vendredi 22 mai 2009

L'émergence d'un jeune dissident socialiste trouble le jeu politique au Chili

Jusqu'alors, le duel se jouait entre l'ancien président démocrate-chrétien, Eduardo Frei, 66 ans, le candidat de la coalition de centre gauche au pouvoir depuis vingt ans, et Sebastian Piñera, 59 ans, le milliardaire battu en 2005 par la socialiste Michelle Bachelet.

M. Enriquez-Ominami a changé la donne. En indépendant, il s'est lancé dans la campagne, n'hésitant pas à critiquer sa famille politique, la Concertation démocratique, qui regroupe la Démocratie chrétienne et le Parti socialiste. Présenté comme un rebelle, son franc-parler attire les jeunes sensibles à sa dénonciation des politiciens "sclérosés et incapables de répondre aux besoins et aux rêves des Chiliens". "Comme M. Obama, je représente un changement de génération et je souhaite gouverner avec les meilleurs, quelle que soit leur appartenance politique", assure M. Enriquez-Ominami, qui regrette de n'avoir pas été autorisé à participer à des primaires au sein de la Concertation.

"PHÉNOMÈNE POLITIQUE"

"Héritier de plusieurs légendes", selon ses mots, il est le fils du principal dirigeant du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR), Miguel Enriquez, tué par la dictature militaire. Il a passé son enfance en France, avec sa mère, remariée avec le sénateur socialiste Carlos Ominami. Figure du PS, ce dernier a provoqué un scandale en annonçant qu'il voterait pour son fils adoptif. Le grand-père maternel de Marco a été président de la Démocratie chrétienne, et son grand-père paternel ministre du président de gauche Salvador Allende.

De retour au Chili en 1986, le jeune Marco a travaillé pendant douze ans comme réalisateur à la télévision. Il est marié à une vedette du petit écran. "Il n'y a pas de révolution sans télévision", dit-il. Pour valider sa candidature, il doit recueillir 36 000 signatures. En moins d'un mois, il a atteint 14 % des intentions de vote, ce qui le placerait en troisième position au premier tour, derrière M. Piñera et M. Frei.

"Ces sondages ont été faits dans la capitale, critique Marta Lagos, la directrice de l'Institut Mori. Marco ne représente pas plus de 1 % de l'électorat. C'est un phénomène purement médiatique." Le politologue Oscar Godoy est d'un avis différent. Pour lui, il s'agit bien "d'un phénomène politique" qui témoigne de "l'usure de la Concertation".

"Mes priorités sont une réforme de la Constitution, héritée de Pinochet, une réforme de l'éducation, la légalisation de l'avortement, l'abolition de la peine de mort et la protection de l'environnement, résume le candidat. L'Etat doit rester fort dans les domaines de l'éducation, de la santé, du logement, des retraites et des transports." Des thèmes chers à Mme Bachelet, à qui la Constitution interdit deux mandats successifs, alors qu'elle jouit d'une popularité de 67 %. Le jeune député "exprime le mécontentement à l'égard de la politique traditionnelle", dit-elle.

Christine Legrand