vendredi 28 novembre 2014

CAMPAGNE ANTI-AVORTEMENT DANS LES RUES DE SANTIAGO AU CHILI

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L’opération a débuté après que la proposition de loi sur l’avortement pour raison de non-viabilité du fœtus, de risque pour la vie de la mère et pour viol ait été discuté à la Chambre des députés du Chili, le 11 Novembre.

« Vous ne pouvez pas parler d’avortement sans savoir exactement de quoi on est entrain de parler», dit le mouvement sur son site Internet. Il assure que «cette initiative fait partie d’une campagne d’éducation publique sur la réalité de l’avortement. Par des graphiques et explications explicites, elle cherche à éliminer les concepts abstraits et montrer la réalité cachée » .

 « Nos photos montrent ce qui arrive à un enfant lorsqu’il y a avortement. On montre que ce n’est pas le corps de la femme qui avorte. On avorte un être distinct » expliquent les organisateurs qui espèrent poursuivre l’initiative dans d’autres régions.


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Informaborto est un [soi-disant] groupe apolitique, [  ] non confessionnel né en réponse à l’appel de la présidente du Chili, Michelle Bachelet, demandant un « débat mature, informé et avec « hauteur de vue » sur la loi sur l’avortement. »

En utilisant de vraies images et une information actualisée sur les aspects médicaux , sociologiques, juridiques, Informaborto prétend «révéler la manipulation du langage de l’avortement destiné à dissimuler, confondre et de cacher la vérité de l’avortement »

La porte-parole d’Informaborto.org, Rosana Landaluce, a dit à la radio chilienne ADN qu’il existe «une campagne systématique de désinformation envers les femmes » et elle a comparé l’avortement à un génocide.

« C’est un individu, de l’espèce humaine qui est rejeté par discrimination, par eugénisme…. Hitler a fait de même. Nous n’allons pas rejeter les enfants.. . En Espagne il n’ y a plus d’enfants avec le syndrome de Down, l’hydrocéphalie ou la fente labiale. Si nous commençons à mettre les gens sous contrôle de qualité, nous pourrions rester sans personne »

mercredi 26 novembre 2014

CHILI: L'INTERDICTION D'AVORTER POURRAIT DISPARAÎTRE

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L'AVORTEMENT THÉRAPEUTIQUE A ÉTÉ AUTORISÉ AU CHILI PUIS ABOLI DURANT LA DICTATURE D'AUGUSTO PINOCHET (1973-1990). CHILI : LOIS CONTRE L'AVORTEMENT - UN RECUL POUR LES DROITS DES FEMMES 

Aujourd'hui pourtant, plus de 70% des Chiliens approuvent l'avortement thérapeutique en cas de risque pour la santé de la mère, de non-viabilité du foetus ou de viol, selon les sondages. « Il y a un changement très profond dans les mentalités et aujourd'hui les citoyens exigent » le droit à l'avortement thérapeutique, assure Claudia Dides, du Mouvement pour l'avortement légal.

Sans d'autre choix que de continuer sa grossesse, l'enfant de 13 ans - dont l'identité n'a pas été révélée - a donné naissance le 5 novembre à un bébé qui n'a survécu que quelques heures en raison de malformations cardiaques. La jeune Belen a, elle, accouché l'an dernier d'un bébé en bonne santé, confié à un réseau d'adoption.

Toutes deux, si elles avaient avorté, risquaient jusqu'à cinq ans de prison, même si, selon une étude officielle, aucune femme chilienne n'a été emprisonnée ces dernières années pour ce délit. Le gouvernement de Michelle Bachelet s'est donné jusqu'au 31 janvier prochain pour envoyer au Congrès un projet de loi visant à dépénaliser l'avortement en cas de risque pour la mère, de viol ou d'inviabilité du fœtus.

L’HISTOIRE DE LA CONVENTION CONTRE LA TORTURE

À son arrivée à Londres, des membres de la diaspora chilienne, dont beaucoup avaient été victimes des tortures perpétrées sous le régime cruel de l’ancien dictateur, ont voulu saisir cette occasion rêvée et faire en sorte qu’il soit soumis à des investigations, le Chili s’y étant systématiquement refusé. 

MANIFESTATION À SANTIAGO DU CHILI.
PHOTO MIGUEL CARRASCO
Armés de la Convention internationale contre la torture, un traité novateur permettant aux États parties de juger partout dans le monde les personnes soupçonnées d’avoir ordonné ou commis des actes de torture, des avocats ont amorcé une bataille féroce.

Jamais auparavant la Convention n’avait permis d’engager des poursuites contre un ancien chef d’État soupçonné d’avoir ordonné ou commis la torture, et les résultats furent surprenants. Un juge espagnol émit un mandat d’arrêt international contre Augusto Pinochet, en vue de le poursuivre en justice pour sa responsabilité dans les meurtres, les actes de torture et les disparitions forcées commises de manière systématique sous son régime.


LA PREMIÈRE VICTOIRE DE LA CONVENTION CONTRE LA TORTURE

Ce sont les milliers de témoignages de torture émanant du Chili après l’arrivée au pouvoir de Pinochet par la force en 1973 qui avaient inspiré la création de la Convention contre la torture. Vingt-cinq ans plus tard, Pinochet était la première personne à être poursuivie sur la base du principe de compétence universelle inscrit dans ce traité. 

Sir Nigel Rodley, avocat britannique et ancien conseiller juridique auprès d’Amnesty International, fut l’une des fondateurs de ce traité d’avant-garde :

« L’affaire Pinochet a donné à beaucoup un sentiment de victoire. C’était un triomphe pour les droits humains. Il est passé du statut de dictateur arrogant qui se croyait invulnérable à celui de prisonnier qui a passé un an en détention à l’étranger. »

L’affaire Pinochet a montré que la Convention contre la torture était un instrument juridique puissant dans le combat pour la justice.


LA PREMIÈRE CAMPAGNE MONDIALE 

Dans la lutte contre la torture, 1973 fut une année riche en événements. Le coup d’État de Pinochet au Chili, marqué par les arrestations, les exécutions, la torture et les disparitions forcées, permit de prendre conscience du fait que la torture, loin d’être un démon du passé, appartenait bien au présent. En partie en réponse à ces terribles événements, nous avons lancé la toute première campagne mondiale visant à éradiquer cette pratique cruelle.

Parallèlement, des avocats se rassemblèrent pour trouver des recours juridiques : pour lutter contre la torture, il fallait se doter d’un traité international solide et juridiquement contraignant. La torture était déjà illégale dans de nombreux pays ; en obtenant un consensus international, elle devenait interdite au niveau mondial et constituait un crime relevant du droit international. Autre élément majeur, les États seraient tenus de garantir que tout tortionnaire présumé puisse être jugé dans n’importe quel pays ayant ratifié la Convention.

Le moment semblait parfait. D’intenses négociations s’ensuivirent aux Nations unies à New York et au sein des gouvernements de la planète. Pour Nigel Rodley :

De nombreux pays ont opposé une vive résistance à cette notion mais peu à peu les différents pays se sont laissés convaincre et ont adhéré à cette idée : l’idée fondamentale selon laquelle il ne devait pas y avoir de refuge sûr pour les tortionnaires »

Au terme de longues discussions, le 10 décembre 1984, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. 

DE PLUS EN PLUS D'ETATS CONDAMNENT LA TORTURE

Selon Nigel Rodley, le traité a désormais un effet dissuasif important : « La Convention est une nouvelle voie pour la justice : les leaders mondiaux responsables de torture y réfléchissent à deux fois avant de se rendre dans un pays où ils risquent d’être arrêtés.»

Le succès de la Convention ne se limite pas aux poursuites. Au fil des ans, un nombre croissant d’États a criminalisé la torture, mis en place des garanties telles que la possibilité de consulter rapidement un avocat et d’entrer en contact avec sa famille à la suite d’une arrestation, interdit la détention au secret et autorisé la venue d’observateurs indépendants dans les prisons.

LE COMBAT CONTINUE

Pourtant, le fait que la torture soit toujours pratiquée dans de nombreuses régions du globe démontre qu’il reste encore beaucoup à faire.

Trente ans après l’entrée en vigueur de la Convention, Amnesty International poursuit sa lutte contre la torture. Malgré les écueils persistants, notre organisation continue de dénoncer les auteurs de ces agissements et les pays où la pratique est monnaie courante, dans le cadre de son action visant à en finir avec la torture.

LA POLITIQUE INTERNATIONALISTE DE CUBA: ENTRE ÉTHIQUE ET STRATÉGIES.

Cuba fait sans doute figure d’exception dans l’histoire et n’en finit pas de soulever des paradoxes à l’heure où se multiplient les débats et les analyses sur les processus de transition depuis juillet 2006. C’est en effet l’un des rares régimes socialistes ayant survécu à l’effondrement du bloc soviétique, et qui, traversant les années particulièrement critiques de la décennie 90, connues sous le nom de « Période spéciale en temps de paix », a dû s’adapter à l’évolution de la situation internationale en cherchant à promouvoir le développement de l’île dans le cadre de la mondialisation. En dépit d’un embargo économique renforcé depuis 1996 par la Loi Helms-Burton, du poids d’une opposition politique interne et externe et de la forte pression médiatique d’un monde occidental dominé par l’idéologie néolibérale, le système en place se maintient, tout en affichant une volonté d’ouverture prudente [1].


Sur le plan extérieur, la mise en œuvre depuis quelques années d’une politique d’aide au développement et de coopération technique et scientifique sans précédent [2], notamment en matière de santé et d’éducation, assure non seulement à Cuba un leadership au sein des petits pays de la Caraïbe, mais étend également son influence géostratégique sur le sous-continent latino-américain ; une position confortée grâce à la conjoncture politique régionale actuelle.

Longtemps restée dans l’ombre, l’action internationaliste de Cuba, entreprise dès les années 1960, lui a finalement valu d’être élue membre du Conseil Exécutif de l’UNESCO en octobre 2007 ; une décision que les autorités cubaines interprètent comme une reconnaissance de la part de la majorité des États Membres de l’Organisation pour l’œuvre sociale de la Révolution et pour son apport solidaire à d’autres peuples du monde.

On s’interrogera sur la nature et les objectifs de l’internationalisme en tant que dimension essentielle de la diplomatie cubaine. L’évocation des différentes étapes de cette politique internationaliste permettront de mettre en lumière les ruptures et continuités dans les stratégies poursuivies par le gouvernement cubain en phase avec les bouleversements qui ont marqué la seconde moitié du XXème siècle et l’aube du XXIème siècle. Entre éthique et volonté politique, l’internationalisme, considéré comme une vitrine de la Révolution, a été très probablement un facteur de taille dans la pérennité du régime socialiste en lui permettant de s’intégrer aujourd’hui dans les échanges économiques et commerciaux latino-américains.

Evolution de l’action internationaliste : de la « diplomatie des armes » à celle du dialogue

« Etre internationaliste, c’est nous acquitter de notre dette envers l’Humanité » (Ser internacionalista es saldar nuestra propia deuda con la Humanidad), lançait Fidel Castro le 26 juillet 1978 à Santiago de Cuba, à l’occasion du XI Festival mondial de la Jeunesse et des Etudiants qui rassemblait plus de 18 000 délégués de 45 pays. On était alors dans le contexte de la Guerre froide, Cuba avait progressivement resserré ses liens avec l’Union soviétique depuis son adhésion au CAEM en 1972, et en novembre 1975, à la demande du président angolais Agostinho Neto, le gouvernement avait déclenché l’opération Carlota avec l’envoi de 36 000 combattants internationalistes pour soutenir le MPLA (Mouvement pour la Libération de l’Angola) [3]. 
Depuis lors, cette phrase de Fidel Castro, répétée en maintes occasions dans les discours officiels, est restée l’un des slogans les plus emblématiques de la Révolution cubaine. Issu de la doctrine marxiste-léniniste, « l’internationalisme prolétarien », selon l’idéal guévariste est non seulement une pratique et une nécessité politique et économique, mais aussi une éthique, un savoir-être et penser inscrit dans le crédo du Jeune communiste, tel qu’il est défini dans sa conception de « l’homme nouveau ». Cette haute exigence morale que l’être humain doit avoir vis-à-vis de lui-même et qui s’apparente à une véritable ascèse, est transcendée, « purifiée » dira le Che, par « l’exercice de la solidarité permanente avec le peuple et avec tous les peuples du monde ». [4]

Mais, au-delà de l’héritage intellectuel marxiste, les ethnologues et sociologues cubains s’accordent à voir dans la vocation internationaliste cubaine une racine proprement nationale. Elle puiserait son origine dans la composition multiethnique de l’île caribéenne et dans l’intégration raciale et sociale des différentes cultures qui ont forgé l’identité nationale cubaine, plus ouverte et plus réceptive alors aux autres peuples du fait de son universalité. C’est ainsi du moins que l’entendait José Ortiz, lorsqu’il tentait de définir le concept de « cubanité » (cubanidad) comme le résultat d’un syncrétisme culturel relevant d’un processus de « transculturation ». Or, c’est d’abord chez le penseur cubain José Marti que l’on trouve l’existence d’une conscience altruiste dans la conception de la Patrie comme partie de l’Humanité (Patria es Humanidad) ce qui porte à considérer l’internationalisme cubain comme une composante avant tout de la pensée humaniste [5]. Dans Nuestra América, José Marti donne au sentiment nationaliste une portée intercontinentale, par le dépassement de la dichotomie métropole/colonie. La guerre contre l’Espagne colonialiste devient alors un paradigme de la lutte des peuples contre toute forme de colonisation et d’impérialisme. La maturation du processus identitaire cubain, réalisée dans la longue durée du XIXème siècle, expliquerait probablement la facilité avec laquelle s’est greffée la confluence de l’humanisme révolutionnaire cubain avec le marxisme. L’historiographie officielle souligne d’ailleurs la filiation idéologique entre les différents acteurs de l’histoire révolutionnaire de l’île [6]. Il est donc rappelé de façon récurrente qu’une des caractéristiques de la guerre d’indépendance cubaine (1895-1898) a été la participation des hommes de toutes nationalités au sein des armées indépendantistes, que ce soit celle du dominicain Máximo Gómez, ou du nord-américain Henry Reeve. La tradition internationaliste de l’île y est ainsi valorisée : terre d’asile pour tous ceux qui fuyaient la répression franquiste puis, plus tard, les dictatures latino-américaines, engagements à l’extérieur de nombreux volontaires cubains. Sont évoqués en exemple les cas de Julio Antonio Mella, fondateur de la Ligue Anti-impérialiste des Amériques en 1925, Pablo de la Torriente Rau, mort dans les rangs des Républicains espagnols [7] ou encore celui du corps expéditionnaire de l’opération avortée de Cayo Confites destinée à libérer Santo-Domingo du dictateur Trujillo en 1947. Suivant cette logique, la Révolution de 1959, n’a fait qu’entériner et institutionnaliser une pratique et une éthique élaborées sur la longue durée des luttes insulaires contre l’esclavage, le pouvoir colonial espagnol, puis, la domination néocoloniale étasunienne.

Pour comprendre l’impact qu’a eu la Révolution cubaine sur l’émergence des mouvements d’autodétermination à l’époque du processus de la décolonisation en Afrique et en Asie, sans doute convient-il de se rappeler d’abord que la victoire obtenue par la guerre de guérilla menée par le Mouvement du 26 juillet était perçue comme une véritable lutte de libération, un exemple pour les peuples du Tiers-monde ; ce Tiers-monde avec lequel la Révolution cubaine s’identifiait totalement pour en avoir partagé les réalités sociopolitiques et économiques.

En avril 1961, alors que La Havane s’était ralliée officiellement au camp socialiste, quelques mois plus tard, elle avait affirmé également son choix du non-alignement à la Conférence de Belgrade. La création du Mouvement des Non-alignés, dont Cuba était l’un des membres fondateurs signifiait l’instauration d’un nouvel équilibre mondial par l’émergence de nouveaux Etats souverains sur la scène internationale dont l’objectif était de s’opposer à toutes formes d’impérialisme et de néocolonialisme. Désormais les pays du Sud -dont Cuba faisait partie- représentaient potentiellement une troisième force possible. La victoire retentissante des forces cubaines à Playa Girón (avril 1961) contre les troupes nord-américaines conférait à l’île caribéenne un prestige incontestable sur l’échiquier international. Eclipsant presque le clivage idéologique Est-Ouest, Cuba était devenue l’emblème de la confrontation Nord-Sud.

« Premier territoire libre d’Amérique » comme elle aime à le rappeler, Cuba entendait maintenir paradoxalement l’indépendance de sa ligne politique extérieure en dépit de son vote aligné sur Moscou lors de l’intervention à Prague en août 1968 ou de l’invasion de l’Afghanistan en décembre 1979. Les engagements extérieurs de Cuba en Afrique témoignaient dans ces années là d’une velléité d’autonomie face à la bipolarisation du monde et du jeu des deux superpuissances, il existait une volonté politique propre à l’Etat cubain de se solidariser avec les pays déshérités du globe.

Ce fut d’abord vers l’Amérique Latine, avec laquelle déjà les indépendantistes du XIXème siècle aspiraient à un destin commun, que le gouvernement révolutionnaire a cherché à porter son message solidaire. Dans sa Deuxième Déclaration de La Havane de février 1962, Fidel Castro, en évoquant les liens qui unissaient l’île au reste du sous-continent y appelait au soulèvement « des masses exploitées d’Amérique ». Si la révolution était, selon lui, « inévitable » au vu des « conditions d’exploitation terribles dans lesquelles vivait l’homme américain », il tenait à dissocier le principe de la solidarité internationaliste de l’ingérence extérieure en affirmant que « la Révolution ne s’exporte pas » et que « ce sont les peuples qui la font ». A cette époque, la Havane était devenue l’épicentre de la contestation révolutionnaire mondiale avec la création en octobre 1960 de l’Institut cubain d’amitié avec les peuples (ICAP), puis en 1966, lors de la Conférence Tricontinentale, qui voyait la création dans la capitale caribéenne de l’Organisation pour la libération de l’Amérique Latine (OLAS) et de l’Organisation de solidarité des peuples d’Afrique, Asie et Amérique latine (OSPAAAL).

« L’internationalisme prolétarien », qui n’était jusqu’alors qu’une idée pour les pays du tiers-monde allait devenir une réalité avec les Cubains. Deux événements majeurs déclenchèrent les premières interventions cubaines en Afrique : l’assassinat du leader indépendantiste congolais Patrice Lumumba en janvier 1961 qui montra la nécessité pour un pays pauvre d’une solidarité internationale, ce que le Che dans son discours à l’Assemblée des Nations Unies le 11 décembre1964 ne manqua pas d’exprimer, et la guerre du Vietnam en 1965 par l’exemple qu’elle offrait du soulèvement d’un peuple contre l’armée de la plus grande puissance occidentale.

Cette même année, Ernesto Che Guevara, dans son Discours d’Alger [8], rappelait l’urgence d’élaborer une stratégie globale d’extension de la lutte révolutionnaire par la multiplication des foyers de guérilla destinées à affaiblir les forces ennemies. Une idée majeure qu’il reprendra dans son Message lancé à la Tricontinentale par le célèbre mot d’ordre : « Créer deux, trois Vietnam ». Ses positions radicales sur le devoir de solidarité envers les pays du Tiers-Monde n’ont pas été sans générer des tensions avec la politique soviétique contredisant le principe de « coexistence pacifique » défendu par l’Union soviétique [9].

La politique internationaliste de Cuba en Afrique dès 1963 s’est exercée sous les deux aspects : militaire et civil. Parallèlement à l’envoi d’instructeurs confirmés et de combattants pour soutenir les foyers de guérilla, une aide médicale et technique destinée à promouvoir le développement des pays a été mise en place [10]. Des Brigades de santé déployées en Algérie, au Mali, au Congo, en Guinée, puis en Namibie, au Burkina-Faso, au Botswana, en Angola et au Mozambique soignaient et formaient du personnel sur place dans des conditions d’environnement et de communication extrêmement difficiles. Par ailleurs, des bourses d’études étaient délivrées aux jeunes africains pour se former dans les universités cubaines.

Le combat idéologique était également mené sur le terrain institutionnel. L’ONU, devenait ainsi une formidable tribune pour Cuba, à la fois pour dénoncer le blocus imposé par les Etats-Unis [11] et défendre les intérêts des pays en voie de développement, ceux-là même qui étaient devenus désormais majoritaires au sein de cette Assemblée. La constitution du « Groupe des 77 » en 1964, allait permettre d’aider les pays les moins avancés à s’intégrer de façon plus équitable dans l’économie mondiale.

Or, les échecs successifs de la guerre révolutionnaire au Congo puis, en Bolivie, avec la mort du Che en octobre 1967, ont sans doute sonné le glas de la tentative d’extension d’un mouvement révolutionnaire unifié à l’échelle régionale et internationale.

Les années 70 et 80 furent marquées sur le plan extérieur par l’apogée des relations économiques et commerciales de Cuba avec l’Union soviétique [12] et par un retour de la diplomatie cubaine en Amérique Latine dans un contexte très polarisé L’élection de Salvador Allende au Chili avait ouvert le chemin de la réconciliation et La Havane, siège des rencontres culturelles et politiques au niveau régional, cultivait son image de capitale progressiste et anti-impérialiste. L’intégration dans des institutions régionales comme le SELA dont elle a été cofondatrice, allait lui permettre de briser son isolement diplomatique, économique et commercial [13]. C’est aussi à partir de ces années-là, que l’on observe un repli stratégique de la politique extérieure cubaine avec un désengagement vis-à-vis des mouvements insurrectionnels sur le continent [14].

Ce rapprochement avec l’Amérique latine, facilité d’abord par la détente qu’avait instauré l’Administration Carter à la fin des années 70, coïncidait avec le démarrage d’un processus d’autonomisation politique des pays latino-américains amorcé après la guerre des Malouines en 1982. Par ailleurs, le durcissement des relations cubano-étasuniennes [15] et la politique agressive de Ronald Reagan en Amérique centrale (Operation Urgent Fury à Grenade en 1983 et intervention au Panama en 1989, soutien de la Contra au Nicaragua), avaient probablement joué un rôle dans l’établissement d’un dialogue avec l’Europe et plus particulièrement avec la France et l’Espagne.

A cette époque s’est jouée également la seconde grande intervention militaire cubaine dans ce que l’histoire officielle retiendra comme « l’épopée africaine », couronnée par le succès de l’Opération Carlota déployée en Angola en 1975 et qui s’est achevée en 1988 avec la bataille de Cuito Cuanavale ; un épisode militaire qui renforça la place de Cuba sur la scène internationale, mais dont on oublia très rapidement le rôle politique essentiel joué par la diplomatie cubaine dans la résolution du conflit tripartite et la fin de l’apartheid. Hormis l’appui logistique de l’URSS (armes et conseillers), Cuba envoya de son propre chef des techniciens et instructeurs civils et militaires former les cadres africains, des troupes et du matériel de guerre (artillerie antiaérienne) en Angola puis, en Ethiopie, en Namibie et au Mozambique [16]. Parmi les 350 000 combattants volontaires cubains qui ont lutté contre les troupes sud-africaines plus de 2000 sont morts au combat selon, cette page de l’histoire internationaliste que les autorités cubaines considèrent comme un des exemples les plus forts de la solidarité inconditionnelle entre les peuples et à laquelle le président Nelson Mandela a rendu hommage lors de son 1er voyage à Cuba en juillet 1991 a scellé semble-t-il définitivement le temps des interventions armées de Cuba dans le monde.

Vers une stratégie d’intégration

La chute du bloc soviétique à partir de 1991 allait entrainer un changement de stratégie dans la politique extérieure de Cuba. Privée du soutien précieux du Comecon, Cuba se vit contrainte de procéder à des réformes urgentes visant à gérer les graves pénuries d’une économie en faillite, alors que se renforçait l’embargo étasunien [17]. Elle dû miser également sur le développement des relations multilatérales, en priorité avec la communauté latino-américaine et caribéenne. Sa participation au sein des grandes organisations internationales (OMC, ACP, PNUD, FAO, UNESCO) ou régionales (AEC, CARICOM, ALADI), s’effectuait dans le sens d’une réinsertion et d’une adaptation de l’économie cubaine dans le nouveau contexte international.

La restauration de la démocratie et le triomphe de la politique néolibérale appliquée sur tout le continent américain coïncidant avec la promotion d’un « régionalisme ouvert » [18], ont sans doute isolé politiquement un peu plus le régime cubain du reste des nations démocratiques. Mais, les contrecoups sociaux désastreux provoqués par une croissance inégalitaire dans la région ont été aussi le terreau favorable à l’émergence d’une nouvelle classe dirigeante, oscillant entre la gauche radicale et une gauche dite « pragmatique », encouragée par les mouvements contestataires et indigènes.

Or, c’est au moment où la configuration géopolitique de l’Amérique latine instaurait un nouveau rééquilibrage dans l’hémisphère en faveur des pays du Sud [19], que Cuba redynamisait sa politique internationaliste en la réorientant vers le développement d’une coopération civile d’une nouvelle ampleur. Cette coopération repose toujours sur le même principe de solidarité [20], mais, il y a lieu de distinguer entre la « collaboration médicale » qui est un contrat que le Ministère de la santé publique passe avec le pays d’accueil et qui sous-entend un partage des frais lorsque ce dernier est en mesure de payer, et les « missions internationalistes » où Cuba prête un service gratuit aux pays les plus pauvres.

Le second grand principe de l’action internationaliste cubaine, sur lequel insistent les élites gouvernementales, est celui du respect de la souveraineté nationale. Ce qui signifie que Cuba offre -sans tenir compte des régimes politiques en place- non seulement une aide humanitaire face aux situations les plus urgentes (en cas de catastrophes naturelles ou d’épidémies), mais elle cherche surtout à développer les ressources humaines locales (constructions d’hôpitaux et de centres de soins, d’écoles et d’instituts d’enseignement supérieur) [21]. Cette aide, La Havane a commencé à la structurer en 1998 dans un Programme intégral de santé (PIS) [22]] appliqué en priorité avec les pays de la Caraïbe : Haïti, le Honduras, le Nicaragua, la République Dominicaine, Belize et le Venezuela. Cette même année, suite aux désastres provoqués par les ouragans George et Mitch dans la région, le gouvernement cubain a lancé l’idée de créer l’Ecole latino-américaine de médecine (ELAM) sur son sol, elle dispense gratuitement une formation complète à 1500 étudiants par an, de condition modeste, venant de tous les pays y compris des Etats-Unis. C’est en proposant d’envoyer une aide médicale au gouverneur de la Louisiane pour secourir les victimes du cyclone Katrina sur la côte sud étasunienne que s’est constituée en septembre 2005, la Brigade internationale « Henry Reeve ». Spécialisée pour intervenir dans des situations de désastres naturels partout dans le monde, celle-ci s’est déployée de la zone Caraïbe au Pakistan, dans la région du Cachemire, au Timor Oriental ou encore en Chine…

Comment expliquer un tel succès de sa politique internationaliste ? Sans aucun doute par le facteur contextuel. Les nouvelles orientations des politiques économiques latino-américaines axées vers la réalisation des objectifs prioritaires du Millénaire et la défense des intérêts nationaux ont su trouver un terrain d’entente avec les projets de développement socio-économiques cubains.

Déjà contesté aux sommets de Monterrey et de Guadalajara, c’est à Mar del Plata en novembre 2005 que s’est confirmé le rejet de l’accord sur la zone de libre-échange (ZLEA) [23], creusant un peu plus la ligne de fracture déjà amorcée sur le continent. L’année 2005 marque une nouvelle étape dans le processus d’intégration, Cuba lance conjointement avec le Venezuela au mois d’avril l’Alternativa Bolivariana para los Pueblos de Nuestra América (ALBA) à laquelle s’est associée un an plus tard la Bolivie, puis, le Nicaragua et le Honduras plus récemment. En 2007, c’est au tour de l’Equateur et d’Haïti de passer un accord cadre établissant une coopération avec l’ALBA. Le Traité du Commerce des Peuples signé entre La Havane/Caracas/La Paz, en avril 2006, vient sceller une alliance plus politique que commerciale. L’objectif est de rompre avec le modèle des politiques économiques imposées par les grandes institutions monétaires internationales et de réduire les asymétries entre les pays de l’hémisphère en s’appuyant sur des mécanismes de solidarité et de compensation. La Banque du Sud (Banco del Sur), lancée en décembre 2007 par sept pays latino-américains, a vocation à être le bras financier de cette nouvelle intégration régionale. En raison des cours exceptionnels des matières premières, le Venezuela fournit aujourd’hui plus de 98.000 barils de pétrole par jour à Cuba à des conditions très intéressantes grâce à l’accord Petrocaribe signé fin juin 2005 [24]. Les économies faites sur ce pétrole renégocié ont permis le financement de programmes de développement socio-économiques et l’envoi de 40.000 médecins et personnel médical cubains qui travaillent non seulement au Venezuela (Operación Milagro [25], Misión Barrio Adentro) mais aussi dans de très nombreux pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie. Depuis 2004, 37 centres de chirurgie ophtalmologiques ont été ouverts dans huit pays du continent. Actuellement, au Venezuela, près de 9 millions de personnes bénéficient des soins fournis par les médecins cubains. Ce type d’échange considéré comme une alternative au néolibéralisme par ses promoteurs, représente l’avenir économique de Cuba et, selon certains experts économistes, c’est d’une gestion intelligente de son « capital humain » hautement qualifié que dépendra sa réussite [26].

C’est également dans les domaines sportifs, artistiques et scientifiques, où l’on requiert plus particulièrement ses compétences, que Cuba exporte son savoir-faire. Au cœur de la Caraïbe, l’île constitue une référence, à partir de laquelle s’élaborent les projets d’intégration culturelle et éducationnelle, en raison des besoins considérables dans ce domaine. C’est par un véritable travail de terrain, qui s’opère en concertation avec les populations locales et les communautés paysannes et indigènes, depuis les endroits les plus reculés de la côte Caraïbe au Cône sud, que les Cubains ont occupé l’espace latino-américain, non seulement physique mais aussi politique et médiatique. Ainsi, la méthode d’alphabétisation cubaine Yo sí puedo, primée par l’UNESCO en juin 2006 pour « sa valeur et son efficacité », a été appliquée dans 15 pays de la Caraïbe et du continent ; elle a permis en deux ans d’apprendre à lire et à écrire à plus de deux millions de personnes, et est diffusée aujourd’hui dans 28 nations du monde.

Cuba est également cofondatrice de la chaîne alternative TeleSur [27]qui diffuse ses programmes dans toute l’Amérique Latine et de l’initiative de Alba TV qui tente d’établir sur tout le continent un réseau de chaînes de télévision communautaires, qui se veut porte-parole des mouvements sociaux. La création en février 2006 du Fondo cultural del ALBA participe de la même volonté politique de valorisation et de défense des expressions artistiques essentielles des identités plurielles caribéennes et latino-américaines. Pour ses promoteurs, cette action s’intègre dans un projet social qui est celui de permettre l’accès à l’éducation et à la culture pour toutes les couches de la population [28].

Alors que les récentes émeutes de la faim dans le monde et les crises à répétition des marchés financiers révélaient les failles du système capitaliste dans une économie globalisée néolibérale qui parait être à bout de souffle, la recherche d’une solution alternative pour un développement éthique et viable devient une nécessité dont Cuba semble en avoir mesuré les enjeux pour l’avenir de l’humanité [29]. Compte tenu des changements survenus au niveau interne et externe, Cuba doit sans cesse remettre en cause les schémas préétablis ; elle réinvente aujourd’hui sa transition socialiste sur la voie d’un développement endogène. Renouant ses attaches avec cette América à laquelle elle appartient géographiquement et culturellement, l’île tente de briser l’ostracisme dont elle a été l’objet depuis 1961. Un choix stratégique sans aucun doute, puisque son entrée dans l’ALBA inaugure une autre conception plus équitable des échanges et de la coopération, une bouée de sauvetage pour une île qui peine à faire face aux problèmes structurels de son économie. Or, l’établissement de nouvelles alliances avec les grands pays émergents comme le Brésil, la Russie, l’Inde, et la Chine, (BRIC), mais aussi avec l’Afrique du Sud et d’autres pays plus pauvres, d’Asie, du Moyen Orient et d’Afrique, est un moyen pour elle de faire face à une conjoncture qui reste fragile. Assumant depuis 2006, la présidence du Mouvement des Non-alignés (MNA), La Havane entend être désormais le maillon d’une coopération sud-sud dont l’ampleur est en passe de supplanter les échanges avec l’Union européenne conditionnés par des exigences politiques. C’est donc bien au sein de cette nouvelle dynamique, à la fois de régionalisation et d’alliances stratégiques des coalitions du Sud, que s’inscrit désormais la politique extérieure cubaine [30].

En syntonie avec la mouvance politique actuelle qui caractérise l’Amérique latine, l’internationalisme cubain, incarné par ces contingents de médecins et d’éducateurs, véritable armée symbolique de « soldats en blouse blanche » qui constitue au dire de Fidel Castro « une force exceptionnelle » [31], se conjugue dorénavant avec les concepts d’intégration régionale, développement durable, non-ingérence, paix dans le monde et multipolarité. Par son action solidaire, Cuba contribue à l’instauration du dialogue entre les peuples, une façon de résoudre les problèmes actuels et de préserver l’équilibre du monde, nous explique Hector Hernández, Ambassadeur, délégué permanent de Cuba auprès de l’UNESCO à Paris [32]. L’internationalisme cubain a-t-il permis à Cuba de remporter des points dans cette bataille diplomatique ? Peut-être si l’on considère que la nomination d’un diplomate cubain comme assesseur du Conseil des Droits de l’homme de l’ONU en mars 2008 est, selon ses propres paroles, une « nouvelle expression du respect de la communauté internationale pour les approches, les positions et les initiatives de Cuba dans ce domaine sensible que sont les droits humains ». C’est en tout cas une nouvelle image et un pari que le gouvernement actuel cubain s’engage à tenir avec la signature en février 2008 à New York des deux Pactes internationaux de l’ONU sur les Droits économiques, sociaux et culturels et sur les Droits civils et politiques.

Néanmoins face aux difficultés économiques considérables que connaît l’île, et face à la fragilité de l’équilibre géopolitique régional, on peut se demander jusqu’à quand Cuba pourra-t-elle maintenir cette politique internationaliste de par le monde et jusqu’à quel point le peuple cubain consentira-t-il à se sacrifier pour un idéal altruiste. L’internationalisme, ce phare de la Révolution cubaine, rendu possible par la priorité accordée aux secteurs de la santé publique et de l’éducation dans la part du budget national, n’est pas non plus sans générer des tensions au sein d’une population lassée par l’attente de réformes sociales et d’amélioration des conditions matérielles de vie. Parviendra-t-il à contrer les exigences de consommation et les sentiments de frustration d’une jeunesse pour qui l’épopée révolutionnaire semble être déjà passée à l’histoire ?

* Hortense FAIVRE D’ARCIER-FLORES

Docteur en Etudes ibériques et latino-américaines de l’Université de la Sorbonne Nouvelle - Paris III. 
Professeure agrégée aux Ecoles Militaires de Saint-Cyr Coëtquidan et chercheur au CREC (Centre de Recherche des Ecoles).
Chercheur associé au LIRA/ERIMIT (Université de Rennes II) et au GRIAHAL (Université de Cergy-Pontoise)

Notes

[1] Depuis que le Chef de l’Etat cubain, Fidel Castro, âgé de près de 80 ans, a dû se retirer de la vie politique en juillet 2006 pour des raisons de santé, son frère, Raúl Castro, assumant officiellement la présidence du pays depuis février 2008, a procédé à une série de réformes destinées à assouplir la vie quotidienne des Cubains : liberté d’accès aux nouvelles technologies, aux hôtels pour les touristes étrangers, octroi de licences privées de transport… D’autres mesures concernent le domaine judicaire, (moratoire sur la peine de mort), ou économique (relance de la petite propriété agricole, révision de l’égalité salariale).

[2] Selon les données publiées par le Ministère des affaires étrangères cubain, en 2005 on comptait 37 000 « collaborateurs cubains de la santé » dont 18 000 médecins cubains exerçant dans soixante-dix-neuf pays d’Afrique, d’Amérique Latine et d’Asie, partout dans les lieux les plus inhospitaliers. Ces chiffres peuvent varier d’une année à l’autre en fonction des urgences ponctuelles et des besoins des pays.

[3] Piero Gleijeses, Misiones en conflicto : La Habana, Washington y Africa (1959-1976), La Habana, Ed. Ciencias sociales, 2002.

[4] Che Guevara, « La guerre de guérilla : une méthode » in : Le socialisme et l’homme à Cuba, Paris, librairie François Maspero, 1976, p.49-69.

[5] Selon la conception communément acceptée parmi les chercheurs à Cuba (Juan Antonio Portuando, Fernández Retamar ou encore Cintio Vitier), l’humanisme chez José Marti a une dimension politique et sociale. Il est l’expression de la valorisation des qualités et des capacités spirituelles et humaines essentielles de l’être, acquise par l’éducation morale et l’instruction, garantes de la liberté individuelle de l’homme et donc du progrès de l’humanité.

[6] Entretiens avec le Dr. Eduardo Torres, professeur et historien cubain, actuellement directeur de la Bibliothèque Nationale de La Havane, réalisés à Paris en avril 2007 et avril 2008 à Paris.

[7] L’histoire n’a semble-t-il pas souligné à sa juste valeur l’engagement de plus de 1000 volontaires cubains dans les rangs des défenseurs de la République espagnole, le contingent le plus nombreux du continent américain et le plus fort proportionnellement à la population de l’île. Parmi les combattants tombés sur le champ de bataille, on retiendra le nom de Pablo de la Torriente Rau. Réhabilitant la contribution cubaine, le journaliste et historien Alberto Alfonso Bello a consacré deux ouvrages sur la participation cubaine dans la guerre d’Espagne dans Cuba en España, La Habana, Ed. de Ciencias sociales, 1990, et dans El mártir de Majadahonda, La Habana, Ed. de Ciencias sociales, 2003.

[8] Dans son discours à l’occasion du Deuxième Séminaire économique afro-asiatique (24 février 1965), Che Guevara offrait la « solidarité inconditionnelle » de Cuba à ces « pays frères », le Vietnam et le Congo, avec « tous les moyens de défense dont ils ont besoin ». C’est dans l’ex-Congo belge qui venait d’accéder à l’indépendance et en proie aux déchirements de la guerre civile, qu’il s’est rendu clandestinement afin de reprendre le flambeau allumé par Patrice Lumumba. Se solidarisant avec la lutte du MPLA, il préparait déjà le terrain d’une future intervention en Angola. Ernesto Che Guevara, « le discours d’Alger », in : Le socialisme et l’homme à Cuba, Paris, Librairie François Maspero, 1976, p.70-85.

[9] Dans son discours devant l’Assemblée Générale de l’ONU le 11 décembre 1964 à New York, Che Guevara relançait la nécessité de la redéfinition du concept de « coexistence pacifique ». Cette notion, selon lui, ne pouvait être valide avec le maintien des agressions impérialistes contre les petits pays (République démocratique du Vietnam, Laos, Cambodge, Chypre). La paix durable dans le monde ne pouvait se faire tant que persistaient les conditions d’injustice et que les droits des peuples colonisés n’étaient pas respectés. Pour le Che, la véritable « coexistence pacifique » était donc inconcevable dans la relation dialectique exploiteurs/exploités propre au système capitaliste.

[10] La plupart des combattants internationalistes cubains s’étaient déjà aguerris pendant la campagne de l’Escambray menée entre 1959-1965 pour combattre la contrerévolution. Victor Dreke, un des commandants qui partit au Congo avec le Che, avait été le chef des opérations d’une des unités spéciales de Lucha Contra Bandidos (LCB) créées en 1962. Cf. Victor Dreke, De la sierra del Escambray al Congo, La Habana, Ed. política, 2008.

[11] On se souvient que Fidel Castro, le 26 septembre 1960, avait prononcé à New York le discours le plus long de l’histoire des Nations Unies, abordant les thèmes fondamentaux de sa pensée politique : Guerre froide, décolonisation, justice sociale, dialogue Nord-Sud, dette du Tiers-Monde, ordre économique international et intégration caribéenne.

[12] En 1972, Cuba devient membre du Comecon (Conseil d’assistance économique mutuelle), liant ainsi son développement économique à l’aide et aux échanges avec l’Union soviétique et les pays du bloc de l’Est. Plus de 80% des échanges de Cuba vers l’extérieur se faisaient dans le cadre de ce bloc. Cf. Herrera Rémy, (dir), Cuba révolutionnaire - Economie et planification, Paris, L’Harmattan, coll. Forum du Tiers monde, 2006.

[13] Les mauvaises relations entre Cuba et les Etats-Unis constituent un handicap majeur à sa participation aux institutions telles que le Fond monétaire international (FMI), la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement. En conséquence, l’aide multilatérale au développement dont bénéficie l’île est réduite. En dehors de l’aide bilatérale des Etats membres et de l’Union européenne, ses principaux donateurs sont certaines agences des Nations unies comme le Programme alimentaire mondial (PAM), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l’UNICEF.

[14] Si Cuba n’a jamais cessé de soutenir politiquement les mouvements de lutte armée, elle n’a en tout cas jamais voulu cautionner les sources de financement issues du trafic de drogue. C’est en tout cas ce qu’elle tentera de démontrer avec le très polémique procès Ochoa en 1989.

[15] La guerre idéologique contre Cuba s’est intensifiée avec la création de Radio Martí émettant depuis Miami et de la Cuban American National Foundation, organisation cubano-étasunienne qui a eu l’impact le plus significatif sur les relations entre Cuba et les Etats-Unis, et notamment en ce qui concerne les sanctions économiques. L’exode de 130 000 Cubains partis de Mariel en avril 1980 a déclenché le début des « questions migratoires » avec les Etats-Unis. Cf. Salim Lamrani, Washington contre Cuba : un demi-siècle de terrorisme, Paris, le Temps des cerises, 2005.

[16] Les troupes cubaines et angolaises ont aidé le mouvement de guérilla de la SWAPO dans sa lutte contre le régime d’apartheid de l’Afrique du Sud qui occupait la Namibie. Face aux limites de la solution militaire, l’Afrique du Sud, par des accords de paix conclus avec l’Angola et Cuba, a reconnu l’indépendance de la Namibie en 1988 après avoir accepté la disparition du régime de l’apartheid.

[17] Poussé par la nécessité, le gouvernement cubain a entrepris des réformes structurelles, notamment dans le domaine agricole et a développé avec les pays européens une politique de coopération orientée vers l’amélioration des méthodes de travail et l’introduction des notions de rentabilité et d’efficacité économique. C’est la période dite « spéciale » qui s’est accompagnée d’une dollarisation de l’économie et d’une ouverture encore plus grande aux investissements étrangers autorisée par la Loi du 5 septembre 1995 (Cf Ley de la Inversión Extranjera sur site Internet). Le développement spectaculaire du tourisme n’a pas été sans entraîner des effets pervers que le régime a eu bien du mal à juguler : retour de la prostitution, apparition d’une économie à deux vitesses, sentiment de frustration de la population restée en situation de pénurie.

[18] Cette expression a été empruntée à la CEPAL (Commission Economique pour l’Amérique Latine) dans un document qu’elle publia en 1994, « El regionalismo abierto en América Latina y el Caribe".

[19] La Création de la Communauté sud-américaine des Nations (CSN) en décembre 2004 à Cuzco, rassemblant les 12 pays d’Amérique du Sud, marque cette volonté d’unité du sous-continent. Celle-ci sera remplacée par l’Union des Nations Sud-américaines (UNASUR) lors du 1er sommet énergétique à l’Isle Marguerite (Venezuela) le 17 avril 2007, constituant de la sorte le plus vaste regroupement régional du continent.

[20] Le geste sans doute le plus exemplaire de cette solidarité a été celui que Cuba a réalisé en 1990 en offrant de soigner sur son territoire dans le centre de soin de Tarara 19 000 enfants et adultes d’Ukraine, du Bélarus et de Russie irradiés par la catastrophe de Tchernobyl. A l’exception du transport, Cuba a financé tous les frais de traitement. Encore aujourd’hui, les enfants de Tchernobyl continuent à se faire soigner à Cuba.

[21] Cf. le film documentaire de Guillermo Centeno, Montaña de luz, (53 min.), La Habana, ICAIC, 2005 ainsi que l’article de Hernando Calvo Ospina, « Une Internationale de la santé », Le Monde diplomatique, août 2006.

[22] Le Programme Intégral de Santé est destiné à dispenser les premiers soins aux populations des zones rurales, il est actuellement appliqué dans 18 pays. [www.cubaminrex.cu/Cooperacion/PIS

[23] ZLEA en français ou ALCA (Area de Libre Comercio de las Américas) en espagnol, est le projet étasunien de création d’une zone de libre échange devant assurer la libre circulation des marchandises et des capitaux de l’Alaska à la Terre de Feu. Lors du IVème Sommet des Amériques à Mar del Plata (4 et 5 nov. 2005), le Venezuela et les pays qui constituent le Mercosur se sont affrontés aux Etats-Unis, au Canada, au Mexique et au Panama sur le projet d’instauration de la ZLEA et se sont prononcés en faveur d’un commerce plus équitable, estimant insuffisantes les propositions de Washington concernant l’ouverture de ses marchés agricoles.

[24] Actuellement ce sont 18 pays de la Caraïbe qui profitent des accords énergétiques de Petrocaribe, qui fournit 200 000 barils de cru ou de dérivés du pétrole par jour [Ambassade du Venezuela à Cuba].

[25] Le plan sanitaire de l’Opération Milagro, monté conjointement entre le Venezuela et Cuba et intégré dans les programmes de l’ALBA, a permis de soigner et d’opérer un million de patients atteints de pathologies oculaires dans des missions disséminées dans 32 pays d’Amérique Latine, des Caraïbes et d’Asie [MINREX-Cuba].

[26] Cf. Jorge Dominguéz, Omar Pérez Villanueva Everleny et Lorena Barberia, The Cuban Economy at the Start of the Twenty-First Century, Cambridge, Massachusetts, Harvard University Press, 2004.

[27] En février 2004, lors du 12ème Sommet du Groupe des 15 qui s’est tenu à Caracas, le Président Vénézuélien, Hugo Chávez lance l’idée de la création d’une chaîne de télévision sud-américaine dont la programmation serait réalisée par les latino-américains eux-mêmes, dans le but de contrecarrer « l’hégémonie médiatique » des grandes chaînes internationales américaines qui dominent largement le secteur de l’information.

[28] Selon la politique culturelle mise en œuvre à Cuba, la création de valeurs esthétiques contribue à la création d’une éthique sociale. Dans le modèle social cubain, la culture est un instrument de transmissions des valeurs éthiques génératrices du Développement humain [Ministerio de Cultura cubano].

[29] C’est en tout cas ce dont attestent certaines des réflexions de Fidel Castro publiées régulièrement depuis 2007 dans les journaux officiels cubains. Fidel Castro Ruz, « Condenados a muerte prematura por hambre y sed más de tres mil millones de personas en el mundo », Granma, 29 de marzo de 2007.

[30] Cf. Coalitions d’Etats du Sud, Retour de l’esprit de Bandung ?, Louvin-la-Neuve, Centre Tricontinental et Ed. Syllepse, vol-14-2007.

[31] Fidel Castro, "Cristianos sin Biblia", Granma, 3 /03/2008.

[32] Entretiens avec le Dr. Hector Hernández Pardo, actuellement Ambassadeur, délégué permanent de Cuba auprès de l’UNESCO à Paris, réalisés à Paris les 27 et 28 mars 2008.

mardi 25 novembre 2014

QUAND CUBA SE BATTAIT POUR L’ANGOLA

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VISIONS DE LA LIBERTÉ
Avec sa nouvelle enquête (1) « magistrale et érudite», selon les mots de Noam Chomsky, l’universitaire italo-américain Piero Gleijeses met à nu la responsabilité américaine dans la poursuite du conflit en Afrique australe après l’indépendance de l’Angola (11 novembre 1975). Les failles de la Central Intelligence Agency (CIA) illustrent les contradictions internes aux administrations américaines, où le département d’Etat fait parfois figure d’élément modéré. Déjà auteur d’une étude riche de révélations sur l’histoire de Cuba en Afrique (2), Gleijeses s’intéresse également aux divergences tactiques entre alliés. Plus interventionniste, Cuba prend le risque de subir des représailles américaines, tandis que l’Union soviétique demeure tiraillée entre son désir de détente avec les Etats-Unis et ses engagements sur le front africain.

Rappelons les faits. En août 1975, les troupes
CETTE HISTOIRE DE BALAYAGE DE LA POLITIQUE CUBAINE EN AFRIQUE DE 1959 À 1976 EST BASÉ SUR UNE RECHERCHE SANS PRÉCÉDENT AFRICAINE, CUBAINE, ET LES ARCHIVES AMÉRICAINES. (PARMI LES NOMBREUSES SOURCES DE GLEIJESES SONT DES MATÉRIAUX D'ARCHIVES CUBAINES À LAQUELLE IL EST LE SEUL NON-CUBAINE À AVOIR JAMAIS ACCÈS.) RÉGLAGE DE SON HISTOIRE DANS LE CONTEXTE DE LA POLITIQUE AMÉRICAINE ENVERS L'AFRIQUE ET CUBA PENDANT LA GUERRE FROIDE, GLEIJESES CONTESTE LA NOTION QUE LA POLITIQUE CUBAINE EN AFRIQUE A ÉTÉ DIRIGÉ PAR L'UNION SOVIÉTIQUE.
MISSIONS CONTRADICTOIRES
sud-africaines occupent le sud de l’Angola, toujours province portugaise. En novembre de la même année, l’indépendance est proclamée ; les troupes sud-africaines se retirent, mais soutiennent les rebelles de l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita). Des soldats cubains viennent aider le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) à se maintenir au pouvoir. Le Zaïre soutient quant à lui le Front de libération nationale de l’Angola (FLNA). La guerre civile fait rage.

L’administration du président Gerald Ford et son stratège Henry Kissinger avaient, dès 1974, tout mis en œuvre pour marginaliser le MPLA. Après l’élection de M. James Carter en novembre 1976, le Congrès américain adopte un amendement interdisant toute aide aux mouvements rebelles en Angola. Néanmoins, influencé par le conseiller Zbigniew Brzezinski, M. Carter se montre aussi obsédé que son prédécesseur par la présence cubaine, et refuse de reconnaître le gouvernement angolais.

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NELSON MANDELA ET FIDEL CASTRO 

Avec le président Ronald Reagan (1981-1989), qui a fait du soutien inconditionnel à l’Unita un enjeu de politique intérieure, les Sud-Africains ont les mains libres. Ne se contentant pas d’un soutien logistique, Pretoria lance une série d’opérations militaires culminant, en 1987, dans ce que l’officiel Concise History de l’armée sud-africaine définit à l’époque comme « la plus grande opération jamais menée par les forces terrestres et l’aviation sud-africaines depuis la seconde guerre mondiale ».


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« CUITO CUANAVALE : LA BATAILLE QUI A FINI AVEC L'APARTHEID »
DES COMBATTANTS CUBAINS À CUITO CUANAVALE, ANGOLA, MARS 1988. 
La bataille de Cuito Cuanavale, dans le sud-est de l’Angola (janvier 1988), est le point culminant de treize années d’agressions sud-africaines contre la plus riche des anciennes colonies portugaises. Conscient de jouer son destin en Angola, Pretoria choisit l’escalade. Et M.Fidel Castro relève le défi. En accord avec les dirigeants angolais, il décide l’envoi de troupes supplémentaires et convainc le dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev de livrer des armements plus sophistiqués. En août 1988, l’Afrique du Sud se retire et accepte le plan des Nations unies pour l’indépendance de la Namibie. Cuba peut alors rapatrier ses troupes. Nelson Mandela considère l’échec sud-africain comme « le tournant dans la libération du continent du fléau de l’apartheid ». Les noms des soldats cubains morts en Angola figurent aujourd’hui avec ceux de tous les héros de l’histoire sud-africaine sur le mur du souvenir du Freedom Park, à Pretoria.

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LE RAPPORT BRAZZA. MISSION D’ENQUÊTE DU CONGO : RAPPORT ET DOCUMENTS (1905-1907) DE MISSION PIERRE SAVORGNAN DE BRAZZA / COMMISSION LANESSAN PRÉFACE DE CATHERINE COQUERY-VIDROVITCH
LE RAPPORT BRAZZA
L’histoire de la colonisation en Afrique est scandée par d’autres guerres, celles qui ne disaient pas leur nom et se contentaient de tout subordonner à la quête de profit. En 1903, une campagne internationale lancée par un journaliste britannique, Edmund Morel, dénonce comme criminelles les conditions de travail dans les exploitations de caoutchouc dans l’Etat indépendant du Congo, futur Congo belge. Pierre Savorgnan de Brazza est envoyé enquêter au Congo français, dont il avait été commissaire général de 1886 à 1897. Le rapport Brazza, rédigé en 1907, accable l’administration, jugée inefficace, dominée par des intérêts privés et couvrant des abus «intolérables et massifs ». On doit à l’historienne Catherine Coquery-Vidrovitch l’exhumation de ce texte oublié, qui fut jugé trop compromettant pour être publié (3).

Augusta Conchiglia
Journaliste.

(1) Piero Gleijeses, Visions of Freedom : Havana, Washington, Pretoria, and the Struggle for Southern Africa, 1976-1991, The University of North Carolina Press, Chapel Hill, 2013, 655 pages, 32 dollars. 

(2) Piero Gleijeses, Conflicting Missions : Havana, Washington and Africa, 1959-1976, The University of North Carolina Press, 2002. 

 (3) Le Rapport Brazza. Mission d’enquête du Congo : rapport et documents (1905-1907), préface de Catherine Coquery-Vidrovitch, Le Passager clandestin, Neuvy-en-Champagne, 2014, 305 pages, 19 euros.




SUR LE MÊME SUJET :

UNE AVOCATE CHILIENNE ACCUEILLIE EN FRANCE COMME DANS UNE DICTATURE!

J'ai reçu ce matin à la fondation ces avocats que nous aidons dans leur action notamment auprès du Conseil des Droits de l'Homme et leur histoire m'a semblé simplement hallucinante et digne d'une dictature.

MAÎTRE MARÍA RIVERA
Le 22 novembre à 11 heures, l'avocate en Droit Humain de la Defensoría Popular, María Ribera, a été détenue à l'aéroport Charles de Gaule de Paris par des fonctionnaires de la police française qui n'ayant trouvé aucun motif pour lui interdire l'entrée dans le pays, durent justifier sa rétention pour des motifs politiques. Cette avocate effectue actuellement une tournée en Europe, accompagné de l'avocat Rodrigo Román, pour dénoncer devant la communauté internationale la criminalisation par l'État Chilien de la protestation sociale.

A sa descente d'avion, un fonctionnaire de police a retenu son passeport et des policiers l'ont conduite dans une salle d'interrogatoire et ensuite dans une cellule, où elle est restée enfermée plusieurs heures.

« Ils ont commencé à m'interroger sur les motifs de mon voyage, sur mes moyens financiers et les assurances dont je dispose. Je leur ai montré que tout était en ordre et que j'avais accomplis toutes les formalités exigées pour l'entrée en Europe. Ils ont alors prétendu qu'ils ne comprenaient pas l'Espagnol. J'ai répondu que je suis avocate et j'ai exigé que soit respecté le droit international qui permet le recours à un traducteur et la présence du consul mais ils n'en ont eu cure et se sont mis à rire tout en m'enfermant dans une cellule sans me donner la moindre explication »

L'avocate explique qu'à l'arrivée d'un traducteur centroaméricain, la Police française lui a montré sur écran toute son histoire politique y compris des informations concernant sa détention par la police militaire à l'époque de la dictature de Pinochet.

« La situation devenant tendue, un policier a tenté de m'obliger à signer un document dans lequel je reconnaissais ne pas avoir été l'objet de discrimination. Bien entendu, j'ai refusé. »

María Magdalena Rivera Iribarren est une militante et une avocate qui défend les militants sociaux, elle n'est ni une criminelle ni même une délinquante fichée et pourtant, dès son entrée dans l'espace Schengen, un fonctionnaire a choisi de la faire interpeller. Ce qui peut nous amener à penser que la police chilienne et la police française partagent des informations concernant des militants sociaux. La police disposait en effet d'informations anciennes et sans aucun rapport avec la France.

Au regard de cet événement, peut-on penser que la police française partage avec la police chilienne des informations sur les militants associatifs français ?

En tant que militant et m'inscrivant dans une vision engagée et citoyenne de notre société, puis je penser que je suis moi aussi fiché ? Allons-nous bientôt nous retrouver dans un aéroport ou dans la rue arrêtés et devrons-nous nous justifier de nos activités militantes ? Sont-elles en train de devenir hors la loi en France ?

Alors que la mort de Rémi Fraisse est dans tous les esprits, il est essentiel de relayer l'interpellation de Maria car la France ne peut plus être reconnue comme la terre des droits de l'Homme si sa police est capable d'agissements aussi violents et portants atteinte aussi directement aux libertés fondamentales.

Nous demandons à Monsieur Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, de faire toute la lumière sur cette situation et nous ne resterons pas sans agir si aucune réponse ne nous parvenait.

Les droits fondamentaux sont attaqués chaque jour un peu plus dans notre pays et notre gouvernement doit nous donner maintenant des signes clairs d'évolutions positives pour que nous puissions continuer à dire que notre pays est aujourd'hui encore le pays des droits de l'Homme!

Emmanuel Poilane, Directeur de France Libertes Fondation Danielle Mitterrand.