jeudi 30 avril 2015

SOUTIEN À LA GRÈVE DE LA FAIM DES EX-PRISONNIERS POLITIQUES CHILIENS

Christian Rodriguez et Arthur Morenas, co-responsables Amérique Latine Martine Billard, secrétaire nationale à l'internationale

Au Chili depuis plus de 15 jours, les ex -prisonniers politiques de la dictature militaire de Pinochet ont entamé une grève de la faim au niveau national.

Ils demandent l’accélération d’un projet de loi devant le Congrès afin de permettre une indemnisation et une reconnaissance pleine des droits des ex-prisonniers politiques chiliens.

Ils exigent aussi qu’une allocation attribuée seulement à une infime partie des nombreuses victimes de la dictature militaire soit augmentée

Les ex-prisonniers politiques chiliens mènent depuis de nombreuses années le combat pour être reconnus comme des combattants contre la Dictature. (Commission Valech , pension Rettig ).

Ce sont aujourd’hui des personnes pour la plupart âgées de plus de 70 ans qui se voient forcées de débuter une grève de la faim pour être enfin écoutées.

Le silence du gouvernement chilien est frappant et inadmissible.

L’actuel Gouvernement, produit d’une large coalition dit «Nueva Mayoria» (nouvelle majorité), tout comme les précédents gouvernements de la Concertation ont systématiquement éludé les demandes légitimes des ex prisonniers politiques.

Il est insupportable de voir que la justice chilienne continue de laisser impunis les responsables civils et militaires des violations des droits de l’homme (Krassnoff- Martchenko, les membres de la DINA , sinistre police politique chilienne) et que le Conseil d’Etat élabore une thèse d’une soi-disant «prescription des crimes de lèse humanité» pendant que cette même justice abandonne les ex-prisonniers politiques victimes de la dictature.

Comment ne pas s’indigner contre ceux qui aujourd’hui cherchent à tout prix à ne pas indemniser les familles des détenus disparus ainsi que les ex-prisonniers politiques?

Il scandaleux de voir que des centaines de militaires directement mêlés aux crimes ainsi que des proches de l’ancien dictateur Pinochet, reçoivent toutes sortes d’indemnités de l’Etat chilien alors que celles et ceux qui se sont battus toute leur vie pour conquérir la liberté et les droits économiques, sociaux et politiques sont systématiquement oubliés et traités avec autant de mépris.

Le Parti de Gauche apporte toute sa solidarité aux ex-prisonniers politiques chiliens, aujourd’hui en grève de la faim. Il demande au gouvernement de Madame Bachelet de tout mettre en œuvre pour répondre favorablement à leurs justes revendications et ainsi éviter une tragédie de plus dans la longue histoire du Chili pour la démocratie, la liberté et la dignité pour tous.

CHILI: LA PRÉSIDENTE BACHELET ANNONCE UNE RÉFORME DE LA CONSTITUTION

PHOTO ALEX IBAÑEZ
Un changement de Constitution était inscrit dans le programme électoral de la socialiste Michelle Bachelet réélue en décembre 2013, après un premier mandat entre 2006 et 2010. 

La présidente socialiste s'est fixée comme objectif de réformer de fond en comble la société chilienne, dont les lois du travail en restaurant notamment le droit de grève, l'éducation, dont le modèle 100% privé et inégalitaire est un héritage direct de la dictature. 
 
La nouvelle Constitution devra être approuvée par le parlement et remplacera un texte qui n'a subi aucune modification en 25 ans de régime démocratique. 

Augusto Pinochet, qui a quitté le pouvoir en mars 1990 mais était resté commandant en chef des forces militaires jusqu'en 1998, est mort en 2006 à 91 ans sans avoir été jugé pour les crimes du régime militaire qui a fait plus de 3.200 morts et 28.000 torturés. 
 

mercredi 29 avril 2015

GRÈVE DE LA FAIM D’ANCIENS PRISONNIERS POLITIQUES DANS UNE CATHÉDRALE DU CHILI

Selon les déclarations de l’agence Fides, dimanche dernier, l’archevêque de Concepción, Mgr Fernando Chomali, a clairement dit qu’il ne demandera pas l’expulsion des manifestants et qu’il s’engagera à négocier afin d’arriver à une solution rapide de l’affaire. Le porte-parole des anciens détenus mobilisés, Luis Moreno, a fait savoir qu’ils ont rencontré samedi dernier l’archevêque en lui exprimant leurs exigences et en n’excluant pas le fait de « radicaliser » leurs actions de protestation. 

La situation du pays est très tendue à cause de l’indifférence manifestée par le gouvernement face à cette situation. « Il n’est pas possible que cela arrive avec le gouvernement de la présidente Michelle Bachelet, ancienne prisonnière politique, a accusé lundi un sénateur. Le gouvernement doit répondre à ces personnes et aux promesses faites précédemment, durant la campagne électorale ».

mardi 28 avril 2015

LE CHILI RESTE EN ALERTE TROIS JOURS APRÈS LES ÉRUPTIONS DU CALBUCO


- DIAPORAMA -

Le Service national de la géologie et des mines (Sernageomin) n'exclut pas dans son dernier rapport sur l'activité du Calbuco la possibilité de nouvelles éruptions.

210 millions de tonnes de cendres

Dimanche, les habitants de La Ensenada ont travaillé aux côtés de l'armée pour commencer à enlever les tonnes de cendre grise qui ont recouvert les toits et les rues de leur village. « Toute aide est la bienvenue, l'arrivée des militaires nous permettra de nous remettre sur pied le plus tôt possible », a déclaré à l'AFP Sandra Ramirez, une habitante de La Ensenada.

Mme Ramirez et ses voisins sont restés quelques heures dans la bourgade, mais sont retournés pour la nuit dans les hébergements d'urgence qui leur ont été attribués, car La Ensenada se trouve à l'intérieur de la zone d'exclusion de 20 kilomètres de rayon autour du cratère, que les autorités ont instaurée par mesure de sécurité.

Près de 6 000 personnes au total ont été évacuées des alentours du volcan, qui a déjà émis 210 millions de tonnes de cendres. Les cendres, qui se répandent en altitude, perturbent depuis jeudi le trafic aérien dans le sud du continent, causant des retards et des annulations de vols en provenance ou à destination du Chili, de l'Argentine et même de l'Uruguay.

lundi 27 avril 2015

LOS VIETNAMITAS

AMERINDIOS 
(1970)

[ Pour écouter, cliquer sur la flèche ]



«LOS VIETNAMITAS» VERSION ADAPTÉE DU THÈME «DAVID Y GOLIAT» (DAVID ET GOLIATH ), DU  COMPOSITEUR CUBAIN CARLOS PUEBLA, PARU DANS L'ALBUM «SOY DEL PUEBLO», ÉDITE PAR LA MAISON DE DISQUES EGREM-AREITO EN 1971 PAR LA BANDE CHILIENNE LES «AMERINDIOS» FONDÉE EN 1967 À SANTIAGO DU CHILI PAR LES MUSICIENS MARIO SALAZAR Y JULIO NUMHAUSER.  















      RENCONTRE AVEC UNE GRANDE RÉSISTANTE VIETNAMIENNE

      [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]

      MM E BINH À LA CONFÉRENCE 
      DE PAIX DE PARIS (1968-1973).  
      Le 27 janvier 1973, les accords de Paris mettent fin à la guerre américaine au Vietnam. Parmi les représentants vietnamiens et seule femme à la table des négociations, Mme Nguyen Thi Binh, qu’avait alors rencontré Kaj Falkman, diplomate suédois chargé des affaires vietnamiennes au ministère des affaires étrangères. L’été dernier, ils se sont retrouvés à Hanoï.
      Lorsque j’ai rencontré Mme Nguyen Thi Binh à Hanoï au cours de l’été 2014, cela faisait quarante ans que nous ne nous étions pas vus. C’était à Paris, lors de la signature de l’accord de paix en 1973, alors qu’elle était négociatrice en chef du gouvernement révolutionnaire provisoire du Sud-Vietnam (GRP). Seule femme participant aux négociations entre les États-Unis et le gouvernement de Saïgon d’une part, la République démocratique du Vietnam et le GRP d’autre part, elle en était l’étoile brillante grâce à l’élégance de son français et à sa rigueur convaincante.

      À Hanoï, l’été dernier, Mme Binh m’a rappelé son expérience personnelle. À la fin de 1946, à l’âge de dix-neuf ans, elle abandonna ses études à Saïgon pour participer au « Mouvement de résistance aux cheveux longs », une association féminine pour l’indépendance nationale. Des centaines de milliers de femmes manifestèrent dans les grandes villes du Sud-Vietnam contre la puissance coloniale française. Co-dirigeante du mouvement, Mme Binh fut arrêtée en 1951 et passa trois ans en prison. Soumise à la torture, elle refusa de donner les noms d’autres membres de l’association.

      Plus tard, elle décrira sa détention comme une école révolutionnaire où elle rencontra des femmes de caractère qui devinrent ensuite ses « sœurs révolutionnaires » dans le Front national de libération (FNL), mouvement de résistance armée — créé en 1960 — contre l’occupation américaine et le régime du premier ministre vietnamien Ngo Dinh Diem.

      Mme Binh, qui a maintenant quatre vingt-quatre ans, me reçoit dans une ancienne villa coloniale française qui sert de bureau au Comité pour la paix au Vietnam, dont elle est la présidente : « Nous ne comprenons toujours pas pourquoi Washington a envoyé deux millions et demi de jeunes Américains de l’autre côté du Pacifique pour tuer trois millions de Vietnamiens, des civils pour la plupart. Nous ne comprenons pas non plus, pourquoi vous, les Suédois, cousins de l’Amérique, avez choisi, bien avant n’importe quel autre pays occidental, de soutenir la lutte du peuple vietnamien pour la liberté, et d’ouvrir des relations diplomatiques avec Hanoï [dès 1969]. Nous nous souvenons particulièrement d’Olof Palme et de son courage lorsqu’il condamna plus fermement qu’aucun autre gouvernement occidental les bombardements américains, et de Jean-Christophe Öberg, votre diplomate engagé qui a établi très tôt d’étroits contacts avec nous et Hanoï. »

      « Personne ne pouvait croire 
      à la théorie des dominos communistes »

      Mme Binh poursuit, après m’avoir versé du thé vert dans des tasses bleu et blanc : « Nous ne voulions pas être entraînés dans la politique mondiale, nous Vietnamiens qui avons vécu ici depuis des milliers d’années et cultivé notre riz. Mais lorsque l’Amérique nous a embarqués dans son conflit de grande puissance avec la Chine et l’Union soviétique, nous avons été contraints de participer comme champ de bataille face aux ambitions géopolitiques américaines. Personne ne pouvait vraiment croire à la prétendue théorie des dominos, selon laquelle toute l’Asie céderait au communisme, uniquement parce que nous luttions pour notre indépendance après cent ans de colonialisme français et d’impérialisme américain. »

      La résistante vietnamienne n’a pas tort : les mémoires des chefs de guerre américains montrent que pas même les présidents ne croyaient à la doctrine des dominos, bien que le président Lyndon B. Johnson (1963-1968) eut déclaré à plusieurs occasions qu’il « valait mieux se battre contre le communisme au Vietnam qu’à San Francisco ! »

      Dwight D. Eisenhower fut le premier chef d’État (1953-1961) à formuler la théorie des dominos après la défaite française à Dien Bien Phu, au printemps 1954. Lors de son dernier échange en tant que président en janvier 1961 avec son successeur John F. Kennedy (1961-1963) il déclara : « Si le Laos tombe aux mains des communistes, le reste de l’Asie du Sud-Est [Vietnam, Cambodge, Birmanie, Thaïlande, Malaisie] tombera comme des dominos, sera perdu pour le monde libre et deviendra une menace pour la sécurité des États-Unis. » Lors de sa dernière conférence de presse en novembre 1963, à la question de savoir si les États-Unis allaient abandonner le Sud-Vietnam, Kennedy répondit : « Le plus important c’est notre sécurité nationale. Notre objectif est de ramener nos soldats à la maison et laisser les Vietnamiens se défendre eux-mêmes comme un pays libre et indépendant. »

      « Kennedy était déjà dans le tunnel »

      Lorsque je mentionne cette déclaration à Mme Binh, celle-ci n’y croit guère. Elle estime que « Kennedy était déjà dans le tunnel. Il a inondé le Sud-Vietnam d’armes américaines de haute technologie et envoyé dix-huit mille prétendus conseillers qui étaient des instructeurs militaires pour enseigner l’utilisation des armes. En réalité, les pilotes américains dirigeaient leurs hélicoptères de combat contre nos guérilleros tandis que les soldats du régime de Saïgon étaient assis à l’arrière et regardaient. On les a décrits comme apathiques et moralement las, parce qu’ils ne voulaient pas participer à une guerre fratricide. » Pour Mme Binh, « la grosse erreur des États-Unis a été de croire qu’une partition du Vietnam diviserait aussi le peuple. Le peuple vietnamien est une entité historique avec des liens de sang communs. Le mouvement de résistance existait dans tout le Vietnam, même si son emprise était plus forte dans le Nord-Vietnam. »

      Lors de la conférence de Genève sur l’Indochine, au printemps 1954, peu après la défaite française, il fut décidé que le Vietnam serait séparé le long du 17e parallèle par une ligne de démarcation provisoire entre les zones nord et sud — comme en Corée. Un référendum devait avoir lieu deux ans plus tard dans tout le Vietnam afin que le peuple puisse décider de son avenir. Eisenhower en repoussa l’idée car il craignait que le leader charismatique du Nord-Vietnam, Hô Chi Minh, gagne avec 80 % des voix et réunifie le Vietnam.

      Neuf moines bouddhistes tués, à Hué

      « Les Américains voulaient établir un bastion anti-communiste dans le sud. Ils choisirent un catholique, Ngo Dinh Diem, comme leader du Sud Vietnam bouddhiste, car ils le considéraient fidèle et avec des valeurs occidentales », explique mon interlocutrice. Lorsque Diem limita la liberté religieuse, les moines bouddhistes protestèrent par des manifestations. Les soldats du gouvernement ouvrirent le feu et en tuèrent neuf lors d’une procession à Hué le 8 mai 1963. Des manifestations de masse contre le régime eurent lieu dans tout le Sud Vietnam. Les troupes gouvernementales arrêtèrent mille quatre cents moines et mirent le feu à des pagodes, ce qui provoqua de fortes réactions aux États-Unis. Un exil en Amérique fut proposé à Diem s’il démissionnait, mais il refusa. Un groupe de généraux s’empara de lui et de son frère, et ils furent exécutés le 2 novembre 1963. Vingt jours plus tard, le président Kennedy était assassiné à Dallas.

      Le chaos régnait alors à Saïgon, une « guerre civile dans la guerre civile », écrivit le secrétaire américain à la défense Robert McNamara dans ses mémoires. « C’était le moment de se retirer ». Mais il fit le contraire : sur ordre du nouveau président Johnson, McNamara entraîna la plupart des militaires américains, en particulier les forces aériennes et navales, au Vietnam. Objectif : aider le Sud-Vietnam à « gagner son combat contre la conspiration communiste dirigée et soutenue de l’extérieur ». En langage clair, cela signifiait que Hanoï et le FNL du Sud-Vietnam étaient considérés comme dirigés et soutenus par une conspiration communiste fomentée par la Chine et l’Union soviétique. La CIA à Saïgon avait une opinion différente : les véritables racines des forces du FLN se trouvaient dans le Sud-Vietnam. McNamara organisa le transfert de cinq cent cinquante mille soldats américains pendant la présidence de Johnson.

      « Les Américains ne reconnaissent pas leur culpabilité » 

      « Après les accords de paix, rappelle Mme Binh, de nombreux livres ont été écrits sur le Vietnam, surtout américains et français, mais ils ne racontent pas toute la vérité. Ils reconnaissent leur erreur dans la guerre, mais pas leur culpabilité. » Dans le film documentaire d’Errol Morris, The Fog of War (Brumes de guerre, 2003), à la question : « Reconnaissez-vous votre culpabilité ? » McNamara répond : « Je refuse de répondre. La question est trop complexe. La guerre est tellement complexe que la raison humaine est incapable de comprendre toutes ses variables. (…) La guerre est dans la nature de l’homme. Nous tuons des gens inutilement. Nous sommes rationnels, mais la raison a ses limites. » Dans cette brume illusoire, McNamara tentait de dissimuler sa culpabilité et sa responsabilité.

      L’offensive du Têt constitua le tournant de la guerre : le FNL et la République démocratique du Vietnam (RDV) organisèrent une rébellion dans une quarantaine de villes du Sud-Vietnam pendant la nuit de la nouvelle année vietnamienne en 1968, attaquèrent des objectifs militaires et administratifs et occupèrent notamment l’ambassade américaine à Saïgon. « Avant, vous vous plaigniez que l’ennemi était invisible, maintenant il est partout ! » s’écria, choqué, le président Johnson, qui se rendait compte que tous les rapports optimistes de Saïgon avaient été mensongers. Il congédia le général William Westmoreland, commandant en chef des forces américaines au Vietnam, et le secrétaire à la défense McNamara, déclara un arrêt partiel des bombardements sur le Nord, proposa l’ouverture de négociations de paix avec Hanoï et annonça son retrait de la course présidentielle.

      Richard Nixon (1969-1974) gagna l’élection contre la promesse de retirer les troupes américaines du Vietnam. Finie la doctrine des dominos de Johnson. Le nouveau président formula une nouvelle illusion : le retrait avec « honneur et dignité ».

      Ce qui, aujourd’hui encore, fait rire Mme Binh : «Personne ne comprenait comment cette équation allait fonctionner, encore moins le régime de Saïgon qui avait réalisé qu’il ne pouvait vaincre la RDV et le GRP sans la poursuite du soutien des troupes américaines. » Pour la résoudre, Nixon engagea comme conseiller à la sécurité nationale le politologue Henry Kissinger. Celui-ci constata que le manque de succès des négociations de paix quadripartite à Paris était dû à un blocage entre « les idéologues fanatiques de Hanoï et les idéalistes inexpérimentés de Washington. » Il reprit les négociations avec un membre du politburo de Hanoi, Lê Duc Tho. Les entretiens secrets débutèrent à Paris en février 1969 [[Daniel Roussel y a consacré un documentaire — avec des archives inédites —, qui a reçu le prix du jury au Festival international du film de Pessac en 2014, lequel devrait être diffusé sur Arte — nous y reviendrons). L’accord de paix entre Washington et Hanoï fut paraphé en octobre 1972. Mais le président Thieu, du gouvernement de Saïgon, refusa de signer un accord qui stipulait le retrait de toutes les troupes américaines du Sud-Vietnam. Sans ces troupes, Thieu ne pouvait pas survivre !

      « Le premier ministre suédois compare 
      l’administration Nixon aux nazis »

      Nixon et Kissinger prirent une décision fatale qui allait complètement surprendre les Vietnamiens et étonner le monde entier : les bombardements de Noël sur Hanoï et Haïphong. Des vagues de B-52 bombardèrent cette zone pendant douze jours et nuits entre Noël 1972 et le nouvel an. La gare ferroviaire de Hanoï, l’hôpital « suédois » de Bach Maï, des pagodes et des églises furent indistinctement touchés par un déluge de bombes. Plus de mille six cent civils furent tués.

      Les Vietnamiens rompirent les négociations mais les reprirent au début de l’année suivante. Un accord de paix fut signé entre les quatre parties à Paris, le 27 janvier 1973. Quinze jours après la signature, Kissinger se rendit à Hanoi, invité par Lê Duc Tho pour discuter de l’aide américaine à la reconstruction (promise par Nixon mais stoppée par le Congrès). Dans ses mémoires, Kissinger se dit déçu que « pas un seul État allié de l’OTAN ne nous ait soutenus ou n’ait fait preuve de compréhension pour notre position — particulièrement douloureux de la part de pays comme le Danemark, la Belgique et les Pays-Bas qui fondent leur propre défense sur une stratégie qui implique des attaques américaines massives contre des objectifs civils. »

      Lorsque Kissinger fait le compte des gouvernements étrangers qui condamnèrent les bombardements de Noël, il mentionne en premier le gouvernement suédois qui « compara l’administration Nixon aux nazis. » Dans l’énumération du premier ministre d’alors Olof Palme, parmi les sept noms de lieux associés aux atrocités de l’histoire moderne figurait Treblinka, (le camp d’extermination nazi en Pologne en 1942-1943), auquel il ajouta « Hanoï — Noël 1972. » Kissinger punit la Suède en rétrogradant avec effet immédiat les relations diplomatiques à un niveau sans ambassadeurs.

      Par la suite, Kissinger écrivit que Nixon n’avait pas d’autre alternative que de bombarder Hanoi pour que Thieu signe l’accord. Une excuse étonnante ! Une alternative naturelle eut été que Nixon révoque Thieu et installe un nouveau président prêt à signer l’accord et à dire adieu aux troupes américaines. Le Sud-Vietnam se serait ainsi épargné sa propre guerre civile dévastatrice entre 1973 et 1975.

      L’agent orange poursuit ses ravages

      Mme Binh rappelle : « La guerre américaine continue aujourd’hui pour la quatrième génération de Vietnamiens. Les nouveau-nés sont touchés par l’herbicide agent orange/dioxine, qui se transmet de génération en génération par les gènes. Quinze jours seulement après sa prise de fonction en 1961, Kennedy approuva la demande de l’armée d’utiliser l’agent orange pour défolier la forêt où se cachait la guérilla. Répandue dans les rivières et les rizières, la dioxine fut utilisée plus tard contre la population. (…) plus de trois millions de Vietnamiens en ont été victimes. Toutes les demandes d’indemnisation ou d’aide économique aux familles touchées ont été refusées par les États-Unis. »

      Le poison contaminait par inhalation, par la peau, l’ingestion de nourriture et d’eau. Il a provoqué des décès et de graves blessures physiques et mentales. Malgré les protestations internationales pour arrêter d’utiliser cette arme chimique de destruction massive en violation du droit international, Johnson et Nixon continuèrent de l’employer jusqu’en 1971, c’est-à-dire pendant dix ans !

      Dans la pagode Chua Thien Mu à l’extérieur de Hué, le siège du bouddhisme au Vietnam, le leader bouddhiste Thich Hai An me reçoit, vêtu d’une longue robe gris clair : « En raison de notre position apolitique durant la révolte bouddhiste contre Diem, le peuple a eu confiance en nous. Nous n’étions ni communistes ni catholiques, nous n’avions aucun intérêt à préserver, seulement la volonté morale que la violence cesse, ce que souhaitait aussi la population. Nous étions considérés comme une troisième force. Nous n’agissons pas politiquement, mais nos actes peuvent avoir, comme ce fut le cas, une signification politique. »

      Quelle était la proportion de bouddhistes pratiquants dans la population ? « Peut-être jusqu’à 70 %, mais il y a aussi tous les bouddhistes passifs dont la foi est tissée dans les croyances traditionnelles que sont le taoïsme et le confucianisme. Si l’on tire sur un fil, toute la trame se défait. (…) Le culte des ancêtres comme créateurs de la famille et de la communauté villageoise est toujours présent chez les Vietnamiens» ajoute Thich.

      L’escalier qui mène au ciel 

      M. Kissinger résume ses souvenirs de la guerre du Vietnam par ces mots : « Il ne nous reste plus qu’à espérer que le Vietnam tombe dans l’oubli de notre conscience nationale. » Et c’est un professeur d’histoire qui s’exprime ! Apparemment il espère oublier — et l’Amérique avec lui — sa coresponsabilité dans les atrocités commises au Vietnam. Au contraire, il est de notre devoir de révéler la vérité historique avant que nous-mêmes disparaissions de l’histoire.

       Un Vietnamien témoigne de la profonde réalité de la guerre du Vietnam par ces trois vers :

      La maison de Grand-Mère bombardée
      Il n’en reste que l’escalier
      qui mène au Ciel.

      Kaj Falkman était chargé des affaires vietnamiennes au ministère suédois des affaires étrangères entre 1968 et 1973. Son dernier ouvrage s’intitule Ekot från Vietnam (L’Echo du Vietnam, en suédois), Carlsson Bokförlag, Stockholm, 2014.

      dimanche 26 avril 2015

      LE CHILI REDOUTE UNE TROISIÈME ÉRUPTION DU VOLCAN CALBUCO

      Du cratère culminant à 2003 mètres d'altitude et situé au bord de l'océan Pacifique à 1300 kilomètres au sud de Santiago, ont surgi jusqu'à jeudi d'immenses colonnes de fumée puis de cendres, s'élevant jusqu'à une quinzaine de kilomètres.

      Mais le volcan, qui s'est réveillé après 54 ans, offrant un spectacle impressionnant de lave en éruption sur un ciel zébré d'éclairs, pourrait de nouveau entrer en action, a averti le Service national de géologie et de mines. «L'éruption en cours peut évoluer jusqu'à de nouvelles poussées éruptives d'ordre similaire à celles qui se sont produites au cours des dernières 24 heures», a-t-il mis en garde.
      «Nous ne savons pas comment cela va évoluer. C'est assez imprévisible», a déclaré la présidente chilienne Michelle Bachelet, arrivée sur place jeudi après-midi.

      Aucune coulée n'était cependant apparente sur les flancs du volcan jeudi. 

      Le ciel était couvert d'épais nuages de cendres, forçant les compagnies aériennes à annuler des vols. 
      Les nuages ont atteint le sud de l'Argentine, dont la ville touristique de Bariloche, située à seulement 100 kilomètres du volcan, où les autorités ont demandé aux habitants de rester chez eux en raison de la présence de cendres.

      Le gouvernement chilien n'a pas fait état de victimes. Un alpiniste de 21 ans a été porté disparu dans un premier temps, mais a été retrouvé. 

      «Hystérie immédiate»

      La première éruption mercredi a duré environ 90 minutes, provoquant un énorme champignon de cendres et marbrant le ciel de rose et de jaune alors que le soleil se couchait.

      Lors de la deuxième, sept heures plus tard, le volcan a craché de la lave et des éclairs volcaniques se sont produits, un phénomène causé selon les experts par l'éjection d'importantes quantités de roches en fusion et de cendres, chargées d'électricité statique.

      «L'explosion a provoqué une hystérie immédiate chez les habitants. On n'en croyait pas nos yeux», a dit à l'AFP Marcia Claro, patronne d'une cafetéria à Puerto Varas, localité touristique de 38 000 habitants sur les rives du lac Llanquihue.

      Les touristes étaient pour leur part ravis du spectacle des éclairs bleu-blanc marbrant le rougeoiement de la lave.

      «Moi je suis venue passer trois mois de vacances au Chili, mais je ne m'attendais pas à ça», témoignait Cody Fritz, une touriste américaine de 30 ans. «L'éruption a été incroyable (...) Mes vacances sont rentabilisées avec le spectacle du Calbuco !»

      Le Calbuco avait connu sa précédente éruption en 1961.

      «Il n'était pas du tout endormi ! Il était actif et vivant» avec des émissions régulières de gaz et de fumerolles, a toutefois expliqué à l'AFP Florent Brenguier, sismologue de l'Université de Grenoble (France). 

      «Une durée de 50 ans entre deux éruptions, c'est très court à l'échelle d'un volcan», a-t-il poursuivi: «Cette nouvelle éruption n'est pas du tout surprenante» et pourrait durer «plusieurs jours ou semaines».

      Risque d'inondations

      Une épaisse couche de cendres recouvre la région, provoquant l'affaissement des toits de certaines maisons.

      Des engins de chantier ont été mobilisés pour déblayer les routes alors que des habitants nettoyaient à la pelle les toits de leurs habitations.

      «Les cendres pourraient endommager les cultures», perturber «le travail, le tourisme et surtout la santé» de la population, avait averti la présidente qui a appelé à se protéger avec des masques que les autorités distribuaient au Chili et en Argentine.

      Il y a «une probabilité d'écoulement de lave à partir du volcan, ce qui pourrait faire fondre la neige et donc faire déborder les rivières», a prévenu Michelle Bachelet.

      Il s'agit de la deuxième éruption en quelques semaines au Chili, après celle en mars du volcan Villarrica (sud), qui avait entraîné l'évacuation de 3600 personnes.

      Au Costa Rica, le volcan Turrialba est à nouveau entré en éruption jeudi, dégageant des colonnes de cendres qui ont entraîné la fermeture de l'aéroport international de San Jose.

      Le Chili compte environ 90 volcans actifs et le Calbuco est considéré comme l'un des plus dangereux.

      «Si nous n'avions pas ces volcans, nous n'aurions pas ces mines d'or et de cuivre au Chili. Il faut voir le côté positif des choses», a souligné le géologue  Alfredo Lahsen de l'Université du Chili, dont le pays est l'un des premiers producteurs de cuivre au monde.

      vendredi 24 avril 2015

      LE PORTUGAL, L'EMPIRE OUBLIÉ

      LES COLLECTIONS 
      DE L'HISTOIRE
      N°63, 10 AVRIL 2014
      C'est un coup d'État militaire qui, le 25 avril 1974, renverse la dictature. Parce qu'elle fut pacifique et incroyablement rapide, cette «Révolution des Œillets» déchaîna l'enthousiasme des gauches européennes. Les observateurs s'intéressent davantage aujourd'hui à la transition démocratique qui, elle, fut plus chaotique et qui dura deux ans.

      YVES LÉONARD 
      Il y a quarante ans, le 25 avril 1974, le Portugal passait de l'ombre à la lumière, projeté sous les feux de l'actualité internationale en une seule journée, O Dia Inicial comme l'immortalisa la poétesse Sophia de Mello Breyner : « C'était l'aube que j'espérais, le jour initial entier et propre, où nous avons émergé de la nuit et du silence 1. »

      En quelques heures, le régime salazariste, au pouvoir depuis près d'un demi-siècle, « disparaissait, comme s'il n'avait jamais existé », pour reprendre le constat, à chaud, de l'éditorialiste du Times, Bernard Levin. Un coup d'État militaire, fomenté par de jeunes officiers idéalistes et téméraires, devenait révolution, et ouvrait la voie au rétablissement de la démocratie: le cas est exceptionnel dans l'histoire du XXe siècle.

      Depuis 1961 - « l'année horrible » pour Salazar, ponctuée notamment par le début de l'insurrection en Angola, en février, et la perte de Goa, Daman et Diu annexés par l'Inde après leur invasion en décembre , la question centrale au Portugal est celle des guerres coloniales menées sur trois théâtres d'opérations militaires : l'Angola, la Guinée (depuis 1963) et le Mozambique (depuis 1964). Mais Salazar demeure intransigeant sur la préservation de ce qu'il reste de l'empire, à laquelle il conditionne la survie du régime. Les guerres outre-mer absorbent en 1973 - trois ans après sa mort - le quart des dépenses de l'État ; 140 000 soldats sont mobilisés.

      Le service militaire est passé de deux à quatre ans et les jeunes Portugais sont de plus en plus nombreux à tenter de s'y soustraire. Quelque 100 000 d'entre eux y parviennent, comme déserteurs ou réfractaires, mais au prix d'un exil clandestin, « a salto », le plus souvent vers la France. S'y ajoute une émigration massive engendrée par la pauvreté - 100 000 départs par an au début des années 1970. L'économie portugaise, privée de main-d'oeuvre, est affaiblie. « Même la voix de la mer devient exil », écrit Sofia de Mello Breyner. « Le dernier qui quitte le pays éteint la lumière », murmure-t-on loin des oreilles des bufos, les indics de la police politique.

      Salazar est victime en septembre 1968 d'un accident vasculaire cérébral. Se pose dans l'urgence la question de sa succession, question que le dictateur, au pouvoir depuis 1928, avait toujours pris soin d'éluder. C'est finalement Marcello Caetano, un professeur de droit considéré comme le père du droit administratif portugais, âgé de 62 ans, qui est nommé président du Conseil par le chef de l'État, l'amiral Américo Tomas. Homme du sérail, commissaire de la Jeunesse portugaise à la fin des années 1930, ministre des Colonies dans les années 1940, Caetano était recteur de l'Université de Lisbonne lors de la révolte étudiante de 1962. Une fois nommé, il s'efforce d'incarner « une évolution dans la continuité », non sans chercher, au cours des premiers mois, à s'émanciper de la tutelle de Salazar - celui-ci meurt finalement en juillet 1970.
      DANS UNE AMBIANCE PRINTANIÈRE, LA RÉVOLUTION DES ŒILLETS PROJETTE LISBONNE POUR DIX-HUIT MOIS SUR L'AVANT-SCÈNE INTERNATIONALE. LE PORTUGAL DEVIENT UN LIEU DE PÈLERINAGE ET UN LABORATOIRE D'EXPÉRIMENTATIONS POLITIQUES POUR LES GAUCHES EUROPÉENNES, TRAUMATISÉES PAR LE COUP D'ÉTAT QUI, EN SEPTEMBRE 1973, A RENVERSÉ LE PRÉSIDENT ALLENDE AU CHILI(7). « C'EST LE CHILI AU BOUT DE L'AUTOROUTE DU SUD », IRONISE LE FIGARO LE 5 AOÛT 1975.
      LE DÉCLENCHEUR COLONIAL

      Quelques réformes cosmétiques en 1969 et l'organisation d'élections législatives marquées par l'émergence, en trompe l’œil, d'une « aile libérale » révèlent vite les limites du « printemps marceliste ». Un profond désenchantement se fait jour dans l'opinion, tandis que Caetano se trouve de plus en plus isolé face aux ultras du régime, regroupés autour d'Américo Tomas2. Son indécision, le décès de son épouse début 1971, ses soucis de santé compliquent encore sa tâche, alors que la situation économique ne cesse de se détériorer, plombée par le coût de guerres coloniales sans issue politique. La contestation monte, notamment dans les milieux étudiants où de nouvelles organisations d'extrême gauche se mettent en place3, alors que l'opposition, souvent en exil, tente, malgré la police politique et la censure, de se faire entendre.

      C'est finalement la question coloniale qui déclenche la révolution. À l'origine, des revendications corporatistes des officiers d'active : leur pouvoir d'achat est en 1973 inférieur de 45 % à celui de 1960 ; les effectifs diminuent. De jeunes officiers, majors ou capitaines, s'organisent à partir de l'automne 1973. Tous ont combattu outre-mer ; ils ont compris que les guerres coloniales se trouvaient enlisées dans une impasse militaire, qu'il fallait y mettre un terme. Otelo Saraiva de Carvalho, Ernesto Melo Antunes et Vitor Alves sont leurs figures de proue.

      Ces jeunes capitaines s'appuient, pour leurs revendications, sur le prestige de deux figures emblématiques en rupture de ban : le général chef d'état-major Costa Gomes et son adjoint, le général au monocle Antonio de Spinola, ancien commandant en chef en Guinée. Ce dernier appelle de ses voeux en février 1974, dans Le Portugal et son avenir, à la formation autour du Portugal d'une fédération d'États autonomes, inspirée du Commonwealth. Il est destitué, en même temps que son chef. Le 16 mars, un régiment se mutine à Caldas da Rainha. La contestation est là facilement éteinte. Mais elle monte au sein de l'armée.

      Pourtant, rares sont ceux qui imaginent alors que la dictature peut tomber. En exil à Paris depuis 1970, le socialiste Mario Soares se trouve le 24 avril 1974 à Bonn, en Allemagne fédérale, à l'invitation du chancelier Willy Brandt et du SPD. Nous sommes à la veille de la révolution... « Je les ai avertis que les choses allaient se précipiter, racontera Mario Soares, et qu'ils devraient nous aider pour empêcher le déferlement d'une vague communiste. Ils m'ont dit : "Mario, tu es un idéaliste. Tu n'es pas réaliste. Tu vas être obligé de passer encore beaucoup d'années en exil." J'ai insisté sur ma certitude, mais ils ont fait état d'informations qu'ils détenaient de l'Otan et des Américains selon lesquelles il ne se passerait rien au Portugal4... »

      « SEUL LE PEUPLE COMMANDE »

      Unité de temps, de lieu et d'action : la règle des trois unités est respectée pour la révolution qui éclate ce 25 avril 1974 dans les rues de Lisbonne, mais sans tragédie ni effusion de sang. Tout commence par un coup d'État. A la manoeuvre : le major Otelo Saraiva de Carvalho, officier de 37 ans qui a servi en Angola, puis en Guinée auprès du général Spinola. L'action, préparée comme une opération militaire, doit être concentrée à Lisbonne : occupation de la radio, de la télévision, du Quartier général, de l'aéroport et des ministères situés place du Terreiro do Paço.

      A 22 h 55, la chanson E Depois de Adeus (« Et après l'adieu ») de Paulo de Carvalho est diffusée sur Radio Clube Português. Puis, à minuit vingt, sur les ondes de Radio Renascença, c'est Grandola, Vila Morena : « Grandola, ville brune/ Terre de fraternité/ Seul le peuple commande/ Dans ton enceinte, ô cité. » Chantée par José (« Zeca ») Afonso, opposant au régime emprisonné quelques semaines au printemps 1973, elle a été enregistrée en France en octobre 1971, au château d'Hérouville, en Normandie. C'est le signal du déclenchement de l'insurrection. A peine 150 officiers et 2 000 soldats sont de la partie. Aucune force aérienne ou navale n'est impliquée. Dans des conditions normales, les chances de réussite de l'opération auraient été bien faibles. Mais les responsables militaires sont préoccupés avant tout par la formation et l'envoi des troupes outre-mer.

      Dès 4 heures du matin, les premiers objectifs sont atteints. A 4 h 26, un Mouvement des forces armées, « MFA », demande à la population dans un communiqué à la radio de rester chez elle, au calme. Les communiqués suivants confirment qu'une « série d'actions en vue de libérer le pays du régime qui le domine depuis trop longtemps » sont menées depuis l'aube. Depuis son poste de commandement, Otelo Saraiva de Carvalho (« Oscar ») coordonne les mouvements des insurgés. Les forces de police sont appelées à ne pas intervenir pour éviter un bain de sang. Et les oppositions sont effectivement bien rares.

      Le capitaine Salgueiro Maia, un jeune officier qui n'a pas 30 ans, commande les hommes et blindés de l'École pratique de cavalerie de Santarem. Ils doivent prendre possession du Terreiro do Paço, le centre névralgique du pouvoir où se trouvent notamment les ministères de l'Intérieur et de la Défense. Face à la détermination du capitaine Maia5 et à l'évocation du nom du général Spinola, caution militaire du coup d'État, les troupes envoyées à leur rencontre renoncent à engager le fer.

      Dès 6 heures, Marcelo Caetano s'est réfugié à la caserne du Carmo, sous la protection de la Garde nationale républicaine. Maia négocie sa reddition : le président du Conseil remet sa démission au général Spinola, « pour que le pouvoir ne tombe pas dans la rue ». A 19 h 30 un blindé le conduit à l'aéroport pour être exfiltré vers Madère, puis le Brésil - où il mourra en 1980.

      Très vite, des oeillets rouges - c'est la saison et le marché aux fleurs de Lisbonne en regorge - fleurissent au bout des fusils. Incrédule et surprise, sinon méfiante au début, la foule, composée de jeunes - étudiants, lycéens -, fraternise avec les soldats, dans une ambiance printanière. Massée place du Carmo, devant la caserne où s'est réfugié Caetano, juchée sur les cabines téléphoniques, elle encourage les troupes du capitaine Maia qui, plus tard, s'avouera surpris d'un tel engouement populaire. Le coup d'État militaire, décidément, est pacifique. Seuls moins d'une dizaine de morts et quelques blessés sont à déplorer, tombés sous les tirs des agents de la police politique, devant le siège de la DGS (la « Direction générale de la sécurité ») où quelques centaines de manifestants se rassemblent dans la soirée. Aucun militaire n'est tué ni blessé.

      A 20 h 05, dans un communiqué radiodiffusé, le MFA annonce la chute du régime. Il déclare également vouloir remettre, dès que possible, le pouvoir aux civils : « Le Mouvement des forces armées, qui vient d'accomplir avec succès la plus importante des missions civiques des dernières années de notre histoire, proclame devant la nation son intention de mener à bien, jusqu'à sa complète réalisation, un programme de sauvetage du pays et de restitution au peuple portugais les libertés civiques dont il a été privé. À cette fin, il confie le gouvernement à une junte de salut national. » Le programme du MFA tient en trois D : décoloniser, démocratiser, développer. Le 26 avril, à 1 h 30, le général Spinola prend la parole à la télévision. Président de cette « junte de salut national » composée d'officiers supérieurs issus des différentes forces armées, il annonce l'élection prochaine au suffrage universel d'une Assemblée nationale constituante et d'un président de la République. Vingt-quatre heures tout juste se sont écoulées depuis la diffusion de Grandola, Vila Morena. Une journée aura suffi pour renverser la dictature.

      Au matin du 26 avril, des parachutistes prennent, sans résistance des agents de la DGS, le contrôle de la forteresse de Caxias. Dans l'après-midi, les premiers prisonniers politiques sont libérés, suivis, le lendemain, par ceux de la forteresse de Peniche. La censure est abolie et la police politique supprimée. Le 1er mai, les premières manifestations libres depuis un demi-siècle défilent dans tout le pays aux cris de «MFA, MFA, le peuple est avec le MFA». À Lisbonne, plus de 500 000 personnes en liesse fêtent le rétablissement de la démocratie, le succès du « peuple uni qui ne sera jamais vaincu » et le retour des grands exilés politiques, le socialiste Mario Soares et le communiste Alvaro Cunhal, ovationnés.

      LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE

      Le premier acte est terminé : un coup d'État est parvenu, en une journée, à renverser la dictature. Reste à instaurer la démocratie : ce second acte va durer, lui, dix-huit mois. C'est ce qu'on a appelé le « Processus révolutionnaire en cours » (PREC).

      Qui, des militaires ou des partis politiques, mène la barque sur cette mer agitée du PREC, sous un ciel plombé par la crise économique, les tensions sociales et la décolonisation ? Le MFA se veut « le moteur, il donne la direction, le projet du changement », comme le déclare en octobre 1974 l'une de ses figures de proue, Vitor Alves. Mais ce leadership apparent ne cesse d'être contesté par les différentes forces politiques et par une société civile revitalisée au sortir de la longue nuit salazariste. Cette tension entre les différentes composantes civiles et militaires va parcourir l'ensemble du processus révolutionnaire6.

      Le 15 mai 1974 le général Spinola est nommé président de la République ; Vasco Gonçalves est son Premier ministre à partir de juillet. Mais les deux hommes s'opposent de plus en plus ouvertement, Gonçalves étant soutenu par le Parti communiste qui joue un rôle trouble, tenté d'imposer sa loi et de faire du Portugal une « démocratie populaire » alignée sur le grand frère soviétique. Spinola finit par se retirer à la fin du mois de septembre 1974, impuissant à mobiliser la « majorité silencieuse ».

      Le MFA engage alors une politique de « dynamisation culturelle » destinée à conforter l'alliance du peuple et de l'armée, par-delà les partis. Mais le 11 mars 1975, une tentative de putsch contre-révolutionnaire convainc le MFA d'accélérer le processus législatif. Les élections à l'Assemblée constituante, organisées le 25 avril, rencontrent une participation supérieure à 90 %. A la surprise générale, le Parti socialiste arrive largement en tête avec près de 38 % des voix, suivi par le Parti populaire démocratique (centre droit, plus de 25 % des suffrages), qui distance le Parti communiste (12,5 %). Dès mai cependant, l'occupation du journal socialiste Republica par des ouvriers à la solde du PC, avec la complicité du MFA, conduit le Parti socialiste à quitter le gouvernement, après avoir dénoncé une « manœuvre totalitaire ».

      La crise atteint son paroxysme au cours de l'été 1975 - « l'été chaud » - où éclatent au grand jour les contradictions internes au sein du MFA entre communistes, tiers-mondistes, gauchistes et socialistes. Les communistes vont-ils tenter un coup de force ? Fin juillet, Otelo de Carvalho, commandant du Copcon (la structure de commandement militaire incarnant l'avant-garde révolutionnaire), est accueilli dans la liesse au retour d'un voyage à Cuba où il a été reçu par Fidel Castro. Cette crainte s'estompe toutefois début août avec la signature des accords d'Helsinki, consacrant la détente entre l'Est et l'Ouest, sous l'égide de la CSCE (Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe).

      Dans le nord du pays, en revanche, une réaction contre-révolutionnaire est alimentée par l'Église catholique et des notables, amplifiée par une offensive anti-gauchiste d'éléments de la droite et de l'extrême droite. Alors que les occupations d'usines, les campagnes de « dynamisation culturelle » et la mise en route de la réforme agraire suscitent des réactions de peur, le gouvernement de Vasco Gonçalves perd le contrôle de la situation. Lâché par le Parti communiste, de plus en plus isolé, il est contraint de démissionner début septembre.

      Le 25 novembre 1975, l'extrême gauche orchestre une ultime tentative confuse de coup d'État militaire. Son échec sonne le glas du PREC et du MFA. Les officiers modérés et les partis favorables à la démocratie pluraliste prennent les rênes de l'exécutif. La promulgation d'une nouvelle Constitution le 2 avril 1976, les élections législatives le 25 avril, remportées par le Parti socialiste, enfin l'élection en juin, au suffrage universel, du général Eanes à la présidence de la République consacrent l'effacement des militaires et l'instauration d'une démocratie parlementaire européenne. Deux ans seulement se sont écoulés depuis le « 25 avril ».

      LE CHILI AU BOUT DE L'AUTOROUTE

      Dans une ambiance printanière, la révolution des œillets projette Lisbonne pour dix-huit mois sur l'avant-scène internationale. Le Portugal devient un lieu de pèlerinage et un laboratoire d'expérimentations politiques pour les gauches européennes, traumatisées par le coup d'État qui, en septembre 1973, a renversé le président Allende au Chili7. « C'est le Chili au bout de l'autoroute du Sud », ironise Le Figaro le 5 août 1975.

      En 1974 et 1975, nombreux sont les exilés, principalement d'Amérique latine, révolutionnaires et intellectuels qui s'établissent un temps à Lisbonne, «nouveau havre de paix pour le gauchisme mondial»8. Particulièrement accueillante, la révolution des Œillets constitue un point de passage obligé pour la « génération 68 » - Daniel Cohn-Bendit s'installe quelques mois à Lisbonne -, l'un des ultimes moments de l'utopie soixante-huitarde, le « dernier spasme romantique révolutionnaire européen » selon l'intellectuelle Annie Cohen-Solal.

      De retour d'un séjour d'une quinzaine de jours au Portugal, Jean-Paul Sartre livre dans Libération (22-26 avril 1975) des impressions mitigées sur cette révolution singulière. « L'essentiel, souligne-t-il cependant, c'est le pouvoir populaire qui est en train de se former. » Nombre d'intellectuels vivent à Lisbonne un remake de mai 1968, avec cette révolution aux allures qualifiées d'«exotiques» par Jean-Claude Guillebaud et, pour Serge July, ce «Mouvement des forces armées, qui est un peu la même chose que le mouvement du 22 mars ».

      Pour de nombreux militants, le Portugal est un «laboratoire, un test grandeur nature, en direct, de nos débats en matière d'orientation stratégique révolutionnaire », comme le relève Gérard Filoche, alors militant de la Ligue communiste révolutionnaire. Ancien trotskiste, envoyé spécial du Monde, Dominique Pouchin qualifie la révolution des Œillets de « dernière pièce léniniste », « Cuba en Europe du Sud ». À travers le pèlerinage à Lisbonne, ce sont des réponses aux convulsions politiques du temps que viennent chercher des milliers d'Européens. Les tensions entre gauche non communiste et PC alimentent ainsi des comparaisons entre d'une part Mario Soares et François Mitterrand, qui s'est rendu au Portugal dès les premiers jours de la révolution, et d'autre part Alvaro Cunhal et Georges Marchais. « Ce qui se passe à Lisbonne retentit sur tous nos débats à l'intérieur de l'Union de la gauche », relève alors Jean Daniel dans Le Nouvel Observateur.

      Intellectuels et hommes politiques sont chaleureusement conviés au Portugal. Pierre Mendès France se rend à Lisbonne au mois de décembre 1974, invité par Mario Soares au premier Congrès du Parti socialiste portugais, puis y retourne en juillet 1975 pour un colloque sur les « problèmes de la construction du socialisme ». Il y croise notamment Michel Rocard, Jean-Pierre Chevènement, Jacques Attali, Edmond Maire et Jean-Pierre Cot. La situation du pays lui rappelle celle que « la France a connue immédiatement après la Libération en 1944 ».

      Le Portugal révolutionnaire, par sa proximité géographique et son caractère pacifique, met la révolution à portée de tous, notamment des étudiants auxquels il offre rencontres, soleil et fêtes. Pour Philippe Gloaguen, créateur en 1973 du Guide du routard, il s'affirme comme l'une des destinations incontournables des « globe-trotters de l'Internationale ». « Lisbonne est devenu le Katmandou du gauchisme », assure un journaliste de L'Aurore (28 juillet 1975).

      Le reflux s'opère après le 25 novembre 1975, quand la situation se banalise. L'engouement des premiers mois laisse place au désenchantement chez les intellectuels, que l'instauration d'une démocratie parlementaire ne fait guère rêver. « Personne ne se soucierait de Cuba si Fidel Castro avait créé une démocratie représentative et pluraliste pro-occidentale », relève Raymond Aron dans ses Mémoires.

      Avec quelques années de recul, Serge July déplorera dans Libération (« Le traumatisme portugais », 25 avril 1979) l'instrumentalisation des œillets d'avril : « L'Europe gauchiste et contestataire, mais aussi l'Europe centriste et libérale, l'Europe communiste, l'Europe socialiste et l'Europe fasciste ont défilé à Lisbonne, intriguant et pesant sur les événements, cherchant leurs militaires et leurs partis respectifs dans la tourmente d'un processus révolutionnaire dont justement l'Europe se croyait immunisée. Une multitude de stratégies européennes se sont alors croisées et affrontées sur les bords du Tage, pas toujours, loin de là, au profit des Portugais qui avaient hérité, en plus de leurs difficultés, des fantasmes européens, des théories des uns et des autres. »

      « GRANDOLAR »

      Printemps 2013 : manifestant contre la politique d'austérité menée par les autorités portugaises, la foule, toutes générations confondues, reprend à l'unisson les paroles de l'hymne de la révolution des Œillets, Grandola, vila morena. Par leur ampleur, ces manifestations sont les plus importantes depuis le 25 avril 1974. A l'Assemblée, le Premier ministre Pedro Passos Coelho doit interrompre son discours de politique générale lorsque quelques dizaines de manifestants entonnent Grandola. Le néologisme «Grandolar» passe alors dans le vocabulaire, pour mieux rappeler les valeurs du 25 avril 1974 et tourner en dérision ceux qui les oublient.

      La mémoire de la révolution des Œillets reste vivante, symbole d'une lutte intemporelle contre les injustices, contre cette situation dramatique vécue aujourd'hui par une majorité de Portugais, plongés dans la précarité et de nouveau contraints à l'exil. Mais l'histoire savante de cette révolution est longtemps restée dans les limbes, avec pour souvenir écran « O 25 de Abril », à la fois événement - aussi sacralisé que banalisé, comme journée de fête nationale commémorative - et processus de transition à la démocratie.

      Si le salazarisme a suscité une « querelle des historiens » à l'été 20129, portant sur les risques de banalisation de Salazar et de la dictature, la révolution des Œillets fait l'objet de questionnements renouvelés, notamment l'analyse de sa dimension internationale. L'Américain, auteur du Choc des civilisations, Samuel Huntington en a fait le coup d'envoi d'une troisième vague de démocratisation10, marquant de son empreinte les transitions démocratiques en Espagne (1975), en Tchécoslovaquie (1989) et jusqu'en Tunisie (2010-2011).

      « Transition inattendue, que personne n'aurait pu anticiper »11, la révolution des Œillets offre des images contrastées et contradictoires. A la fois exemplaire par l'absence d'excès sanglants et de guerre civile, exaltante et foisonnante par son cheminement qui, à partir d'un improbable coup d'État militaire et en l'espace de deux ans, aboutit à l'instauration d'une démocratie à l'européenne, elle est aussi un « miroir aux alouettes »12 pour une partie de la gauche, par les faux espoirs et les méprises qu'elle a suscités. Coup d'envoi d'une nouvelle vague de démocratisation, exemplaire en un sens mais irréductible à toute forme de modélisation, la révolution des Œillets reste ce moment d'une exceptionnelle singularité, ce « miracle de la liberté reconquise à l'aube lumineuse d'un matin d'avril »13.


      Par Yves Léonard



      NOTES

      1. 25 de Abril, poème de Sophia de Mello Breyner Andresen publié dans O Nome das Coisas , Lisbonne, Moraes Editores, 1977. O Dia Inicial est également le titre du livre de Otelo Saraiva de Carvalho consacré à l'histoire « heure par heure » du 25 avril, Lisbonne, Editora Objectiva, 2011. 

      2. Cf. J. M. Tavares Castilho, Marcello Caetano. Uma Biografia Politica , Coimbra, Edições Almedina, 2012. 

      3. Cf. G. Accornero, « A mobilização estudantil no processo de radicalização política durante o Marcelismo », Analise Social n° 208, 3e trimestre 2013, pp. 572-591. 

      4. Interview de Mario Soares, 15 juillet 2006, Lettre n° 16, Institut François Mitterrand. 

      5. Le beau film de Maria de Medeiros, Capitaines d'avril , tourné dans les rues de Lisbonne en 1999 et projeté en salles en 2000, fait du capitaine Maia le héros, modeste et courageux, de ce 25 avril. 

      6. Cf. Maria Inacia Rezola, 25 de Abril. Mitos de uma Revolução , Lisbonne, A Esfera dos Livros, 2007, pp. 111-113. 

      7. Cf. « Chili 1973. Anatomie d'un coup d'État », dossier, L'Histoire n° 391, septembre 2013, pp. 36-62. 

      8. Cf. V. Pereira, « Pèlerinage au Portugal révolutionnaire : les intellectuels français et la révolution des Œillets », A. Dulphy et Y. Léonard (dir.), De la dictature à la démocratie : voies ibériques , Bruxelles, Peter Lang, 2003, p. 343. 

      9. Cf. F. Ribeiro de Meneses, « Slander, Ideological Differences or Academic Debate ? The "Verão Quente" of 2012 and the State of Portuguese Historio-graphy », e-Journal of Portuguese History , vol. 10, n° 1, été 2012, pp. 62-77. 

      10. S. Huntington, The Third Wave. Democratization in the Late Twentieth Century , Norman, University of Okhlahoma Press, 1991. 

      11. T. Bruneau, « Portugal's unexpected transition », K. Maxwell et M. Haltzel (dir.), Portugal : Ancient Country, Young Democracy , Washington, The Woodrow Wilson Center Press, 1989, p. 9. 

      12. E. Lourenço, « Révolution avortée ou impossible?», Esprit , janvier 1979, p 26. 

      13. O. Saraiva de Carvalho, O Dia Inicial , op. cit. , p. 201.


      25 avril 1974 : les œillets font la démocratie Le Portugal, l'empire oublié - par Yves Léonard dans collections n°63 daté avril 2014 à la page 70

      mercredi 22 avril 2015

      « CAPITAINES D’AVRIL »

      LA FABRIQUE DE L'HISTOIRE, HISTOIRE DU PORTUGAL 2/4 ,  
      « CAPITAINES D’AVRIL » , LES SECRETS D’UNE RÉVOLUTION 
      UN DOCUMENTAIRE DE ELSA CORNEVIN ET ANNE FLEURY, EMISSION DU 22.04.2014    

      Portugal, 25 avril 1974: Voyage au cœur d'une révolution .
      Un documentaire de Elsa Cornevin et Anne Fleury.

      La nuit du 25 avril 1974, des capitaines appartenant au Mouvement des Forces Armées renversent le pouvoir en place et mettent fin à 48 ans de dictature au Portugal.

      L’opération a été minutieusement préparée.  La chanson Grandôla, vila Morena de Zeca Afonso, transmise sur les ondes de Radio Renascença à minuit vingt, sert de signal au lancement de la révolution.

      Les capitaines espèrent que le renversement du régime se déroulera pacifiquement, sans effusion de sang. Le peuple descend dans la rue et soutient les militaires au fur et à mesure de leurs opérations.

      En 24 heures, les places fortes de la dictature tombent une à une.

      Les œillets rouges, en vente alors dans les rues de la capitale,  se passent de mains en mains et deviennent le symbole de la révolution... Le symbole de la liberté.

      Le coup d’état militaire au Portugal prend de surprise le monde entier.
      Baptisés « Capitaines d’avril », les capitaines du Mouvement des Forces Armées entrent dans l’histoire.

      Ils sont à peine âgés de trente ans et ont perdu des milliers d’hommes dans les guerres coloniales en Angola, en Guinée-Bissau et au Mozambique. Ils sont portés par des aspirations profondes, celles d’instaurer la démocratie au Portugal et d’en finir avec les guerres coloniales.

      Mais qui sont ces capitaines ? Pourquoi décident-ils de renverser le régime la nuit du 25 avril ? Comment leur action militaire s’est-elle transformée en révolution ?

      40 ans après, ce documentaire propose une immersion dans le Portugal à la veille de la révolution et croise les paroles des acteurs qui ont fait le 25 avril.

      Avec la participation de : Otelo Saraiva de Carvalho, José Manuel Costa Neves, Manuel Martins Guerreiro, José Piteira Santos, Carlos Machado Santos, Aprigio Ramalho, Carlos Beato (pour le Mouvement des Forces Armées) et d’Adelino Gomes (journaliste ayant couvert le 25 avril 1974).

      Avec le soutien de l'Institut Français de Lisbonne