[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
POUR FÊTER LA VICTOIRE DE LEUR CANDIDAT, DES PARTISANS DE SEBASTIÁN PIÑERA BRANDISSENT UN BUSTE DE L’ANCIEN DICTATEUR AUGUSTO PINOCHET, À SANTIAGO DU CHILI EN DÉCEMBRE 2017. PHOTO PABLO VERA |
Cinq jours avant la fin de son mandat, la présidente socialiste Michelle Bachelet a jeté les bases d’une réforme de la constitution héritée de la dictature Pinochet. Son successeur conservateur qui prête serment dimanche 11 mars portera-t-il le projet ? La presse chilienne est sceptique.
Dimanche 11 mars, le Chili va revivre le même scénario qu’il y a huit ans. Michelle Bachelet passera les rênes du pouvoir au leader de la droite, Sebastián Piñera. Avec une différence de taille cette fois : “Cinq jours avant la fin de son mandat, la présidente socialiste a présenté un projet de loi de réforme constitutionnelle”, rapport le média en ligne El Mostrador. Se défaire de l’ancienne constitution chilienne, héritée de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990) était l’une des promesses de Madame Bachelet qui avait déjà exercé un premier mandat de 2006 à 2010.
“La nouvelle a pris le pays par surprise, explique El Mostrador, car elle est arrivée bien après le triomphe de la coalition d’opposition” en décembre dernier. Il conviendra donc au nouveau gouvernement conservateur de traiter le sujet. Dans un entretien accordé au journal espagnol El País quelques heures avant sa prise de fonction, le nouveau président n’a pas fermé la porte à une nouvelle Constitution tout en affirmant :
« Le texte qui a été présenté il y a quelques jours, personne ne le connaissait […] Ce n’est pas une façon de faire les choses. »
À l’instar du quotidien conservateur El Mercurio pour qui “le texte arrive tard”, les titres chiliens soulèvent un problème de temporalité. “Les critiques sur l’annonce présidentielle tardive ont émergé de toutes parts”, écrit ainsi El Mostrador. De l’administration à venir, bien entendu, mais aussi du camp Bachelet et “du Frente Amplio [Front élargi, à gauche] qui soutient que la décision de Bachelet est ‘irresponsable’ car elle ‘banalise’ un débat pourtant fondamental pour le Chili”.
Pour le journal en ligne, le moment est en effet mal choisi : “Il y a six ou huit mois, il y aurait pu avoir un débat de fond.” Mais le site refuse de jeter le bébé avec l’eau du bain. “En comparaison avec le contenu de la constitution en vigueur, le texte proposé présente des avancées significatives.”
Dignité, liberté, égalité, solidarité et respect des droits fondamentaux : “voilà les valeurs fondatrices du texte” qui “reconnaît également les peuples indigènes”, souligne El Mostrador. “Mais aussi le droit à la santé, à l’éducation (…), au travail et à la négociation collective.”
Peut-on vraiment blâmer Michelle Bachelet d’envoyer ce texte au Congrès avant la fin de son mandat ?, s’interroge le site. “Ne pas l’avoir fait aurait été une faute politique, et une trahison envers ceux qui l’avaient portée à la Moneda [le palais présidentiel chilien].”
Le projet de nouvelle constitution ne s’arrêtera plus, estime le journal en ligne dans son éditorial, “ni avec la proposition de Bachelet, ni avec le rejet probable de la nouvelle administration. Tôt ou tard, dans un contexte politique plus adéquat (…), la Constitution de 1980 sera remplacée par un texte qui reflète nos valeurs démocratiques et qui mettra un terme aux limites institutionnelles héritées de la dictature.”