jeudi 30 septembre 2010

Les Indiens Mapuches toujours en grève de la faim

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Mapuches manifestant leur soutien aux grévistes au Chili. Photo César Baeza

Ils estiment que les garanties données par le gouvernement ne sont pas suffisantes, explique l’hebdomadaire chilien. Les 34 Indiens ont entamé leur grève de la faim le 12 juillet dernier. Ils exigent que la loi antiterroriste ne leur soit pas appliquée. Le 30 septembre est leur 80e jour de grève de la faim.

Mineurs/Chili: indemnisations réclamées

"Le recours vise l'enteprise propriétaire, les agents de l'Etat qui n'ont pas fait leur travail, et l'Etat chilien", a déclaré hier sur Radio Cooperativa Brunilda Gonzalez, maire de Caldera, ville proche de la mine San Jose (nord), et qui conseille les familles. "La justice déterminera qui est responsable, et qui paie", a-t-elle ajouté, précisant que le recours déposé par 27 familles doit être déposé au tribunal de Copiapo, principale ville de la région.
Brunilda Gonzalez a estimé que "les indemnisations devraient arriver à un montant d'au moins un million de dollars par mineur, comme dans d'autres pays", pour couvrir selon elle le tort causé aux mineurs. La saisine de la justice pour indemnisation est le troisième volet de la riposte juridique des familles des mineurs depuis l'accident du 5 août dernier à San Jose (nord).
La famille d'un mineur, Raul Bustos, a porté plainte contre la direction du groupe San Esteban, propriétaire de San Jose, et contre l'organe régulateur de l'industrie, le Service national de géologie et des mines, pour avoir rouvert ou laissé rouvrir la mine San Jose en 2008 malgré un accident mortel en 2007. Un groupe de 27 familles a aussi saisi la justice et obtenu le gel de 1,8 millions de dollars de revenus que devait percevoir San Jose pour la vente de cuivre. La mesure visait les demandes d'indemnités à venir.

Impunité au Chili : un danger latent

Piñera, alors en pleine campagne présidentielle, s’était engagé le 10 novembre 2009 lors d’une rencontre au Círculo Español de Santiago devant quelques 500 militaires retraités, à contribuer à ce que les jugements pour violations des droits de l’Homme ne s’ « éternisent » pas et à faire en sorte que s’applique le principe de prescription des délits (2). Pour les militaires en retraite, l’engagement du candidat à la présidence de la République était le premier pas, en cas de victoire de Piñera, pour qu’au moins un groupe de condamnés puissent recevoir des bénéfices de peine (3).
Peu après l’arrivée au pouvoir de Piñera, les militaires en retraite ont commencé à faire pression pour que le nouveau gouvernement tienne ses promesses. Seulement une semaine après avoir été nommée Directrice du Programme de Droits Humains du Ministère de l’Intérieur, l’avocate Rossy Lama Díaz s’est réunie avec les anciens membres de l’armée. L’ex conseillère rattachée à la Cour de Santiago Centre-Nord, Ouest et Est, a du admettre, devant une séance de la Commission des Droits de l’Homme de la Chambre des Députés, qu’elle avait eu une rencontre avec les militaires en retraite afin d’ « examiner », la manière avec laquelle le gouvernement agirait avec les cas des oppresseurs qui ont été amenés devant la justice pour leurs crimes commis pendant la dictature du général Pinochet.
Les agissements de Rossy Lama, tout comme ceux de Piñera ont été minutieusement observés par les organisations humanitaires, qui soupçonnaient le gouvernement de préparer le terrain à l’application de mesures visant à favoriser les 782 ex oppresseurs qui sont passés par les tribunaux de justice. Parmi ceux-ci, seuls 210 ont reçu des peines ratifiés par la Cour Suprême et à peine 64 purgent des peines effectives d’emprisonnement dans des prisons spéciales comme celles de Punta Peuco ou Cordillera à Peñalolén. Durant leurs jugements et au moment des verdicts, quelques 145 ex agents ont reçu des remises de peine. Dans de nombreux cas, leurs condamnations à la prison ont été remises. Les 64 détenus dans leurs prisons spéciales (cités plus haut) sont condamnés pour des délits d’exécutions sommaires, c’est-à-dire des disparitions forcées de personnes et des tortures ; ce sont des délits de crime contre l’humanité qui, selon les traités internationaux que le Chili a signés, sont imprescriptibles et non sujets à amnistie.
Voici le problème face auquel s’est retrouvé Piñera, lorsque le 21 juillet dernier, la Conférence Épiscopale chilienne emmenée par l’évêque Alejandro Goic, a présenté sa proposition « Le Chili, une table pour tous pour le Bicentenaire » (4). Dans celle-ci, était ouverte la possibilité pour le gouvernement de présenter un projet d’amnistie qui favoriserait certains oppresseurs impliqués dans des faits de sang. Une proposition similaire avait déjà été esquissée au milieu de l’année 2009. Les évêques voulaient la présenter à la Présidente d’alors Michelle Bachelet, mais l’initiative fut écartée puisse qu’elle coïncidait avec la période de campagne électorale présidentielle déjà entamée.
Cette fois, cependant, les militants de la droite la plus compromise avec la dictature militaire à travers des ex-militaires en retraite, ont bien vu que c’était le bon moment pour faire pression afin d’obtenir des bénéfices pour les anciens oppresseurs. Des dirigeants comme Hernán Larraín et José Antonio Kast de la UDI *, ainsi que Carlos Larraín et Cristián Monckeberg de RN **, ont tout de suite appuyé l’idée « de ne pas distinguer les civiles des militaires », pendant qu’à l’intérieur de la droite, comme la Sénatrice Lily Pérez, des voix contraires se faisaient entendre. De leur côté, les organisations de défense des Droits de l’Homme et les partis d’opposition se sont élevés contre une éventuelle grâce pour les anciens militaires impliqués. En plein milieu du débat, la Cour Suprême a émis son arrêt définitif concernant les assassins du Général Prats et son épouse Sofía Cuthbert à Buenos Aires. Le verdict judiciaire n’a pas seulement délivré les peines pour les plus importants chefs de la DINA***. Elle a en plus, fait inédit, signalé que cette organisation répressive était une association illicite formée au sein de l’Armée pour commettre des crimes.
La touche finale a été donnée par l’Armée elle-même qui a « répudié » les militaires impliqués dans le crime de l’ex-chef militaire. Ceux –ci ont commis cet assassinat « lâche » qui porte l’empreinte digitale de Pinochet à travers la création par décret signé de lui-même de cette association illégale.
Ainsi, en seulement deux jours, et avant de connaître la proposition de l’Église Catholique et postérieurement celle des évangélistes, il a paru très clair que ces événements n’ont laissé aucun espace politique pour une grâce générale pour les ex-agents de la dictature.
« Je suis arrivé a la conviction qu’il n’est ni prudent, ni opportun dans les circonstances actuelles de promouvoir une nouvelle loi de grâce générale » a déclaré Piñera dans son discours du 25 juillet. Dans cette inetrvention, il a également précisé qu’il se réserverait la faculté personnelle d’accorder des grâces particulières « mais sous forme très prudente et réduite » comme le lui permet la Constitution.
Lorena Pizarro, Présidente du Rassemblement des Familles des Détenus Disparus (AFDD en espagnol) a soupçonné le gouvernement de Piñera de ne pas avoir enterré totalement sa volonté d’attribuer des bénéfices aux anciens oppresseurs. Pour les familles des victimes, l’impunité est un danger latent et un champ de lutte dans lequel tout n’a pas encore été dit.

1. Discours du Président Sebastián Piñera , 25 juillet 2010, www.presidencia.cl
2. El Mercurio, 11 novembre 2009
3. La Tercera, 11 novembre 2009
4. Voir le texte : www.iglesia.cl
5. Discours du 25 juillet consultable sur : www.presidencia.cl
* Unión Demócrata Independiente, parti de droite-extrême droite, liée au Pinochetisme, et à l’Opus dei
** Renovación Nacional, parti de droite de Piñera
*** Dirección de Inteligencia National : police secrète du régime militaire de Pinochet crée pour réprimer, briser et éliminer tout élément subversif au régime (membres de l’opposition au chili ou en exil)
Traduction : LB

mercredi 29 septembre 2010

Chili : les mapuches décident de continuer leur grève de la faim

Le Gouvernement a demandé aux mapuches qu’ils arrêtent la grève de la faim. Et leur a offert en retour de ne pas les juger sous la Loi Antiterroriste mais de les inculper de crimes communs.
Cependant, la Loi Antiterroriste resterait en vigueur au Chili.
À ce sujet, le Ministère public National, à travers son porte-parole, Manuel Guerra, a annoncé qu’il continuera d’invoquer dans des procès contre des mapuches la dite réglementation tant qu’elle ne soit pas abrogée ou modifiée légalement.
La porte-parole des mapuches à Concepción, Nativité Llanquileo, a affirmé qu’ils n’ont pas accepté l’offre du Gouvernement central, bien qu’elle ait indiqué que la négociation va continuer.
De son côté, un groupe d’intellectuels a publié ce dimanche une lettre dans laquelle ils dénoncent la "dangereuse indifférence" des autorités chiliennes pour prendre en compte les demandes des mapuches prisonniers.
Parmi les signataires se trouvent le linguiste nord-américain Noam Chomsky, l’académicien Norman Finkelstein, et la femme de lettres mexicaine Elena Poniatowska.
Une des demandes des mapuches est l’élimination de la Loi Antiterroriste, qui a été rédigée et approuvée sous la dictature militaire d’Augusto Pinochet, entre 1973 et 1990.
La législation permet d’emprisonner les accusés durant tout le processus et l’usage de témoins anonymes dans le procès.
De plus, elle rend possible des procès simultanés dans des tribunaux militaires et civils et durcit même de trois degrés les condamnations.
Agence Pulsar, 27 septembre 2010.
Traduit par http://amerikenlutte.free.fr

mardi 28 septembre 2010

La Banque Scotia fait une acquisition au Chili

La Banque Scotia déjà est présente au Chili, un pays de 17 millions d'habitants dont le PIB se chiffre à 190 G$. Depuis 1990, elle y a en effet acquis la Banco Sud Americano et la Banco del Desarollo.
Au total, les filiales de l'institution financière canadienne exploitent 155 succursales au Chili. Son actif y totalise 10,4 G$ US, ce qui en fait la septième plus grosse banque du pays.
La Banque Scotia est aussi présente dans plusieurs autres pays d'Amérique latine dont le Brésil, la Colombie et le Costa Rica. Elle compte plus de 32 000 employés et 1 889 établissements.

La routine des mineurs: cinéma et crème glacée

Les hommes dorment sur des lits de camp qui leur ont été envoyés en pièces détachées. Chacun a droit à huit minutes de vidéoconférence à toutes les fins de semaine.
Sachant que l'attente sera longue, les mineurs ont établi une routine visant à conserver leur équilibre physique et mental, mais aussi à maintenir un bon esprit de groupe.
Selon le psychiatre en chef de l'équipe de secouristes, Alberto Iturra Benavides, l'objectif de cette routine est de ne leur laisser «d'autre choix que de survivre» jusqu'à ce que le forage soit complété, ce qui sera fait d'ici le début novembre selon le gouvernement.
«Survivre prend de la discipline et le maintien d'une routine», affirme le médecin.
Ainsi, lorsque les mineurs ont le temps de relaxer, ils écoutent la télévision. C'est ce qu'ils font environ 13 heures par jour, enchaînant films d'action, journaux télévisés et séries humoristiques. L'équipe de soutien doit toutefois avaliser les choix télévisuels des mineurs: hors de question qu'ils puissent les déprimer.
Ils ont vu «Troie», «L'étrange histoire de Benjamin Button» et «Le masque», mais aucun drame trop intense.
«Ce serait de la cruauté mentale», fait valoir Alberto Iturra Benavides.
Les journaux télévisés qu'ils regardent, dont ils sont généralement les héros, sont visionnés au préalable par les équipes de secours qui se trouvent au-dessus d'eux, explique Luis Felipe Mujica, directeur général de Micomo, une compagnie de télécommunications.
«Il est évident que nous devons les regarder à l'avance afin de limiter l'accès à certaines informations, voire carrément les censurer, indique M. Mujica. Nous sommes en plein milieu d'une opération de sauvetage, pas d'une téléréalité.»
On a par ailleurs refusé d'accéder aux demandes de certains mineurs, qui souhaitaient obtenir des lecteurs de musique personnels ou des jeux vidéo individuels pour éviter qu'ils ne s'isolent.
«Avec des casques d'écoute, il leur est impossible d'entendre, par exemple, quelqu'un qui appelle à l'aide ou qui les avertit d'un danger, plaide Alberto Iturra Benavides. Ce dont ils ont besoin, c'est d'être ensemble.»
Car c'est la proximité qui a sauvé les mineurs d'une mort certaine lorsqu'environ 700 000 tonnes de roches se sont écroulées le 5 août, bloquant l'accès à la section centrale du puits de la mine, plongeant les 33 hommes dans la noirceur et soulevant de denses nuages de poussière qui les empêchaient de voir quoi que ce soit, même s'ils étaient équipés de lampes frontales.
L'événement est survenu alors que les hommes étaient réunis pour l'heure du lunch dans un espace de quatre mètres carrés surplombé par un plafond renforcé de 4,5 mètres de hauteur.
«Ils ont passé 17 jours dans la noirceur. Les cinq premiers journées, ils pouvaient à peine respirer à cause de la poussière, souligne le Dr Alberto Iturra Benavides. Et ils se sont dits qu'ils n'étaient pas morts. Cette prise de conscience aide à cesser d'avoir peur.»
Depuis le 22 août, jour où un tunnel a finalement atteint les 33 mineurs, les équipes de secours et de soutien n'ont cessé de prendre de l'expansion. Ils sont aujourd'hui 300, incluant des experts en communications, des médecins, des psychologues, des buandiers, des cuisiniers et des ingénieurs en forage.
Dans ce qui est devenu un petit village sis en plein milieu du désert de l'Atacama, au Chili, ils ont uni leurs forces afin de procurer tout le nécessaire aux 33 mineurs jusqu'à ce qu'ils puissent être hissés jusqu'à la surface.

samedi 25 septembre 2010

Les 33 mineurs chiliens : un filon pour le pouvoir

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Le milliardaire conservateur Sebastián Piñera, Président de la République du Chili, lors d'une énième opération de communication dans la mine San José de Copiapo nord du pays. Photo Alex Ibañez
Lançant la semaine dernière les cérémonies du bicentenaire de l'indépendance, le chef de l'État a déclaré que «plus que 1000 mots, les mineurs représentent l'unité et la trempe de ce peuple». Puis il est venu sur la mine San José dialoguer avec ces hommes qu'il a élevé au rang de héros de la nation.
Le pays ne peut cependant pas oublier le tremblement de terre d'une magnitude de 8,8 du 27 février dernier, et le tsunami qui s'ensuivit. Ces deux événements tragiques sont survenus alors que Piñera s'apprêtait à entrer en fonction, ce qui l'avait conduit à promettre: «Je ne serai pas le président du tremblement de terre, mais celui de la reconstruction.»
Las! Après six visites dans la région du Biobio sinistrée, le chef de l'État chilien a changé de plan média. Pour la première fois, mardi 14 septembre, une manifestation spontanée a réuni des habitants de Concepcion, exaspérés par l'oubli présidentiel qui s'installe et par la lenteur des travaux dans leur ville, située à l'épicentre d'un séisme qui fit plus de 500 morts et a jeté 250.000 personnes sous des abris de fortune. Les dégâts ont, eux, été chiffrés à 24 milliards d'euros.
Trente mille cabanes
Dans la deuxième ville du pays, les stigmates causés par le cataclysme sont toujours visibles. L'artère principale de Concepcion est partiellement fermée, car des buildings menacent de tomber. Sept d'entre eux n'ont pas été détruits dans un centre-ville où manquent nombre de bâtiments de tailles plus modestes.
Dans sa mairie, qui n'a pas encore été entièrement réhabilitée, Patricio Kuhn espère seulement parvenir à rétablir la circulation d'ici à décembre. La destruction des buildings est un problème qui le dépasse. «C'est une opération complexe, dit l'édile, son coût est très élevé, il faut attendre le règlement des conflits entre propriétaires et locataires, et que le projet de loi sur la reconstruction soit voté.»
Le gouverneur de la province, l'équivalent d'un préfet nommé par le gouvernement, veut, lui, se satisfaire qu'un abri de fortune ait été livré à toutes les personnes ayant perdu leur logement. Trente mille cabanes en bois ont été construites dans la région du Biobio. La sécurité est également revenue, plaide Carlos Gonzalez. Nombre des pillards, qui avaient dévasté les grandes surfaces et magasins les jours suivant le séisme, ont été arrêtés. Les peines prononcées lors des premiers procès ont été dissuasives. «On a peu à peu récupéré sur les trottoirs des télévisions, des frigidaires et des gazinières en parfait état. On a pu en remplir un gymnase entier.» Voilà, conclut le gouverneur Gonzalez, «la phase d'urgence est terminée, nous allons pouvoir passer à la phase de reconstruction».
Une cinquantaine de kilomètres plus loin, Gaston Saavedra, le maire de Talcahuanau, une ville en bord de mer dévastée par le tsunami qui a terminé l'œuvre du tremblement de terre, s'en étrangle presque. «Mais c'est faux, les gens sont toujours dans une situation d'urgence!», s'exclame cet élu, en couvrant les bruits de marteaux des ouvriers s'affairant à la construction de sa nouvelle mairie. «Les pêcheurs, les commerçants, les restaurateurs, tous ceux qui vivaient de la mer, ont perdu leurs travail, et vivent toujours au jour le jour.»
Un pays très centralisé
Sur sa commune, le sort des anciens habitants de la crique El Morro est, de fait, des plus précaires. La vague a emporté 60 maisons et détruit les 140 autres bicoques où vivait cette communauté de pêcheurs. Ces marins ont été relogés plus haut sur la colline dans un camp constitué par ces fameuses cabanes. «Nous, on vit à trois, avec un lit pour deux personnes», explique Luis Vasques, qui montre l'unique petite pièce de sa nouvelle demeure.
Il a obtenu de la Croix-Rouge une table, un minuscule poêle, quelques couvertures, deux casseroles. «Avec du bois de récupération, j'ai agrandi la cabane», explique-t-il, en montrant le mètre carré gagné, protégé par une bâche. Son souhait est de retourner dans son ancienne crique, pour reprendre la pêche. Il a toutefois compris que les autorités n'autoriseront pas des reconstructions dans un lieu qui sera, un jour ou l'autre, à nouveau dévasté par un tsunami. «Mais alors qu'on nous dise où on veut nous donner une maison», s'insurge Luis, qui a déjà passé un hiver à grelotter.
Luis Vasques ne sait pas exactement à qui se plaindre. Mais au Chili, pays plus centralisé que la France, les critiques finissent toujours pas remonter à la présidence. «Il n'y a pas de décentralisation ici, explique la politologue Paulina Pinchart, qui enseigne à l'université de Concepcion. «Comme les maires n'ont pas d'argent, et qu'à Santiago ils ne comprennent pas la dimension du drame, la reconstruction n'avance pas.»
Sebastian Piñera, dont la cérémonie d'investiture a été écourtée par une réplique de très forte magnitude, doit pourtant savoir que son mandat restera à jamais lié au tremblement de terre. C'est en partie injuste. Michelle Bachelet, qui était encore présidente au moment du séisme, a très mal géré ce dossier les toutes premières semaines. Mais cette femme socialiste, qui risque fort de se représenter dans quatre ans, n'est pas associée à ce drame, et jouit d'une incroyable côte de popularité dans le pays.
Homme d'affaires parmi les plus puissants du Chili, Sebastian Piñera venait de reprendre le pouvoir à la gauche qui l'accaparait depuis la chute de la dictature de Pinochet, il y a vingt ans, quand, un coup du sort, de très forte amplitude, a soudain chamboulé son avenir politique et celui de la droite chilienne.

vendredi 24 septembre 2010

CHILI: LES NACELLES DE SAUVETAGE DES « 33 » BIENTÔT PRÊTES

Les chantiers de la Marine à Talcahuano (centre) ont commencé mercredi la fabrication "et nous espérons que la cage va arriver ici dans les prochains jours", a déclaré à la presse à la mine de San Jose (nord) René Aguilar, l'un des ingénieurs coordonnant les secours.
Une société d'ingénierie autrichienne, Ostu-Stettin, a été choisie pour réaliser le système de treuillage, qui doit lui aussi être prêt dans les jours à venir, a indiqué Andres Sougarret, ingénieur en chef des travaux.

La nacelle est une sorte de cage cylindrique de 2 à 2,50 m de long pour un diamètre de 55 à 60 cm, selon un document technique de la Marine. Elle comportera un habitacle, avec une porte grillagée, dans lequel prendra place le mineur.

Les 33 mineurs, bloqués à 700 mètres sous terre depuis le 5 août, seront hissés un à un dans la nacelle à travers l'un des puits de secours en train d'être percés. Chaque remontée pourrait durer entre une demi-heure et deux heures.

Selon les autorités, les 33 devraient être ramenés à la surface début novembre.

Le percement des puits progressait jeudi, malgré une halte pour réparation sur la tête foreuse de l'excavateur "T-130", chargé du "Plan B" des secours.
La T-130 a atteint 111 m de profondeur, sur un objectif de 630 m, dans son second forage pour élargir à 70 cm un puits-pilote de 30 cm de large. Les travaux devaient reprendre jeudi soir.

La foreuse pétrolière "RIG-421", dernière entrée en action mais la plus rapide des trois machines, a progressé de 72 mètres, sur un objectif final de 597 m. Elle perce directement un puits au diamètre requis de 70 cm.

Le "Plan A" des secours, premier entré en action il y a près de quatre semaines, en est pour sa part à 402 m de profondeur sur un objectif de 702 m, mais l'engin utilisé ne perce pour l'instant qu'un puits-pilote de 30 cm de diamètre.

La terre tremble à Santiago sans faire de victimes

L'Institut géologique américain a indiqué que la secousse avait une magnitude de 5,3 et que son épicentre se situait à une cinquantaine de km au nord de Talca.
Pour le moment, on ne signale aucune victime ou dégâts majeurs dans le secteur. La circulation est notamment normale à Santiago.

jeudi 23 septembre 2010

Plan de quatre milliards pour les Mapuche au Chili

"Nous allons investir plus de 4 milliards de dollars dans la région de l'Araucanie (sud) pour améliorer les écoles, construire des dispensaires et créer des opportunités professionnelles", a assuré M. Piñera le jour du bicentenaire de l'anniversaire de l'indépendance du Chili.
Le président a toutefois critiqué la grève de la faim de 34 Mapuche qui réclament la révocation d'une loi antiterroriste datant de la dictature (1973-1990), permettant d'alourdir leurs peines et de prolonger la détention préventive.
Le texte concerne directement les Mapuche, dont une centaine ont été incarcérés à la suite d'une vague de violences et d'occupations de terres en 2008-09.
"Ne confondons pas le peuple mapuche qui est en train de participer au bicentenaire, avec la situation des 34 qui ont choisi un chemin erroné. Le pays que nous allons construire se fait par le dialogue, l'unité et le travail, non par la violence et la grève de la faim", a déclaré le président libéral.
La frange la plus militante de la minorité indienne réclame une certaine autonomie dans l'Araucanie et la restitution de terres "ancestrales" prises par l'Etat à la fin du XIXe siècle et cédées au privé. Plus de 6O0.000 hectares ont été restitués depuis 1994. (belga)

mercredi 22 septembre 2010

SEBASTIÁN PIÑERA RÉCLAME L'EXTRADITION D'UN ANCIEN RÉSISTANT À PINOCHET

Celui-ci est accusé d'avoir participé à l'assassinat, en 1991, de Jaime Guzmán, l'un des idéologues de la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990). [soupçonné d'avoir été l'auteur intellectuel]   Le gouvernement argentin doit décider d'accorder ou non le statut de réfugié politique à Apablaza, qui vit depuis 1993 en Argentine.

samedi 18 septembre 2010

Chili: le bicentenaire le plus politisé d'Amérique

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Le drapeau chilien ondoie tandis q’un groupe d'avions survole le palais de La Moneda le jour du Bicentenaire. Photo AP
"La célébration du 18 septembre est semblable aux carnavals des autres pays", décrit le chroniqueur Oscar Contardo, cité par le site Internet du journal chilien El Mostrador, ce jeudi.
200 ans après que la Première Junte Nationale du Gouvernement est arrivée au pouvoir, le Chili va vivre au rythme de cet événement durant quelques jours, avec des festivités variées à la clé (parades militaires, concerts, jeux traditionnels, etc.). Mais à la différence du Mexique où le président Felipe Calderon n'a offert à ses concitoyens qu'une fête traditionnelle du "Grito" dénuée de référence politique, le pouvoir chilien élu cette année compte bien profiter de l'événement pour asseoir sa popularité.
Enfin tous les Chiliens, ou presque. Puisque cette année, c'est dans une ambiance morose que prend place ce moment. Le pays se trouve en effet au devant de la scène médiatique: le sort des 33 hommes pris au piège d'une mine de San José tient en haleine le monde entier.
Le président Sebastian Piñera espérait que ces mineurs, emprisonnés sous la terre chilienne depuis le mois d'août, seraient remontés à la surface pour le bicentenaire. Mais aucune solution d'urgence n'a été trouvée. Alors que l'un d'entre eux a déjà raté la naissance de son troisième enfant, à la surface, les "33" passeront les festivités au fond de la mine. Ils devront patienter encore jusqu'à mi-novembre, au moins, avant de pouvoir regagner la terre ferme.
Malgré leur isolement, ils sembleraient pourtant bien sensibles à l'esprit du bicentenaire. Et régulièrement depuis que le contact a été rétabli avec le monde extérieur, ils entonnent... l'hymne chilien. "Y a t-il un acte plus patriotique que le fait de chanter avec force et émotion son hymne national", alors qu'on apprend que le monde entier se trouve à notre chevet? C'est la question posée ce jeudi par le site Internet du journal chilien La Cuarta .
Merci les mineurs!
Selon ce journal, l'initiative des mineurs devrait pousser le gouvernement à organiser une reprise à l'unisson de cet hymne national, ce samedi. L'affaire des "33" pourrait même arranger ses affaires.
Selon un sondage réalisé par Adimark et publié le 1er septembre, il semblerait que la cote de popularité du président chilien, Sebastian Piñera, n'ait jamais été aussi haute. Merci les mineurs! Alors qu'en août le président enregistrait un taux de satisfaction de 46%, celui-ci a été revu à la hausse début septembre (56%). Cela représente son plus haut résultat depuis son élection, le 11 mars dernier. Une hausse attribuée en grande partie à son rôle dans la mise en place des procédures de secours.
Mais il n'est pas le seul à tirer bénéfice de cette situation. Son ministre des Mines, Laurence Golborne, connaît un taux de popularité sans précédent. Lui aussi a su montrer ses compétences dans la gestion des opérations, ainsi que sa volonté de rester proche des familles des "33" et des équipes de travail. Ce sondage révèle que quelques semaines avant cet incident, Laurence Golborne était le ministre le plus méconnu du cabinet du président: 16% seulement des sondés avouaient avoir entendu parler de lui. Le chiffre a grimpé jusqu'à 51% en août. Et 78% des sondés estiment qu'il a bien géré cette situation de crise.
Que Piñera et Golborne en profitent... Car dans quelques semaines, les "33", des inconnus dont le sort a provoqué une vague d'empathie dans le pays, devraient revoir la lumière du jour. Et risquent bien de leur voler la vedette.

vendredi 17 septembre 2010

Bruxelles: occupation de l’ambassade du Chili

Des banderoles ont été accrochées à l’extérieur. L’action, qui a bloqué aussi la mission commerciale chilienne auprès de la capitale européenne, a duré une bonne partie de la journée. En fin d’après-midi, un rassemblement devant les locaux diplomatiques a mis un terme à cette occupation.
Une première action de ce type avait eu lieu le 12 août dernier.

mercredi 15 septembre 2010

Mapuches, les Chiliens dont on ne parle pas

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Des enfants mapuche à Concepcion du sud du Chili en 1989. Photo Marcelo Montecino chez Flickr
Le Chili renâcle à reconnaître sa composition multiculturelle et laisse peu d’espace d’expression à ses huit peuples autochtones. La convention 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT), seul accord international relatif aux peuples indigènes, n’est entrée en vigueur qu’en septembre 2009. Le fait que Mme Michèle Bachelet, présidente du pays de 2006 à 2010, ait tenu cet engagement de campagne, ne peut occulter qu’elle en a oublié un autre : celui de ne plus appliquer la législation antiterroriste aux militants mapuches. A la veille de trois procès les concernant, les PPM ont lancé le plus important mouvement collectif de grève de la faim que ce pays ait connu. Ils dénoncent l’acharnement des autorités à qualifier de «terroristes (1)» des pratiques communes au reste du continent — occupations de propriétés d’entreprises ou de grands propriétaires par des groupes ethniques paupérisés (2).
Du zapatisme mexicain à l’indigénisme de M. Evo Morales en Bolivie, depuis les années 1990, les revendications des peuples autochtones gagnent du terrain dans toute l’Amérique latine. Reconnaissance, dignité et volonté de s’émanciper sont les points communs à toutes ces luttes qui privilégient une relation à la « terre-mère » inconcevable pour la pensée libérale. Cette philosophie, partagée par les «mapu-che» («gens de la terre»), s’oppose souvent aux intérêts économiques des classes dirigeantes. C’est le cas au Chili.
La première grande bataille débute au tournant du millénaire. Dans la région du Haut Bio-bio, au cœur des Andes chiliennes, des Pehuenches (Mapuches de la Cordillère) contestent la construction du barrage hydroélectrique El Ralco par la compagnie espagnole ENDESA. Durant des années, Mmes Nicolasa et Berta Quintremán vont tenir tête à un mastodonte de la globalisation et au gouvernement chilien pour sauver leur territoire. Le combat des sœurs Quintremán a un retentissement national et international. Malgré le soutien de nombreux secteurs de la «société civile», les communautés Pehuenches ne parviennent pas à arrêter le projet. Elles obtiendront un dédommagement.
Cette lutte réveille le sentiment d’injustice au sein des communautés confrontées à la voracité de grands propriétaires, d’entreprises forestières ou d’industriels de la salmoniculture. Dans le sillon des deux «anciennes», les jeunes, victimes de discriminations quotidiennes, se mobilisent… de façon pacifique (3).
Pour enrayer cette menace, l’oligarchie chilienne sort casques, boucliers et matraques : la violence se fait étatique, à la hauteur des intérêts financiers en jeu. Elle profite d’un arsenal législatif qui provient directement de la dictature… et qui fut réactivé par la Concertation (coalition de centre-gauche qui s’installe au Palais de la Moneda, le palais présidentiel chilien, de 1989 à l’élection de M. Sebastián Piñera, en décembre 2009). Alors que certains de ses membres avaient fait les frais de cette législation anti-terroriste instaurée sous Pinochet, la coalition fait usage des mêmes lois pour bâillonner les populations indigènes, au grand dam des défenseurs des droits humains (4).
Depuis des années, ces derniers dénoncent des lois d’exceptions qui valident des détentions préventives à rallonge, le recours à des témoins « sans visages », anonymes, payés par la police pour dénoncer les militants les plus actifs, et qui condamnent à de lourdes peines des Mapuches accusés de banals incendies de véhicules. Ces protestations ont été relayées par l’Organisation des Nations unies (ONU). En 2007, le Comité des droits de l’homme, puis, en 2009, le rapporteur spécial sur la situation des droits et des libertés des autochtones, M. James Anaya (5), ont dénoncé les politiques de discrimination raciale en vigueur.
Mais l’impasse est d’autant plus avérée que, sur le plan politique, les Mapuches se heurtent au blocage des élites de Santiago, lesquelles verrouillent tous les chemins débouchant sur un espace de décision. L’arrivée au pouvoir d’une droite sans complexe, alliée aux barons de « l’ère Pinochet », ne pacifie pas la situation.
M. Piñera, le «Berlusconi chilien», ne se préoccupe pas plus du sort du peuple mapuche que ses prédécesseurs. En témoignent les suites du violent tremblement de terre de décembre 2009, dont l’épicentre se situe à la limite nord du pays mapuche. Alors que les communautés côtières ont été ravagées par les tsunamis postérieurs à la secousse tellurique, l’Observatoire citoyen (6), une organisation non gouvernementale (ONG) basée dans la ville de Temuco, observe qu’elles figurent au nombre des grands oubliés de la reconstruction.
Parallèlement, le gouvernement Piñera intensifie la répression. Les descentes musclées de bataillons de carabineros se multiplient dans les communautés. Depuis 2002, trois jeunes militants ont été tués par la police. Les arrestations sont légions et les autorités évoquent une «internationale du terrorisme» : le mouvement mapuche se voit mis sur le même plan que la guérilla colombienne.
De tout ceci, les grands médias – proches du pouvoir économique – ne parlent pas. Ni de la grève de la faim des militants mapuche. Seuls certains sites Internet (7) acquis à la cause mapuche relaient leurs témoignages et revendications.
Les semaines passant, la volonté des détenus ne faiblit pas. Leur santé, si. Des organisations reconnues ont fait part de leur inquiétude. Amnesty International a dénoncé le recours à la force pour nourrir les détenus : M. Piñera n’eut d’autre choix que de réagir.
Il appelle désormais à la «réouverture» d’un dialogue qui n’a jamais été engagé. Il promet une réforme imprécise des vestiges de la dictature. Les prisonniers, eux, souhaitent l’abrogation de la loi antiterroristes. Ils ont été rejoints, début septembre, par deux autres prisonniers. Tous se souviennent qu’en 2008, la Chepa (8) («la lionne»), militante mapuche, avait jeûné 112 jours avant d’obtenir quelque avancée.
Alain Devalpo
Journaliste, auteur de Voyage au pays des Mapuches, Cartouche, Paris, 2007.

(1) « Communiqué public des prisonniers politiques mapuche en grève de la faim à la prison d’El Manzano à Concepcion », Réseau d’information et de soutien au peuple mapuche.
(2) Voir le photoreportage de Fred Jacquemot et Alain Devalpo, « Résistance mapuche ».
(3) Lire Alain Devalpo, « Opposition pacifique des Mapuches chiliens », Le Monde diplomatique, février 2006.
(4) « Chile : Terror Law Violates Due Process for Mapuche », Human Rights Watch (HRW), 27 octobre 2004.
(5) « Informe del Relator Especial sobre la situación de los derechos humanos y las libertades fundamentales de los indígenas, James Anaya » (PDF), Assemblée générale des Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, 5 octobre 2009.
(6) http://www.observatorio.cl
(7) Voir le site Mapuexpress.
(8) Lire « Portraits de femmes mapuches, prisonnières politiques », Réseau d’information et de soutien au peuple mapuche, décembre 2003.

dimanche 12 septembre 2010

CHILI: 14 MILITAIRES CONDAMNÉS POUR MEURTRE

Les condamnés --trois Uruguayens et onze Chiliens-- ont écopé de peines allant de 3 à 10 ans de prison. Ils peuvent faire appel de ces sanctions. Le chimiste Eugenio Berríos, ex-agent de la Direction de Intelligence National (DINA), la police secrète de la dictature, avait fui en Uruguay après la fin du régime de Pinochet et son cadavre avait été découvert en 1995 sur une plage de ce petit pays sud-américain. Il est tenu pour responsable de la fabrication au Chili du gaz sarin, un poison qui aurait été utilisé contre les opposants du régime.

Manifestation contre la présence d'Henry Kissinger à Genève

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Manifestation contre la présence d'Henry Kissinger à Genève. par Demir SÖNMEZ
Il est presque superflu de présenter le personnage: quoiqu’impliqué dans le coup d’Etat au Chili, acoquiné avec le régime sanglant des militaires argentins, artisan des « bombardements secrets » des populations du Cambodge, Kissinger a échappé à toutes tentatives de le faire comparaître devant un tribunal. Jouissant de multiples protections, Kissinger s’est bâti une deuxième carrière – très rentable- comme consultant et comme conférencier international.
Propriétaire d’un prospère cabinet d’avocats, Kissinger Associates Inc, il maintient de liens étroits avec les milieux de la science politique, comme l’IISS (International Intitute for Strategic Studies), basé à Londres. C’est à ce titre que ce vendredi 10 septembre à 19h30 il prononcera une conférence lors de la 8ème Réunion annuelle de l’IISS, à l’Hôtel Intercontinental de Genève. Il était prévu que la Conseillère Fédérale Micheline Calmy-Rey, chef du Département fédéral des Affaires Etrangères (DFAE) prenne la parole, juste avant Kissinger, mais elle a annulé sa présence, sans être remplacée, il y a 3 jours. Nous considérons que cela fut une conséquence de la mobilisation à Genève, dès que cette nouvelle fut connue.

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Manifestation contre la présence d'Henry Kissinger à Genève. par Demir SÖNMEZ
L’Association Comité Mémoire et Justice de Genève, ainsi que d’autres organisations de Droits de l’Homme, considérons que la présence de Henry Kissinger à Genève constitue un scandale et une provocation. D’autant plus que cela se produit justement un 11 septembre, 37 ans après le coup d’Etat militaire promu par Kissinger et Nixon, et qui coûta la vie au Président Salvador Allende et à des milliers de Chiliens.
S’il est regrettable que la justice internationale soit impuissante pour le faire comparaître devant un tribunal, nous pouvons, en tant que citoyens exprimer notre rejet à ce personnage par différents moyens, à savoir :
1.Faire des démarches auprès de la Confédération (notamment du DFAE, Département Fédéral des Affaires Etrangères) pour que Henry Kissinger soit déclaré persona non grata sur territoire helvétique
2.Remettre, le vendredi 10, une lettre aux responsables. Prendre contact avec l’International Institute of Strategic Studies (IISS) afin de leur signaler que l’invitation qu’ils ont délivrée a H.Kissinger éveille beaucoup de rejet à Genève. Par ailleurs, nous considérons comme déplacé qu’un tel personnage, qui viola aussi bien les droits de l’homme que les règles du droit international, soit associé à des discussions sur la sécurité internationale.
3.Diffuser auprès de la presse de Genève et des représentants des medias internationaux, notre rejet de cette visite.
4.Manifester le vendredi 10 septembre devant l’Hôtel Intercontinental, au moment précis où Kissinger prendra la parole à son symposium. Le rassemblement est prévu dès 18.15 à la Place des Nations, d’où nous nous dirigerons vers l’Hôtel Intercontinental, pour y établir un piquet et une chaîne humaine le long du trottoir de la Rte de Ferney, afin de symboliser une barrière contre ce personnage et ce qu’il représente. Cette manifestation est autorisée, et est soutenue par la CGAS (syndicats) et le Parti Socialiste Genevois, entre autres.
Genève, le 10 septembre 2010
Association Comité Mémoire et Justice : Chili-Suisse-Amérique latine
Case Postale 468 1211 Genève 4 - e-mail : memojustginebra@yahoo.com

vendredi 10 septembre 2010

Chili : Des députés rejoignent les Mapuches grévistes de la faim

Parlementaires Hugo Gutiérrez (PC), Sergio Aguiló (PS), Tucapel Jiménez (PPD) et Manuel Monsalves (PS) évacués de force par le personnel pénitentiaire. Photo Mario Quilodrán
Tous se trouvent en détention et, le 9 septembre, quatre députés chiliens leur ont rendu visite à la prison de Temuco. Réclamant l'instauration d'une table de dialogue avec les autorités, les parlementaires ont tenté de rester aux côtés des grévistes avant d'être évacués de force par le personnel pénitentiaire. Les députés ont annoncé qu'ils se mettaient également en grève de la faim.

Chili: l'Eglise prête à intercéder auprès de Mapuche en grève de la faim

"Nous sommes disponibles pour tous les contacts nécessaires et pour faciliter une rencontre", a déclaré le président de Conférence épiscopale Alejandro Goic. Il a appelé les Mapuche à "cesser leur grève de la faim" et le gouvernement "à adopter les mesures légales concrètes pour résoudre le conflit".
Un groupe de 22 détenus Mapuche, la première ethnie indienne du Chili (6% de la population), a lancé début juillet une grève de la faim, pour réclamer le retrait d'une loi antiterroriste datant de la dictature (1973-1990). Douze autres se sont joints progressivement au jeûne.
Les grévistes prennent des liquides, mais plusieurs d'entre eux ont déjà fait des allers-retours à l'hopital.
La législation antiterroriste permet notamment d'allonger la détention préventive, d'alourdir les peines, de citer des témoins anonymes. Elle concerne directement les Mapuche, puisqu'une centaine d'entre eux sont en détention, pour la plupart depuis une vague de violences et d'occupations de terres en 2008-09.
Un jeune militant avait été tué par la police lors de ces heurts.
L'intervention de l'Eglise répond à un appel du président Sebastian Piñera, dont le gouvernement est désemparé face à la poursuite de ce jeûne, malgré l'annonce la semaine dernière par le ministre de l'Intérieur d'une révision de la loi antiterroriste au Parlement.
Piñera a exhorté les grévistes à cesser leur mouvement, tout en dénonçant la grève de la faim comme "un instrument illégitime de pression en démocratie".
Les Mapuche les plus militants réclament un degré d'autonomie dans l'Araucanie (sud) et la restitution de terres "ancestrales" prises par l'Etat à la fin du XIXe siècle et cédées au secteur privé. Plus de 6O0.000 hectares ont été restitués depuis 1994, chiffre insuffisant selon les Mapuche.

mardi 7 septembre 2010

Soutien au peuple Mapuche en France

France Libertés et le Collectif de soutien au peuple Mapuche en France se fait l’écho des demandes des prisonniers politiques mapuches et invitent les acteurs de la défense des droits humains à manifester devant l'Ambassade du Chili à Paris mercredi 8 septembre à 18h30.
34 prisonniers politiques mapuches, dispersés dans 5 prisons du Chili et en grève de la faim depuis presque deux mois, se battent avec leurs familles pour éviter l’oubli et l'insoutenable silence.
Actuellement au Chili l’histoire des 33 hommes coincés dans une mine au Nord du Pays est devenu un véritable feuilleton politico-médiatique, tandis que 34 indigènes mapuches, originaires ou résidents du Sud du Chili, injustement victimes de la loi antiterroriste héritée de l’époque Pinochet, ont pris l'ultime des décisions pour se faire entendre.
Quelles sont les éléments de leurs revendications ?
- La fin d’utilisation de la loi 18.134, connue sous le nom de loi antiterroriste, appliquée tout spécialement contre le peuple Mapuche ;
- La fin du double jugement – civil et militaire – imposé aux inculpés mapuche pour des affaires à caractère civil.
- La révision de tous les jugements antérieurs concernant les membres de communautés mapuches condamnés au titre de la loi antiterroriste.
- La reconnaissance de leurs droits environnementaux, sociaux, culturels et politiques, en accord avec la convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail approuvée par le congrès chilien et en vigueur depuis septembre 2009.
Pourquoi cette injustice ?
La loi 18.314, connue sous le nom de "loi antiterroriste", a été utilisée exclusivement pour éteindre les mouvements sociaux du peuple Mapuche. Les accusés (96 au total) se trouvent judiciairement dépourvus de tous les moyens de défense du Droit commun, ce qui se traduit par une série d’irrégularités parmi lesquelles : la présomption de culpabilité, les détentions arbitraires, les tortures et châtiments psychologiques, les détentions provisoires prolongées, la non-signification des charges retenues contre eux, les accusations basées sur des déclarations de “témoins sans visage” avec lesquels il n’y aura finalement aucune confrontation….
Nous invitons la presse à suivre cette manifestation et à faire connaître cette double injustice au même visage : au Nord du Chili il y a 33 personnes coincées dans une mine, au Sud 34 sont ensevelie sous l'injustice.

MAPUCHES ? VOUS AVEZ DIT MAPUCHES ?


Carte postale du Cabinet Heitmuller et Pagnard, Traiguen Chili. Écrit à la main au verso : "Indienne portant un enfant». Publié chez Flickr par ookami_dou

D'après nos faiseurs d'opinion en ligne, et en particulier sur Twitter, la maigre couverture médiatique du conflit mapuche (notamment la grève de la faim de 32 d'entre eux depuis le 12 juillet dernier) serait liée à la censure et au bâillonnement de l'information. 

Les théories du complot sont souvent séduisantes, mais dans l'immense majorité des cas –et je suis bien placé pour en parler-, là où le spectateur soupçonne manoeuvres ou censure, il n'y a bien souvent que des facteurs bien plus pragmatiques. Et pour cette raison, j'ose soutenir que le peu d'intérêt des médias pour ces grévistes de la faim est à mettre au compte d'une pratique bien plus affligeante, déplorable et inquiétante qu'une censure préméditée : l'indifférence, tout simplement… Ou autrement dit, et peut-être plus familièrement : la flemme.

Le sujet n'est pas vendeur. Le sujet est “inesthétique” et “pas vraiment glamour”: il n'est pas aussi "mignon" que celui des dauphins et des petits pingouins de Punta de Choros [réserve nationale de pingouins au nord-ouest du pays menacée par un projet de centrale thermique].


C'est plus cool de manifester sur le Paseo Ahumada [une des artères principales de Santiago du Chili] pour la défense des pingouins et des dauphins que pour celle des Mapuches. Et ce n'est pas moi qui le dis, c'est le cortège promapuche, que je ne vois toujours pas défiler dans les rues de la capitale. Pour toutes ces raisons, il n'y a pas lieu de parler d'information muselée ou de complot antimapuche. Il n'en est rien. Cette histoire sans happy end n'intéresse simplement personne, contrairement à celle des mineurs [depuis le 5 août, 33 mineurs sont bloqués dans un puits du nord du pays] ou des pingouins. L'absence de visibilité médiatique des Mapuches ne date pas d'aujourd'hui. Elle est le fruit d'un long processus historique qui a poussé le plus emblématique de nos peuples indigènes à en être réduit à la violence et à l'illégalité. Et ce phénomène est désormais intégré par la société civile aux cheveux les plus clairs et aux noms de famille étrangers, qui ne cherche pas vraiment à le remettre en cause.


Et ce qui est intéressant ici, c'est que le mouvement sur Twitter, qui critique les médias pour leur couverture du conflit mapuche, se comporte en fait de la même manière que ces derniers, et – très probablement – pour les mêmes raisons.

Cette masse qui maîtrise les outils de communication et ne connaît pas les contraintes de l'audiovisuel n'a pas non plus fait grand chose hormis dénoncer, en 140 caractères, le silence ou l'indifférence des médias. Leurs phrases sont vigoureuses et leurs discours enflammés, mais, au-delà, rien n'est réellement comparable avec le caractère spectaculaire du mouvement anti-Barrancones [du nom du site choisi pour l'installation d'une centrale thermique]. Je parierais même que cet article comptabiliserait beaucoup plus de clics sur la Toile si la fenêtre affichait "Punta de Choros" au lieu de "Mapuches".

Franco Ferreira est journaliste à Television Nacional de Chile (TVN, chaîne nationale chilienne)

Salvador Allende: l'autre 11 septembre

Le 11 septembre 1973 Salvador Allende se suicide, semble-t-il, dans la palais présidentiel de la Moneda, bombardé par l’aviation chilienne aux ordres de la junte militaire commandée par le général Augusto Pinochet auteur du coup d’Etat qui renversa le gouvernement et instaura une dictature militaire.
Mais que reste-t-il aujourd’hui du président chilien, mis à part quelques photos ?
Diffusion sur Arte le 8 septembre à 20h40.

dimanche 5 septembre 2010

Le Chili appelle des grévistes de la faim à cesser leur action

Ce jeûne est coordonné et observé par 34 détenus dans plusieurs prisons du sud du pays, qui ont perdu entre 15 et 18 kg chacun. Trois d'entre eux ont dû être hospitalisés.
Le mouvement est destiné à exercer des pressions sur Piñera pour qu'il révise des lois datant de la dictature de 1973-1990 et qui définissent comme terroristes des détenus condamnés pour des crimes comme l'incendie de chargements de bois.
Les grévistes de la faim réclament l'annulation de leurs condamnations pour terrorisme.
"Je veux appeler tous ceux qui s'inquiètent pour la santé des manifestants à nous aider à faire cesser cette grève de la faim", a dit Piñera.
Son gouvernement, a-t-il ajouté, va introduire la semaine prochaine deux textes pour réformer la législation anti-terroriste et le système judiciaire militaire.
La loi actuelle prévoit des peines plus lourdes pour les crimes qualifiés de terroristes et leurs auteurs présumés peuvent être traduits devant des tribunaux militaires si les forces de sécurité sont concernées.
Les Mapuches, "le peuple de la terre", luttent depuis des années contre les autorités et des agriculteurs pour des terres ancestrales qu'ils ont perdu au début du XIXe siècle et ce conflit prend un tour de plus en plus violent.
Molly Rosbach, Grégory Blachier pour le service français

Chili: les amantes écartées de la mine

Les femmes de plusieurs mineurs piégés à 700 m sous terre depuis l'accident du 5 août ont vu surgir des concurrentes, se présentant comme les amantes des maris et demandant de leurs nouvelles, a expliqué Marta Flores, membre de la Croix-Rouge chilienne.
Les amantes "sont déjà rentrées chez elles et se sont calmées. Elles espèrent qu'ils vont sortir et résoudront leurs problèmes de jupons", a-t-elle déclaré . "Nous essayons de voir la réalité et de leur expliquer ceci: comme femme, si j'aime beaucoup un homme, je vais attendre qu'il résolve lui-même ses problèmes", a-t-elle ajouté.
Marta Flores a également dû faire face à l'arrivée de parents oubliés qui ont soudainement eu envie de renouer avec les mineurs en entendant parler des indemnisations qu'ils allaient recevoir à leur sortie. "Nous leur avons dit la même chose: qu'ils rentrent chez eux, car les mineurs sauront ce qu'ils doivent faire quand ils sortiront", a-t-elle précisé.
Les 33 mineurs, pris au piège par un éboulement, ne devraient pas sortir de la mine avant fin novembre ou début décembre, selon les autorités.

samedi 4 septembre 2010

Chili: le forage reprend, des plans B ou C s'échafaudent

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    L'excavateur T-130. Photo Héctor Aravena

Après la "Strata 950", la "T-130". Des applaudissements ont accueilli vendredi l'arrivée par camion d'une machine qui, à partir de dimanche, doit élargir de 12 à 30 cm un des conduits de 700 m ravitaillant les hommes au fond, pour y faire passer des objets plus grands.

Cette machine est moins puissante mais plus rapide que la "Strata", la foreuse monstre qui creuse depuis lundi soir le puits de secours de 702 m de long et 66 cm de large à terme, par lequel les mineurs devraient être extraits un à un.

A sa reprise dans la nuit de jeudi à vendredi, après un arrêt pour consolider les parois de roche, le forage avait avancé d'une quarantaine de mètres. Il lui en restait 660.

"Il paraît que (la deuxième foreuse) va être plus rapide à travers un conduit déjà percé, pour arriver" aux 33 hommes, a déclaré à l'AFP Rodrigo Castillo, un mineur du groupe gérant le site de San José, traduisant l'attente des proches.

Les secouristes ont clairement indiqué que la seconde machine, la T-130, servirait d'abord à élargir un conduit déjà foré et qu'ultérieurement, les ingénieurs examineraient la possibilité de l'élargir encore pour servir à un plan B de sauvetage.

Ce qui n'a pas empêché les familles des mineurs, avides de la moindre avancée, de la baptiser vendredi "machine de l'espoir".

Le président chilien Sebastian Piñera a révélé que les autorités avaient en outre "un troisième plan, qu'on a appelé un Plan C, à l'aide d'une foreuse pétrolière. Son installation nécessite une base grande comme un terrain de football et, avant le 18 septembre, elle doit commencer à forer" un nouveau puits.

"Bien sûr qu'il faut avoir un plan alternatif, deux, trois, quatre, autant qu'on peut", a commenté à San José l'ingénieur Miguel Fort.

"Il existe toujours un risque d'éboulement dans le puits en cours de percement", a expliqué l'ingénieur en chef, Andres Sougarret.

"Nous avons trois plans alternatifs, le plan A en cours, le plan B sur le point d'être lancé --il devrait fonctionner dimanche-- et le plan C en projet", a-t-il ajouté, sans laisser planer d'ambiguïté sur les délais.
"Le délai de trois à quatre mois pour le sauvetage reste valide", a-t-il dit.
Les avancées les plus concrètes, vendredi, restaient celle du confort et du quotidien des mineurs, par les étroits conduits existants.

Depuis dix jours, ils ont déjà reçu de la nourriture, des médicaments, un projecteur vidéo, un appareil MP3 pour écouter de la musique, des livres, des jeux, ou des chapelets bénis par le pape Benoît XVI. Un conduit d'eau potable doit suivre dans les prochains jours.

Un système de communication par fibre optique était installé vendredi. A partir du week-end, il devrait permettre aux mineurs de faire des visioconférences privées avec leur famille, a indiqué le ministre de la Santé Jaime Manalich.

Et mardi, grâce à ce même câble en fibre optique, ils pourront suivre en direct le match amical de football entre le Chili et l'Ukraine, "en même temps que tous les Chiliens", a annoncé M. Pinera.

"Et s'ils ne sont pas avec nous physiquement pour le bicentenaire (de l'indépendance du Chili le 18 septembre), ils y seront en esprit", a promis le président chilien.

Un mineur chilien attendu par sa femme... et sa maîtresse

Peu après la catastrophe, l'épouse de cet homme de 53 ans a découvert qu'elle n'était pas la seule à s'inquiéter pour lui. Une autre femme, sa maîtresse l'attend également.
Sans rancune, Matra Barrios est cependant prête à pardonner à son mari infidèle. "Il m'aime et je suis sa femme dévouée. J'ai toujours l'intention de l'accueillir les bras ouverts", confie-t-elle au New York Post. Mais c'est sans compter sur l'obstination de la maîtresse. Susanna n'est pas prête à renoncer à son amour. "Nous nous aimons. Je vais l'attendre", dit-elle bien décidée à évincer sa concurrente.
Coincé à 700 mètres sous la terre, Yonni a encore quelques semaines de répit avant d'affronter les foudres des femmes jalouses. La libération des mineurs chiliens n'est prévue que pour après Noël. (CB)

vendredi 3 septembre 2010

Une mine que tous voulaient quitter

Le 5 août, lorsque 33 mineurs ont été piégés à 700 mètres de profondeur, leurs familles ont poursuivi leurs activités quotidiennes comme si de rien n'était. Il était 14 heures. Jusqu'à 18 heures, les 150 000 habitants de Copiapó, ville du nord du pays, n'en ont rien su. La direction de la mine avait décidé de ne prévenir personne et n'avait même pas cru bon d'alerter les autorités. Entre-temps, la poussière aveuglait les mineurs piégés, comme le raconterait dix-sept jours plus tard Yonny Barrios à ses proches. Et toutes les issues étaient obstruées.
"Le cœur m'a manqué quand j'ai appris qu'ils avaient couru vers la cheminée pour essayer de remonter, mais qu'il n'y avait pas d'échelle", explique sa sœur Zuleyma Barrios. "Combien aurait coûté cette échelle? 500 dollars? Cela aurait suffi à sauver 33 personnes", s'indigne Eduardo Reinoso, l'avocat des 27 familles qui ont déposé plainte contre la direction de la compagnie minière San Esteban.
Les responsables de la mine ont attendu jusqu'à 20 heures pour signaler aux autorités ce qui se passait. Les familles ont dû attendre encore une heure de plus pour apprendre l'événement par le bouche à oreille. "Autrement dit, on a perdu six heures, rappelle Zuleyma Barrios. Un temps qu'on aurait pu consacrer à essayer de les sauver par tous les moyens." Le pire dans l'affaire, c'est que presque tous les mineurs aujourd'hui bloqués sous terre avaient prévu la catastrophe. Ils avaient tous dit un jour à leurs proches qu'il fallait quitter ce site rapidement. "Darío disait que la mine pleurait beaucoup, c'est l'expression qu'utilisent les mineurs pour parler des éboulements", raconte Yésica Chilla, compagne de Darío Segovia. Cet homme de 48 ans a eu trois enfants d'une précédente relation et trois filles de Yésica auxquelles il a donné son nom. "La veille, il m'a dit que la mine était sur le point de s'effondrer et qu'il n'aimerait pas être à son poste quand cela arriverait. Or nous avions besoin d'argent. Et il avait terminé son travail posté [une semaine de travail à douze heures par jour, suivie d'un jour de repos]. Mais on lui a proposé de faire des heures supplémentaires, ce qui ne se refuse jamais parce que c'est payé double. Ce jour-là, il allait gagner 90 000 pesos [140 euros]. Il voulait arrêter ce travail pour devenir chauffeur routier." Tous racontent une histoire analogue. Ils allaient quitter la mine dès qu'ils auraient gagné un peu d'argent, quelques billets de 1 000 pour rembourser leurs dettes, faire des travaux chez eux ou monter leur affaire, surmonter des moments difficiles, prendre leur retraite plus tranquillement. Beaucoup d'entre eux étaient des jeunes presque sans expérience dans le travail de la mine.
Dès qu'elles ont eu appris la nouvelle, les familles sont allées sur le lieu du drame et ont campé sur place, entre la chaleur accablante de la journée et le froid de la nuit. Ils allaient vivre dix-sept jours d'incertitude, d'impuissance, de tentatives de contact infructueuses, de formules lapidaires d'experts assurant qu'il était fort peu probable que les 33 mineurs soient encore en vie, étant donné que dans une mine les équipes se disséminent par les tunnels. Il y a même eu 3 mineurs, armés de leur pioche et de leur marteau, qui se sont dits prêts à descendre au fond, car ils connaissaient le chemin. Quand, enfin, le 22 août à 13 heures, un ouvrier est descendu en courant du haut de la mine vers le campement et s'est mis à crier : "Ils sont vivants ! Ils sont vivants !" Mais il n'y avait pas de confirmation officielle. "Les trente-trois avaient réussi à peindre en rouge le tuyau qu'on leur a fait descendre. Ainsi, en le récupérant, ceux d'en haut se rendraient compte qu'il contenait des messages", raconte Javier Castillo, secrétaire du seul syndicat de la compagnie minière San Esteban. "Le ministre des Mines s'est tu, il n'a rien voulu dire tant que le président [Sebastián Piñera] ne serait pas là pour ‘vendre' l'événement lui-même, ajoute Castillo. Mais un mineur a vendu la mèche et a fait foirer leur stratégie. Sans cela, l'incertitude et la souffrance des gens auraient duré deux heures de plus."
"Il n'est pas encore temps de reconnaître de fautes ni de demander pardon", a déclaré Alejandro Bohn, l'un des responsables de la mine. Et de préciser qu'une mine fermée ne pouvait pas dégager de bénéfices, et que par conséquent elle pourrait se déclarer en faillite. La centaine de mineurs de San José qui ont échappé à l'accident continuent de se présenter tous les jours à leur travail. Un autocar les conduit à travers le désert pendant une heure pour qu'ils aillent pointer. Après quoi ils passent les douze heures de leur travail posté à tourner en rond dans le campement, sans rien faire. A l'issue de ces douze heures, ils pointent une nouvelle fois, un autre autocar vient les chercher et une nouvelle équipe les remplace pour ne rien faire. "Oui, c'est absurde, reconnaît Dayana Donaire, la femme d'un mineur, mais ils ne peuvent pas faire autrement, parce que l'entreprise va chercher n'importe quel prétexte pour ne pas leur donner ce qu'elle leur doit. Et au bout de trois absences, ils seraient renvoyés et ne toucheraient rien."
Certains mineurs bloqués sous terre ne font pas mystère de leurs problèmes financiers : c'est parce qu'ils avaient besoin d'argent qu'ils sont venus travailler dans cette mine. Le conducteur d'engins lourds José Henríquez demande par écrit à ses filles qu'elles rentrent chez elles à Talca, à seize heures d'autocar de la mine, et qu'elles ne dépensent plus d'argent "là-haut". Dans le film que les mineurs ont eux-mêmes tourné, Yonny Barrios demande à sa compagne de dire à ses débiteurs qu'il va les rembourser. Carlos Bugueño, 27 ans, dans sa première lettre, écrit à sa mère pour lui demander de récupérer son sac à dos dans le vestiaire, parce qu'il contenait l'argent qu'il avait touché : 300 000 pesos (470 euros). Un salaire qui permet à une famille de 3 ou 4 personnes de vivre décemment au Chili. La mère de Carlos Bugueño lui a répondu qu'elle avait déjà déposé cet argent à la banque. Ce que son fils ne sait pas, c'est qu'outre les 300 000 pesos, ce sont 5 millions de pesos (7 850 euros) qui l'attendent. Il s'agit d'un don de l'exploitant minier Leonardo Farkas, destiné à chacun des 33 mineurs. Un autre exploitant qui l'accompagnait a donné 1 million de pesos, et un bienfaiteur anonyme, un autre million. Au total, Carlos Bugueño va trouver plus de 11 000 euros sur son compte... Et Farkas veut lancer une campagne afin de recueillir 1 million ou 2 millions de dollars pour chaque mineur. Des psychologues ont interdit aux familles d'aborder les questions d'argent avec les mineurs piégés. Mais déjà dans le campement, le ton monte entre épouses légitimes et maîtresses... Entre-temps, la vie des mineurs ne tient toujours qu'à un fil. Il ne sera pas facile du tout de les secourir sans que la mine ne recommence à pleurer.