariat de la solidarité (2), et Manuel Guerrero, professeur, sous les yeux des élèves d’un lycée de Santiago, à l’heure de la rentrée des classes. Le premier accompagnait sa fille à l’établissement dans lequel le second enseignait. En outre, à visage découvert, le commando de ravisseurs abattait devant des dizaines de témoins un collègue venu porter secours aux deux amis. Pendant toute l’opération, un hélicoptère portant ostensiblement le sigle des carabineros de Chile survolait le secteur. Quant au peintre Santiago Nattino, il fut à son tour enlevé quelques heures plus tard, en plein centre de la capitale devant de nombreux passants.

      L’effronterie des ravisseurs et leur mépris des lois allaient pour une fois leur coûter cher ; le juge Canovas recueillait de multiples témoignages et pouvait faire établir leur portrait-robot en moins de vingt-quatre heures. Mais toute la sagacité et l’obstination du juge n’auraient point suffi s’il n’avait su profiter des rivalités entre divers services de renseignement.

      En effet, on sait aujourd’hui que les informations déterminantes lui sont parvenues par le canal de la centrale nationale d’information (CNI), la police politique du général Pinochet, ancienne DINA (direction nationale de l’information) ; c’est elle qui a fourni au juge l’identité et le curriculum des principaux agents de la DICOMCAR.

      Au cours de la décennie 1975-1985, l’activité cumulée des différents services, de renseignement accentuait la répression, augmentait la terreur et servait le régime. Cela n’empêchait pas, déjà, une rivalité parfois mortelle entre agents secrets. Un déserteur de l’armée de l’air, Andres Valenzuela, ancien tortionnaire (3), a raconté comment certains agents soupçonnés de vouloir changer de service en raison de primes plus élevées, étaient tout simplement liquidés : « Comment veux-tu mourir ? Si tu veux, tu te barres et je te poursuis. Le chef était un peu soûl, j’entendis soudain une rafale de mitraillette ; quand je suis arrivé, je me suis rendu compte que le chef l’achevait. La DINA empiétait sur nos activités ; elle offrait davantage d’argent ainsi qu’une voiture et une maison. »

      En fournissant des renseignements précis au juge Canovas, la CNT en prévoyait-elle les conséquences ? Car les accusations de M. Canovas provoquèrent un véritable séisme au sein de l’armée : le général César Mendoza, commandant des carabiniers et membre de la junte militaire, fut contraint de démissionner, tandis que cinq généraux et dix-sept colonels étaient mis à la retraite, et le directeur (le colonel Luis Fontaine) et le sous-directeur de la DICOMCAR arrêtés ; enfin, la DICOMCAR elle-même fut dissoute.

      Tous ces officiers étaient impliqués directement dans la « guerre sale » qui, depuis 1975, avait fait plus de deux mille cinq cents victimes parmi les dirigeants de l’opposition clandestine.

      En les éloignant des responsabilités, le régime en profitait pour se décharger sur eux des accusations portées contre lui pour atteintes aux droits de l’homme.

      Un autre juge, M. Carlos Cerda, encouragé par l’exemple de M. José Canovas, a également inculpé ces officiers de la DICOMCAR de participation à l’enlèvement de dix personnes. Il s’est également appuyé sur la confession d’Andres Valenzuela : "Ils emmenèrent une dizaine de détenus à bord d’un hélicoptère de type UH-1 H ou Puma, je ne me souviens plus. (...) L’agent de l’armée de l’air, « Fifo » et des membres d’autres institutions militaires participaient à cette opération. (...) «  Fifo » me raconta plus tard qu’ils les avaient jetés à la mer, près du port de San-Antonio. (...) Les détenus étaient drogués.. Le chauve au bras cassé se réveilla alors qu’ils allaient le balancer ; un membre de l’armée de terre l’assomma de sang-froid à l’aide d’une barre de fer et le lança par-dessus bord. Il fallait les éventrer pour qu’ils ne flottent pas.(...)"

      Ce « Fifo » serait également, selon les renseignements recueillis par M. Carlos Cerda, l’un des responsables du triple égorgement de mars 1985. Son vrai nom est Palma Rodriguez. Ancien militant d’extrême droite, « Fifo » a collaboré avec la DICOMCAR jusqu’en août 1985 ; puis il a été recruté par le service de renseignement des forces aériennes.

      En appelant « Fifo » à comparaître devant lui, le juge Carlos Cerda rouvrait le dossier de l’"affaire des dix détenus disparus", pratiquement enseveli sous la paperasserie judiciaire. Depuis, M. Cerda a discrètement recueilli des centaines de témoignages, localisé une dizaine de lieux de torture et osé convoquer à son bureau nombre d’indicateurs et d’officiers (4).

      ROBERTO FUENTES MORRISON 
      Il est ainsi parvenu à identifier le surnommé « commandant Wally », un des chefs du Commando uni — réseau de tortionnaires dont faisait partie le repenti Andres Valenzuela. Il s’agirait du commandant Roberto Fuentes Morrison, que le juge Cerda a fait revenir de la République sud-africaine, où il se trouvait « en mission spéciale » .

      De puissantes protections

      Le Commando uni fut créé en 1975 ; composé de militaires et de civils, il avait pour mission d’éliminer les directions clandestines des partis de gauche. D’abord installé dans la base aérienne de Colina, il s’est transféré ensuite à l’École de guerre des forces aériennes, commandée à l’époque par le général Fernando Matthei, actuel membre de la junte militaire (5).

      Ce commando procédait à des arrestations sans mandat, torturait les séquestrés dans ses locaux et pratiquait la technique des « disparitions ». Plusieurs de ses membres appartenaient à des organisations d’extrême droite, notamment au groupe pro-nazi Patria y Libertad (voir l’encadré ci-contre).

      Mais les agissements de ce commando firent très tôt grimacer certains généraux soucieux du prestige de l’institution militaire. Fin 1975, l’armée de terre retirait ses éléments ; la DINA et la marine prenaient quelques mois plus tard la même décision. Les rivalités entre différents services secrets gagnaient alors en intensité.

      Craignant pour leur survie, les tortionnaires du Commando uni se replièrent sur les carabiniers ; ils s’installèrent au siège de la DICOMCAR, près de l’église au carillon discordant non loin d’une scierie. Le général. Mendoza, chef des carabiniers, ravi de cette collaboration, favorisa la promotion du responsable du commando, le commandant Fuentes Morrison.

      D’autres hauts dignitaires du régime paraissent impliqués dans l’"affaire des dix" ; aussi le juge Cerda a-t-il fait l’objet de plusieurs menaces.

      L’enquête du juge Cerda est pleine d’embûches, et la plupart des personnes qu’il a inculpées ont bénéficié de puissantes protections ; il a dû, par exemple, laisser repartir vers l’Afrique du Sud M. Fuentes Morrison, après trois mois d’incarcération.

      Malgré le courage des juges José Canovas et Carlos Cerda, et malgré l’importance des charges retenues contre certains officiers, le régime chilien, confronté actuellement à un puissant mouvement social d’opposition (6), maintient la répression. Qui plus est, le pouvoir judiciaire, dans l’ensemble, joue les Ponce Pilate et rejette systématiquement les demandes d’ habeas corpus présentées en faveur des victimes de la répression. Le Vicariat a présenté à lui seul en douze ans, plus de huit mille recours de protection ; 90 % d’entre eux ont été rejetés par les tribunaux (7).

      Dans ce même esprit, les tribunaux ont donné tort au juge d’instruction Canovas en ordonnant, en janvier dernier, la libération de tous les carabiniers inculpés de complicité dans l’affaire du triple meurtre des militants communistes. Et, pour se prémunir, à l’avenir, contre l’audace d’autres juges d’instruction courageux, la « junte législative » (8) a modifié le code de justice militaire : il permet désormais aux officiers d’effectuer leur temps de réclusion dans des casernes de leur propre arme. D’autre part, pour interroger un général, un magistrat ne pourra plus le convoquer dans son bureau, le juge devra se déplacer au domicile de l’officier, et à la date que celui-ci aura fixée...

      Brigitte Calame et Montserrat Sans
      Notes :
      (1) Cf. le Monde diplomatique, juin 1985.
      (2) Le Vicariat de la solidarité est un organisme dépendant de l’archevêché de Santiago, chargé, depuis 1975. de la défense des droits de l’homme.
      (3) Cf. l’encadré page 6.
      (4) Parmi eux, le général Leigh, ancien commandant en chef de l’armée de l’air et ancien membre de la junte militaire.
      (5) La junte est actuellement composée du général Pinochet, chef de l’Etat ; du commandant en chef de l’armée de terre, le général Julio Canessa ; du commandant en chef de la marine, l’amiral José Toribio Merino ; du commandant en chef des forces aériennes, le général Fernando Matthei, et du général en chef des carabiniers, Rodolfo Stange.
      (6) Cf. Guy Bajoit : « Mouvements sociaux et politiques au Chili, 1983-1985 », Problèmes d’Amérique latine, n° 79, premier trimestre 1986, la Documentation française, Paris.
      (7) Sur les deux mille cinq cents cas de « disparitions », un seul recours de protection a été accueilli par les tribunaux. Présenté par le Vicariat de la solidarité en novembre 1976 en faveur de Humberto Contreras Maluje, membre du comité central du Parti communiste, il n’empêcha pas son assassinat, comme l’a reconnu l’ancien tortionnaire Andres Valenzuela.
      (8) La « junte législative » est composée des quatre commandants en chef des forces armées et présidée par le général Pinochet.

      LE CHILI S'INTÉRESSE À L'ICR PROPOSÉE PAR LA CHINE

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      DESSIN PETER SCHRANK

      Le Chili est "très intéressé" par l'Initiative la Ceinture et la Route (ICR) proposée par la Chine, a déclaré mardi le président chilien Sebastian Piñera.

       ILLUSTRATION FABIÁN RIVAS  
      Au cours d'une réunion avec les correspondants étrangers à Santiago, M. Piñera a confirmé qu'il participerait au deuxième forum de "la Ceinture et la Route" pour la coopération internationale prévu en avril à Beijing, indiquant : "Je participerai à tout ce qui est bénéfique pour le Chili."

      Le besoin du Chili d'une infrastructure plus avancée pour une meilleure connexion avec les partenaires commerciaux en Amérique latine et dans d'autres parties du monde correspond bien à l'ICR, qui vise à renforcer la connectivité à travers le monde, tout comme l'ancienne Route de la Soie qui a inspiré cette initiative.

      Dans cette optique, M. Piñera a dit avoir discuté avec l'Argentine et le Brésil de la construction d'un câble sous-marin à fibres optiques reliant l'Amérique latine et la région Asie-Pacifique. Ce méga-projet d'une valeur d'environ un milliard de dollars implique 22.000 km de cables.

      En outre, la croissance chinoise profite à de nombreux pays, dont le Chili, alors que le pouvoir d'achat croissant des consommateurs chinois est le moteur de leurs exportations, a-t-il ajouté.

      Le Chili est également un client passionné des véhicules et des autobus électriques écologiques chinois, qui permettent de moderniser les réseaux de transport urbains à Santiago et dans d'autres grandes villes, a-t-il noté.

      Le pays sud-américain valorise ses "bonnes relations" avec la Chine, son principal partenaire commercial, a déclaré le président.

      En 2005, le Chili est devenu le premier pays d'Amérique latine à signer un accord de libre-échange (ALE) avec la Chine et, en 2019, le premier pays de la région à mettre à jour cet accord commercial.

      Selon le ministère chinois des Affaires étrangères, depuis l'entrée en vigueur de l'ALE en 2006, plus de 97% des marchandises chiliennes ont pu accéder au marché chinois en franchise d'impôt.

      L’AMBASSADEUR DU CHILI EN HAÏTI CIBLE D’UNE ATTAQUE, UNE PERSONNE BLESSÉE

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      PATRICIO UTRERAS (À GAUCHE), AMBASSADEUR DU CHILI EN HAÏTI,
      ET JOVENEL MOÏSE, PRÉSIDENT DU PAYS CARIBÉEN.
      PHOTO AFP 
      Une attaque à main armée a visé Patricio Utreras, ambassadeur du Chili en Haïti, à proximité de Port-au-Prince, mercredi. Le chauffeur du diplomate a été blessé.

      L’ambassadeur du Chili en Haïti a été visé, mercredi, par une attaque à main armée au cours de laquelle une personne a été blessée, selon le ministère chilien des Affaires étrangères.

      Un employé haïtien de l’ONG América Solidaria est en outre porté disparu depuis la confusion née des échanges de tirs entre les assaillants - non identifiés - et les agents de sécurité de l’ambassade chilienne.

      Le diplomate Patricio Utreras est sain et sauf mais le chauffeur de l’ambassade a été blessé par balles au poignet. Il a été emmené à l’hôpital pour évaluation, a indiqué le ministère chilien.

      L’attaque s’est déroulée en périphérie de la capitale Port-au-Prince où la délégation de 18 personnes, dont l’ambassadeur et son épouse, a visité un projet de coopération.

      « L’attaque a eu lieu dans le cadre de la visite d’un projet d’assainissement, initiative qui prévoit la construction d’un système pour assurer l’accès à l’eau potable et l’amélioration des conditions de vie de la population », détaille dans un communiqué l’ONG América Solidaria, qui évoque « une embuscade ».

      Cette organisation chilienne de coopération a ouvert un bureau en Haïti en 2010, suite au séisme qui a causé la mort plus de 200 000 personnes. Des volontaires chiliens, mexicains et colombiens sont actuellement mobilisés dans le pays de la Caraïbe.

      SUR LE MÊME SUJET :

      mercredi 27 mars 2019

      DISPARITION DE NARUMI À BESANÇON : LE CHILI VA ENFIN INTERROGER LE SUSPECT


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      EN FÉVRIER 2017, NICOLAS ZEPEDA-CONTRERAS AVAIT DÉJÀ
      LIVRÉ UNE BRÈVE VERSION À LA JUSTICE CHILIENNE. SUITE
        À LA DEMANDE D’ENTRAIDE INTERNATIONALE FORMALISÉE
      PAR LA FRANCE, À LAQUELLE LE CHILI VIENT D’ACCÉDER, C’EST
      UN INTERROGATOIRE AUTREMENT PLUS CORSÉ QUI ATTEND
      DÉSORMAIS LE JEUNE HOMME, SUSPECTÉ D’AVOIR
      ASSASSINÉ NARUMI KUROSAKI.
      PHOTO PABLO VERA
      Un interrogatoire poussé de Nicolas Zepeda-Contreras, suspecté d’avoir assassiné Narumi Kurosaki en 2016 à Besançon, va être mené au Chili, courant avril. Le juge d’instruction, le procureur et des policiers bisontins vont traverser l’océan pour assister à cette audition. Un tournant dans ce dossier sensible, devenu aussi politique que judiciaire. Objectif de la France : obtenir l'extradition du mis en cause.
      LE SOIR DE SA DISPARITION, NARUMI KUROSAKI A DÎNÉ
      AVEC SON EX-PETIT-AMI NICOLAS ZEPEDA CONTRERAS,
      VENU SPÉCIALEMENT EN FRANCE POUR LA VOIR.
      PHOTO JEAN PIERRE AMET
      C’était presque inespéré. Selon nos informations, la justice chilienne a répondu favorablement à la demande d'entraide internationale émise par la France et se dit prête à coopérer sur le dossier, complexe, de la disparition de Narumi Kurosaki.

      Pour le parquet de Besançon, c'est une triste certitude : l’étudiante japonaise a été assassinée, en décembre 2016 dans sa chambre du campus de la Bouloie. Malgré d'intenses recherches, son corps n'a jamais été retrouvé, mais l’ensemble des preuves convergent vers un unique suspect. Nicolas Zepeda-Contreras, l’ex petit-ami de Narumi.

      Un magistrat chilien posera les questions en présence de la délégation bisontine

      Ciblé par un mandat d’arrêt international, ce jeune assistant-professeur de 28 ans s’est réfugié chez lui, au Chili, où il demeure hors d’atteinte pour la justice française. Le prochain interrogatoire que viennent de promettre les autorités sud-américaines, prévu courant avril, pourrait rebattre les cartes.

      « Cette réponse est positive. De ce que nous avons compris, c’est un magistrat chilien qui interrogerait le suspect. Le juge d’instruction de Besançon, le policier directeur d’enquête et moi-même pourrions assister à l’échange et, si le Chili est d’accord, faire poser des questions en fonction de ses réactions », se félicite le procureur de la République de Besançon, Etienne Manteaux.

      Une version chaotique, mise à mal par l'enquête

      Nicolas Zepeda-Contreras est réputé intelligent. Les enquêteurs le soupçonnent d’avoir planifié son crime et la dissimulation du cadavre de Narumi. En février 2017, le Chilien avait été brièvement entendu par la justice de son pays. Le suspect avait alors livré une version peu convaincante, non compatible avec certains faits objectifs relevés par l’enquête. « Nous voulons être présents pour nous assurer que les éléments à charge du dossier d’instruction, et ils sont nombreux, seront soumis au suspect », insiste Etienne Manteaux.

      Les autorités chiliennes semblent estimer les accusations suffisamment étayées, pour réentendre le mis en cause. Bémol : le camp Zepeda, qui a désormais accès au dossier, aura forcément peaufiné une stratégie de défense.

      "Un nouvel espoir" pour la famille de Narumi

      Me Sylvie Galley relaie la parole des proches de Narumi Kurosaki. L'annonce de la prochaine audition de Nicolas Zepeda-Contreras ravive une douloureuse lueur d'espoir, selon l'avocate.

      Objectif final : obtenir l’extradition vers la France

      Que ressortira-t-il de cet interrogatoire sous haute tension ? Fragilisée par l’absence du corps, l’enquête fait face à un tournant décisif. « Notre objectif est que le Chili juge les charges suffisantes pour mettre Nicolas Zepeda-Contreras en examen, ce qui ouvrirait la possibilité de l’extrader en France », décrypte le procureur de Besançon.

      Les proches de l’étudiante japonaise, eux, restent dans une souffrance absolue, selon leur avocate Me Sylvie Galley. Obsédés, confie-t-elle, par « une question lancinante » que cette lueur d’espoir ravive douloureusement : « Nicolas Zepeda-Contreras va-t-il, oui ou non, révéler ce qui est arrivé à Narumi ? ».
      Willy GRAFF

      LE VÉNÉZUÉLA À NOUVEAU PLONGÉ DANS LE NOIR, MADURO ACCUSE DES « TERRORISTES »



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      vLE VENEZUELA À NOUVEAU PLONGÉ DANS 
      LE NOIR, MADURO ACCUSE DES «TERRORISTES»
      PHOTO CARLOS GARCIA RAWLINS
      Le président Nicolas Maduro a accusé mardi des «terroristes » d'être à l'origine de la nouvelle mégapanne de courant qui plonge le Venezuela dans le noir, obligeant le gouvernement à prolonger jusqu'à mercredi soir la fermeture des établissements éducatifs et des administrations.
      La croix avec l'AFP
      LE SOLEIL SE COUCHE SUR CARACAS, AU VENEZUELA,
      LE MARDI 26 MARS 2019. UNE GRANDE PARTIE DU
      VENEZUELA EST RESTÉE SANS ÉLECTRICITÉ MARDI,
      UNE NOUVELLE PANNE D'ÉLECTRICITÉ S'ÉTENDANT
       À L'ENSEMBLE DU PAYS.
      PHOTO NATACHA PISARENKO
      Alors que ce pays aux réserves pétrolières les plus importantes de la planète se remettait à peine de la première méga panne du 7 au 14 mars, il était à nouveau à l'arrêt depuis lundi après-midi. Parallèlement, la tension continuait de monter à cause de la récente arrivée de soldats russes à Caracas.

      Mardi après-midi, le président Maduro a dénoncé sur Twitter un "incendie de grande envergure" visant la centrale de Guri, dans le sud du pays, qui fournit environ 80% de l'électricité du » (30 millions d'habitants), et provoqué selon lui par des "terroristes" afin de "déstabiliser" son gouvernement.
      Pour appuyer ces déclarations, le ministre de la Communication Jorge Rodriguez a diffusé sur le même réseau social des photos et des vidéos d'installations électriques en proie aux flammes.

      Une version officielle rejetée devant le Parlement par le chef de file de l'opposition Juan Guaido, reconnu président par intérim par une cinquantaine de pays dont les États-Unis.

      "Il n'y a aucune explication sensée, crédible (...), ce n'est plus une cyber-attaque ou une impulsion électromagnétique, à présent c'est un sabotage, alors que l'armée garde chacune des installations électriques", a cinglé Juan Guaido à la tribune de l'Assemblée nationale, seule institution contrôlée par l'opposition.

      - Nouveau jour férié -

      À Caracas et dans de nombreuses villes du pays, les rues étaient en grande partie vides et les magasins fermés. Dans la capitale, de très rares bus circulaient et les stations de métro étaient fermées, a constaté l'AFP.

      "C'est une vraie catastrophe, une crise humanitaire, ici on râcle les fonds de tiroir", s'est plaint Noé de Souza, 36 ans, patron d'une des rares boulangeries ouvertes de la capitale, qui se pressait d'écouler son pain en promotion.

      La panne a débuté lundi à 13H20 (17H20 GMT) à Caracas, mégalopole de cinq millions d'habitants soudainement privés d'eau, de transports publics, de téléphones et d'internet, et de terminaux bancaires, vitaux dans un pays où l'argent liquide est rare en raison de l'hyperinflation.

      Elle touchait mardi 21 des 23 Etats du pays, selon des utilisateurs des réseaux sociaux faisant état de la situation chez eux. Le gouvernement ne communique pas sur l'ampleur de la panne.

      Le gouvernement a prolongé mardi de 24H00, jusqu'à mercredi soir, la suspension des cours et du travail dans les administrations, a annoncé mardi soir la vice-présidente Delcy Rodriguez sur Twitter.

      Outre le manque d’électricité, la présence de troupes russes sur le sol vénézuélien provoquait de nombreuses réactions, dont celle de Juan Guaido qui a estimé mardi qu'elle violait la Constitution.

      Deux avions russes transportant une centaine de militaires et 35 tonnes de matériel, "dans le cadre de la coopération technique et militaire" avec le Venezuela, sont arrivés à Caracas, a annoncé dimanche l'agence russe Sputnik. Cela a donné lieu à une passe d'armes lundi entre Washington et Moscou.

      - « Coopération militaire » russe -

      « Il semble que (le gouvernement de Nicolas Maduro) n'ait pas confiance en ses propres militaires, car il les fait venir de l'étranger (...) Ils violent à nouveau la Constitution », a déclaré Juan Guaido devant le Parlement.

      La Russie « est en train de renforcer sa coopération avec le Venezuela en accord avec la Constitution de ce pays et dans le cadre de la loi », avait expliqué un peu plus tôt la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova.

      Le groupe de Lima, composé de 13 pays latino-américains et du Canada, a fait part de sa « préoccupation » concernant la présence de troupes russes et a « condamné toute provocation ».

      Les pannes d'électricité sont fréquentes ces dernières années dans le pays pétrolier, jadis le plus prospère d'Amérique du Sud, et le gouvernement les attribuent systématiquement à des sabotages de la part de l'opposition ou des attaques extérieures.

      Cette nouvelle panne est un coup dur pour l'économie vénézuélienne, en crise profonde. Selon des estimations du Parlement, contrôlé par l'opposition, et des organisations professionnelles, la gigantesque coupure de début mars lui a fait perdre des centaines de millions de dollars. Elle avait notamment paralysé l'activité portuaire du pays, cruciale pour ses exportations de pétrole.

      Cette coupure de courant généralisée avait créé une situation chaotique dans les établissements de soins, seule la moitié des hôpitaux du pays étant équipés de générateurs. Les écoles et les administrations étaient restées fermées pendant sept jours.