lundi 8 juin 2009

Amérique latine: la fourmi chilienne!

Vice-président Velasco au Palais de La Moneda Photo Héctor Aravena
Ce qui vaut ce revirement dans les sondages est paradoxalement la raison précise qui poussait les manifestants à défiler sous ses fenêtres : son sens de la rigueur. Grâce à la prudence de cet économiste formé aux Etats-Unis le Chili peut aujourd’hui lancer un plan de relance ambitieux de la planète. Et ce, sans ajouter un sou de dettes publiques.

L’explication remonte à 2006 lorsque arrive au pouvoir Michelle Bachelet. Les socialistes chiliens ont tiré les leçons du coup d’Etat sanglant qui a renversé Salvatore Allende en 1973. Une des raisons qui a poussé la classe moyenne dans les bras de l’armée a été l’hyperinflation. Mais en même temps, le nouveau gouvernement ne fétiche pas le croissance comme le dictateur Augusto Pinochet et la cohorte d’experts «néolibéraux» qui l’entouraient.

Andrès Velasco est nommé Ministre des finances. Fils d’un universitaire opposant à la dictature militaire et réfugié aux Etats-Unis, il est diplômé de l’Université de Columbia, puis a enseigné l’économie à Harvard avant de revenir dans son pays. Il a conscience que le cuivre, la grande richesse du Chili, est une bénédiction qui peut s’avérer une malédiction. L’afflux de capitaux recueillis par son exportation peut générer une inflation des actifs. Dans un premier temps l’excès de consommation tire la croissance qui se termine dans un effondrement de l’économie (voir le cas des Etats-Unis). Sa seconde crainte des années de vaches maigres peuvent succéder à une prospérité temporaire à cause de la fluctuation du prix des matières premières.

Il impose de calculer le budget de l’Etat non plus sur le cours du moment du cuivre mais sur une moyenne estimée de son prix étalée sur dix ans. D’où un calcul très conservateur basé sur la livre de cuivre à 1.21 USS. Depuis, elle est restée au-dessus de 3 USS avec une pointe à 4 USS en 2004.

Deux fonds sont créés. Le Fondo de Reserva de Pensiones (FRP) est une sorte de livret d’épargne où une partie des excédents budgétaires sont bloqués (de l’ordre de 0.2 à 0.5% du PNB annuellement) afin de financer les retraites futures. Doté d’une enveloppe de 5 milliards de dollars le Fondo de Estabilizacion Economica y Social (FEES) réalise divers investissements (achats d’obligation, d’actions...) afin de soutenir le développement du pays.

Une telle prudence passe fort mal chez les cigales de gauche et de droite. Des dizaines de milliers de lycéens entament la «marche des pingouins», en référence au noir et blanc de leurs uniformes, et réclament la gratuité des études. Les syndicats lancent une grève générale qui se finit dans des bagarres de rue. La droite hurle au Parlement. Le patronat tonne bruyamment, revendiquant plus de dépenses pour soutenir l’activité.

Aujourd’hui les critiques sont silencieux. Fort de ce bas de laine, le Chili fait face à la récession sans mettre à mal ses finances publiques. Il va dépenser cette année 2.8% du PNB dans des chantiers d’infrastructures et la construction de logements sociaux (700 millions de dollars). Les plus pauvres ont touché un chèque de 70 USS en mars et en recevront un nouveau en août. Les banques ont été recapitalisées l’année dernière à hauteur de 500 millions de dollars. Toutes ces sommes proviennent de l’argent du cuivre mis de côté.

Velasco savoure sa revanche. C’est celle de la fourmi !

(par Bruno Birolli)