dimanche 28 mars 2010

Chili - Dichato : Un mois après le tsunami. Encore sous les tentes

De loin, on voit surtout les drapeaux chiliens bleu blanc rouge, ornés de l’étoile blanche. De près, un panneau écrit à la main «Courage Dichato ! Tous unis !» affiche la solidarité. Mais c’est la discipline et l’organisation qui font tenir Dichato, devenue ville de toile.
A l’aube du 27 février, les vagues de tsunami suivant le séisme de magnitude 8,8, ont submergé ce petit port de 4 000 habitants. Dix-huit ont péri, la majorité ont pu se réfugier sur les hauteurs. Ils n’en descendront plus.
«Quasiment personne ne veut revenir habiter sur le front de mer», explique David, membre d’une des 450 familles qui campent depuis sur des collines à l’accès réglementé par les militaires, vérifiant les identités et les portables des visiteurs.
La ville reste militarisée
«On évite les curieux qui viennent voir le lieu de la tragédie», explique le major Ortiz, commandant la zone.
Des toilettes creusées derrière un bosquet, des douches à tour de rôle entre une bassine et des bouteilles, si dans les campements la débrouille est la règle, l’organisation est la clef.
Chacun des 15 groupes de tentes a son numéro sur le drapeau, son chef les représentant, son registre de familles, stipulant bien le nombre d’enfants, de personnes âgées, sa liste de priorités, transmises aux autorités et aux militaires.
Car la ville reste militarisée, avec 265 soldats, qui associés aux agents municipaux organisent la distribution d’aide, centralisée dans l’église. L’aide, et l’agenda des visites caritatives.
«L’autre jour, Fernando Gonzalez et Nicolas Massu sont venus », dit le major Ortiz, des tennismen devenus héros en qualifiant début mars le Chili en quarts de finale de la Coupe Davis. «Les campements se disputaient pour les avoir. Mais ils ne pouvaient pas non plus parcourir toute la zone..»
Son téléphone sonne. «Tiens, là, ce sont les footballeurs du Deportes Concepcion (1e division), qui viennent. Il va falloir leur faire visiter un autre campement, pour qu’il n’y ait pas de plaintes de favoritisme... »
Arrive une demi-heure plus tard le bus des joueurs : ils jonglent avec les enfants, distribuent des cahiers, des bonbons, des sourires surtout, dans un campement que gagne la frustration.
«Profiteuse », s’entend ainsi dire Yolanda Acuña, marchande ambulante qui était venue finir l’été à Dichato, et que le tsunami a plantée là. Bénéficiant de l’aide certes, mais sans aucune possession, ni titre qui lui permettrait de solliciter un dédommagement comme « sinistrée ».
«Le gouvernement d’avant (de Michelle Bachelet, jusqu’au 11 mars) avait très mal géré la coordination face à la catastrophe. Mais avec le nouveau (de Sebastian Piñera) on ne remarque pas vraiment le progrès», se plaint David Merino, « leader » de 80 tentes.
De la population de Dichato, 1 814 personnes étaient logés chez des proches, 1 168 vivaient encore dans des tentes, un mois après la catastrophe, selon un décompte cette semaine de la municipalité.
Le président Piñera, en visite un peu plus au nord à Constitucion elle aussi sinistrée, a rappelé vendredi que malgré «le travail intense» des autorités pour des toits d’urgence à l’approche de l’hiver, la reconstruction de tous les logements détruits « prendra les années 2010 et 2011».

jeudi 25 mars 2010

Chili: milliardaire conservateur Sebastian Piñera, a quasiment finalisé la cession de ses actions LAN

La société Axxion, qui gère les intérêts de Piñera, un entrepreneur milliardaire, a indiqué être parvenue à un accord pour la vente des 8% de LAN, pour 425 millions de dollars, au groupe d'investissement chilien Bethia, présent notamment dans la distribution, l'agroalimentaire, l'immobilier.
Les 3,33% restant détenus par Pinera dans LAN, la principale compagnie aérienne d'Amérique du Sud, seront mis aux enchères jeudi à la Bourse de Santiago, une vente qui devrait rapporter quelque 193 millions de dollars, selon Axxion.
Selon la presse chiliennne, Temasek, le fonds d'investissement de l'Etat de Singapour qui contrôle notamment Singapore Airlines, serait acheteur.
Piñera, figure de proue du monde des affaires chilien depuis 20 ans, est sous pression de l'opposition, mais aussi de sa majorité de droite, pour se désengager de ses moindres intérêts privés et éviter tout conflit d'intérêts, comme il avait promis de le faire avant son investiture le 11 mars.
Deuxième actionnaire de LAN initialement avec 26% des actions, Piñera avait expliqué avoir été retardé dans son processus de vente des titres par les conséquences du séisme et du tsunami qui ont frappé le Chili le 27 février.
La vente des actions de LAN a fait bondir Piñera de près de 300 places dans les fortunes mondiales, au 437e rang avec 2,2 milliards de dollars, selon les estimations 2010 du magazine américain spécialisé Forbes.

Chili /séisme : coût global de 30 milliards

Installation du chilien Iván Navarro, un puits reflète le mot BED à l’infini : nous sommes en effet sur le seuil, prêts à basculer dans l’irréel, l’illusoire. Biennale de Venise 2009.
Le coût global, estimé à 30 milliards -ce qui représente environ 12% du PIB annuel du pays, couvre aussi quelque 7,6 milliards de dollars de production perdue par les dégâts subis par l'appareil productif, et près de 5 milliards de pertes aux assurances, selon le rapport diffusé aujourd'hui.
Les infrastructures de logement, d'éducation et de santé ont été les plus durement affectées, et coûteront le plus à l'Etat, confirme le rapport, avec des réparations nécessaires pour plus de 4.000 établissements scolaires et 62 hopitaux, pour huit d'entre eux de lourds travaux de structure .
En matière de logement, des chiffres globaux d'habitations détruites ne sont toujours pas disponibles. Mais les besoins de logements d'urgence ont été estimés à au moins 70.000 par les réseaux humanitaires sur le terrain, sur lesquels s'appuie en partie le ministère.
Plus de 30.000 tentes sont en cours de distribution et les premières centaines de 40.000 maisonnettes d'urgence ont été livrées, avec l'aide de l'ONG spécialisée "Un techo para Chile" (Un toit pour le Chili) et des ressources d'un Téléthon début mars.
Le gouvernement n'a pour l'instant pas annoncé le débloquage de 110 millions de dollars à titre de premier volet de mesures de reconstruction, visant en priorité écoles, logement, et le marché du travail, la pêche en particulier.
Le président Sebastian Piñera a annoncé "un effort d'austérité" au service de la reconstruction, et des quêtes de financements externe et interne. Une hausse d'impôts, et un prélèvement sur les revenus du cuivre, dont le Chili est premier producteur mondial, ont aussi été suggérés dans la majorité.
Le gouvernement a prédit dans son rapport que la reconstruction devrait à court terme contribuer à créer 20.000 emplois.

mercredi 24 mars 2010

FIDAE 2010 à Santiago du Chili



Ce salon s’adresse aux professionnels spécialisés dans la fourniture de machines, d’équipements, de technologies et services liés à l’industrie aéronautique, spatiale et de la défense.


Des pavillons seront ainsi consacrés aux thématiques suivantes :
Technologies spatiales, Aviation civile et commerciale, Défense et sécurité nationale, Avionique, Maintenance avions, Equipements et services aéroportuaires.


Pour plus d’informations, accédez à FIDAE

mardi 23 mars 2010

SÉISME SUR LES RETRAITES EN ARGENTINE ET AU CHILI

MANUEL RIESCO EST ECONOMISTE AU CENTRE D’ÉTUDES
NATIONALES SUR LE DÉVELOPPEMENT ALTERNATIF (CENDA),
SANTIAGO DU CHILI. PHOTO AGENCIADENOTICIAS

Adossés aux Bourses, les fonds de pension sont censés garantir une retraite décente aux personnes âgées — bien plus sûrement que les systèmes par répartition, majoritaires dans les pays de la «vieille Europe ». Résultat ? Aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, au Chili ou en Argentine, les pensions ont suivi la chute des actions. La France a pu y échapper en grande partie. Pour combien de temps?
Très vives réactions en Argentine après l’adoption, à une écrasante majorité du Parlement, de la loi de nationalisation des retraites proposée par le gouvernement de Mme Cristina Fernández, le 7 novembre 2008 (1).

Certains sont pourtant allés jusqu’à parler de spoliation. La mesure a même provoqué une fuite des capitaux, de fortes baisses des Bourses de Buenos Aires et de... Madrid, très préoccupée par le sort des entreprises espagnoles ayant une participation dans les organismes privés de gestion de l’épargne-retraite, les Administradoras de Fondos de Jubilaciones y Pensiones (AFJP).


En Argentine même, les opposants à cette mesure accusent le gouvernement de vouloir faire main basse sur les quelque 28 milliards de dollars détenus par les AFJP, pour les utiliser à sa guise et faire face à d’importants problèmes financiers (en particulier, les prochaines échéances liées à la dette extérieure). Pourtant, la loi établit que cet argent ne pourra être utilisé que pour le paiement des retraites et que son administration sera soumise à la supervision d’une commission bicamérale et à un conseil composé de chefs d’entreprise, de travailleurs, de retraités, de fonctionnaires, de banquiers et d’élus.

Cette réforme clôt le chapitre de la privatisation ouvert il y a quatorze ans et met un terme à la suprématie des AFJP. L’Etat se propose de répondre aux attentes des détenteurs de plans d’épargne par capitalisation et de remplir la mission d’intérêt général que les fonds de pension privés n’ont pu mener à bien : garantir à l’ensemble des Argentins une retraite d’un montant décent.

Imposé de façon autoritaire par le général Augusto Pinochet

Dans le cadre des AFJP (neuf millions et demi d’affiliés), les fonds de pension privés offraient deux possibilités : le transfert des fonds vers une compagnie d’assurance afin d’assurer une rente à vie, ou le retrait graduel des fonds jusqu’à épuisement. Par crainte de se trouver un jour sans ressources, la plupart des épargnants ont opté pour la première solution.

Ces pensions, dont le montant était défini selon des critères retenus au moment de la souscription du contrat initial, obéissaient à plusieurs facteurs variables, tels le capital investi, les intérêts accumulés ou l’espérance de vie. Au moment du départ en retraite, elles étaient rarement conformes aux prévisions de départ et se révélaient dans la plupart des cas insuffisantes, voire misérables.

En revenant à un régime de retraites par répartition, les Argentins renouent avec le mode de calcul simple basé sur les salaires et les années de cotisation (2) qui avait cours dans de nombreux pays d’Amérique latine avant l’ère de la privatisation et continue de prévaloir dans la plupart des pays développés. Désormais, le système garantit dans la plupart des cas un revenu supérieur à 60 % des salaires.

Le Chili voisin est le seul pays du monde à avoir conduit l’expérience de la privatisation complète des retraites durant une période de plus d’un quart de siècle. A ce titre, il fait figure de laboratoire. Inspirée directement des théories de Milton Friedman et imposée de façon autoritaire par le général Augusto Pinochet, la réforme fut mise en œuvre dès 1980, sans consultation aucune du Parlement ou de l’opposition, par l’économiste libéral José Piñera, qui voyait dans la capitalisation le système idéal (3).

Le pays se relevait alors d’une crise très profonde et vivait une période de renouveau économique et de croissance rapide, dépourvue de récession majeure. Sans connaître de hausses spectaculaires, les salaires augmentaient régulièrement et, par un effet mécanique, les capitaux s’accumulaient dans les caisses de sécurité sociale. Dans le même temps, la privatisation des entreprises offrait des occasions d’investissement extra-ordinairement rentables.

Avant que l’actuel effondrement boursier ne vienne ébranler la confiance des opérateurs financiers et ne discrédite l’utopie des intérêts capitalisés, les Bourses et monnaies des pays émergents, dont le Chili, profitèrent considérablement de l’énorme bulle spéculative des années 1990 à 2000, et les compagnies administratrices de fonds de pension chiliens (Administradoras de Fondos de Pensiones, AFP) purent, pendant près d’un quart de siècle, afficher des taux annuels de rentabilité exceptionnels, de l’ordre de 10 %.

Plus de droits pour les hommes que pour les femmes

En apparence, le Chili réunissait les conditions optimales pour faire la preuve de la supériorité de la capitalisation. Pourtant, les Chiliens réalisent aujourd’hui que les AFP ne sont pas en mesure de tenir leurs promesses. Des millions d’entre eux percevront au moment de leur départ en retraite des sommes infimes (de 8 à 16 euros par mois), quand le salaire minimum est de 135 000 pesos (156 euros).

Que s’est-il donc passé ? Depuis 1981, à l’exception des 3,8 % de Chiliens qui parvinrent à conserver leur ancien régime par répartition (parmi eux, les militaires et les policiers) et des 3,5 % cotisant à la caisse des indépendants, l’ensemble de la population active est obligatoirement affiliée à un régime par capitalisation. Cependant, le marché de l’emploi est devenu si précaire que seuls 11 % des salariés parviennent à effectuer des versements sur une base mensuelle. Les statistiques communiquées par les AFP elles-mêmes démontrent qu’en moyenne les deux tiers des assurés ont cotisé moins d’un mois sur deux ; la moitié, moins d’un mois sur trois ; et un tiers, moins d’un mois sur cinq.

Dans les mégapoles des pays émergents, la frontière entre secteurs d’activité formels et informels est de plus en plus floue. Des millions de travailleurs alternent contrats de courte durée et périodes de chômage ou de travail indépendant, en attendant un emploi plus stable. La précarité est encore plus patente pour les femmes, qui opèrent un va-et-vient constant entre emploi salarié et travail au foyer. Dans un tel contexte économique et social, un système prévisionnel reposant sur l’hypothèse d’une manne générée par les intérêts capitalisés de l’épargne salariale ne pouvait se maintenir.

Après avoir entendu les critiques et recueilli les propositions émanant entre autres de l’opposition de gauche, la présidente Michelle Bachelet décidait, au début de 2008, d’instaurer un «filet de sécurité» garanti par l’Etat : une allocation publique de solidarité d’un montant de 120 euros par mois, équivalant à 60 % des revenus salariaux les plus modestes, et un complément alloué aux bénéficiaires des AFP recevant des prestations inférieures à 315 euros. L’adoption de ces mesures prouve à l’évidence qu’une politique de retraite par capitalisation, même menée dans les meilleures conditions, ne répond pas aux besoins essentiels d’une population. Au Chili, elle laisse sans revenu les deux tiers des retraités.

La réforme votée en Argentine a pris soin de préserver le droit des femmes à une retraite anticipée et, surtout, d’utiliser le même barème que celui des hommes pour le calcul de leurs droits. En raison de leur espérance de vie plus longue, un tiers d’entre elles, à capital égal, recevaient des AFJP des prestations inférieures d’un tiers à celles versées aux retraités masculins.

L’expérience chilienne apporte, dans ce domaine, un éclairage pertinent et fournit des exemples précis : une femme médecin qui s’est tournée vers un fonds de pension en 1981 et a cotisé sans aucune interruption au taux maximum reçoit une retraite inférieure à 550 euros. Un homme marié ayant cotisé sur les mêmes bases perçoit quant à lui 945 euros. Si elle avait conservé son régime de retraite par répartition, comme certaines de ses collègues ont pu le faire, sa retraite s’élèverait à 1 100 euros. Avant même que la crise n’eût englouti une grande partie de l’épargne par capitalisation, le recensement de milliers de cas similaires a montré que les fonds de pension privés chiliens pénalisent systématiquement les femmes.

Des sommes astronomiques pour les dirigeants

Le 30 octobre 2008, la direction des retraites du Chili rendait publics les chiffres des pertes subies par les fonds de pension. En moins d’un an, celles-ci s’élèvent à 19,8 millions d’euros, soit 26,7 % du capital total. Les fonds plus risqués ont quant à eux essuyé des pertes de 35 %, voire 45 %. Plus de la moitié des bénéficiaires sont touchés.

«Les entreprises passent, les gouvernements demeurent.» A l’heure où les principaux fonds de pension privés sont en faillite, il peut être opportun de se rappeler cette déclaration de la présidente argentine. Le cataclysme laisse dans l’angoisse du lendemain les centaines de milliers de Latino-Américains qui ont confié leur épargne à ces institutions dans la perspective d’une pension de retraite à vie (4).

Les compagnies d’assurance les mieux représentées en Argentine et au Chili sont aussi celles qui, selon l’expression employée par leurs dirigeants à l’encontre du gouvernement argentin, ont le plus «spolié» les épargnants. En un an, Internationale Nederlanden Groep (ING) a perdu 68,7 % avant d’être en partie nationalisé par le gouvernement néerlandais qui a injecté plus de 10 milliards d’euros pour tenter de redresser la société ; les actions de Metropolitan Life Insurance Company (Metlife) ont chuté de 52,7 %, et celles de Principal de 63,1 %. Ces trois sociétés concentrent plus de 40 % des deux cent quatre-vingt mille pensions de retraite actuellement payées par le régime privé chilien.

L’Etat continue pour sa part de verser sept cent quatre-vingt-seize mille pensions dans le cadre de l’ancien régime par répartition (5), tandis que cinq cent trente-trois mille personnes perçoivent l’allocation publique de solidarité. Au total, trois adultes sur quatre reçoivent des pensions publiques.

En Argentine, la publication des montants astronomiques que les dirigeants des AFJP et des compagnies d’assurance s’octroyaient, alors même qu’ils jouaient l’épargne des déposants au grand casino de la finance internationale, a soulevé l’indignation. Sur une période de quatorze années, plus d’un tiers des 12 milliards de dollars (9,5 milliards d’euros) de rétributions pour «prestations de services» ont été destinés aux salaires des principaux dirigeants, tandis que les commissions versées aux directeurs commerciaux constituaient le deuxième poste de dépenses. La situation est similaire au Chili.

En 2007, en pleine crise, et alors qu’ils perdaient 27 % de l’épargne de leurs déposants, cent cinquante des dirigeants des AFJP empochaient 200 millions de pesos argentins (47 millions d’euros), soit l’équivalent de trois cent cinq mille pensions de retraite moyennes. Le chiffre le plus frappant fut sans conteste celui du flux annuel des cotisations que se sont appropriées les AFJP et qui s’élève à 15 milliards de pesos par an (3,17 milliards d’euros), sans compter les commissions et les primes touchées par les AFJP et les compagnies d’assurances.

Les mêmes dérives se produisirent au Chili, où un tiers des 27,9 milliards de pesos chiliens (32 millions d’euros) que représentait l’épargne provisionnelle entre 1981 et 2006 servirent à rétribuer les AFP et les compagnies d’assurance. Les deux tiers restants furent investis dans une poignée de grands groupes économiques au sein desquels les dirigeants des AFP chiliennes occupaient des postes de haut niveau (6).

Mme Fernández a qualifié la privatisation des retraites de «pillage». Son gouvernement entend mettre un terme au gâchis. La nationalisation a d’ores et déjà permis de sauver du désastre 19 milliards d’euros, ce qui n’a pas manqué d’émouvoir le quotidien chilien El Mercurio. Le journal conservateur de Santiago, qui n’avait pas exprimé d’inquiétude lorsque ce pouvoir était aux mains d’une poignée d’AFJP, a en effet alerté l’opinion sur le risque de voir l’Etat argentin en position, grâce à ces capitaux, de nommer les directeurs d’une quarantaine d’entreprises privées.

La manne que constituent les cotisations prélevées sur les salaires est la véritable raison de l’immense intérêt que les groupes financiers du monde entier portent aux systèmes de retraite, car là se trouve la réelle corne d’abondance. L’historien Robin Blackburn l’a énoncé dans l’article majeur qu’il a consacré à l’histoire de la privatisation des retraites : «Mettre la main sur la masse des salaires mondiaux est l’aspiration ultime du capitalisme financier (7).» Blackburn revient également sur le rôle joué par M. Lawrence Summers lorsque, économiste en chef de la Banque mondiale, l’homme que M. Barack Obama vient de désigner comme son conseiller économique commanda l’étude qui préconisa la privatisation des régimes de retraite dans tous les pays émergents (8). Même si elle ne fut que partielle, cette privatisation a bien eu lieu dans de nombreux pays. De grandes puissances, comme certains pays européens ou le Brésil, y ont échappé grâce à la résistance de leurs opinions publiques, le Chili demeurant le seul pays à avoir vécu l’expérience pleine et entière.

Mettre la main sur la masse des salaires mondiaux

Pour paraphraser l’historien Eric Hobsbawm, le capitalisme survivra sans nul doute à cette crise. Pas les AFP. La fin est inévitable pour les AFJP argentines, mais les Administradoras de Fondos para el Retiro (Afore) mexicaines, les Administradoras de Fondos de Ahorro Previsional (AFAP) uruguayennes, les AFP chiliennes, boliviennes ou péruviennes existent encore. Si tous ces fonds subissent le même sort que leurs homologues argentins, des millions de retraités d’Amérique latine et d’ailleurs pourront sans doute respirer un peu mieux.

Manuel Riesco.
Economiste au Centre d’études nationales sur le développement alternatif (Cenda), Santiago du Chili.

(1) Cent soixante-deux députés pour, soixante-quinze contre. Le texte a été ratifié par le Sénat, le 20 novembre (quarante-six sénateurs pour, dix-huit contre).
(2) En Argentine, il existe un minimum vieillesse mensuel de 320 pesos (78 euros), auquel s’ajoute 1,5 % du salaire indexé sur les dix dernières années, sur une base minimale de trente ans de cotisation.
(3) Tout salarié a dû obligatoirement s’affilier à un fonds «librement choisi», qu’il peut quitter en emportant son épargne, et auquel il verse au moins 10 % de son salaire plus 2 % de commission pour la gestion du fonds.
(4) Le «succès» du système chilien a poussé sept autres pays d’Amérique latine à lui emboîter le pas : le Pérou (1993), l’Argentine et la Colombie (1994), l’Uruguay (1995), le Mexique, le Salvador et la Bolivie (1997).
(5) L’Etat prend en charge les droits à la retraite acquis avant 1982.
(6) «Resultados para sus afiliados de las AFP y compañías de seguros relacionadas con la previsión. 1982-2006 », Centro de estudios nacionales de desarrollo alternativo (Cenda), Santiago (Chili), mars 2007.
(7) Robin Blackburn, « The global drive to commodity pensions », 2008.
(8) «Adverting the old age crisis. Policies to protect the old and promote growth », Banque mondiale, New York, 1994.


VERS DES RÉGIMES DE RETRAITES PRIVÉS COMME AU CHILI


En 1950, l'espérance de vie des hommes était de 63 ans (69 ans pour les femmes), elle est aujourd'hui de 77 ans (84 ans pour les femmes). Un report de l'âge légal de départ à la retraite n'est-il pas inévitable ?

Il y a trois paramètres sur lesquels on peut agir : le niveau des ressources (c'est-à-dire les cotisations), le niveau des pensions, et enfin la durée effective de cotisation. Si vous partez du postulat – qui est celui de toutes les réformes engagées en Europe depuis une dizaine d'années – qu'il n'est pas possible de toucher aux ressources, alors en effet, avec l'allongement de la durée de la vie, vous ne pouvez à terme que baisser les pensions et/ou allonger la durée de cotisation. Mais ce postulat est faux. On peut augmenter les ressources. Il n'y a d'ailleurs rien d'anormal à ce que la population âgée occupant une part croissante dans la population capte également une part croissante du revenu distribué.

Comment augmenter les ressources ?

Il y a deux leviers : le taux des cotisations et l'assiette. Si on décide d'augmenter le taux de cotisation, on sait ce que ça coûte. Financer le régime actuel en maintenant le niveau des pensions (le taux de remplacement actuel est en moyenne de 72 %) suppose d'augmenter de 9 points le taux de cotisation d'ici à 2050. Cela correspond à une hausse progressive de 0,4 à 0,5 % par an, ce qui est parfaitement supportable pour notre économie.
Un levier encore plus efficace consiste à élargir l'assiette. La masse salariale représente aujourd'hui 60 % de la valeur ajoutée. Les 40 % restants vont aux entreprises pour financer les profits, les investissements, et ne participent pas au régime de protection sociale. Si, au lieu de cotiser sur 60 % de la valeur ajoutée, on cotise sur 100 %, on diminue considérablement le taux de cotisation. Evidemment, le patronat ne veut entendre parler ni d'une hausse du taux de cotisation, ni de l'élargissement de l'assiette, car son souci est de préserver une part constante des profits. Si on regarde sur le long terme, la part des profits dans la valeur ajoutée est stable quelle que soit l'élévation des taux de cotisation. On aboutit donc à cette fausse contrainte : puisqu'on ne peut pas augmenter les ressources, les travailleurs doivent travailler plus longtemps ou accepter des retraites plus faibles.

En 1970, il y avait 2,5 actifs pour 1 retraité. La proportion passera à 1,5 actif par retraité en 2030. Une augmentation des cotisations ne pèsera-t-elle pas nécessairement sur la compétitivité du pays ?

C'est l'argument classique, mais il n'est pas sérieux. La productivité du travail augmente en moyenne de 1,7 à 1,8 % par an. Le nombre d'inactifs à charge pour chaque actif va certes augmenter de 75 % d'ici à 2050, mais le revenu créé par les actifs aura dans le même temps doublé. La charge réelle sera donc en réalité plus faible !
Cela fait quarante ans qu'on augmente les taux de cotisation, au fur et à mesure que la population a vieilli et que les retraites se sont développées. Que je sache, ça ne s'est pas traduit par un effondrement de la compétitivité. L'effort qu'il faut faire d'ici à 2050 est le même que celui que nous avons fait entre 1945 et 1995. Durant cette période, la part des retraites a augmenté de 7 points en part de PIB, il faudrait l'augmenter de 6,5 à 7 points au cours des quarante prochaines années.

La réforme des retraites n'est donc pas, selon vous, un problème technique ?

Il s'agit d'un choix de société. Les réformes qu'on nous propose ont un but évident. Fixer le niveau de cotisation aboutira nécessairement à une baisse des pensions, car l'augmentation de la durée de cotisation n'est que théorique. Ce n'est pas parce qu'on repousse l'âge de la retraite que les gens vont effectivement travailler plus longtemps. Aujourd'hui, les gens partent à la retraite en ayant cotisé en moyenne pendant 37 ans et demi, et c'est encore moins pour les femmes. La moitié des gens qui partent à la retraite ne sont déjà plus au travail !
Allonger la durée de cotisation pour avoir une retraite à taux plein reviendra donc à diminuer les pensions. Et la seule solution sera d'épargner tout au long de sa vie pour des régimes de retraites privés. Le message est le suivant : il y a un filet minimal qui est le social, et pour le reste c'est une affaire de choix individuels. Or c'est bien là le but : créer un nouveau secteur marchand, qui est le développement des assurances sociales privées. Le Medef ne s'en cache d'ailleurs pas, pas plus que le gouvernement.

Le seuil légal de départ à la retraite est généralement de 65 ans en Europe, voire de 67 ans comme en Allemagne... Pourquoi la France ferait-elle exception?

Si tous ces pays vont dans ce sens, c'est précisément pour les raisons que je viens de citer. Dans tous ces pays, les taux de pension diminuent et ne sont maintenus que par le développement de systèmes de capitalisation privée. Les travailleurs sont aujourd'hui en position de faiblesse face aux détenteurs de capitaux qui menacent en permanence d'aller ailleurs si on ne les satisfait pas. Ce rapport de forces génère des réformes qui se font uniquement à l'avantage des détenteurs de capitaux : elles garantissent leur part dans les profits et le fait qu'ils contribueront de moins en moins à la solidarité nationale.

Propos recueillis par Soren Seelow

Le chef d'état-major de l'armée de l'air (CEMAA) au Chili

Le Président de la République, Sebastián Piñera, a assisté au 80e anniversaire de la Force Aérienne du Chili (FACH).
Le général Palomeros s'est entretenu avec son homologue, le général Ortega Perrier, et a été décoré de la croix du Mérite aéronautique, la plus haute distinction militaire chilienne.
Au cours de ce voyage, le CEMAA a souhaité exprimer la solidarité de la France envers le Chili qui a subi, en février dernier, un tremblement de terre et un tsunami. Le Chili déplore de nombreuses victimes et s'emploie à porter secours à près de 800 000 sans abris. Comme l'a indiqué le nouveau président de la République chilienne, M. Sebastián Piñera, au cours de son allocution prononcée lors de la cérémonie d'anniversaire des forces aériennes : «Le pays doit se relever et reconstruire au plus vite».

dimanche 21 mars 2010

Chili : Tour D’horizon Après Le Désastre

[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
Pont détruit à côté de Talca environ 300 km au sud de Santiago le 27 février 2010.
Photo REUTERS / Victor Ruiz Caballero
Cela conduit à la seconde conclusion, relative au processus de reconstruction qui se mesurera nécessairement en années. Il n’est pas rare que de grandes catastrophes naturelles conditionnent les stratégies de développement et même les processus politiques des pays où elles éclatent
Le tremblement de terre qui a détruit Chillán en 1939, a entraîné la mise en place de la Corporation de Promotion et de Reconstruction (CORFO), institution étatique qui a conduit le processus d’industrialisation du pays jusqu’en 1975, quand la dictature l’a transformée en agent de la privatisation du patrimoine public.
En 1972, le tremblement de terre de Managua a marqué le commencement de la fin du régime d’Anastasio Somoza, au Nicaragua. L’incompétence notoire du gouvernement de Miguel de la Madrid dans le traitement du tremblement de terre de Mexico en 1985, a été l’un des facteurs qui a érodé l’aura d’intangibilité du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), et qui a fini par son éviction en 2000.
Le tremblement de terre du 27 février 2010 au niveau des régions du Maule et de Bío-Bío est arrivé à la veille de l’intronisation d’un gouvernement de droite, qui disposera virtuellement de la totalité du pouvoir. Avec lequel il voit probablement une possibilité d’aller plus loin dans un modèle économique néolibéral. Modèle qui, selon notre opinion, est la première cause de l’incapacité dont l’État chilien a fait preuve dans la gestion dans cette crise de grande ampleur.
En conséquence, et comme troisième conclusion, seule l’organisation qui sera capable de remettre en avant une citoyenneté qui a déjà souffert de 30 ans de néolibéralisme rampant pourra éviter que l’actuelle catastrophe ne devienne un nouveau prétexte pour un gain capitaliste, et un nouveau facteur d’oppression et de détérioration des conditions de vie des populations frappées par la tragédie.
Talca et l’autoroute Sud N°5
La magnitude du séisme se mesure rapidement, dans le degré de destruction du centre historique de la ville de Talca, qui six jours après le tremblement de terre, restait virtuellement paralysée. Des commerces fermés, des malades dans la rue et un hôpital de campagne en face de la façade élégante du nouvel hôpital, qui en fait cache des dommages structuraux importants, sont des images violentes. La distribution de denrées de première nécessité avait seulement commencé la veille, mercredi 3 mars, et de grandes parties de la ville restaient sans électricité ni eau potable. Bien que les compagnies aient annoncé dans la presse locale un haut taux de rétablissement des services. Ce ne sera ni la première ni la dernière fois que nous vérifierons la distance intermédiaire entre le discours et la réalité, dans le contexte de cette tragédie.

Herman Chadwick Piñera, cousin du nouveau Président de la République et président de l’Association des Concessionnaires des Oeuvres d’Infrastructure Publique. Photo COPSA
Les dommages sur la route Sud N°5 se concentrent sur le tronçon entre Curicó et Chillán, dont la concession appartient à l’Association Cintra, présidée par Herman Chadwick Piñera, cousin du nouveau Président de la République et président de l’Association des Concessionnaires des Oeuvres d’Infrastructure Publique (COPSA). En dehors d’un pont détruit et de deux sévèrement endommagés sur l’autoroute Talca-Chillán, les énormes fissures de la route montrent la précarité de sa construction : un piètre travail de stabilisation du terrain pour supporter une mince couche de bitume. Au point que le concept de route jetable vienne à l’esprit. Bien que les clauses des contrats des concessions restent rigoureusement secrètes, il est hautement probable que l’on puisse établir une corrélation entre le temps de concession et la qualité de la construction. Pour un temps plus court on obtient une construction plus précaire masquée sous les clôtures élégantes, la signalétique moderne et les gares de péage. Et personne ne peut en appeler à la tromperie : l’objectif des concessionnaires privés n’est pas la connectivité du Chili, mais la rentabilité de leur investissement, et plus le temps est court plus la rentabilité doit être forte.
Privatisation de la solidarité
La route L-30-M qui connecte San Javier avec Constitución n’est pas une concession. C’est pourquoi, elle a été construite par le Ministère des Travaux publics conformément à la réglementation antisismique. Et en effet, à magnitude tellurique égale, elle présente des dommages incommensurablement plus légers que l’emblématique route Sud N°5.
Ce qui attire l’attention sur ce trajet c’est la quantité d’autos particulières décorées avec des drapeaux chiliens, qui signalent qu’elles transportent de l’aide, et à mesure que l’on approche Constitución, la quantité de familles installées au bord du chemin, qui á côté du drapeau connu, arborent grossières affiches manuscrites, où ils proclament leurs besoins : de l’eau, du pain, du lait et des langes. C’est la privatisation de la solidarité. Ces familles ne s’organisent pas pour aller chercher une aide canalisée par une institution de l’État. Simplement, ils sont établis à attendre des dons de particuliers, qui n’agissent pas non plus de manière organisée ou planifiée. De cette façon, sans plan, ni information ni conduite, le résultat ne peux pas être autre qu’une distribution chaotique, qui accentue la sensation de désordre et de confusion, au point que les sinistrés eux-mêmes refusent les vêtements dont ils n’ont pas besoin. Mais dans Constitución, à la différence d’autres villes touchées, un certain niveau d’organisation est visible. Précaire, mais il existe.
Les yeux rougis du maire, Hugo Tillería et du Conseiller Carlos Zúñiga, prouvent une infatigable activité. De plus, la Présidente Bachelet a laissé dans la ville une déléguée personnelle, Laura Albornoz, ex-Ministre du Sernam. Au moment de notre passage, des lourds engins travaillaient au nettoyage des décombres du secteur côtier de La Mare totalement dévasté par le tsunami, tandis que le maire et le conseiller étaient réunis avec les organisations de pêcheurs locaux pour analyser la possibilité de construire un embarcadère provisoire qui permettait de relancer l’activité. Ce dernier a été mis en place quelques jours après. N’importe qui visitant à ce moment là la belle ville de Constitución aura nécessairement l’impression que la reprise de la vie normale prendra des mois et la reconstruction, probablement des années.
L’Apocalypse maintenant
L’autoroute d’Itata de 75 kilomètres, qui relie Chillán avec Concepción est une concession, et pour la même intensité sismique, présente elle aussi un niveau de dommages bien inférieur à la route Sud N°5. Notre soupçon se confirme. Tandis que la route Talca-Chillán a une durée de concession de 19 ans, celui de l’autoroute d’Itata en a 28 ans. Et qui est connu, le revers de son autoroute n’est pas sorti à monsieur Chadwick Piñera ni par soigné. Et à ce que l’on sache, la destruction de l’autoroute de Mr Chadwick Piñera ne l’a pas fait réagir, ni bouger pour la réparer.
Nous arrivons à Concepción une semaine après le tremblement de terre, mais par son aspect, il semblait qu’il soit arrivé la veille. Les décombres jonchent les rues et les câbles d’électricité restent tombés au sol. La ville est toujours sans électricité et eau potable. Le passage vers San Pedro, et par conséquent vers Lota, Coronel et la province d’Arauco, par le pont Llacolén qui bien mal résisté au séisme, n’a pas encore été réparé. L’édifice Vista Río, emblématique par son degré de destruction, n’est pas une exception. Au centre de la ville il y au moins vingt grands édifices, tous nouveaux et certains même encore en cours de construction, qui devront être démolis. S’il y a une ville où les entreprises de construction ont fait un travail rempli d’irrégularités, c’est Concepción. En fait, Juan Ignacio Ortigosa Ampuero, président de la Socovil, compagnie ayant construit l’édifice Alto Río, était aussi président régional de la Chambre Chilienne de Construction, dont le président national, Lorenzo Constans, est inscrit dans le livre Guiness des maladresses : "il y a des édifices inclinés qui sont encore en état, le plus flagrant exemple est la tour de Pise, qui est debout depuis des siècles". Il est incroyable de penser que le Chili est entre les mains de ce genre de bricoleurs.
L’armée en temps de paix
Durant la nuit, et malgré le couvre-feu, la ville se couvre de la fumée des barricades, dont l’éclat illumine de manière fantasmagorique les équipes de surveillance citoyenne déployées aux carrefours, organisées entre voisins pour se défendre des bandes de vandales plus imaginaires que réelles, et au final c’était ces mêmes équipes qui ont pillé durant les 48 heures de fureur et de terreur du dernier week-end de février.
Et s’il y a une ville où ne voit pas le moindre vestige de leadership et d’organisation officielle, c’est aussi Concepción. Dans la pratique, l’unique rôle joué par sa maire, Jacqueline van Risselberghe, et c’est peut-être pour cela qu’elle a été promue Intendante, a été réduit à polémiquer avec le gouvernement à cause du déploiement tardif de l’armée.
Cette même remarque peut à la rigueur être compréhensible venant de Lota et de Curanilahue, où les mouvements de violence sociale ont été extrêmes et terrifiants pour des habitants déjà choqués par l’amplitude du tremblement de terre.
Personne ne s’inquiète de la présence de l’armée dans les bureaux de vote durant les différents processus électoraux, parce que pour plusieurs raisons il est entendu que c’est l’une de ses tâches en temps de paix. De même, le maintient de l’ordre public dans des situations d’urgence devrait être une des fonctions de l’armée en temps de paix qui est une institution de l’État, financée par des fonds publics.
Certes, à mesure que les Forces Armées sont subordonnées au pouvoir politique pas seulement pour protéger le droit de la propriété, mais aussi et principalement, pour garantir l’approvisionnement en vivres à l’ensemble de la population.
Si la Présidente les avait, en sa qualité de Chef de l’État, mobilisées dès le début, peut-être que la polémique n’aurait pas vu le jour. Mais il est également possible qu’elle ait eu une information qui l’a empêchée de le faire.

Carlos Peña Photo El Mercurio

Le fait est que les commandants en chef de deux branches de l’armée, trompés par la nature séditieuse du quotidien El Mercurio, ont eu une conduite provocante inacceptable, à tel point qu’elle a même été relevée par un chroniqueur de la droite libérale, comme Carlos Peña, dans les pages même de El Mercurio : "Où a-t-on vu que les généraux et les amiraux accusent l’autorité civile, relativisent les responsabilités par voie de presse, et parlent de ce qu’ils devraient faire ou arrêter de faire. La confrontation entre la Présidente et les chefs militaires - qui revient à ce qu’ils dérogent ouvertement à leurs devoirs - est simplement inacceptable et ne doit pas être toléré. Personne ne doute de l’importance des Forces Armées - encore moins en des occasions comme celles-ci - mais rien ne doit faire oublier que, dans ces moments comme dans d’autres, elles doivent être subordonnées au pouvoir civil et ses chefs maintenir une bonne conduite".
En plus de cela. Jusqu’à présent le président Sebastián Piñera, a consacré ses plus grands efforts à soutenir une concurrence médiatique puérile avec la présidente Bachelet, à savoir qui affrontait la crise avec la plus grande efficacité et à débiter, urbi et orbe, un discours aussi irresponsable que démagogique, qui pour être réel supposerait que tous les problèmes soient résolus le 12 mars. Mais comme les discours sont une chose et les faits une autre, il s’est retrouvé obligé de solliciter le maintient dans leurs charges des gouverneurs et des intendants du gouvernement sortant.
Dévastation et désolation
Notre étape suivante a été l’incroyable dévastation du port de Talcahuano, où nous avons dû affronter l’autoritarisme puérile d’une recrue de la marine, qui par chance n’a pas été plus loin grâce à l’apparition providentielle d’un sous-officier. Lorsque nous écrivons ces lignes nous venons d’apprendre la mort de David Riquelme Ruiz, habitant de Hualpén, tué par une patrouille de l’infanterie de marine. La force du tsunami reste visible avec la présence insolite de bateaux de fort tonnage échoués dans les rues et sur les digues.
La nécessité d’un sauf-conduit, et la mise ne place d’un couvre-feu, nous a dispensé de faire la queue, qui peut durer jusqu’à cinq heures, pour traverser le pont Llacolén. Dans Lota, on a l’impression que le temps s’est arrêté. Pas seulement à cause du degré de destruction des logements, mais par l’angoisse qui se dessinait sur le visage des gens. C’est qu’une semaine après la tragédie, l’aide n’arrivait presque pas, la ville restait presque complètement paralysée, et la fourniture en eau, en électricité et même les réseaux de communication n’étaient pas revenus à la normale. Le réseau de distribution et d’approvisionnement était totalement bouleversé. Ainsi il était possible de trouver un ordinateur portable à 40 000 pesos (environ 55 €), tandis qu’un paquet de cigarettes, de loin le bien le plus précieux en ces jours funestes, pouvait en coûter 5000 (environ 6 €). Au milieu de ce panorama désolant, l’unique note encourageante était l’existence de cantines populaires installées par des assemblées de voisins et d’autres organisations populaires.
Des images indélébiles
Bien que dans une mesure proportionnelle à sa population, la situation fût équivalente à Arauco, Curanilahue et Los Alamos. Manque d’approvisionnement en eau, en électricité et un sentiment d’abandon de la population. Et un détail peut-être prémonitoire. Pendant notre séjour dans les localités les plus éloignées de la province d’Arauco nous ne trouvons pas une seule équipe de presse, signe que le sujet commence à perdre de l’intérêt pour les médias, prélude du silence que le processus de reconstruction entraînera sûrement. Des situations de localités lointaines n’ont même pas été transmises par les médias.
Encore une raison pour stimuler la mise en place d’organisations populaires, unique mécanisme qui peut contrer à ce niveau un nouveau tour de vis contre le Chili populaire, celui qui au lieu de voir la tragédie à travers la télévision la ressent dans sa propre chair.
Deux images pour finir un récit manifestement incapable de décrire l’expérience terrifiante dont ont souffert les compatriotes des régions du Maule et du Bío-Bío.
Malgré les matériaux de construction des maisons majoritairement en bois, et le niveau d’organisation - un comité d’urgence, qui selon nos rapports a raisonnablement bien fonctionné - la ville de Lebu a été celle qui a le mieux résisté au tremblement de terre dans la province d’Arauco. Il est surprenant à l’arrivée de voir qu’une proportion importante de la population reste cantonnée dans les collines environnants. Selon l’opinion que nous avons pu nous faire, cela est dû au dessèchement de l’embouchure de la rivière, ce qui incite beaucoup de gens à croire que le tsunami n’est pas encore fini. Et en deuxième lieu, au sermon de certains pasteurs évangélistes qui annoncent l’imminence de la fin des temps.
La deuxième, est la saisissante image que présente la station balnéaire de Dichato autrefois charmante et paisible, située près de Talcahuano endroit le plus sinistré par le tsunami. Et cela a une explication. Au centre de la baie de Concepción, l’emplacement de l’île Quiriquina crée une gigantesque turbulence aquatique, qui a dévié la force irrésistible du tsunami sur Talcahuano, rasant un centre institutionnel et se jetant sur une population prise au dépourvu qui profitait de l’avant-dernier jour de la saison d’été. Peut-être ne connaîtra-t-on jamais le nombre de personnes qui sont mortes à Dichato.
Francisco Herreros


Traduction : Primitivi

Le papier s'envole

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Celulosa Arauco la plus grande Usine "intelligente" de pulpe à papier du monde à Nueva Aldea, Chili. Photo Courtoisie de Emerson Process Management.
Une hausse de 53 % depuis son effondrement à 577 dollars la tonne (de très bonne pâte de résineux blanchi du Nord), il y a un an : un beau retour en grâce ! L'index finlandais FOEX a touché 883,80 dollars, jeudi 18 mars, en route vers les 900 dollars. On murmure que tel ou tel grand producteur demande d'ores et déjà 930 dollars à ses acheteurs, bien au-dessus du record de 906 dollars battu en mai 2008, avant que la grande récession n'étrangle la demande.
3 000 DOCKERS EN GRÈVE
Car les hommes et la nature se sont ligués pour raréfier l'offre de pâte à papier depuis trois semaines. Le 27 février, le tremblement de terre de magnitude 8,8 et les vagues des tsunamis qui ont endeuillé le Chili ont arrêté net la production du pays qui représente environ 7 % de l'offre mondiale. Ni Arauco ni CMPC ne savent quand ils pourront remettre en route leurs usines. L'océan a endommagé celle de Constitucion située sur le littoral Pacifique ; le gaz et l'électricité sont toujours défaillants ; les ports sont paralysés. Aux antipodes de Santiago, la capitale du Chili, ce sont les 3 000 dockers finlandais qui ont raréfié la pâte, car ils se croisaient les bras depuis le 4 mars pour défendre leurs indemnités de licenciement et s'opposer à la sous-traitance. Vendredi 19 mars, le syndicat AKT et l'Association des opérateurs des ports finlandais ont accepté les propositions du médiateur nommé pour rapprocher leurs points de vue. Toutefois, sans attendre le dénouement du conflit, le papetier UPM-Kymmene avait mis au chômage technique quelques centaines de ses salariés, ses stocks étant pleins à ras bord. Reprise des exportations, mardi 23 mars au plus tard. "Mais la tendance haussière ne date pas de février, complète Paul-Antoine Lacour, délégué général de la Fédération française des producteurs de pâte de cellulose. Du côté de la demande, la Chine qui est largement importatrice a repris ses achats plus vite que prévu. Côté offre, les producteurs ont arrêté des usines au plus fort de la crise, soit à titre temporaire pendant plusieurs semaines, soit à titre définitif."
La reprise est donc bien là, comme le prouve l'ascension ininterrompue des prix de la pâte depuis onze mois. "Elle est franche, mais en partie en trompe l'oeil, précise Paul-Antoine Lacour. Par exemple, en France, la production de papier s'est accrue de 5 % par rapport à janvier 2009, mais il faut se souvenir qu'elle avait baissé de 12 % au cours de l'année 2009. Il s'agit donc d'un rattrapage partiel."
UPM a profité de ce rapport de forces favorable pour annoncer une hausse de 15 % du prix de sa feuille A4 au second trimestre.
Alain Faujas

vendredi 19 mars 2010

Séisme: le Chili ramène le bilan officiel à 452 morts et 96 disparus

«A 20 jours du tremblement de terre, il est encore difficile de mesurer ses effets », a déclaré le ministre de l'Intérieur, Rodrigo Hinzpeter, lors d'un forum d'entrepreneurs. « A la date d'hier (jeudi) nous avions au moins 452 morts et 96 disparus. »
Cinq jours après le séisme, le bilan officiel fourni par le précédent gouvernement de Michelle Bachelet, qui a quitté le pouvoir le 11 mars, avait annoncé 802 morts. Puis le gouvernement avait décidé de communiquer uniquement une liste de morts formellement identifiés, évoquant 497 tués et des centaines de disparus ou morts non identifiés.
Le ministre Hinzpeter, qui communiquait vendredi le premier bilan officiel du nouveau gouvernement de Sebastian Piñera, a par ailleurs ramené à 800 000 le nombre de personnes sinistrées, initialement évalué près de deux millions. Quelque 200 000 logements ont été détruits, selon les chiffres du ministre, soit moins que l'estimation d'un demi-million dans les jours suivant la catastrophe.

Chili: 70.000 logements nécessaires

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"La terre a bougé", Campagne de mobilisation de l'organisation caritative Un techo para Chile

"Nous estimons qu'entre 60.000 et 70.000 logements d'urgence doivent être construits, un chiffre qui peut évoluer", a déclaré le père Felipe Berrios, fondateur de l'organisation caritative "Un techo para Chile" (Un toit pour le Chili), mandatée pour fournir 20.000 maisonnettes en bois aux sinistrés.
Les ministères chiliens de l'Intérieur et du Logement ne disposaient pas mercredi de chiffres de sans-abri sur l'ensemble du territoire, ou de logements nécessaires. Mais "le ministère avalise nos chiffres, car c'est nous qui sommes sur le terrain", a précisé le père Berrios.

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"Maintenant à toi de bouger", Campagne de mobilisation de l'organisation caritative Un techo para Chile

La presse chilienne a cité cette semaine une estimation du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) de l'ONU, pour lequel entre 70.000 et 120.000 Chiliens avaient besoin d'un toit d'urgence plus de deux semaines après la catastrophe.
Celle-ci a fait 497 morts formellement identifiés et au moins 200 disparus. Le coût aux infrastructures est estimé à ce jour à 30 milliards de dollars (21,8 milliards d'euros).
Par ailleurs, la région de la capitale Santiago a subi "plus de dégâts que ce qu'on pensait initialement", avec 5.000 logements détruits et 25.000 endommagés, a annoncé mercredi à la presse le préfet de la région, Fernando Echeverria.
Selon le préfet, 41.000 personnes au total ont été sinistrées dans la région de Santiago, comptant 6 millions d'habitants. Dans la région, 181 écoles ou collèges sont encore inutilisables et un hôpital demeure fermé.
Le ministre de l'Education, Joaquim Lavin, a pour sa part indiqué que le coût des dégâts aux infrastructures scolaires, à l'échelle du pays, devrait s'élever à 3 milliards de dollars.
Mais il maintient l'objectif d'une rentrée échelonnée de tous les élèves chiliens d'ici le 26 avril, soit avec un mois et demi de retard, même s'il reconnaît qu'il y aura "davantage de solutions d'urgence qu'on pensait".