samedi 29 octobre 2011

CHILI : LES RESTES D'UN MÉDECIN FRANÇAIS PROCHE D'ALLENDE ENTERRÉS 38 ANS APRÈS

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 LES RESTES DU MÉDECIN FRANÇAIS GEORGES KLEIN, ASSASSINÉ LORS DU COUP D'ETAT AU CHILI CONTRE LE PRÉSIDENT SALVADOR ALLENDE EN 1973. PHOTO AFP
Ces restes avaient été remis mardi à sa fille, Vannesa Klein, par le service médico-légal, à l'issue de presque 10 ans d'investigations. 
"Nous disons adieu de façon digne à mon père", a déclaré sa fille, qui n'a presque pas de souvenir de lui. 
Le médecin était mort deux jours après le coup d'Etat et le bombardement du palais présidentiel de la Moneda, où il était retranché avec le président Allende. 
Il faisait partie d'un groupe de conseillers et amis de Salvador Allende, qui se trouvaient à ses côtés peu avant que celui-ci ne décide de mettre fin à ses jours plutôt que de tomber entre les mains des militaires. Après la mort du médecin, sa femme Alice Fausto et sa fille se sont exilées au Brésil, où elles vivent encore. 
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  DR GEORGES KLEIN PIPPER
Le Dr Klein, militant du Parti communiste, a été fait prisonnier avec d'autres collaborateurs du président Allende suite au bombardement de la Moneda par les militaires. Une enquête menée par le juge chilien Alejandro Madrid depuis 2001 a permis de localiser des ossements dans un régiment de l'armée, Fuerte Arteaga, qui ont été identifiés par les services médicaux-légaux comme étant ceux du médecin et de 11 autres proches du président déchu. Un communiqué de la médecine légale a précisé que les victimes étaient décédées le 13 septembre à Fuerte Arteaga et que la mort était due à des blessures par balles. 
Vannesa Klein a enterré son père avant de participer à une mission de la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) dont l'objectif est de rappeler que 12 ex-militaires et un civil ont été condamnés par contumace en France à des peines allant de 15 ans de prison à la perpétuité pour la mort de M. Klein et de trois autres ressortissants français.

jeudi 27 octobre 2011

LA CONDAMNATION D’ALFREDO ASTIZ

Il est aujourd’hui enfin présent, dans le box des accusés et devant la justice de son pays. 

Figure également Miguel Angel Cavallo, ancien membre du Centro Piloto à Paris, plaque tournante de l’espionnage de la dictature argentine en Europe.

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SIGNATURE DE REDDITION
ALFREDO ASTIZ PARTICIPA À LA GUERRE DES MALOUINES (AVRIL-JUIN 1982), SE RENDANT DÈS LE 25 AVRIL 1982.  FAIT PRISONNIER DE GUERRE PAR LE ROYAUME-UNI, LA SUÈDE ET LA FRANCE DEMANDENT ALORS SON EXTRADITION, REFUSÉE PAR LE PREMIER MINISTRE MARGARET THATCHER, QUI INVOQUE LA CONVENTION DE GENÈVE, ET RESTITUE LE MILITAIRE À SON PAYS À LA FIN DE LA GUERRE
Les familles Domon et Duquet, dont certains membres sont à Buenos Aires, attendent avec impatience et émotion, 35 ans après les faits, que Tribunal prononce la réclusion à perpétuité,  demandée par le Parquet et leurs avocats.


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«  LES MALOUINES SONT ARGENTINES, LES DISPARUS AUSSI  » 

Ce procès, le premier concernant les victimes de la ESMA, aura permis l’identification de plus de 900 victimes sur les 5.000 ayant transité à la ESMA, même si le martyre de seulement 85 a été instruit.


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LÉONIE DUQUET ET ALICE DOMON PHOTOGRAPHIÉE ARRÊTÉES À L'ESMA EN  1977. LA PHOTO EST PROPRIÉTÉ DE L'ÉTAT ARGENTIN ET ELLE A ÉTÉ LIBÉRÉE SANS DES DROITS DE COPYRIGHT EN 1984. LA PHOTO FUT PUBLIÉE DANS LA PRESSE ARGENTINE EN 1978.
De même a été rendu possible l’identification de plusieurs des corps des victimes de la Santa Cruz, dont celui de Léonie Duquet ainsi que la preuve des circonstances de leur mort : jetées vivantes à la mer.
Le jugement qui sera rendu ne met pas un terme à la lutte contre l’impunité – plusieurs dizaines d’instructions et de procès sont en cours dans tout le pays – mais il en représente un moment décisif.
Sophie Thonon-Wesfreid
Avocat au Barreau de Paris
Avocat des familles Domon et Duquet

CHILI : 7 EX-MILITAIRES POURSUIVIS

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CHILIEN ARRÊTÉ ET CONDUIT AU STADE NATIONAL APRÈS LE COUP D'ÉTAT CONTRE SALVADOR ALLENDE, SANTIAGO, CHILI. PHOTO DAVID BURNETT 
Après leur arrestation, "ils ont été interrogés et torturés" dans une caserne militaire avant d'être transférés au stade de Santiago, utilisé comme centre de détention et de torture sous la dictature de Pinochet (1973-1990).

Les accusés, déjà poursuivis pour d'autres cas de violations des droits de l'Homme sont l'ex-général Francisco Martinez, les colonels Mateo Durruty et Lander Uriarte, le sous-officier René Eloy Cruces et les soldats Gabriel Montero, Moises Retamal et Guillermo Vargas.

Plus de 350 procédures sont ouvertes au Chili pour des cas de disparitions, tortures, incarcérations illégales ou conspirations commis sous la dictature, qui a fait plus de 3000 morts et disparus.

mercredi 26 octobre 2011

CAMILA VALLEJO : NOUS COMPRENONS LA LUTTE DES INDIGNÉS, MAIS AU CHILI ON A DÉPASSÉ LE STADE DU MÉCONTENTEMENT

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GABRIEL ITURRA, CAMILA VALLEJO, GIORGIO JACKSON ET FRANCISCO FIGUEROA AVEC STEPHANE HESSEL
A la veille de ces jours de mobilisation, BBC World a parlé avec Camila à Paris Vallejo, présidente de la Fédération étudiante de l’Université du Chili et l’une des faces visibles du mouvement. Vallejo, 22 ans, étudiante de géographie, est en Europe avec trois autres représentants étudiants chiliens, pour exprimer leurs revendications et tenter d’« internationaliser » le mouvement.

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CAMILA VALLEJO DANS UN MEETING  À L'UNIVERSITÉ PANTHÉON - SORBONNE. PHOTO ARAUCARIA
- Vous avez voyagé en Europe pour rencontrer les institutions internationales et des intellectuels. Quels sont les conseils qui vous ont été donné par les intellectuels, qui vous plaisent le plus ?

Le philosophe Edgar Morin nous a donné confiance. Il nous a dit que l’enseignement supérieur ne peut être légué au marché, il doit être garanti à travers un enseignement public car les pays en ont besoin pour leur développement.

Et Stéphane Hessel (l’auteur de "Indignez-vous !") Nous a poussé à renforcer les communications et l’installation de nos idées dans le monde entier pour diffuser nos propositions par tous les moyens.



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LES LEADERS DU MOUVEMENT ÉTUDIANT CHILIEN, CAMILA VALLEJO, FRANCISCO FIGUEROA, GIORGIO JACKSON LORS D'UN MEETING À L'UNIVERSITÉ PANTHÉON - SORBONNE. PHOTO ARAUCARIA


- En parlant de Stéphane Hessel, pensez-vous que le mouvement étudiant chilien en quelque sorte se connecte avec les mouvements sociaux comme Occupy Wall Street ?

Le mouvement étudiant chilien ne fait pas partie des indignés. Ce n’est pas un mouvement spontané, mais plutôt un long processus basé sur une analyse approfondie de ce qui se passe au Chili, au niveau de l’injustice.

Nous comprenons la lutte des indignés, mais au Chili nous avons dépassé le stade du mécontentement. Maintenant, nous devons regarder en face et construire une alternative pour le pays.

- Prenant en compte des protestations étudiantes existantes dans d’autres pays comment pensez-vous que vous pouvez internationaliser le mouvement ?

Les différents mouvements - au Chili, Colombie, Brésil, France, Espagne - ne surgissent pas par mimétisme, ils ont des particularités.

Mais il peuvent-être vu comme un tout. C’est la lutte de ceux qui se sont éveillés pour construire un modèle différent de la société au niveau national et international. Il y a une cohérence, c’est la résistance à un modèle de privatisation ou d’une étape vers la conquête de ce droit.

En France, nous avons rencontré l’UNEF (Union Nationale des Etudiants de France). Ils nous ont rapporté la prise de conscience qu’ils font pour résister à la privatisation déguisée généré par le gouvernement. Nous sommes dans des processus différents, mais on a les mêmes objectifs, et il y a des liens de solidarité internationale chez les jeunes.

- Quel modèle éducatif pour le Chili ?

Aucun élève n’a jamais voulut copier quoi que ce soit. Le Chili croit en son propre modèle, qui permet l’intégration de tous et gratuitement. Nous voulons une éducation qui puisse transformer la société et que des professionnels surgissent pour construire la démocratie.

- Comment sera l’avenir du mouvement étudiant ?

Le mouvement étudiant se débat dans une conjoncture déterminée, après cinq mois de mobilisation. Il faut maintenant penser comment avancer tactiquement pour qu’il continue.

Aujourd’hui, le dialogue avec le gouvernement est rompu. Ils veulent réformer les bourses des étudiants au parlement et nous excluent de cette discussion. Donc, même si nous ne faisons pas confiance dans le Parlement, nous devrons travailler vers eux. Nous ne voulons pas que la loi budgétaire de la nation légifère tant qu’il n’y aient pas des propositions de lois élaborées en accord avec les étudiants en matière d’éducation.

- Ne pensez pas que votre leadership est au détriment du mouvement étudiant dans son ensemble ?

La personnification du mouvement est due aux politiciens et aux médias. C’est une stratégie qui est utilisé très fréquemment auprès de ceux qui se lèvent et ont des revendications sociales. Au Chili cela s’applique beaucoup, et je pense que dans d’autres pays du monde aussi.

Pour Cuba, on parle de Castrisme, au Venezuela de Chavisme. Tout est personnifié avec les supposés dirigeants, et l’on ne voit pas que c’est un processus qui est partagé par une majorité. Dans le fond il s’agit de les détruire pour ainsi détruire le mouvement.

Aussi, nous semblons être plus vulnérables. J’ai été accusé d’être manipulé par le Parti communiste, de faire payer les entrevues que je donne. On m’a dit que je profite de tout cela.

- Vous êtes sur le point d’être diplômés. Est-ce que le mouvement continue malgré tout ?

Sur le thème étudiant, je vais continuer à participer, cela dépendra aussi des prochaines élections de la Fech. Nous allons construire, avec tous mes camarades qui n’ont pas de face visible. Et nous voulons projeter le mouvement politiquement, car pour la première fois, une demande sectorielle est devenue un mouvement social qui regroupe de nombreux secteurs.



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 « OUI, NOUS POUVONS  »

- Pensez-vous à une carrière en politique ?

Je suis une militante, je suis prêt à mettre à la disposition des besoins de la construction de ce mouvement, comme un autre.

Dans le contexte des prochaines élections, je pense qu’il ne s’agit pas de moi en particulier, mais les jeunes doivent s’inscrire dans les registres électoraux comme candidats pour conseillers. Qu’ils aillent disputer les municipalités à la droite, ou à ceux qui ne sont pas d’accord pour répondre à nos propositions qui sont justes.

Maintenant les jeunes commencent à s’intéresser à la politique, et doivent assumer cette responsabilité. Nous devons prendre en charge et conduire un projet participatif. Et pour cela nous devons avoir une vocation pour le pouvoir, mais dans le bon sens du terme.


Source de l’article : El mostrador.

Traduction            : www.zintv.org





mardi 25 octobre 2011

ARGENTINE: LE PCF SE RÉJOUIT DE LA VICTOIRE DE CRISTINA KIRCHNER ET DE SA MAJORITÉ

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CRISTINA KIRCHNER . PHOTO MARCOS BRINDICCI
Ce résultat montre l'attachement du peuple argentin aux choix de rupture avec la politique ultra-libérale imposée par le FMI. Cette politique avait conduit l'Argentine à une crise sans précédent en 2001. L'élection de Nestor Kirchner en 2003 avait alors ouvert une période de confrontations et de changements que Cristina Fernandez Kirchner a continué avec courage et détermination lors de son premier mandat. Les progrès enregistrés sont importants: recul du chomage, revalorisation des salaires, réduction significative de la pauvreté, accès de millions de personnes à la santé, à l'éducation et à la protection sociale. Les organisations de défense des Droits de l'Homme ont salué les actions entreprises contre l'impunité des crimes commis sous la dictature et pour la récupération de la mémoire et de l' histoire. Le peuple argentin vient d'exprimer avec force ses aspirations à la justice sociale, à la démocratie et à la souveraineté. Pour répondre à ces attentes légitimes, les défis que la nouvelle majorité devra relever sont considérables et promettent de nouvelles confrontations. Dans ce contexte, le Parti communiste français, solidaire du peuple argentin, se réjouit de la victoire de Cristina Fernandez Kirchner et des forces progressistes argentines.
Paris, 24 octobre 2011

SUITE À LA RÉPRESSION EXERCEE DURANT LES MOBILISATIONS

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PHOTO REUTERS
Les étudiants vont présenter une plainte à l'Organisation des Etats américains (OEA) contre la violente répression policière des manifestations qui se succèdent depuis cinq mois. La Confech a pris cette décision durant l'assemblée tenue le week-end dernier à la ville d’Osorno, à 822 km au sud de Santiago.

Francisco Bulnes, le ministre de l'Education, a minimisé l’importance de la décision de la Confech, en ajoutant que les étudiants ont la possibilité de recourir à toutes les organisations internationales qu'ils estiment pertinentes.

«Ils peuvent recourir aux distinctes organisations internationales, mais c’est finalement ici que nous allons trouver les solutions. Le défi est pour notre pays et je veux transmettre aussi un message d'optimisme, parce que les gens voient une crispation. Je crois que nous irons de l'avant et que nous allons vers un consensus, avec une bonne classe politique, face à des défis qui vont nous permettre d’avancer et de dépasser les problèmes », a dit le ministre.

POUR UN SYSTÈME ÉDUCATIF GRATUIT ET OUVERT À TOUS : LES ÉTUDIANTS CHILIENS SONT MOBILISÉS

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PHOTO EFE
Ce sont donc les élites du pays qui bénéficient de l’augmentation des richesses du Chili. Ces recettes sont éculées, elles ont déjà mené le pays à connaître des chocs économiques de grandes ampleurs au détriment des catégories populaires et des jeunes. En effet, suite aux politiques économiques des Chicago Boys - économistes américains néolibéraux comme Milton Friedman - le Chili a connu la pire récession de son histoire au début des années 80.

      « L’éducation chilienne n’est pas à vendre, elle est à défendre »

Ce mouvement a commencé en mai. Ce sont les étudiants qui les premiers sont descendus dans la rue. À l’instar des nombreux mouvements de jeunes qui ont émaillé l’actualité depuis plusieurs mois dans le monde, ils souhaitent changer leurs conditions de vie. C’est avec un slogan, « L’éducation chilienne n’est pas à vendre mais à défendre », et des mots d’ordre forts que les étudiants chiliens se sont fait entendre, y compris à l’international. Cependant, les autorités, sentant le caractère historique de cette mobilisation naissante, ont tenté de réprimer celle-ci. Début octobre, la police chilienne a même menacé physiquement les locaux du syndicat national étudiant chilien, la FECh.

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MANIFESTATIONS MASSIVES D'ÉTUDIANTS, LYCÉENS ET PROFS AU CHILI
Quelques années après le mouvement dit « des pingouins », mouvement lycéen d’ampleur en 2006, ce mouvement est pour une génération entière son premier acte politique d’importance alors que ne cesse de grandir le fossé entre le gouvernement et le peuple. En effet le gouvernement Piñera, loin de répondre aux exigences du peuple, ne fait que perpétuer une dynamique libérale mortifère.

Confrontés au système éducatif le plus cher du monde après les Etats-Unis et un des plus privatisés, les étudiants exigent que l’éducation soit considérée comme un droit et non plus comme une marchandise. Au lieu de dépasser la forte segmentation sociale de la société chilienne, le système scolaire ne sert qu’à alimenter les inégalités. Avec plus de la moitié des étudiants inscrits dans une université privée dont les prix varient de 350 à 1300 euros par mois, l’accès aux études de qualité n’est réservé qu’aux enfants de milieux favorisés. Loin de contrer ces inégalités, les universités publiques restent aussi peu accessibles. L’Etat chilien ne les finance qu’à hauteur de 10% maximum. 90% des coûts de l’éducation restent à la charge des étudiants, avec des mensualités variant entre 275 et 500 euros par mois. Condamnés à s’endetter pour étudier, les étudiants passent ensuite leur vie à rembourser leurs prêts.
    
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MANIFESTATIONS MASSIVES D'ÉTUDIANTS, LYCÉENS ET PROFS AU CHILI
 « Elle va tomber, elle va tomber, l’éducation de Pinochet »

Le système scolaire du Chili, datant de la dictature de Pinochet, fonctionne à  deux vitesses. A cause des frais d’inscription il n’est accessible qu’aux plus riches. Mais la jeunesse chilienne n’exprime pas uniquement son refus de ce système. Elle affirme aussi son rejet des  gouvernements successifs qui depuis maintenant plus de vingt ans n’ont pas apporté de réponses et ont conforté ce système inégalitaire et inefficace. La jeunesse chilienne ne veut pas de ces écoles pour les pauvres et des écoles pour les riches incessibles aux autres. Les jeunes chiliens veulent l’égalité.

Face à eux les conservateurs sont organisés. Pendant que le ministre de l’éducation gagnait de l’argent en investissant dans les universités privées, ces mêmes universités se permettent de déclarer que le secteur de l’éducation publique et gratuite représenterait une « concurrence illégale ».  C’est cette déclaration qui a notamment sonné la révolte des jeunes dans la rue.
Refusant de répondre d’urgence aux appels de la jeunesse, le gouvernement chilien tente en vain de casser cette mobilisation : ordre aux médias de ne pas communiquer les chiffres des manifestations, dates des vacances scolaires avancées, interdiction de rassemblements devant la présidence, renforcement de la loi condamnant à des peines de prison ferme toute personne bloquant un établissement scolaire et dispersion violente des manifestations. Mais la mobilisation ne cesse de prendre de l’ampleur. Alors que le Chili n’avait pas connu de telle mobilisation depuis la fin de la dictature Pinochet et le retour à la démocratie, les syndicats de travailleurs, ont rejoint la mobilisation. Des enseignants aux présidents d’universités publiques, l’ensemble de la communauté éducative se soulève aujourd’hui. Au côté de la jeunesse, les mineurs appellent à nationaliser les mines de cuivres pour financer les réformes du système éducatif. Avec 80% des chiliens déclarant soutenir la mobilisation étudiante, ce mouvement social historique bénéficie d’une grande popularité au sein de la population.


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MANIFESTATIONS MASSIVES D'ÉTUDIANTS, LYCÉENS ET PROFS AU CHILI. PHOTO MARIO RUIZ
Avec la mobilisation de l’ensemble de la jeunesse, des universités publiques des classes moyennes aux universités privées catholiques, on assiste ainsi à l’émancipation de toute une génération face à la tutelle sociale et religieuse. Véritable laboratoire du dogme ultralibéral des économistes de l’école de Chicago et maîtres à penser de la révolution libérale de Reagan et Thatcher dans les années 1970, le Chili cherche aujourd’hui à se libérer de décennies de libéralisme. Malgré l’instrumentalisation de la violence par le gouvernement et l’offensive des médias conservateurs le mouvement ne faiblit pas. Remise en cause de tout un système politique, on parle à présent de réformer la constitution.

Dans un pays où les jeunes constituent près de la moitié de la population, avec 3,5 millions de jeunes scolarisés et un million d’étudiants, les autorités chiliennes ne pourront prendre le risque d’ignorer plus longtemps les aspirations de la jeunesse aux droits à l’éducation pour tous, à la justice sociale et au rejet du modèle libéral hérité de la dictature.C’est dans ce contexte que doit se comprendre la venue de militants chiliens, et notamment des deux leaders que sont Camilla Vallejo et Giorgio Jackson. Ce voyage leur a permis de populariser leur mouvement en France et d’obtenir le soutien d’organisations internationales. C'est pourquoi l’UNEF, syndicat étudiant internationaliste, a tenu à affirmer son soutien aux étudiants chiliens. En co-organisant leur venue en France nous avons réussi à montrer que les jeunes en France sont également favorables à d'autres orientations politiques face à la crise. Avec des représentants de différents pays d’Europe, nous avons organisé un meeting le mardi 18 octobre, moment fort du voyage, qui a permis d'apporter des réponses partagées par l'ensemble des étudiants participants. Nous nous sommes tous rassemblés autour d'une même volonté celle qui permet à chaque jeune d'avoir accès à une formation de qualité par la garantie d'un droit aux études pour tous. Grâce aux interventions de l’UNEF, de l’UNL (premier syndicat lycéen français), de l’UDU (premier syndicat étudiant italien), du NUS-UK (premier syndicat étudiant britannique) et un soutien de l’ESU (la confédération des syndicats étudiants européens), les interventions chiliennes ont trouvé un écho favorable sur notre continent.

En Europe la situation est différente du Chili. Nous subissons aujourd’hui les conséquences sociales de la crise de 2008. À la crise de l’endettement privé s’est substituée, par une socialisation des pertes des banques, une crise de l’endettement public. Les plans de rigueur se succèdent dans les pays européens, tuant ainsi les espoirs de croissance et retardant encore la sortie de crise. Ces plans frappent durement la jeunesse. En Grande-Bretagne, les frais d’inscriptions des universités ont été multipliés par trois, en Italie c’est la moitié du budget des universités qui est sacrifié, en France le gouvernement met le régime de sécurité sociale étudiant en grand danger par la taxe qu’il veut instaurer sur les mutuelles. Malgré ces contextes économiques différents, ce sont les mêmes aspirations qui nous animent, nous jeunes du monde entier. Le séjour de nos camarades chiliens et le meeting nous ont permis de montrer que tous les jeunes veulent décider de leur avenir, et seule une éducation gratuite et ouverte à tous, nous permettra de ne pas être une génération sacrifiée. C’est le message fort qui est ressorti du meeting devant près de 500 jeunes et salariés et relayés communément par tous les intervenants. Toutes autres politiques se verront remises en cause par les jeunes.

Ainsi nous tenions à réaffirmer une fois encore notre engagement auprès de nos camarades chiliens. Camilla, Giorgio, et tous les autres, tenez bon camarades il y a un monde à gagner !

Alexandre Fleuret, responsable des questions internationales à l'UNEF

lundi 24 octobre 2011

LA SI FACILE RÉÉLECTION DE CRISTINA K.

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A LA UNE CE 24 OCTOBRE :  1  CLARÍN (BUENOS AIRES) : CRISTINA 53,69 % - QUATRE ANS DE PLUS.  2  LA PRENSA (BUENOS AIRES) : RÉÉLECTION HISTORIQUE.  3  LA NACIÓN (BUENOS AIRES) : TOUT LE POUVOIR À LA PRÉSIDENTE.  4  PÁGINA 12 (BUENOS AIRES) : CETTE FEMME LÀ.
Une concentration des pouvoirs sans précédent depuis 1983", reconnaît donc en première page La Nación (centre droit), qui constate que "le kirchnérisme obtient la majorité aux deux Chambres du Congrès et huit gouverneurs sur neuf." "La présidente a une énorme avance", constate sobrement Clarín. Beau joueur, le principal quotidien argentin, qui, jusqu'à très récemment, était en conflit ouvert avec les Kirchner souligne : "Sa première présidence fut un cadeau de Néstor Kirchner [président de 2003 à 2007, celui-ci avait laissé la candidature à sa femme en 2007 ; il avait prévu de se représenter en 2011 mais il est mort prématurément], mais elle obtient la seconde grâce à elle seule et ne doit rien à personne."


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CRISTINA FERNÁNDEZ DE KIRCHNER.

Loin derrière Cristina Kirchner, le socialiste Hermes Binner obtient 16,89 %. "Il a réussi en quatre mois de campagne à faire des socialistes la première force d'opposition du pays", constate La Nación. Binner, le très sérieux médecin et gouverneur de la province de Santa Fé, fauche ainsi la seconde place à Ricardo Alfonsín et relègue à la troisième place l'Union civile radicale (UCR), traditionnelle deuxième force politique du pays.

jeudi 20 octobre 2011

DICK CHENEY À LA SAUCE PINOCHET





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POCHOIR QUI REPRÉSENTE LA BARONNE MARGARET THATCHER ET L'ANCIEN DICTATEUR CHILIEN AUGUSTO PINOCHET. PHOTO.  PHOTO GALERIE DE PHOTOS DE NOAZ CHEZ FLICKR  
Et ce qui empêche de dormir l’ancien vice-président (et qui devrait également priver de sommeil l’ancien président Bush), c’est l’idée qu’un matin, alors qu’il serait en train de siroter un café crème à Paris ou qu’il se promènerait au bord de la Tamise ou bien admirerait Guernica de Picasso au musée Reina Sofia, à Madrid (pourrait-il seulement y reconnaître la dévastation de l’Irak ?), quelqu’un vienne lui taper sur l’épaule pour l’inviter à le suivre au commissariat le plus proche. Tout cela aurait lieu dans la plus grande courtoisie, bien évidemment. Personne n’irait le rouer de coups ni l’envoyer expérimenter les délices d’un cul-de-basse-fosse en Corée du Nord, par exemple. Jamais personne n’aurait l’idée de le soumettre à la torture par simulation de noyade (le fameux waterboarding) à Guantanamo Bay pour le forcer à avouer, personne n’irait lui susurrer à l’oreille : “Si tu n’as rien à cacher, tu ne devrais pas avoir peur.” Une fois qu’on lui aurait pris ses empreintes digitales, conformément à la procédure, Dick Cheney serait conduit devant un magistrat et informé que, en vertu des lois internationales, il est accusé d’avoir favorisé des actes de torture, ce que condamne la convention internationale ratifiée par les Etats-Unis en 1994. Ensuite, il aurait la possibilité, contrairement à ses victimes présumées, de se faire défendre par des avocats et aussi de récuser les arguments de ses accusateurs. 


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L'ANCIEN VICE-PRÉSIDENT DICK CHENEY, DANS UNE DISCUSSION À WASHINGTON CE MOIS-CI, IL PARLE DU TRAVAIL DANS LA MAISON BLANCHE APRÈS 9/11. PHOTO CNN
L’ancien vice-président, bien entendu, peut éviter un tel désagrément en restant à l’abri des frontières de son pays, sans plus jamais s’aventurer à l’étranger, sauf peut-être pour une escapade touristique à Bahreïn ou au Yémen, deux pays qui n’ont pas ratifié les traités réprouvant la torture. Ce que Cheney ne pourra éviter, en revanche, c’est la honte et le déshonneur de voir son nom accolé à celui de Pinochet. 

Et cette infamie salit malheureusement également le pays où Cheney est né et qui aujourd’hui lui offre refuge et impunité. En s’opposant à toute enquête (sans parler de procédure judiciaire) concernant les membres du gouvernement de Bush accusés de crimes contre l’humanité, les Etats-Unis avouent au monde entier qu’ils ne respectent ni les traités qu’ils ont signés ni leurs propres lois. Le pays reconnaît que certains de ses citoyens – les plus influents – sont au-dessus des lois. Et ce faisant, il rejoint le groupe des Etats voyous qui torturent et humilient les prisonniers en leur déniant les droits élémentaires. Ce sont autant de dégâts infligés à la patrie de Lincoln, autant de discrédit jeté sur ce pays en passe d’effacer des centaines d’années de lutte pour les droits de l’homme, ces droits universels qui nous humanisent – un pays qui méprise la Magna Carta, foule aux pieds le legs des pères fondateurs de son indépendance et, en outre, viole la Charte des Nations unies, que les Etats-Unis eux-mêmes avaient aidé à rédiger après la Seconde Guerre mondiale ; un pays qui applaudit au procès de Moubarak en Egypte, déplore la torture en Libye et s’indigne des massacres en Syrie, mais n’est pas disposé à réclamer des comptes à ses propres élites. Les Etats-Unis peuvent encore redorer leur blason et, par la même occasion, déterminer si Cheney, qui clame son innocence (comme Pinochet avant lui), dit la vérité. 

Que Cheney soit jugé dans son propre pays. Qu’un jury décide si oui ou non, comme il l’a lui-même déclaré, il était immoral de “ne pas faire tout ce qui était nécessaire” (c’est-à-dire de torturer) “afin de protéger le pays d’autres attaques semblables à celles du 11 septembre 2001”. Que soit examiné publiquement le bien-fondé de ces “interrogatoires soutenus” (enhanced interrogations) pour protéger la sécurité des Américains et que l’on juge si, au contraire, ces interrogatoires n’ont pas eu pour effet de menacer la paix du pays en dégradant son image à l’étranger et en incitant encore davantage de fanatiques du djihad à lancer de nouveaux assauts terroristes.


 ARIEL DORFMAN. PHOTO EAMONN MCCABE
Ariel Dorfman, écrivain, professeur de littérature et d’études latino-américaines à l’université Duke (Caroline du Nord), est né à Buenos Aires en 1942. Il a passé son enfance à New York, son adolescence au Chili et a dû s’exiler sous la dictature de Pinochet. Son œuvre tourne principalement autour du thème de la dictature et des tortionnaires. Parmi ses livres publiés en France : Exorciser la terreur : l’incroyable procès du général Pinochet (Grasset, 2003) et La Jeune Fille et la Mort (Actes Sud, 1997).

LA 38ÈME JOURNÉE DE MANIFESTATION EN SIX MOIS AU CHILI

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De jeunes émeutiers se sont affrontés avec la police pour le deuxième jour de suite. Dans plusieurs quartiers de la ville, des foyers épars de violence ont été constatés, une dizaine de barricades de pneus enflammés ont été érigées par des jeunes en cagoule et de brèves batailles rangées ont éclaté, à coups de cocktails molotov et projectiles divers contre gaz lacrymogènes et lances à eau.

Dans les faubourgs de  Santiago du Chili, huit policiers ont été blessés, l'un à la jambe par une balle et d'autres par des plombs, a indiqué une source policière, une autre évoquant vingt blessés. Dix personnes ont été arrêtées.

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A l'échelle du pays, 373 personnes ont été appréhendées, dont 110 mercredi et 263 mardi, à l'issue d'affrontements similaires, souvent isolés, brefs, mais violents, selon les autorités, qui parlent d'«opérations concertées« de violence, comme lorsqu'un groupe d'émeutiers a détourné un autobus, l'a évacué et incendié mardi matin à Santiago.

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Cet acte a amené le ministre de l'Intérieur Rodrigo Hinzpeter à annoncer une plainte aux termes de la «Loi de sécurité de l'Etat», législation datant de la dictature, qui autorise des peines alourdies pour des délits spécifiques. «Nous n'avons pas affaire ici à des enfants ou à des idéalistes », a justifié le porte-parole du gouvernement.

La plupart des personnes arrêtées ont été libérées sauf une poignée d'entre eux qui ont été inculpés pour attaque contre des policiers.

Les étudiants demandent avant tout une aide au financement des études ainsi que la fin d'un système éducatif inégalitaire. Toutes les négociations avec les autorités et le président Sebastian Piñera, actuellement très contesté, ont échoué.


mercredi 19 octobre 2011

CHILI : GRANDE MANIFESTATION SUIVIE, DEUXIÈME JOUR CONSÉCUTIF




Dans tout le pays, 263 personnes ont été arrêtées depuis mardi à l'issue d'affrontements similaires, épars mais violents. Le vice-ministre de l'Intérieur, Rodrigo Ubilla, a parlé d'"opérations concertées" de violence.
Mercredi était la deuxième journée d'action organisée à l'appel des étudiants, qui avec les enseignants et les lycéens sont mobilisés depuis six mois pour une réforme d'un système éducatif largement privé et considéré comme inégalitaire.




A l'écart des affrontements, plusieurs milliers de personnes convergeaient mercredi matin dans le calme vers le centre de Santiago, pour la grande manifestation à l'appel des étudiants, la 38e depuis le déclenchement de leur mouvement en mai.
La marche de mercredi a reçu l'appui du principal syndicat du pays, la CUT, qui devait se joindre au cortège.
Les deux principaux dirigeants étudiants, Camila Vallejo et Giorgio Jackson, ont fait cette semaine une visite-éclair en Europe, à Genève, Bruxelles et Paris notamment, à la recherche de soutien auprès d'institutions européennes.
"Le gouvernement chilien nous dit que le système éducatif que nous revendiquons est impossible à mettre en place, mais on s'est rendu compte que ce système fonctionne, plus ou moins bien, dans la plupart des pays européens", a déclaré Jackson à Paris mardi.

CHILI : LES DÉPUTÉS RECEVRONT DES IPADS


La mesure a suscité quelques réactions indignées sur les réseaux sociaux, et des parlementaires ont eux-mêmes jugé qu'elle n'était pas une priorité. "Notre parlement doit sûrement pouvoir dépenser son argent de meilleure façon", a déclaré le député d'opposition de gauche Rene Alinco sur Radio cooperativa. "Que celui qui veut un de ces appareils l'achète avec ses deniers, nous avons assez d'indemnités".

"Chaque appareil vaut autour de 500.000 pesos, si on fait les comptes cela coûtera 60 millions de pesos" (120.000 dollars), a remarqué le député. Sa collègue de droite, Marcela Sabat, a également jugé la somme "scandaleuse", rappelant que les députés se voient déjà équipés d'un ordinateur.

CHILI : UN PHOTOGRAPHE DE L'AFP ARRÊTÉ EN COUVRANT DES HEURTS POLICE-ÉTUDIANTS



Le photographe a été arrêté sans ménagement et brutalement contraint de monter dans un véhicule de la police, où il a reçu plusieurs coups, lui occasionnant des contusions, a-t-il lui-même déclaré après les faits.

Transféré dans un commissariat, il a été remis en liberté au bout de trois heures environ après une vérification d'identité, et sans qu'aucune charge ne soit retenue contre lui.

Son matériel photographique lui a été remis, en partie endommagé par une chute au moment de son arrestation.

Les médias chiliens ont dénoncé ces dernières semaines au moins trois cas de photographes et cameramen arrêtés ou agressés pendant la couverture des manifestations d'étudiants qui se succèdent depuis six mois. Nombre d'entre elles ont été marquées par des affrontements entre police et jeunes émeutiers.

L'organisation Reporters sans Frontières (RSF) a relayé mardi l'inquiétude de l'Union des photographes et cameramen du Chili, qui dénonce le nombre élevé d'agressions intentionnelles, souvent assorties de détentions, dont se rendent responsables les forces de l'ordre contre les reporters d'images.

Dans un communiqué, RSF a demandé que des garanties soient données aux journalistes couvrant les manifestations, quels que soient leurs médias.

Les étudiants du Chili, mobilisés depuis mai pour obtenir une profonde réforme du système éducatif, ont appelé à deux journées de mobilisation et de grève totale des cours, un mouvement appuyé par le principal syndicat du Chili, avec une importante manifestation prévue mercredi.

mardi 18 octobre 2011

«L’ÉDUCATION AU CHILI, C’EST UN FIASCO TOTAL»

FRANCISCO FIGUEROA, SEBASTIAN FARFAN ET GABRIEL ITURRA, DIRIGEANTS
DE LA CONFEDERATION DES ETUDIANTS CHILIENS, EN TOURNEE A GENEVE.
Endetté à vie

A ses côtés, Sebastián Farfan, 23 ans, qui dirige la fédération de Valparaíso. Et Gabriel Iturra, à la tête des étudiants du secondaire. Tous trois ont un look vaguement révolutionnaire et un discours bien rodé. Mais on les sent des plus sincères. «Moi, je suis un privilégié, mes parents ont payé mes études de journalisme. Pour mes frères, par contre, ce n’est pas sûr qu’ils auront les moyens», raconte Francisco. Sebastián, lui, dit s’être endetté à vie pour devenir historien. «Imaginez: les cotisations mensuelles sont l’équivalent du salaire moyen dans mon pays. Aujourd’hui au Chili, la plupart des familles sont pieds et poings liés aux banques

Mais il y a pire, à entendre Francisco: «Les familles s’endettent pour investir dans l’avenir de leurs enfants, mais trop souvent cet avenir n’est pas meilleur que s’ils n’avaient pas étudié du tout! Sur un million d’étudiants chiliens, 40% abandonnent leur formation pour des raisons financières, mais, sur les 600 000 qui vont jusqu’au bout, la moitié seulement obtiendront un job correspondant à leur niveau académique.»

Un modèle d’échec

Bref, les étudiants réclament une réforme du système d’éducation. «On vous a fait croire que le néolibéralisme à la mode chilienne produisait une économie modèle. Mais en réalité c’est surtout un modèle de fiasco total. Une société à deux ou trois vitesses», assène Sebastián. Et ce n’est pas uniquement dans l’éducation que l’échec est patent, souligne Gabriel. Accès à la santé, gestion des richesses naturelles… «Ce mardi et ce mercredi, une grève générale est à nouveau convoquée. Les Chiliens nous soutiennent, parce qu’ils savent bien que leur avenir est en danger.»

Une inquiétude, note Francisco, qui n’est pas sans rappeler celle des «indignés» un peu partout en Europe.

lundi 17 octobre 2011

CAMILA VALLEJO CHEZ LES « INDIGNÉS » À PARIS




La présidente de la Fédération d'Étudiants de l'Université du Chili, Camila Vallejo, a prononcé un discours ce samedi 15 octobre à Paris, devant des milliers de jeunes français, dans le cadre des protestations des « indignés » qui ont eu lieu dans plusieurs villes du monde.  

vendredi 14 octobre 2011

UN RESPONSABLE DU MOUVEMENT ÉTUDIANT CHILIEN À GENÈVE

Quelle est la situation concrète des étudiants avec la loi organique sur l’éducation, dernier «cadeau» du général Pinochet aux gouvernements de la «Concertation» (centre-gauche)?

Les étudiants chiliens sont victimes d’un système pervers qui a transformé l’éducation en marché. Dans ce pays, les études coûtent plus cher qu’une maison. Il faut s’endetter auprès des banques privées pour accéder à l’enseignement supérieur, car l’éducation n’est pas un droit garanti par l’Etat. La majeure partie des étudiants sont inscrits dans des universités privées, dont beaucoup accumulent des bénéfices sur le dos des familles chiliennes.

Les universités étatiques existantes (très faibles) sont entrées dans une logique d’auto-financement, vu la faible contribution de l’Etat. Elles se retrouvent sur un marché ouvert, où elles doivent gagner des clients. Par exemple, le budget de mon université (à statut public) n’est couvert qu’à 7 % par l’Etat ; tout le reste est financé par nous. Pour cette raison, les taxes d’inscription sont très élevées, il n’y a pas de professeurs embauchés, nos infrastructures sont désastreuses. Au Chili, la taxe moyenne d’inscription est supérieure au salaire minimum.

Tout cela n’est pas un hasard. Ce modèle est un héritage direct de Pinochet. Il a été imposé par une dictature militaire féroce. Joaquin Lavin, ex-ministre de l’Education – destitué grâce à notre mouvement – et l’un des représentants de la droite la plus dure, parlait d’une « révolution silencieuse ». Dès 1975, le néolibéralisme s’est imposé. L’un des secteurs touchés a été l’éducation. Une série de « réformes » ont permis de la transformer en marchandise et de commencer à la privatisatiser. Le démantèlement de l’éducation supérieure, processus très long et complexe, a débuté en 1981. Un jour avant que le tyran Pinochet cède sa place, la Loi organique sur l’éducation (LOCE), qui légalisait toutes les privatisations de la dictature, était promulguée.

Les gouvernements de la «Concertation» n’ont pas modifié cette loi. Cette coalition arrivée au pouvoir en promettant des changements s’est contentée d’administrer le modèle mis en place par la dictature et de le protéger à tout prix. De nombreux assassinats politiques témoignent d’ailleurs du véritable visage répressif de la «Concertation».

En 2006, nous avons eu un avant-goût du processus actuel, lorsque la LOCE et les fondements de l’éducation de marché chilienne ont été remis en cause. Ce mouvement, connu comme la «révolution des pingouins», a mobilisé les étudiants du secondaire. Pour désamorcer le conflit, le gouvernement a promis de réviser la LOCE : il a pourtant promulguer la Loi générale sur l’éducation (LGE), qui maintient les bases de ce système.

Pourquoi le mouvement étudiant est-il si massif et recueille-t-il un appui social très large?

Les contradictions inévitables de ce modèle apparaissent clairement. Les gens comprennent que l’éducation est en crise. Ce thème transversal affecte tout le monde, la population chilienne a donc réagi positivement à l’appel des étudiants, cette année. Nos parents ont vu que nous luttions pour une juste cause et que notre mobilisation était nécessaire, que cette crise ne concernait pas seulement l’éducation, mais qu’elle remettait en cause tout le modèle dominant et son aspect institutionnel. Après des années où l’on nous promettait «le bonheur», les gens se sentent floués. Aujourd’hui, les anciens consensus s’effondrent, on commence à questionner les bases mêmes du pouvoir de la classe dominante.

La frustration, la tromperie et une marginalisation constante font que la grande majorité de la population nous regarde avec d’autres yeux, et qu’elle place ses espoirs de changements en nous. A cela, s’ajoute l’émergence d’une nouvelle génération de jeunes. Tout cet enthousiasme explose aujourd’hui dans un Chili qui semblait dominé et réduit au silence. Cela a aussi suscité un grand soutien.

Enfin, ce processus est sans précédent. Durant les années de la «Concertation», une lente accumulation de forces et de convergences s’est produite sur le terrain social. Lentement, le peuple chilien a commencé à se lever contre ce système et il est descendu dans la rue pour lutter pour ses droits. Des luttes historiques des Mapuches, en passant par les mobilisations des travailleurs du cuivre et de la forêt, des combats pour l’environnement au mouvement étudiant, une nouvelle étape semble s’ouvrir en 2011, un nouveau moment pour le Chili…

Quelles sont les perspectives pour faire aboutir les revendications du mouvement?

Cette mobilisation étudiante a réussi à imposer des thèmes très fondamentaux. A d’autres moments, les étudiants combattaient seulement pour leur propre compte et se retrouvaient enfermés dans une lutte sectorielle, sans en voir l’aspect global. Aujourd’hui, les étudiants luttent pour l’éducation gratuite, pour la prise en charge de l’éducation des jeunes à 100 % par l’Etat. Le débat très intéressant qui s’est ouvert met en question le dogme néolibéral. Nous avons affirmé que les ressources existaient au Chili, et qu’on devrait donc les prendre là où elles se trouvent. On a relevé que les grandes multinationales volaient nos ressources naturelles et que, par conséquent, la question de la re-nationalisation du cuivre devait être posée. Notre consigne est : «Renationalisation du cuivre, pour un travail digne et pour l’éducation gratuite», et nous sommes descendus dans la rue aux côtés des travailleurs du cuivre.

Les revendications ont donc dépassé le cadre sectoriel pour passer à une remise en cause du système économique chilien. Qualitativement, c’est un saut gigantesque. Dans nos assemblées, on discute comment mener à bien ces changements et l’on arrive toujours à la conclusion que c’est une tâche de tout le peuple dans le cadre d’un processus de transformation radical de la société.

Paru dans solidaritéS, n° 195 (www.solidarites.ch)