samedi 30 juin 2018

MEXIQUE, L’HEURE DU CHANGEMENT ?


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ANDRÉS MANUEL LÓPEZ OBRADOR SALUE SES PARTISANS
LORS DE LA CLÔTURE DE SA CAMPAGNE AU STADE AZTECA,
LE 27 JUIN 2018, À MEXICO.
PHOTO PEDRO MERA
Pour la première fois, un candidat issu de la gauche, Andrés Manuel Lopez Obrador, dit AMLO, semble pouvoir emporter l’élection grâce à une mobilisation de l’électorat sans précédent. L’écart donné entre AMLO et le candidat qui le suit est tel qu’une tentative de fraude électorale semble désormais difficile. En 1988 , la manipulation des résultats électoraux par le pouvoir en place a empêché une victoire du candidat de la gauche, Cuauhtemoc Cardenas, et a permis l’accès à la présidence de Carlos Salinas de Gortari, candidat du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI – droite libérale).
LES SUPPORTERS D’ANDRES MANUEL LOPEZ OBRADOR, ICI,
AU STADE AZTECA,  À MEXICO, SONT CONFIANTS. LEUR
CANDIDAT DEVANCE DE 20 POINTS DANS LES
DERNIERS SONDAGES RICARDO ANAYA.
PHOTO DANIEL BECERRIL 
Les élections de l’an 2000 ont donné la victoire à Vicente Fox, candidat du PAN (droite conservatrice), mettant fin à 76 années de gouvernements du PRI, éveillant l’espoir d’un changement de régime. Le PAN a gouverné pendant 12 ans dans la continuité du néolibéralisme inauguré par ses prédécesseurs pour, finalement, laisser la place au PRI revenu au pouvoir en 2012.

Andrés Manuel Lopez Obrador est candidat pour la troisième fois à cette élection. En 2006 il a perdu dans des conditions discutables face au candidat du PAN, Felipe Calderon. En 2012, il perdit encore face au candidat du PRI Enrique Peña Nieto, dans un scrutin encore manipulé et une élection marquée par une campagne de discrédit à son égard. Les médias jouèrent un rôle majeur.

Une société poussée à bout qui veut un changement réel

Cette élection de 2018 sera historique en raison du degré très élevé de rejet du régime dans une société poussée à bout et fatiguée de la corruption et de l’impunité intrinsèques au système en place. Et en raison aussi d’un désaveu des partis qui gouvernent en alternance sans apporter de solutions ni à la pauvreté et aux inégalités, ni à l’insécurité. Le crime organisé devenu tout puissant s’infiltre dans la vie politique, menaçant la possibilité d’une démocratie réelle. Si les sondages ne se trompent pas, AMLO pourrait atteindre jusqu’à 50 % des suffrages exprimés, soit entre 20 et 26 millions de voix, score jamais atteint par les présidents élus depuis 1988. Ce qui montrerait une très forte mobilisation en faveur d’un changement. Le système électoral mexicain à un tour qui donne la victoire au candidat arrivé en première place même sans avoir atteint les 50 % a permis l’accession à la présidence du pays d’ élus minoritaires qui ont du gouverner grâce à des compromissions et arrangements. Pour la première fois, une majorité pourrait se constituer avec des élus issus de la coalition soutenant la candidature d’AMLO.

En 2012, après l’élection du candidat du PRI, Enrique Peña Nieto, les deux partis de l’alternance PRI et PAN rejoints par le Parti de la révolution démocratique (PRD) – crée autour de Cuauhtemoc Cardenas et rassemblant l’ensemble de la gauche depuis 1989 – ont signé un « Pacte pour le Mexique » ouvrant la voie à des nouvelles contre – réformes : ouverture de la compagnie pétrolière PEMEX aux capitaux privés, privatisation de la compagnie d’électricité, mise en concurrence du secteur des télécommunications, réforme néolibérale de l’éducation inspiré les organismes internationaux, nouvelle loi du travail poussant plus loin la flexibilisation, réforme de la fiscalité (vécue comme une injustice par les classes moyennes), et fin des subventions au prix de l’essence signifiant des hausses importantes.

PHOTO PIXABAY.COM
La recherche sans frein de la compétitivité exigée par son mode d’insertion dans la mondialisation et par les politiques néolibérales mises en place depuis 40 ans, ont fait du Mexique l’un des pays imposant les salaires les plus bas de l’Amérique latine. Le salaire moyen [1] est inférieur à celui de la Chine ou d’autres pays asiatiques. Les gains en productivité ne se reflètent pas dans les revenus des travailleurs : alors que la productivité a progressé de 4 % ces derniers années les salaires ont perdu 7,5 %. En 10 ans, les salaires dans l’industrie manufacturière ont perdu 18 % [2].

L’image d’un pays à succès colporté par certains médias européens ignore le triste sort d’un bonne moitié des Mexicains. 53 millions de personnes (43,6 % de la population) vivent dans la pauvreté selon le Conseil national d’évaluation des politiques de développement social et 9,4 millions vivent dans la pauvreté extrême (7,6 %). Le secteur délabré de la santé souffre des politiques d’austérité et de la corruption. 2,7 % du PIB du pays sont destinés à un système de santé à plusieurs vitesses. Les familles mexicaines payent de leur poche 44,5 % des dépenses en santé [3] et 20 millions de personnes de la population n’a aucun accès aux soins.

Les effets des politiques néolibérales ne sont pas les seules raisons du mécontentement des Mexicains. Il y a aussi le niveau atteint par la corruption et l’impunité qui l’accompagne. Le président Enrique Peña Nieto a été éclaboussé avec l’un de de ses principaux ministres par l’acquisition douteuse d’une luxueuse résidence construite par l’une des compagnies de construction ayant obtenu un juteux marché public. Le licenciement des journalistes qui ont dévoilé l’affaire sous la pression du gouvernement a été très mal reçu dans l’opinion publique. Cette affaire n’a été que le premier d’une série de scandales. Depuis 2012, 15 gouverneurs ont été arrêtés pour corruption. Celui de Veracruz, par exemple, s’était approprié de 1,8 milliard de dollars en ponctionnant le budget de l’État alors que dans les hôpitaux publics des enfants atteints par le cancer recevaient des injections diluées dans de l‘eau distillé au lieu des traitements indiqués. Entre 2013 et 2014 des ministères, des banques des entreprises, la compagnie nationale pétrolière et des universités publiques ont participé au détournement de plus de 300 millions d’euros.

La disparition des 43 étudiants d’Ayotzinapa, ainsi que d’autres massacres d’innocents commis par les forces de l’ordre et l’armée ont marqué l’ensemble de la société mexicaine qui vit déjà depuis des longues années dans un climat de violences sans fin issues des pratiques du crime organisé.

Reconfiguration politique

UNE NOUVELLE RÉVOLUTION AU MEXIQUE
La participation du PRD au « Pacte pour le Mexique » a été le coup de grâce infligé à l’unité de ce parti. La grande majorité de ses militants constitue aujourd’hui la base militante et électorale du Mouvement de régénération nationale (MORENA) crée par Andrés Manuel Lopez Obrador en 2012. Lui même étant l’un des anciens présidents du PRD entre 1996 et 1999. En 2000 il fut élu Chef du gouvernement de la ville de Mexico sous la bannière du PRD. Cuauhtemoc Cardenas, lui même, avait annoncé son départ du PRD dénonçant « myopie, opportunisme et auto-satisfaction »… mais il n’a pas rejoint MORENA.

Depuis 2006 AMLO est en campagne et parcourt le Mexique nouant des liens avec la population. Il a répété inlassablement le thème principal de sa campagne : mettre fin au régime de « la mafia du pouvoir » et s’attaquer à la corruption. Il a réussi à se défaire de l’image qu’on lui avait collée, celle d’un homme radical enclin à l’usage de la violence. Il est aujourd’hui perçu comme celui qui peut changer réellement ce qui doit être changé. Les enquêtes montrent une progression de la candidature d’AMLO sur tout le territoire alors qu’en 2012 il ne bénéficiait que d’une présence plutôt inégale selon les régions. Dans la région du Nord où traditionnellement PAN et PRI ont une forte implantation, AMLO passe de 12 % des préférences à 39 %. Dans la région du centre-ouest il passe de 25 % à 36 %. Dans le centre et dans le sud, régions traditionnellement plus favorables à la gauche, AMLO passe respectivement de 39 % à 54 %, et de 39 % à 54 %.

Pour cette campagne, AMLO a fait un choix stratégique qui rappelle, au Brésil, celui qui avait permis à Luis Inacio Lula da Silva de gagner en 2002. Lula avait associé à sa campagne l’entrepreneur José Alençar qui fut son vice-président. Il forma une majorité avec un large éventail de partis allant de la droite pure à la gauche représentée par le Parti des travailleurs et le Parti communiste du Brésil. Avant sa première élection, afin de rassurer le secteur financier, Lula da Silva avait aussi accepté de négocier certaines conditions avec le FMI qu’il avait combattu des années durant.

Après avoir été deux fois le candidat du PRD, AMLO est aujourd’hui le candidat de la coalition « Ensemble nous ferons histoire ». Cette coalition rassemble MORENA, le Parti du travail (ex-maoïstes), le Parti rencontre social (conservateur évangélistes) . Mais la plate-forme qui soutient la candidature d’AMLO est bien plus large et compte des progressistes d’horizons très divers, venus du monde la culture, des intellectuels, ou bien des politiques, des personnalités de centre-droit et des hommes d’affaires…

AMLO annonce son ambition d’unir tous ceux qui veulent en finir avec le régime actuel. Il a composé une équipe qui veut refléter cette diversité. Il a mis à la tête de sa campagne deux personnalités bien connues, mais pas vraiment marquées à gauche. Tatiana Clouthier, fille de Manuel Clouthier, dirigeant charismatique et candidat aux présidentielles pour le PAN en 1988. Elle est l’une des principales porte-parole d’AMLO et coordonnatrice de sa campagne. Son discours clair et pondéré est audible pour une bonne partie des classes moyennes et il apporte une certaine modération à l’image du candidat de MORENA. Alfonso Romo Garza est chargé de la stratégie et des liens avec les entrepreneurs et les autorités de l’État. C’est un très riche homme d’affaires qui a investi dans des domaines très divers. Il a fondé Seminis, l’une des compagnies productrices de semences les plus importantes au niveau mondial. Il a des intérêts dans les biotechnologies, et des participations dans diverses grandes compagnies.

Une nouvelle alliance et un programme ambitieux

AMLO, qui compte avec un soutien populaire fort, a aussi élargi ses appuis en associant à son équipe d’autres représentants du monde économique ou des très proches des grands hommes d’affaires. Par exemple Carlos Salinas Pliego, propriétaire de Télévision Azteca, et Esteban Moctezuma qui dirigeait la Fondation Azteca, Marcos Fastlicht, beau-père du propriétaire du groupe Televisa, et Miguel Torruco, apparenté par alliance à Carlos Slim, l’homme le plus riche du Mexique.

LE PRÉSIDENT DE LA BANQUE ESPAGNOLE,
FRANCISCO GONZALEZ, À MEXICO
PHOTO J. MÉNDEZ EFE
Le rapprochement avec ces membres éminents de l’élite économique du pays n’a pas épargné à AMLO des attaques frontales ou indirectes des organisations patronales qui ont parié sur la victoire du candidat du PRI José Antonio Meade, et qui se sont tournés vers la candidature de Ricardo Anaya lorsqu’ils se sont aperçus de l’incapacité du candidat officiel à faire oublier le discrédit du parti au gouvernement. Le patronat a payé des campagnes médiatiques contre le candidat de MORENA, et des patrons ont fait pression sur leurs salariés pour qu’ils votent contre la supposée menace « populiste ». Le président de la banque espagnole, Francisco Gonzalez, s’est rendu à Mexico pour se mêler de la campagne électorale et défendre les réformes sur l’énergie et l’éducation du gouvernement d’Enrique Peña Nieto, après avoir mis en garde les Mexicains contre « un retour en arrière» qui signifierait l’élection d’un président « populiste ». La filiale mexicaine de BBVA (Banco Bilbao Vizcaya Argentina) représente 23 % du marché bancaire du pays et apporte 40 % des bénéfices globaux de cette banque [4].

LE SECTEUR DE L'ASSURANCE COUVRE À PEINE  LE 3.5 %
DE LA DÉPENSE TOTALE LA SANTÉ AU MEXIQUE. 
Ces attaques n’ont pas eu d’effet dans les intentions de vote des Mexicains qui voient dans le patronat un partie de la « mafia du pouvoir » qui a su s’enrichir à l’ombre de ce pouvoir. Pour désamorcer cette campagne et afin de rassurer les milieux financiers et patronaux, Alfonso Romo Garza a fait usage de ses bons offices pour permettre une rencontre entre AMLO et le Conseil mexicain d’affaires (CMN). Celui-ci rassemble le beau monde des représentants des grands capitaux. Il a été question de la réforme éducative mise en place par le gouvernement de Peña Nieto et que AMLO veut abroger, de la réforme énergétique et de la construction du nouvel aéroport de la Ville de Mexico qu’ AMLO a sévèrement questionné. Il pourrait ne pas revenir sur la réforme énergétique [5] qui ouvre le pétrole mexicain aux capitaux privés, mais il donnerait un coup d’arrêt à la privatisation rampante, et les contrats déjà signés ou annoncés seraient revus ainsi que l’attribution des marchés publics pour l’aéroport international. AMLO accuse le pouvoir d’avoir cédé ces marchés de manière illégale et en favorisant des proches du gouvernement.

.ANDRÉS MANUEL LÓPEZ OBRADOR.
PHOTO CUARTOSCURO
La corruption, l’insécurité, l’éducation et le pétrole furent des thèmes présents pendant toute la campagne électorale. Ils représentent de grands enjeux. Les propositions avancées dans le «Projet de Nation 2018-2024 » présentées le 20 novembre 2017 sont d’une grande ambition. Tellement grande qu’on peut se demander si un mandat de 6 ans suffira pour le réaliser (au Mexique il n’y a pas de réélection).

La question du financement de ce projet se pose aussi. Jusqu’ici AMLO a toujours affirmé qu’il ne créera de nouveaux impôts. Il affirme pouvoir récupérer de l’argent en mettant fin aux pratiques de corruption, qu’il évalue à 10 % du budget, c’est à dire, entre 300 et 500 milliards de pesos, (12,5 à 20 milliards d’euros). Il compte aussi sur « l’austérité républicaine » qui va devrait faire baisser significativement les salaires des hauts fonctionnaires et les dépenses inutiles. Ces mesures, ajoutées à une gestion saine des ressources disponibles devraient suffire.

L’État devra assumer son rôle de promoteur du développement en complément de l’initiative privée et du secteur public. Des mesures devront être prises contre l’évasion de capitaux et contre la fraude fiscale. Le secret bancaire sera éliminé et des organismes autonomes seront créés. Des grands projets d’infrastructure seront réalisés, routes, ponts, ports, écoles, hôpitaux…

Le projet d’AMLO ne rejette pas l’Accord de libre échange d’Amérique du nord (ALENA) en cours de renégociation. Mais il affirme que la relation avec les États-Unis ne peut pas se limiter à l’immigration, au libre échange et à la sécurité. Une bonne relation doit comprendre la coopération sur l’environnement, le changement climatique, les sciences et la technologie. L’agriculture et le développent rural, qui ont été gravement affectés par le traité de libre échange, doivent être une priorité. L’objectif de la lutte contre la pauvreté et les inégalités sont inséparables de cette priorité. Il est proposé une meilleure intégration entre les trois pays membres (États-Unis, Canada et Mexique) pour incorporer plus d’investissements régionaux dans les productions. A la différence des propositions de Donald Trump qui exige plus d’investissements étasuniens. En même temps le Mexique devra diversifier ses relations commerciales et renforcer celles avec l’Europe et avec l’Asie, notamment avec la Chine, principal concurrent du Mexique dans la région, pour une coopération dans des domaines tels que les énergies nouvelles, le train de grande vitesse et le commerce électronique.

Le projet d’AMLO propose aussi que le Mexique se tourne vers l’Amérique centrale dans une stratégie de long terme, avec la création d’un corridor avec d’infrastructures, avec des projets énergétiques, de tourisme et culturels.

Le projet porté par la candidature d’AMLO revendique une politique extérieure reprenant les orientations qui avaient donné au Mexique sa spécificité, et qui lui avait valut une reconnaissance internationale. Un gouvernement présidé par AMLO devrait faire de l’autodétermination des peuples et de la non-ingérence dans les affaires des autres, des principes de base. Cette position ne signifie pas indifférence mais priorité aux solutions pacifiques et négociés. Le Mexique ne cherche pas à avoir une position « réactive » mais « prospective ». Il ne doit pas chercher à réagir en donnant des leçons, mais en fonction des enjeux qui se profilent sur la base de ses intérêts nationaux et dans le respect du droit international. La politique extérieure du Mexique, sa force et poids pourront croître si le pays sait répondre à ses principaux défis interne. Hector Vasconcelos, pressenti pour être le Ministre des Relations extérieures de Lopez Obrador, affirme : « Nous voulons mettre de l’ordre la maison ». Pour lui, « c’est hypocrite et grotesque » avoir la prétention de défendre les droits de l’homme dans d’autres pays alors qu’on est même pas capable de les défendre chez soi. Il en défend les principes. Bien qu’inscrits dans la constitution, ceux-ci sont « oubliés » par les gouvernements du PRI et du PAN dans une attitude de soumission envers Washington. Hector Vasconcelos, critique ainsi l’attitude interventionniste du gouvernement d’Enrique Peña Nieto sur le Venezuela. Il voit là une situation « extrêmement difficile et déplorable », mais il y a une différence entre la dénonciation des violations des droits de l’homme et l’intervention dans les conflits internes de ce pays [6].

L’insécurité et le crime organisé

TATIANA CLOUTHIER
PHOTO CUARTOSCURO
Le thème de l’insécurité et de la lutte contre le crime organisé est central dans l’actualité mexicaine. C’est l’une des premières préoccupations de la population. L’annonce fait par AMLO de la possibilité d’une amnistie pour les membres du crime organisé a été saisi comme un argument par les candidats du PRI et du PAN pour bien montrer le caractère irréaliste de la candidature d’AMLO. Cette proposition a dû être expliquée à plusieurs reprises par Tatiana Clouthier et par Alfonso Durazo, chargé des questions de sécurité de la coalition « Ensemble nous ferons histoire ». Ce dernier a affirmé qu’il s’agit d’une démarche légale qui prendrait en compte les droits des victimes. Le Congrès serait chargé d’élaborer une loi qui devra aussi respecter les traités internationaux signés par le Mexique qui excluent les violations graves aux droits de l’homme, l’extorsion, l’enlèvement et d’autres actes violents [7]. Cette loi serait soumise à une consultation citoyenne. Tatiana Clouthier a insisté sur le fait qu’une amnistie ne signifierait le « pardon pour les criminels », mais serait conçue pour aider des groupes vulnérables, des jeunes, des paysans et des migrants à sortir du milieu criminel [8].

PRÉSENTATION DE LA STRATÉGIE DE SÉCURITÉ D'AMLOPHOTO AGUSTÍN SALGADO 
Alfonso Durazo a rappelé lors d’une conférence la méfiance qui existe dans la population à l’égard des forces de l’ordre alors que 99 % des délits commis actuellement au Mexique restent dans l’impunité. « Le crime organisé, a-t-il affirmé, avance la main dans la main avec les autorités. Il n’y a pas de corruption dans la police sans corruption politique » [9].

Parmi les propositions les moins connues de ce «Projet de Nation » mais certainement des plus importantes sont celles qui prévoient de s’attaquer à l’évasion et à la fraude fiscale, au blanchissement de l’argent sale avec des contrôles du système bancaire, la lutte contre les paradis fiscaux et l’élimination du secret bancaire.
« CANCIÓN OFICIAL DE MORENA »
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Lopez Obrador et l’espoir lucide d’un peuple

La lecture de ce « projet de nation » permet de mieux comprendre les craintes patronales de voir s’installer un gouvernement assimilé à ceux des années du « développementalisme » populiste pratiqué par le PRI, ayant précédé les crises de la dette du début des années 80. Le patronat ne veut pas d’un retour de l’État directeur et régulateur. Mais surtout, il ne veut pas la fin de sa relation de complicité avec le pouvoir.

Tout semble indiquer aujourd’hui que « la mafia du pouvoir », malgré tous ses efforts, sera balayé par le suffrage d’une majorité des Mexicains. La poussée en faveur du changement est forte et c’est Andrés Manuel Lopez Obrador qui apparaît comme le seul capable de représenter cette exigence. Mais on peut aussi dire que le vote de cette majorité sera lucide. AMLO est bien celui à qui on va donner sa confiance mais ce sera bien une confiance lucide. Une enquête réalisée en mai dernier montre que 58 % des personnes interrogées considèrent que le pays doit changer complètement de politique économique et de sécurité. 34 % ne voient pas de candidat qui soit plus honnête que les autres, mais 32 % voient en AMLO le candidat le plus honnête [10]. Et 34 % le considèrent comme celui qui peut apporter « un changement total » dans la façon de gouverner le pays. Cette même enquête donne à AMLO 44,5 % des « préférences effectives » parmi les enquêtes.

Pour l’écrivain Hector Aguilar Camin, très critique à l’égard d’AMLO voir opposé à lui, le Mexique vit une véritable « révolte morale ». Il écrit dans le mensuel « Nexos » [11] : « Là où tout le monde dit ne plus croire en rien, il y a un énorme désir de croire en quelque chose qui soit une rupture ». Aguilar Camin fait partie de ceux qui voient en AMLO un retour aux temps des gouvernements autoritaires du PRI et qui assimilent, non sans arrières pensées, le candidat de MORENA au populisme « nationaliste, globalophobique, anti-système, antilibéral ». L’argument est facile. Il est destiné à contribuer à la campagne de peur lancée par la droite et par le gouvernement. Mais comme un aveu, cet intellectuel proche du pouvoir reconnaît ce qui est une évidence pour les Mexicains : « le changement au Mexique est la réponse aux pauvres résultats de sa démocratie, de son économie et de l’irritation publique contre une classe politique dont la corruption va de paire avec l’insensibilité face aux ravages qu’elle sème ».

Si AMLO sort victorieux de l’élection du 1er juillet, ce sera, pour le Mexique, une très forte secousse, un véritable tremblement de terre. Le pays devra faire face à de grands défis, ceux laissés par des décennies de néolibéralisme avec ses injustices et ses inégalités criantes, celui du crime organisé devenu puissant grâce à l’accumulation de richesses énormes et sa présence à tous les niveaux du fonctionnement économique, politique, institutionnel de la société. Démonter le système de corruption profondément ancré après depuis de décennies ne pourra pas se faire du jour au lendemain et la récupération de milliards qu’elle représente ne se fera pas aisément.

L’après 1er juillet s’annonce avec des changements dans la configuration politique que le Mexique connaît depuis un quart de siècle. Le PRI, qui a dominé la vie politique du pays depuis presque un siècle, devrait sortir très affaibli de cette élection. En présentant un candidat qui n’est pas membre de ce parti et qui a participé aux gouvernements du PAN et du PRI, ses dirigeants ont cru pouvoir échapper à la colère des Mexicains. Le PRI risque cependant de se retrouver avec une présence très réduite à la Chambre de députés et au Sénat, et perdra sans doute les gouvernements des États qu’il dirige.

Le PAN arrive divisé à cette élection après que Ricardo Anaya a imposé sa candidature poussant Margarita Zavala, épouse de l’ex-président Felipe Calderon vers la sortie. Margarita Zavala, dans un premier temps, s’est présentée comme candidate indépendante, mais elle a du retirer sa candidature au vu sondages qui lui donnaient moins de 4 %. En cas de déroute, et c’est le scénario le plus probable, Ricardo Anaya devra rendre comptes à son parti et on peut s’attendre à une guerre interne dans la droite conservatrice.

Le PRD ne sortira pas non plus indemne de cette élection. En choisissant une alliance avec la droite il est allé au terme d’un débat qui date de son congrès de Zacatecas en l’an 2000, et qui a vu s’affronter son aile anti-néolibérale et ceux qui donnaient la priorité à une alliance avec le PAN au nom du combat contre le PRI. Dix-huit ans plus tard le parti semble avoir perdu son âme et risque de perdre un grand nombre de parlementaires. Déjà, avant même l’élection du 1er juillet certains demandent une révision de la stratégie. Très probablement, la coalition avec le PAN ne durera pas long temps. Et il est fort possible qu’au moins une partie de ses élus rejoignent AMLO dans une nouvelle majorité.

MORENA deviendra-t-il un mouvement d’action politique ou va-t- il rester un mouvement électoral ? Va-t-il être un élément de mobilisation et de politisation ou va-t-il se replier dans une attitude de délégation de pouvoir laissant au gouvernement le soin de gérer et négocier avec la nouvelle opposition ? Jusqu’où ira un gouvernement présidé par AMLO ? Fera-t- il la politique en faveur des majorités pour laquelle il se bat depuis trente ans ? la présence de ses nouveaux alliés dans un prochain gouvernement va-t-elle signifier une inflexion de cette ligne ?

Les changements promis ne pourront pas se faire sans la mobilisation de tous ceux qui exigent aujourd’hui un changement fort. Cette mobilisation sera d’autant plus nécessaire qu’il est certain que la droite va à passer à la contre-offensive mobilisant les secteurs les plus conservateurs de la société comme elle a su le faire dans le passé contre les politiques progressistes du gouvernement de Lazaro Cardenas (1934-1940)

Une victoire de Andrés Manuel Lopez Obrador ferait de l’année 2018 une année charnière. S’il arrive à imposer les changements nécessaires, le Mexique pourrait commencer à devenir un pays capable de se libérer des pires fléaux qui l’accablent depuis trop longtemps. Mais rien ne se fera sans de très durs affrontements.

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NOTES
[1] Le salaire minimum est de 88 pesos par jour, approximativement 3,65 euros/jour
[2] Étude de l’Université Iberoamericana de Mexico cité par El Pais du 12 juin 2018 (édition Amériques)
[3] Aseguradoras apenas cubren 3,5 % del gasto en salud en México : AMIS. El Economista 25 avril 2018
[4] https://elpais.com/economia/2018/05/15/actualidad/1526420292_907104.html
[5] https://www.excelsior.com.mx/nacional/revisare-contratos-responde-amlo-a-cardenas-sobre-reforma-energetica/1241022
[6] https://elpais.com/internacional/2018/05/09/mexico
[7]  El Pais, 25 avril 2018
[8]  Vanguardia, 24 abril 2018
[9] https://www.animalpolitico.com/2018/04/alfonso-durazo-presenta-la-estrategia-de-seguridad-de-amlo/
[10] http://consulta.mx/index.php/estudios-e-investigaciones/elecciones-mexico/
[11] « A las puertas de AMLO », Hector Aguilar Camin, Nexos juin 2018


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vendredi 29 juin 2018

LE POINT SUR LES DROITS LGBT (ET LES VIOLENCES) AU CHILI, À L’OCCASION DE LA MARCHE DES FIERTÉS


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« AIME ET LAISSE AIMER »
PHOTO ZSTHER MEUNIER
Esther t'emmène déambuler au coeur de la Marche des Fiertés de Santiago du Chili. L'occasion de se pencher sur la situation des personnes LGBT dans ce pays !
 LA MARCHE DES FIERTÉS
Le 23 juin 2018, se déroulait la « Marcha del Orgullo », ou Marche des Fiertés de Santiago.  Les personnes LGBT se sont réunies dans de nombreuses villes chiliennes pour défiler entre autres sous les couleurs de l’arc-en-ciel. En me baladant de drapeaux en slogans, j’ai pu faire le point sur leur situation dans ce pays et je t’emmène avec moi pour ce tour d’horizon.

Exister sans craindre la violence

« L’AMOUR NE BLESSE PAS, LA HAINE, SI. »
À SANTIAGO DU CHILI, LE 23 JUIN 2018.
PHOTO ESTHER MEUNIER
Dans le défilé, de nombreux panneaux appelaient à la tolérance, à l’amour et… à la fin de la violence.


Une hausse massive des actes homophobes a en effet été enregistrée l’année passée, en 2017, au point qu’elle est surnommée « l’année de la furie ».

Un rapport de l’organisation Movilh recensait en effet 484 plaintes pour homophobie et transphobie : c’est 45,7% de plus qu’en 2016, et c’est plus que ce qui n’avait jamais été enregistré.

 LA CROISADE INÉDITE DU « BUS DE LA HAINE » 
On pourrait penser que les violences sont davantage dénoncées, provoquant cette hausse, mais les véritables raisons sont moins porteuses d’espoir:
« La croisade inédite du « Bus de la Haine » [NDLR : surnom légitimement donné au bus de l’ONG Citizen GO qui a parcouru Santiago et Valparaiso pour répandre des messages homophobes et transphobes] a provoqué une réaction en chaine : son passage a fait des émules dans les régions, les groupes homophobes et transphobes ont tenu des discours plus virulents. 
Les autorités ultraconservatrices ont soutenu cette campagne, la dotant d’une forme de légitimité, comme s’il s’agissait d’opinions « neutres » alors qu’elles nuisent à la dignité d’êtres humains. »
Parmi ces 484 plaintes on recense deux meurtres, 56 agressions physiques ou verbales, 38 cas de discrimination au travail, et j’en passe.

Il m’a suffit de faire quelques pas pour tomber sur d’autres pancartes faisant référence à la violence à laquelle sont exposées les personnes LGBT au Chili.

Elles réclamaient justice pour Nicole Saavedra, une jeune femme lesbienne retrouvée morte il y a deux ans, le 25 juin 2016. Elle avait disparu depuis une semaine, et son corps portait des traces de torture.

« Justice pour Nicole Saavedra », « Toutes les femmes contre toutes les violences », « Plus de morts supplémentaires à cause de la violence homophobe ». À Santiago du Chili, le 23 juin 2018. © Esther Meunier

Ses proches estiment depuis le début de l’enquête qu’il s’agissait d’un meurtre lesbophobe. À ce jour aucune condamnation n’a été prononcée dans cette affaire.

Ces faits ne sont pas isolés puisqu’il suffit de parcourir le site de l’association Movilh pour tomber sur un communiqué dénonçant une agression homophobe commise cette fois-ci par des gendarmes eux-mêmes.

L’article date du 24 juin 2018. Le lendemain de la Marche des Fiertés.

L’égalité devant le mariage, un combat de longue haleine

« ÉGALITÉ DEVANT LE MARIAGE, MAINTENANT ! »
À SANTIAGO DU CHILI, LE 23 JUIN 2018.
PHOTO  ESTHER MEUNIER
Le mouvement Movilh – encore lui car c’est l’un des référents sur les questions de droits des personnes LGBT au Chili – est sans doutes celui qui avait distribué le plus largement ses affiches.

Dessus, on pouvait lire entre autre « Égalité devant le mariage ». En effet, le mariage n’est toujours pas autorisé pour les couples de même sexe au Chili.

Pourtant, la question a été abordée de nombreuses fois et plusieurs projets de lois ont vu le jour : le premier date de 2008.

Deux autres ont suivi, en 2010 et 2014, mais aucun n’a été voté. Aucun n’incluait le droit à la filiation non plus.

« NENA, OÙ EST MON SUPER-DROIT À L’ADOPTION ? »
À SANTIAGO DU CHILI, LE 23 JUIN 2018.
PHOTO ESTHER MEUNIER
En 2016, la Fondation Iguales a donc élaboré en collaboration avec l’école de droit de l’université du Chili un nouveau texte. Il a été présenté à Michelle Bachelet, alors présidente du pays, qui s’est engagée à faire avancer les choses.

En septembre 2017, le projet a fait son entrée au parlement, devant la Commission constitutionnelle du Sénat.

« Ça fait un an que le projet n’a pas été discuté, on pousse pour qu’il soit de nouveau bientôt à l’agenda », m’a-t-on expliqué du côté d’Iguales.

Les personnes trans n’en peuvent plus d’attendre la loi sur l’égalité de genre

À SANTIAGO DU CHILI, LE 23 JUIN 2018.
PHOTO ESTHER MEUNIER
La loi sur le mariage gay et lesbien n’est pas la seule à souffrir de la lenteur du travail parlementaire : le projet de loi sur l’identité de genre subi le même type de déboires.



« LES PERSONNES TRANS DU CHILI EXIGEONS NOTRE
DROIT À L’IDENTITÉ ! »
 À SANTIAGO DU CHILI, LE 23 JUIN 2018.
PHOTO ESTHER MEUNIER
Maya Fernandez, présidente de la Chambre basse du parlement, a fait une apparition sur le char des organisations Movilh et Iguales pour réaffirmer son engagement en faveur de ces deux textes malgré la lenteur du processus.


« ON TRAVAILLE SUR PLUSIEURS PROJETS DE LOI MAIS ÇA PREND
DU TEMPS CAR ON FAIT DE NOTRE MIEUX POUR QUE LE TEXTE
SOIT CLAIR. » À SANTIAGO DU CHILI, LE 23 JUIN 2018.
PHOTO ESTHER MEUNIER
C’est le 7 mai 2013, il y a plus de cinq ans, que le texte concernant l’identité de genre a été présenté au Sénat. Depuis, il fait la navette entre les assemblées et souffre d’une farouche opposition de certains et certaines élu·es.

Comme pour la question du mariage, le projet était pourtant soutenu par le gouvernement de Michelle Bachelet.

Mais entre les allers-retours entre les différentes commissions de chacune des assemblées, les occasionnelles saisies du Tribunal Constitutionnel et les amendements sans cesse déposés pour ralentir son adoption, le point final n’a toujours pas été donné.

À SANTIAGO DU CHILI, LE 23 JUIN 2018.
PHOTO ESTHER MEUNIER
Même la visite du Pape en janvier dernier a participé de l’allongement des délais : le président de l’Assemblée ne voulait pas « créé la polémique » pendant sa visite.

À l’heure actuelle, le projet est entre les mains d’une commission mixte composée à la fois de députées, sénateurs et sénatrices, avant peut-être d’être finalement adopté.

Controverse à la Marche des Fiertés, entre soutien et pinkwashing

Dans un coin, au cours de ma déambulation, je suis également tombée sur des pancartes « Google ».

J’avoue que je ne m’attendais pas à les voir ici : il s’agissait en fait d’un rassemblement d’entreprises qui soutiennent la diversité sexuelle. On y trouvait aussi Procter & Gamble, Accenture…

« ON EST VENUE TOUTES ENSEMBLES AVEC MES COLLÈGUES ! »
À SANTIAGO DU CHILI, LE 23 JUIN 2018.
PHOTO  ESTHER MEUNIER
C’était la première fois lors de la Marche des Fiertés chilienne que des entreprises prenaient part au cortège.

Cela a participé à la formulation de critiques par des courants LGBT anticapitalistes, qui ont dénoncé une forme de « pinkwashing » : les marques en question étaient accusées de se faire de la publicité sur le dos des causes LGBT.

D’autres, telles que l’organisation Iguales, y ont vu une nouvelle forme de soutien bienvenue contre les discriminations dans le monde du travail.

Le dépistage VIH à la Marche des Fiertés de Santiago

Lors de cette Marche des Fiertés, après avoir traversé une forêt de drapeaux multicolors, je suis également tombée sur des files d’attente qui menaient à tout un parterre de tentes rouges.

À SANTIAGO DU CHILI, LE 23 JUIN 2018.
PHOTO ESTHER MEUNIER
Ces gens venaient se faire tester pour le VIH, dans un pays où la situation se dégrade. Le nombre de contamination par le virus a augmenté de 96% entre 2010 et 2017 selon une étude réalisée à l’Université du Chili.

Alejandro Afani, l’infectologue qui la supervisait, réagissait en avril :
« Ces chiffres alarmants démontrent que l’épidémie de VIH/SIDA est totalement hors de contrôle au Chili, on touche le fond. Ces statistiques signifient qu’il y a au moins 40 000 personnes infectées qui l’ignorent. »
D’où l’importance de favoriser l’accès des chiliens et chiliennes aux tests gratuits pour endiguer le phénomène. Lors de la Marche des Fiertés, l’association AHF Chile a permis à 285 personnes d’être testées.
« La file d’attente était bien plus longue mais on n’a pas pu prendre en charge tout le monde avant le départ de la marche, et évidemment ces gens étaient là pour ça. Mais au moins, ils ont l’info et ils savent où nous trouver », explique la porte parole d’AHF.
C’est fini pour cette balade militante à Santiago. Et toi, où que tu sois, tu comptes aller célébrer la Marche des Fiertés cette année ? C’est peut-être déjà fait ?

CHILI : FABIOLA LETELIER, PRIX NATIONAL DES DROITS DE L’HOMME 2018

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FABIOLA LETELIER, PRIX NATIONAL
DES DROITS DE L’HOMME 2018
PHOTO 
THOMAS SCHLIJPER
FABIOLA LETELIER  ET JUAN PABLO LETELIER
SOEUR ET FILS D'ORLANDO LETELIER
PHOTO 
VICENTE VERGARA
Fabiola Letelier, l'avocate de 88 ans, experte des droits de l'homme, a été choisie par le Conseil de L'Institut National de Droits Humains (INDH) du Chili comme lauréate du Prix National des Droits de l'homme 2018 : l'organe supérieur de l'Institut a récompensé son travail et sa large trajectoire dans la défense et la promotion des droits fondamentaux, en plus de sa recherche significative et infatigable de la vérité et la justice.

Le Prix National des Droits de l'homme est remis tous les deux ans.

Dans sa carrière professionnelle, Fabiola Letelier a travaillé dans le Vicariat de la Solidarité, une organisation catholique chilienne, défendant les droits de l'homme sous la dictature de Pinochet. Maître Letelier est cofondatrice du « Comité de défense des droits du peuple » (CODEPU), avec la religieuse Blanca Rengifo. Cette association de défense des Droits de l'homme, indépendante, était cataloguée extrémiste –donc terroriste– par la dictature. Maître Letelier fut avocate des parties civiles dans le procès de Manuel Contreras, ancien chef de la police secrète du pouvoir sous Pinochet, la Dina.

Sur le plan personnelle, elle est la sœur d'Orlando Letelier, ancien ministre du Gouvernement de Salvador Allende qui fut assassiné par la Dina à Washington dans le cadre de l'Opération Condor.

jeudi 28 juin 2018

VÉNÉZUÉLA NICOLAS MADURO COMPARE MIKE PENCE À UN « SERPENT VENIMEUX »



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,LES VÉNÉZUÉLIENNES PORTENT LA MOUSTACHE EN SOUTIEN À N. MADURO
Lors d'un discours télévisé, le chef de l'État vénézuélien a qualifié le vice président américain Mike Pence de "serpent venimeux" et s'en est également pris à l'Union européenne qui vient d'ajouter 11 nouveaux noms à la liste des responsables vénézuéliens frappés de sanctions.

NICOLAS MADURO COMPARE MIKE PENCE
À UN « SERPENT VENIMEUX »
Ouest France
Le président vénézuélien Nicolas Maduro a qualifié mercredi le vice-président américain Mike Pence, en tournée en Amérique latine, de « serpent venimeux», et accusé l'Union europénne, qui vient d'élargir ses sanctions contre Caracas, de « s'agenouiller » devant les États-Unis.


« Chaque fois que ce serpent venimeux de Mike Pence ouvre la bouche, je me sens conforté dans la voie qui j'ai choisie », a raillé le chef de l'Etat socialiste lors d'un discours télévisé. 

Mercredi, Mike Pence a dénoncé l'« impact dévastateur de la dictature » de M. Maduro, lors d'une visite dans un centre d'accueil pour migrants vénézuéliens à Manaos (Brésil). 

« Nous t'avons vaincu et nous allons te vaincre, où que tu sois, où que tu ailles, Mike Pence », lui a répondu Nicolas Maduro. 

Le successeur de Hugo Chavez s'en est pris également à la récente décision de l'Union européenne d'ajouter 11 nouveaux noms à la liste des responsables vénézuéliens frappés de sanctions. 

L'UE « s'agenouille devant Donald Trump », dans le but de « faire main basse » sur les richesses naturelles du pays, doté des plus importantes réserves pétrolières au monde, a accusé M. Maduro. 

CHILI: LES MILLIERS DE BÉBÉS VOLÉS DE LA DICTATURE PINOCHET


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CHILI: LES MILLIERS DE BÉBÉS VOLÉS 
DE LA DICTATURE PINOCHET
PHOTO CLAUDIO REYES
Le 9 juillet 1977, sous la dictature d'Augusto Pinochet, Margarita Escobar a accouché d'une fille dans un hôpital chilien. Elle ne l'a vue que quelques instants avant qu'on la lui enlève: comme elle, des milliers de femmes réclament justice pour leurs bébés volés et adoptés illégalement.
« Chaque fois que je me réveillais, je la réclamais, jusqu'à ce qu'une sage-femme me dise: +ton bébé est mort-né+ », raconte-t-elle à l'AFP 41 ans plus tard, se souvenant que le personnel de l'hôpital Paula Jaraquemada, à Santiago, lui faisait des injections pour la maintenir endormie.

Dans le même hôpital, en février 1985, Maria Orellana a accouché d'un petit Cristian. « J'ai réussi à entendre que c'était un garçon, puis ils m'ont fait une injection et je n'ai rien su de plus », se rappelle-t-elle.

Pendant des jours, elle a demandé à voir son fils, jusqu'à ce qu'on lui dise qu'il était mort. On ne l'a pas laissée le voir. « Garde le souvenir de ton petit bébé, ce serait très cruel que tu le voies », lui a-t-on assuré à l'hôpital, avant de la renvoyer chez elle sans aucun document. « Il n'y a rien, c'est comme si je n'étais jamais passée par cet hôpital ».

Déterminé à faire la lumière sur ces drames, le juge spécial chargé des droits de l'homme, Mario Carroza, mène depuis janvier une enquête sur les enlèvements d'enfants, surtout sous la dictature (1973-1990), même si des cas plus récents, jusqu'en 2000, ont été signalés.

« Organisation lucrative »

Le recours à ces enlèvements comme méthode de répression, comme ce fut le cas en Argentine, est semble-t-il écarté.

Le modus operandi rappelle plutôt ce qui s'est passé en Espagne, où vient de s'ouvrir le premier procès des "bébés volés" du franquisme (1939-1975), une pratique qui s'est poursuivie là-bas bien après la dictature, pour des motivations économiques.

« Nous n'avons pas établi de lien avec une politique de répression d'Etat, on dirait plutôt une espèce d'association illicite, une organisation lucrative d'adoptions irrégulières », explique à l'AFP l'avocat de l'Institut national des droits de l'homme, Pablo Rivera, qui a porté plainte au nom des mères concernées.

Au coeur du dispositif: des assistantes sociales, des religieuses, des médecins et des fonctionnaires municipaux, qui repéraient les mères en situation vulnérable.

« En général, les cas (d'adoptions illégales, ndlr) sont liés aux mères aux faibles ressources qui ont donné naissance à un garçon ou une fille et ont ensuite été trompées par le personnel de l'hôpital (qui leur a fait croire) qu'ils étaient morts ou malades », indique Me Rivera. « Et elles n'ont plus jamais rien su » de leur enfant.

Une loi, en vigueur jusqu'en 1988, a facilité le stratagème: elle permettait d'effacer les registres des familles biologiques après une adoption, précise à l'AFP Karen Alfaro, historienne de l'Université australe.

Pour elle, ce genre de pratique « s'inscrit aussi dans le cadre d'une lutte idéologique de la dictature Pinochet, un type de violence sociale envers les classes les plus pauvres ».

Tests ADN

Selon les chiffres officiels, entre 1973 et 1987, 26.611 adoptions ont eu lieu au Chili, mais aucun registre n'existe sur celles réalisées par des familles étrangères.

Le juge Carroza a déterminé qu'au moins 2.021 bébés ont été adoptés en Suède entre 1971 et 1992. Plusieurs milliers sont partis en Allemagne, en France, en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas, en Suisse, aux Etats-Unis, en Uruguay et au Pérou. Chaque adoption était facturée 3.000 à 5.000 dollars, estime la justice.

Sans documents prouvant leur histoire, beaucoup de mères ont longtemps gardé un douloureux silence.

Mais quand les premiers cas ont été rendus publics, des groupes de recherche des bébés volés se sont constitués sur internet, dont "Fils et mères du silence", qui compte 3.000 membres sur Facebook.

« Ce dont nous avons besoin, c'est que les archives, les fichiers des hôpitaux soient ouverts, qu'on rende cela public pour que les gens en dehors du Chili se rendent compte qu'ils ont pu réaliser une adoption illégale », plaide Marisol Rodriguez, porte-parole du groupe, qui a permis près de 90 retrouvailles en trois ans d'existence.

Leur meilleur allié ? Les tests ADN, auxquels se soumettent de nombreuses mères, malgré le coût, pour les intégrer dans des registres génétiques internationaux.

« Ce que je veux, c'est savoir ce qui s'est passé avec ma fille et si elle me recherche », confie Josefina Sandoval, après avoir passé un test. Sa fille, déclarée morte à la naissance, vient en théorie de fêter ses 38 ans. « Nous la cherchons et grâce à ça, nous allons la trouver ».