jeudi 30 octobre 2014

SAVIEZ-VOUS QU’EN BOLIVIE… ?

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LES PARENTS DE 43 ÉLÈVES DISPARUS DEPUIS LE 26 SEPTEMBRE SE SONT RÉUNIS DIMANCHE À L'ÉCOLE NORMALE DE LEURS ENFANTS ONT ASSISTÉ AU SUD DU MEXIQUE. PHOTO ADRIANA ZEHBRAUSKAS POUR LE NEW YORK TIMES
Les 26 et 27 septembre 2014, quarante-trois étudiants
de la ville d’Iguala, dans l’Etat de Guerrero, à cent trente kilomètres de Mexico, protestaient contre des réformes éducatives d’inspiration néolibérale promues par le président Enrique Peña Nieto. Alors qu’ils se déplaçaient en autobus, ils ont été interceptés par la police municipale et emmenés vers une destination inconnue. Ensuite, ils ont vraisemblablement été livrés à un cartel de la drogue, à charge pour celui-ci de les exécuter et de dissimuler leurs dépouilles dans des fosses clandestines. Des tombes de ce genre, on ne cesse d’en découvrir ces dernières semaines, parfois pleines de corps démembrés ou brûlés. Recherchés par la justice, le maire, sa femme et le directeur de la sécurité publique d’Iguala ont pris la fuite.

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Depuis qu’il a ouvert aux multinationales le secteur de l’énergie (2), M. Peña Nieto est adulé par la presse d’affaires (3). La France lui a remis la grand-croix de la Légion d’honneur. Sera-t-il un jour interpellé par ses admirateurs sur la quasi-impunité dont bénéficient dans son pays les forces de police et les élus corrompus ? Mais les grands journaux occidentaux, les intellectuels médiatiques, Washington, Madrid et Paris ignorent peut-être quelles questions poser au président mexicain. Qu’ils imaginent alors celles qui auraient spontanément fusé de leurs cerveaux si le massacre des étudiants s’était déroulé en Equateur, à Cuba, au Venezuela. Ou dans cette Bolivie dont on chuchote qu’elle vient tout juste de réélire le président Morales.

(1) Passé de 60 à 58 ans pour les hommes et de 60 à 55 ans pour les femmes ayant eu trois enfants et plus.

(2) Lire John Mill Ackerman, « Le Mexique privatise son pétrole », Le Monde diplomatique, mars 2014.

(3) Le 28 juin 2013, un supplément du Financial Times était titré : « Le tigre aztèque commence à aiguiser ses griffes ». Cette opération d’affûtage était apparemment déjà conclue le 16 décembre suivant, puisque le Wall Street Journal salua alors, dans un éditorial, le « modèle mexicain ».


Serge Halimi

lundi 27 octobre 2014

AU BRÉSIL, LES MARCHÉS PLEURENT

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LES MARCHÉS PLEURENT 
Mme Dilma Rousseff a remporté l’élection présidentielle brésilienne, hier soir, avec 51,64 % des suffrages : une victoire relativement serrée pour celle que beaucoup annonçaient victorieuse dès le premier tour il y a encore quelques mois. Mais une victoire décisive néanmoins, et pas uniquement pour le Brésil.
Après un premier tour tumultueux, marqué par l’émergence inattendue de la candidature de Mme Marina Silva, soutenue par les écologistes, les églises évangéliques et les marchés (1), les Brésiliens étaient appelés à choisir entre deux personnalités radicalement opposées.

D'un côté, une ancienne militante marxiste, torturée sous la dictature (1964-1985) et candidate du Parti des travailleurs (PT, gauche), au pouvoir depuis la première élection de M. Luiz Inácio Lula da Silva, en 2002 (2).
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L'INTERROGATOIRE DE DILMA ROUSSEFF FACE À LA JUSTICE MILITAIRE, NOVEMBRE 1970. C’EST LE JOURNALISTE RICARDO AMARAL QUI A RETROUVÉ CE CLICHÉ DANS LES ARCHIVES DE LA POLICE MILITAIRE POUR LA PUBLIER DANS UNE BIOGRAPHIE « CE QUE LA VIE DEMANDE, C’EST DU COURAGE » – TITRE TIRÉ D’UNE PHRASE DU GRAND ÉCRIVAIN BRÉSILIEN GUIMARAES ROSA, QUE DILMA ROUSSEFF AVAIT CITÉ LORS DE SON DISCOURS D'INVESTITURE, LE 1ER JANVIER 2011.
De l’autre, M. Aécio Neves, un pur produit de l’élite brésilienne, élu « l’un des vingt-cinq hommes les plus sexy du Brésil » par la revue Istoe gente  (3). Candidat du très peu social-démocrate Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB), fils spirituel de l’ancien président Fernando Henrique Cardoso (1995-2002) responsable de l’ouverture du Brésil aux tempêtes financières (4), M. Neves incarnait, selon le New York Times, « le candidat le plus favorable aux marchés jamais apparu dans un pays en développement  (5) ». Pour le poste de ministre de l’économie, il avait d’ores et déjà désigné M. Arminio Fraga, président de la Banque centrale brésilienne entre 1999 et 2002 et directeur du fonds de pension Gávea. A chaque frémissement dans les sondages répondait donc un spasme boursier : à la hausse, si M. Neves progressait ; à la baisse, s’il reculait.

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AÉCIO NEVES. PHOTO YASUYOSHI CHIBA 
En dépit d’une campagne de presse d’une violence rare (marquée par les accusations de corruption lancées par le magazine Veja jusqu’à la veille du scrutin (6)), de résultats économiques décevants (croissance faible et retour des déséquilibres des comptes externes (7)) et de manifestations massives en juin 2013 (8), les Brésiliens ont donc choisi de maintenir au pouvoir un parti qu’ils associent à l’intervention de l’Etat dans l’économie, à la réduction de la pauvreté et au succès de programmes sociaux tels que la « Bourse famille » ou Bolsa familia (qui, paradoxalement, se contente de rassembler et d’étendre d’autres programmes inaugurés par M. Cardoso (9)).

Cruciale sur le plan intérieur — ne serait-ce que parce M. Neves menaçait de « rendre son indépendance » à la banque centrale du pays —, le scrutin l’était également sur le plan régional : « La perspective d’une défaite de la présidente Dilma Rousseff au second tour suscite une préoccupation profonde parmi ses alliés de la région, particulièrement le Venezuela et l’Argentine », se réjouissait O Globo il y a une semaine (10). Bien qu’en retrait politique par rapport aux gouvernements les plus radicaux d’Amérique latine, le Brésil en facilita les réussites en raison de son attitude bienveillante, qualifiée de « patience stratégique » à Brasília.

Grâce aux Brésiliens, la gauche latino-américaine dispose donc d’un contexte géopolitique moins défavorable pour tenter de remédier à ses difficultés économiques. Saura-t-elle en profiter ?

(1) Lire Lamia Oualalou, « Les évangélistes à la conquête du Brésil », Le Monde diplomatique, octobre 2014.

(2) Lire notre Manière de voir « Là où le Brésil va », octobre-novembre 2010.

(3) Cité par Nicolas Bourcier, « Aécio Neves, l’héritier », Le Monde, 23 octobre 2014.

(4) Lire Renaud Lambert, « Le Brésil, ce géant entravé », Le Monde diplomatique, juin 2009.

(5) James B. Stewart, « Investors back Brazil’s challenger », International New York Times, 25 et 26 octobre 2014.

(6) Lire Carla Luciana Silva « “Veja”, le magazine qui compte au Brésil », Le Monde diplomatique, décembre 2012.

(7) « Desastre nas contas externas », éditorial de O Estado de S. Paulo, 25 octobre 2014.

(8) Lire Janette Habel, « Un pays retrouve le chemin de la rue », Le Monde diplomatique, juillet 2013.

(9) Lire Geisa Maria Rocha, « Bourse et favelas plébiscitent “Lula” », Le Monde diplomatique, septembre 2010.

URUGUAY: TABARÉ VAZQUEZ AFFRONTERA LACALLE POU AU SECOND TOUR

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LE CANDIDAT DU PARTI NATIONAL, LUIS LACALLE POU. PHOTO PABLO PORCIUNCULA
Pedro Bordaberry, candidat du Parti Colorado (conservateur), arriverait troisième avec 14% des suffrages, tandis que le petit Parti indépendant (gauche) récolterait 3% des suffrages.

Selon la loi, le président actuel, l'ex-guérillero «Pepe» Mujica, célèbre dans le monde entier pour son style de vie austère et son discours anti-consumériste, ne pouvait pas se présenter à un second mandat consécutif.

Alors que le scrutin de dimanche visait aussi à désigner les 30 sénateurs et 99 députés du Parlement, le Frente Amplio, coalition de gauche au pouvoir depuis 2005, perdrait la majorité parlementaire qui lui a permis durant la dernière décennie d'approuver des lois novatrices comme la légalisation de l'avortement, le mariage homosexuel ou la régulation de la production et de la vente du cannabis.

Enfin, sur le référendum également organisé ce dimanche pour abaisser à 16 ans l'âge de la responsabilité pénale pour les délits les plus graves, aucune tendance n'était encore disponible en milieu de soirée.

Ce référendum avait été promu par le Parti Colorado, alors que la sécurité a été un thème majeur de ces élections, même si l'Uruguay est le pays le sûr d'Amérique latine.

DILMA ROUSSEFF RÉÉLUE PRÉSIDENTE DU BRÉSIL

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DILMA ROUSSEFF DU PARTI DES TRAVAILLEURS (PT) A ÉTÉ RÉÉLUE AVEC 51,52% DES SUFFRAGES.
PHOTO STRINGER/BRAZIL/REUTERS 
Comme prévu, la présidente l'a largement emportée dans les régions pauvres du Nord-Est. Mais si elle a largement perdu dans l'Etat de Sao Paulo, fief du PSDB, elle a remporté une large victoire dans les deux grands Etats de Rio et de Minas Gerais, - le bastion de M. Neves - dans le sud sud-est industrialisé.   

Le candidat de centre-droit promettait, sans toucher aux programmes sociaux populaires de la gauche, des réformes libérales « à l'européenne » pour « libérer » la croissance brésilienne en panne et lutter contre l'inflation et la corruption qui fragilisent le pays.   


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DILMA ROUSSEFF ET L'ANCIEN LUIZ INACIO LULA DA SILVA. PHOTO  UESLEI MARCELINO  

Tirant les leçons de cette courte victoire, Dilma Rousseff a immédiatement prononcé un discours d'apaisement et appelé au dialogue avec ses adversaires. « Le dialogue, c'est le premier engagement de mon nouveau mandat », a lancé Dilma Rousseff à Brasilia devant ses partisans en liesse, promettant d'être « une bien meilleure présidente que jusqu'à présent ». La présidente de la 6e puissance économique mondiale s'est aussi engagée à mener une profonde réforme politique et à renforcer la lutte contre la corruption.   

vendredi 24 octobre 2014

AU CHILI, LA LUTTE DES INDIENS MAPUCHES POUR RÉCUPÉRER LEURS TERRES

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141 COMMUNAUTÉS ONT APPELÉ À MANIFESTER LE 1ER SEPTEMBRE À TEMUCO POUR DÉNONCER LA LENTEUR DU PROCESSUS DE RESTITUTION DES TERRES ORCHESTRÉ PAR LA CONADI. PHOTO  PAISMAPUCHE
Victime de répression policière et d’un manque de considération de l’Etat, la communauté Mapuche lutte pour la récupération de son territoire. Le conflit s’enferre chaque jour un peu plus dans la violence.


Une attaque à main armée chez un grand propriétaire, le camion d’une entreprise d’exploitation forestière incendié, une tentative de vol de bétail s’achevant en bataille rangée avec les policiers… Trois attaques en autant de jours à la fin août.

Rien d’anormal ici. En Araucanie, la violence fait partie du quotidien. Cette vaste région du centre Chili, l’une des plus pauvres du pays, est le théâtre d’un conflit multiséculaire.

Les Indiens « mapu-che » (« gens de la terre ») réclament la restitution de leurs sols et la fin de la répression dont ils font l’objet. A 700 km au nord, dire que le sujet ne passionne pas les différents pensionnaires de La Moneda, le palais présidentiel, relève de l’euphémisme. En réaction, une partie de la communauté mapuche (1) se radicalise. C’est pourquoi la région connaît une escalade de violences sans précédent.

« Depuis cinq ans, on assiste à une explosion continue du conflit et dernièrement ça se durcit sérieusement », s’alarme Luis Felipe Romero, président de l’Association des victimes de violence rurale (Avvru), opposée aux revendications de la communauté mapuche.

L’institut privé MGA, soutenu par les principales entreprises de la région, fait état d’une augmentation des violences (incendies, attentats explosifs et occupations illégales) de près de 50 % entre janvier 2010 et juin 2014. Des chiffres fournis par l’Etat lui-même. Contacté par Reporterre, le ministère de l’Intérieur n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet.

« Nous savons que plusieurs communautés utilisent la violence comme moyen de pression. Aujourd’hui, 153 personnes bénéficient de la protection personnelle offerte par l’Etat. Sans cela, la situation serait encore pire », poursuit M. Romero, qui est avocat. Cet homme au costume bleu cobalt assure la défense d’environ 1 200 personnes. Parmi elles, se trouvent des transporteurs, ingénieurs, machinistes agricoles ou encore grands propriétaires terriens.

Rendre la terre prise à la communauté mapuche ? Il n’en est pas question, pour Luis Felipe Romero. « Ce qui se passerait : une baisse importante de la productivité et un appauvrissement de la région. Personne n’en veut. Et puis, que va-t-on faire des personnes installées ici depuis plusieurs générations ? Le droit de propriété existe. Le Mapuche se pensent au-dessus de la loi en effectuant cette demande. »


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- LUIS FELIPE ROMERO. -

Terres usurpées

Pour l’historien chilien Martin Correa, la situation est bien plus nuancée : « Les colons ont reçu des terres qui ont été prises aux Mapuches ». À la fin du XIXe siècle, l’État chilien a en effet proposé aux Européens en quête d’exil – Allemands et Suisses, principalement – de peupler les cinq millions d’hectares « vides » de l’Araucanie.

Au préalable, la guerre dite de « Pacification » (1861-1883) avait achevé d’écraser les foyers de la résistance mapuche, alors territoire indépendant. Les autochtones ont donc dû se contenter des miettes laissées par l’Etat central, le plus souvent dans des conditions de pauvreté extrême.

Afin de trouver une alternative au conflit, le gouvernement avait opté en 1993 pour la création d’une instance de médiation. La Corporation nationale pour le développement des indigènes (Conadi) devait jouer les intermédiaires dans la vente de terres entre les deux parties.

La Conadi nous assure que depuis 1994, 278.000 hectares ont été restituées dans l’ensemble du pays, dont 16.000 en Araucanie. Une goutte d’eau au regard de l’usurpation effectuée cent ans auparavant.

Une instance de médiation corrompue

Figure incontournable, l’institution se voit aujourd’hui critiquée pour la lenteur du processus d’acquisition des surfaces foncières. Sans oublier le coût, jugé prohibitif, de revente des terres aux paysans mapuches. 141 communautés ont manifesté le 1er septembre dans les rues de Temuco pour dénoncer les lourdeurs bureaucratiques de la Corporation.

Pour ne rien arranger, la Conadi se serait convertie en véritable panier de crabes. Un système de corruption généralisée y aurait été organisé jusqu’à son plus haut sommet. Une enquête a été ouverte, fin mai, pour fraudes et trafic d’influence. Les faits se seraient déroulés entre 2011 et 2013, sous la mandature du président Sebastián Piñera.

Le retour de Michelle Bachelet aux commandes du pays, en mars dernier, n’a pas sorti la région de l’impasse. Son inaction constitue un moindre mal selon certains dirigeants mapuches. Le premier passage de l’unique présidente de gauche depuis le retrait du pouvoir du général Pinochet (1973-1990) leur avait laissé un goût amer.

A l’époque (2006-2010), la socialiste avait contribué à la détérioration de la situation poursuivant la politique répressive des gouvernements précédents. A ce sujet, Santiago avait été dans le collimateur de plusieurs instances internationales pour « criminalisation » du mouvement indigène. Fin juillet, la Cour interaméricaine des Droits de l’Homme a condamné l’utilisation de la loi antiterroriste à l’encontre de plusieurs prisonniers mapuches. La sentence n’a pourtant pas atténué le harcèlement policier.

Le déploiement des forces de l’ordre est à la hauteur des enjeux financiers présents sur ce territoire. L’industrie forestière, hydroélectrique, thermoélectrique sans oublier l’agriculture intensive constituent les piliers de l’économie locale. Pas question pour ses détenteurs de modifier l’équilibre en vigueur.

La situation « risque d’exploser »

« On est envahis d’entreprises nationales et transnationales ici. Ils occupent nos terres, les polluent, dégradent l’environnement et nous devons nous taire ? », s’insurge de son côté José Santos Millao.

Depuis les hauteurs de la commune de Purén, au nord de l’Araucanie, ce révolutionnaire autoproclamé se souvient avoir vu débarquer l’industrie forestière aux portes de sa communauté. Le paysage écorché porte les plaies de cette activité.

- JOSÉ SANTOS MILLAO.-

«La faune et la flore s’appauvrissent. Le remplacement de nos forêts millénaires par la monoculture d’eucalyptus et de pins assèche nos terres. Nos enfants n’ont plus de moyen pour subsister et doivent partir. »

Béret vissé sur sa crinière noir corbeau, José Santos Millao appuie toute forme de récupération du sol. Comme nombre de dirigeants radicaux, il soutient les familles bien décidées à s’installer sur des terres appartenant auparavant à leur communauté. Ces actions de « reconquête » provoquent le plus souvent des affrontements. Mais la « reconquête » n’est qu’une riposte, dit l’intéressé.

« Ce sont eux les agresseurs. Le moins que l’on puisse faire, c’est de vivre debout, avec nos convictions. » Quitte à s’enfoncer toujours plus dans la violence. « La situation risque d’exploser bientôt en se généralisant. Nous ne reculerons plus », ajoute cet ancien prisonnier politique durant la dictature de Pinochet.

Sur le chemin de l’autodétermination

À l’image d’Aucán Huilcamán, d’autres leaders proposent d’aller au-delà d’une simple reprise foncière. Le porte-parole du Conseil de toutes les terres plaide pour l’autodétermination de son peuple. « Nous souhaitons installer un gouvernement en accord avec le droit international, relatif aux situations postcoloniales », assure-t-il.

- COMME AUCÁN HUILCAMÁN. - 

M. Huilcamán, qui a été candidat à la présidentielle chilienne de 2006, espère mener à bien son projet d’ici les cinq prochaines années. A entendre cet ancien collaborateur des Nations unies, la dynamique est déjà enclenchée. Il affirme avoir débuté les discussions avec La Moneda et le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères.

« On travaille à la sensibilisation de la communauté pour que bientôt nous puissions nous doter d’un statut à part et d’un système politique nous permettant de décider du futur de chaque Mapuche.»

Intégration ou tradition ? Légalisme ou autodétermination ? Caillou dans la chaussure du Mapuche, la communauté ne dispose pas d’instance représentative à même de porter d’une même voix un seul et unique message. Sans projet commun ni capacité à dialoguer, la situation devrait encore perdurer.

Note

(1) Le nombre de Mapuches est estimé à environ 1,5 million de personnes sur une population de 17,5 millions de Chiliens. Cette communauté constitue 87 % des huit peuples indigènes du pays. Il existe également des Argentins mapuches.

Source : Alan Loquet pour Reporterre


mercredi 22 octobre 2014

ÉTATS-UNIS : «THE NEW YORK TIMES » APPLAUDIT LE RÔLE DE CUBA DANS LA LUTTE ANTI-EBOLA

DESSIN D'AREND, PAYS-BAS.

Un exemple à suivre

Certes, la contribution cubaine est en partie destinée à « améliorer le standing international de l'île », souligne le quotidien, mais elle n'en demeure pas moins « un exemple à suivre ». 

Pour le journal américain, la panique mondiale autour d'Ebola n'a pas provoqué de réponse adéquate de la part des nations qui auraient le plus à offrir. Alors que les Etats-Unis et les autres pays riches se sont contentés d'apporter des fonds, « seuls Cuba et une poignée d'ONG viennent fournir ce dont les pays d'Afrique de l'Ouest ont le plus besoin : des professionnels de santé sur le terrain ». Le quotidien souligne même la grande qualité des équipes de santé cubaines, le courage de ses médecins, mais aussi le fait qu'ils soient « particulièrement bien préparés à effectuer ce genre de mission ». 

Face à l'urgence, oublier les tensions

En revanche, ce que regrette le plus The New York Times, c'est le manque de coordination entre les Etats-Unis et Cuba sur le front sanitaire. « Il est profondément regrettable que le principal pays donateur dans la lutte contre Ebola soit aussi diplomatiquement coupé du premier pays contributeur sur le terrain ». D'autant que dans ce cas, c'est une question de vie ou de mort, souligne l'éditorial. Cela devrait servir de déclic au gouvernement Obama « et le pousser à restaurer les relations diplomatiques avec Cuba ».

Et le quotidien de conclure : « Dans une récente tribune publiée dans le journal officiel cubain Granma, Fidel Castro explique que les Etats-Unis et Cuba doivent mettre de côté leurs différences, ne serait-ce que temporairement, pour lutter contre ce fléau mortel. Il a absolument raison ».

lundi 20 octobre 2014

ELLE FUT TORTURÉE SOUS PINOCHET


En 1968, elle entre en politique

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ROSA GUTIÉRREZ SILVA QUAND ELLE
PRÉSIDAIT LE CONSEIL DES ÉLÈVES.
À partir de ce moment, alors qu’elle n’a pas 10 ans, elle se met à lire beaucoup d’articles sur la politique. À 13 ans, elle entre chez les Jeunesses communistes. « Nous habitions à côté du siège du Parti socialiste et du Parti communiste… » Rosa Gutiérrez Silva, avec le recul, se décrit plus comme allendiste que communiste. En 1970, Salvador Allende arrive au pouvoir. Son gouvernement se nomme l’Unité populaire. « C’était l’unique moment où des Chiliens de la base ont participé au gouvernement d’un pays. On pouvait être fils d’ouvrier et aller à l’université », raconte Rosa Gutiérrez Silva. Pendant sa semaine, la Chilienne étudie au lycée de Valparaiso. Et le week-end : « On participait à des chantiers volontaires. On allait construire des maisons pour aider les gens. On était convaincu qu’on faisait le bien. On soutenait le gouvernement. » À cette période, Rosa Gutiérrez Silva devient une dirigeante des Jeunesses communistes et préside le conseil des élèves de son lycée de filles. Pour 1974, le Parti communiste chilien lui prévoit une année en URSS et en RDA (ex-Allemagne de l’Est). « J’allais étudier le marxisme-léninisme et le matérialisme dialectique », souligne la Chilienne. Et pour 1975, les communistes veulent qu’elle étudie le droit et la médecine.

Torturée deux fois
          
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COUVERTURE  DU LIVRE TÉMOIGNAGE
Mais le 11 septembre 1973. Tout s’effondre. Les premiers jours suivant le coup d’État, les militaires l’interrogent. Mais sans violence. Fin septembre : « Dans la nuit, mon père est venu me réveiller, il m’a dit : “Rosita, on te cherche”. » Sur le pas de la porte, des hommes ont le visage grimé de noir. Ils emmènent la jeune militante à l’Académie de guerre. Là-bas, on la torture à coups de bâton, en lui appliquant la “gégène” (torture par l’électricité). Les conditions de détention sont épouvantables. On lui demande des renseignements sur le nombre de communistes, qui et où ils sont. Mais elle ne parle pas. Elle reste à l’Académie de guerre pendant dix jours. En décembre 1973, rebelote. « Ils nous ont rassemblés dans la cour et nous ont demandé de tourner en rond. Puis ils nous ont jeté des armes, ceux qui savaient les réceptionner étaient battus », explique Rosa Gutiérrez Silva.

Fuite en Argentine

En août 1974, des militaires viennent la menacer, soit elle donne des informations sur la position de ses camarades en fuite, soit elle repasse à la torture. La militante part pour l’Argentine avec son premier mari, le 5 septembre 1974.

Dans ce pays, elle devient infirmière et épidémiologiste. Alors qu’une junte militaire d’extrême droite est au pouvoir de 1976 à 1983, elle parvient à s’en sortir. Elle reste en Argentine jusqu’en 2002, date à laquelle elle rejoint son nouveau compagnon en France, à Sassangy.

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MICHELLE BACHELET, PRÉSIDENTE DU CHILI,
A ACHETÉ LE LIVRE LORS DE SA SORTIE. PHOTO T. A.
Au début des années 2010, Rosa Gutiérrez Silva et plusieurs de ses camarades de lutte ont écrit le livre Nous étions lycéennes en septembre 1973 , (Éramos liceanas en septiembre del 73) , en espagnol. Ce livre d’entretiens et de témoignages revient sur les premiers mois de la dictature chilienne : à savoir la répression d’adolescentes et de mineures. Cet ouvrage a obtenu le Prix de la mémoire 2012 du ministère de la Culture du Chili. En septembre 2013, Rosa Gutiérrez Silva a témoigné à la télévision chilienne pour les 40 ans de l’arrivée au pouvoir d’Augusto Pinochet.


Toujours militante

Même si cette époque peut sembler loin, Rosa Gutiérrez Silva n’a pas abandonné le militantisme. Elle participe à la Croix du Sud, une association qui mène des actions humanitaires en faveur des Indiens d’Amérique du Sud. Elle suit toujours le mouvement des mères de la place de Mai, en Argentine, mouvement de femmes qui recherchent la progéniture de leurs enfants, militants de gauche pour la plupart, tués sous la junte militaire.

dimanche 19 octobre 2014

CUBA VA COOPÉRER AVEC LES ETATS-UNIS DANS LA LUTTE CONTRE LE VIRUS EBOLA

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PHOTO ALEX CASTRO
Le leader révolutionnaire cubain Fidel Castro a déclaré que Cuba coopérerait avec les États-Unis dans la lutte contre le virus Ebola. C’est ce qu’il a déclaré dans une interview accordée aux médias locaux.
Castro a déclaré que la coopération serait une tentative pour instaurer la paix dans le monde entier.
La plus grande solidarité qu’un homme peut montrer, s’est le « sauvetage de la vie de quelqu'un d'autre au prix de sa propre vie », a indiqué Castro, en commentant l'envoi du premier groupe de médecins cubains volontaires en Sierra Leone.

EBOLA : JOHN KERRY REMERCIE CUBA

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JOHN KERRY . PHOTO AFP
Le secrétaire d'État américain John Kerry a adressé aujourd'hui de très rare remerciements à Cuba pour son aide dans la lutte internationale contre le virus Ebola, les deux pays ayant depuis un demi-siècle des relations exécrables.
Le chef de la diplomatie américaine s'exprimait au département d'État devant le corps diplomatique étranger de Washington pour lancer un nouvel appel à la mobilisation mondiale contre l'épidémie. "Nous voyons déjà des nations petites et grandes accélérant de manière impressionnante leurs contributions sur la ligne de front" contre Ebola, a lancé John Kerry. "Cuba, un pays d'à peine 11 millions d'habitants, a dépêché 165 professionnels de santé et prévoit d'en envoyer près de 300 de plus", a souligné le secrétaire d'Etat.

"Nous voulons remercier la France pour s'être engagée à hauteur de 70 millions d'euros (et) pour leur réponse en Guinée où ils ont endossé une responsabilité particulière. Nous voulons remercier le Royaume-Uni pour des unités de traitement en Sierra Leone, et l'Allemagne qui a dopé ses efforts de manière significative", a encore dit John Kerry. "Le fait est que nous n'avons pas commencé encore à répondre totalement au défi qui est à portée de main", a toutefois critiqué John Kerry.

CUBA DONNE L'EXEMPLE DANS LA LUTTE CONTRE EBOLA

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Cette initiative est largement saluée par l'Organisation des Nations unies (ONU), par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et par plusieurs associations humanitaires, à l'heure où les grandes nations se contentent de contributions financières et de mesures de protection aux frontières. Sur le terrain, elles laissent les humanitaires et les agences onusiennes tenter de juguler l'épidémie, à l'exception notable des Etats-Unis, qui ont dépêché sur place une aide militaire d'envergure (quatre mille soldats prévus).

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Rompant avec l'habituel ton peu amène envers Cuba, le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, a lui-même adressé vendredi des remerciements à La Havane pour son aide dans la lutte internationale contre le virus.

Selon le dernier bilan de l'OMS, la fièvre hémorragique a fait 4 555 morts sur 9 216 cas enregistrés dans sept pays (Liberia, Sierra Leone, Guinée, Nigeria, Sénégal, Espagne et Etats-Unis), et l'organisation onusienne craint une envolée du nombre de contaminations.

jeudi 16 octobre 2014

QUE DEVIENNENT LES TRENTE-TROIS MINEURS DE COPIAPO ?

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CHILI: QUE DEVIENNENT LES TRENTE-TROIS MINEURS DE COPIAPO?,  PAR GILBERT CHEVALIER,  CHEZ FRANCE INTFO, DANS  L'ÉMISSION «ILS ONT FAIT L'ACTU»  DU MERCREDI 15 OCTOBRE 2014
DURÉE: 00:02:56




Leur vie n'a pas beaucoup changé
Quatorze d'entre eux reçoivent aujourd'hui une pension à vie d'environ 500 euros, c'est à dire deux fois le salaire minimum chilien, mais très loin de ce qu'ils touchaient quand ils travaillaient au fond de la mine. Cette pension a été attribuée aux plus de cinquante ans ainsi qu'à ceux qui souffrent de séquelles physiques et psychologiques.

La plupart des autres ont retrouvé du travail, ou ont créé leur petite entreprise mais rien de bien mirobolant. Il y a bien eu également ce milliardaire de Copiapo, Leonardo Farkas, qui a donné à chacun d'eux l'équivalent de 7.500 euros... Mais encore une fois leur vie n'a guère changé dans ce coin du désert de l'Atacama : la plupart continue à vivre dans les mêmes baraquements qu'avant l'accident. Enfin, en ce qui concerne l'action en justice engagée par les mineurs il y a un an, les magistrats ont classé la plainte au pénal contre les propriétaires du site. "On nous a enterrés une seconde fois", réagissent alors les mineurs, dépités.

Super Mario essaie d'entretenir la flamme

Super Mario, c'est Mario Sepulveda, le plus charismatique des trente trois. En tout cas celui que l'on a le plus vu dans les médias. Tres vite sa personnalité avait émergé du lot. C'est lui qui aujourd'hui, vaille que vaille, tente d'entretenir la flamme encore un peu. Pour que l'on ne les oublie pas.
Le Chili semble de moins en moins s'intéresser à eux

Même s'il y a tous les ans au mois d'août à Copiapo une cérémonie qui rappelle l'effondrement de la mine. Même si en juin dernier pendant la Coupe du monde de football, la banque du Chili sponsor de l'équipe nationale a fait appel à eux pour une pub sur le thème "Rien n'est impossible pour les Chiliens". Il y a maintenant des rumeurs sur fond de jalousie à propos de l'argent qu'ils auraient gagné. Et sur les invitations, les conférences lucratives, les voyages.



Certains rappellent également que cette région du désert de l'Atacama est très pauvre et que beaucoup d'autres mineurs perdent leur emploi ou sont victimes d'accident sans pourtant obtenir quoi que ce soit. Lundi soir, une chaine nationale chilienne diffusait un reportage sur les tensions qui naîtraient dans le goupe à cause des droits à percevoir pour le livre et le film qui doivent sortir en 2015. Quatre ans après avoir retrouvé la lumière, les héros semblent un peu fatigués.

lundi 13 octobre 2014

« PRIX NOBEL » D’ÉCONOMIE : DES COCORICOS DÉPLACÉS


JEAN TIROLE 
C’est ainsi que Jean Tirole, dont on peut penser que le nouveau ministre de l’économie Emmanuel Macron est un admirateur fervent, propose une réforme du marché du travail, dont l’une des mesures doit être d’alléger le code du travail et, en particulier, de supprimer les contrats à durée indéterminés (CDI).

Ce n’est pas tout : Jean Tirole est depuis longtemps un fervent partisan d’un marché mondial des permis d’émission de gaz à effet de serre. Le prix et la concurrence seraient ainsi les principaux instruments mobilisés pour limiter les émissions. Pourtant le marché européen du carbone est un échec retentissant en même temps qu’un nouveau théâtre de spéculation !

Dans le domaine de la finance, Tirole s’est illustré par une approche – fondée sur la théorie des jeux et de l’information – selon laquelle la stabilité des marchés peut être obtenue par la transparence de l’information et la concurrence sur les marchés.Ignorant le caractère fondamentalement instable des marchés, Jean Tirole a cautionné les politiques de dérégulation financière et encouragé les autorités de régulation à négliger la nécessité d’une régulation globale de la finance.

Le caractère global et systémique de la crise a montré qu’il s’agissait là d’une erreur tragique… démontrant par là le caractère inadapté et dangereux des analyses de Jean Tirole et du courant de pensée qu’il représente : un néolibéralisme dogmatique pour lequel la fonction économique essentielle de l’État est d’étendre la logique des marchés à l’ensemble des domaines de la vie sociale.

CUBA : LE « NEW YORK TIMES » PERSISTE ET SIGNE SUR LA LEVÉE DE L'EMBARGO

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LE GESTE ÉTAIT TOTALEMENT INATTENDU. MARDI, EN MARGE DE L'HOMMAGE OFFICIEL À NELSON MANDELA À SOWETO, BARACK OBAMA A SERRÉ LA MAIN DE SON HOMOLOGUE CUBAIN RAUL CASTRO. CET INSTANT HISTORIQUE S'EST DÉROULÉ JUSTE AVANT QUE LE PRÉSIDENT AMÉRICAIN MONTE À LA TRIBUNE ET RENDE HOMMAGE AU DÉFUNT.
BARACK OBAMA SERRE LA MAIN AU PRÉSIDENT CUBAIN RAUL CASTRO PENDANT LA CÉRÉMONIE COMMÉMORATIVE POUR NELSON MANDELA. PHOTO CHIP SOMODEVILLA 


 À la lumière des conflits dans le monde, la présence de Cuba sur la liste américaine des quatre pays finançant le terrorisme – aux côtés de l’Iran, du Soudan et de la Syrie - a-t-elle un sens ? Pas pour les éditorialistes du quotidien new-yorkais.

« Cuba a été placée sur cette liste en 1982 alors qu’elle finançait des groupes terroristes en Amérique latine. Ce n’est plus le cas. Des officiels américains ont même reconnu que La Havane avait joué un rôle constructif dans le conflit colombien en accueillant les pourparlers de paix entre Bogota et les dirigeants de la guerilla. […] Barack Obama y gagnerait à bien regarder Cuba [sur une carte], car un changement majeur de ses relations pourrait apporter un certain succès à la politique étrangère menée par les États-Unis. »

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BARACK OBAMA, RAUL CASTRO ET DILMA ROUSSEFF . PHOTO CHIP SOMODEVILLA 


Des pertes estimées à plus de 116 milliards de dollars

Et le « New York Times » de démontrer en plusieurs points qu’un changement de politique entre Cuba et les États-Unis est « politiquement faisable, afin de rétablir des relations diplomatiques formelles et de démanteler l’embargo absurde ».

Le régime Castro – tout comme les Nations unies – n’ont eu de cesse de dénoncer cet embargo qui « isole du monde le Cubain ordinaire ». Il aurait causé à l'économie de l'île communiste des pertes estimées à plus de 116 milliards de dollars, selon un chiffre donné en septembre 2014 par le gouvernement cubain. Les pertes ne sont pas seulement économiques, elles pénalisent surtout les tentatives de libéralisation initiées par le gouvernement communiste.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Raul Castro en 2008, une brise de liberté frémit sur l’île caribéenne. Les habitants sont désormais autorisés à prendre un emploi dans le secteur privé et à devenir propriétaire. Au printemps dernier, les députés cubains ont, en outre, voté une loi encourageant les investissements étrangers dans le pays. Ainsi, le Brésil a aidé l’île à financer la construction d’un port, un projet viable seulement si les sanctions américaines sont levées…

L’ouverture de Cuba n’est pas que financière mais aussi politique. Le régime autoritaire a ainsi libéré des prisonniers politiques détenus depuis plusieurs années. Les restrictions de voyage ont de plus été assouplies, permettant à des dissidents de se rendre à l’étranger, rappelle le « New York Times ».

« Ces changements prouvent que Cuba se positionne dans une ère post-embargo », affirme le quotidien. Fin décembre 2013, Raul Castro s’est d’ailleurs déclaré prêt à dialoguer avec les États-Unis si l'indépendance et le système politique de l'île étaient respectés. Des propos tenus quelques jours après une poignée de main historique avec Barack Obama, lors des funérailles de Nelson Mandela.

Un changement de génération


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POIGNÉE DE MAIN HISTORIQUE ENTRE BARACK OBAMA
ET RAUL CASTRO. 
PHOTO
CHIP SOMODEVILLA 
Et le « New York Times », qui n'en est pas à son premier éditorial pour la levée de l'embargo, n’est pas seul à penser ainsi. « La génération qui a supporté inflexiblement est en train de s'éteindre ». En atteste un récent sondage, selon lequel 56 % des Américains seraient favorables à une normalisation des relations avec l’île que Washington traite en paria depuis les années 1960.

Plusieurs gestes ont été faits en ce sens par l’administration Obama. En 2009, des lois ont facilité les voyages des Cubains résidant aux États-Unis vers leur pays natal ainsi que l’envoi de vivres à leurs proches sur place. Il a en outre autorisé les visites d'ordre culturel ou sportif, et plusieurs nouveaux aéroports américains, en plus de celui de Miami, opèrent des vols vers Cuba.

Mettre totalement fin à l’embargo nécessitera l’accord du Congrès. Et c’est là où le bât blesse… « À chaque fois que quelque chose concernant Cuba veut être entrepris, il y a toujours une ferme opposition de quelques membres du Congrès. Ce n’est jamais le bon moment », a confié à Reuters un officiel américain, souhaitant garder l'anonymat.

En attendant, le « New York Times » rappelle que « la Maison Blanche peut faire bien plus sans l’aval du Congrès. Par exemple, autoriser les Américains à financer les entreprises privées cubaines ou étendre les autorisations de voyage vers l’île ». Car n’est pas Beyoncé et Jay-Z qui veut. Contrairement au couple star venu célébrer en avril 2013 leur anniversaire de mariage sur l’île, les Américains ont toujours l’interdiction de s’y rendre.

« Au regard des nombreuses crises à travers le monde, Barack Obama doit – et il devrait voir [dans la normalisation des relations avec La Havane, NDLR] cela comme une opportunité de marquer l’Histoire. »