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Manuel Olate (a droite) accusé d'être « le lien » des mapuche avec les Farc. Photo distribuée à la presse par le Ministère de l’intérieur colombien. |
Ce «document» reprend pour partie les informations supposément trouvées dans les trois ordinateurs portables, les deux disques durs externes et les trois clés USB saisis par l’armée colombienne, le 1er mars 2008, en territoire équatorien, après le bombardement qui coûta la vie à Raúl Reyes, numéro deux et « ministre des affaires étrangères » des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Sur ordre du président colombien Álvaro Uribe et de son ministre de la défense Juan Manuel Santos, une partie du contenu de ce matériel informatique censé appartenir, appartenant ou appartenant partiellement à Reyes a été obligeamment filtrée à l’époque vers un certain nombre de médias influents –The Wall Street Journal, The New York Times(New York), El País (Madrid), etc.– par le vice-ministre de la défense Sergio Jaramillo.
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Le président de la Colombie, Juan Manuel Santos, LORS de son discours d'invêstiture en 2010, à droite le président précédent, Álvaro Uribe. PHOTO AFP |
Comme le fait à présent l’IISS, de nombreux journalistes ont alors utilisé ces informations « de première main », authentifiées par une expertise d’Interpol (1), pour dénoncer les liens financiers, politiques et militaires des gouvernements vénézuélien et équatorien avec les «narco-terroristes» de la guérilla. Ainsi, en présentant le travail de l’IISS, le brillant analyste britannique Lockhart Smith a-t-il déclaré, avec le plus grand sérieux : «Il est important que le public connaisse les détails de ces relations qui, autrement, auraient été cachés pour toujours(2).»
Si le ridicule tuait, on aurait à déplorer la mort de Smith, des autres dirigeants de l’institut londonien et des innombrables bouffons médiatiques qui, sur la base de ces soi-disant preuves, ont relayé la basse politique de Bogotá (et de Washington) contre Caracas et Quito.
En effet, le 18 mai, soit huit jours après la présentation du «document» de l’IISS, les neuf juges de la Cour suprême de justice (CSJ) de Colombie ont, par la voix de leur président Camilo Tarquino, déclaré que les informations obtenues à partir des ordinateurs de Reyes sont «nulles et illégales»(3). Cette décision a comme origine le procès intenté à l’ex-député d’opposition Wilson Borja (Pôle démocratique alternatif; PDA), accusé, sur la base de prétendus courriels trouvés dans ces archives électroniques, d’entretenir des liens avec les insurgés (4).
Pour la CSJ, les «preuves» sont illégales, car récupérées par des militaires colombiens «exerçant des pouvoirs de police judiciaire dont ils ne pouvaient se prévaloir», au cours d’une opération menée en Equateur, sans l’autorisation ni la participation des autorités de ce pays (#39). Mais, et surtout, la Cour a contesté l’existence d’e-mails dans les fameux ordinateurs, les documents présentés comme tels se trouvant dans les fichiers statiques d’un traitement de texte (Word) et non dans un logiciel permettant de démontrer qu’ils ont été envoyés ou reçus (#40). En d’autres termes : n’importe qui a pu les rédiger et les introduire dans les ordinateurs à posteriori.
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Le sénatrice Piedad Córdoba discute avec Raúl Reyes, alors numéro deux des FARC, septembre 2007, dans la forêt colombienne. PHOTO REUTERS |
La publication à Londres de l’ouvrage de l’IISS a permis à nombre de médias de s’offrir une flambée de titres alléchants : «On insiste sur le lien entre les FARC et le gouvernement de Hugo Chávez» (BBC Mundo, Londres, 10 mai) ; «Chávez a demandé aux FARC d’assassiner des opposants» (Nuevo Herald, Miami, 11 mai). La déclaration de la haute juridiction de Bogotá étant difficile à passer sous silence, ces mêmes paladins de l’information, pour rester cohérents face à leurs lecteurs, en ont soigneusement sélectionné les attendus. Ainsi, sous le titre «La Cour suprême colombienne estime que l’information de l’ordinateur de Raúl Reyes n’a pas de validité légale», El País (19 mai) insiste sur le caractère irrégulier de la saisie du matériel informatique – ce qui, dans l’absolu, ne remet pas en cause la véracité de son contenu. En revanche, un silence pudique recouvre les passages dans lesquels la CSJ conteste précisément la nature de ce «contenu».
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Le président de la Colombie, Juan Manuel Santos, et celui du Venezuela, Hugo Chávez, durant la signature d'accords bilatéraux, le mois de novembre 2010 à Caracas. Photo AP |
Pour des raisons économiques et géopolitiques, mais aussi pour faire oublier l’image du ministre de la défense qu’il a été (5), le président Santos, prenant le contre-pied de son prédécesseur Uribe, se montre tout miel avec le Venezuela. Ainsi, sa ministre des affaires étrangères María Angela Holguín a-t-elle refusé de commenter la sortie du rapport de l’IISS, se contentant d’un conciliant : «Je souhaite [qu’il] ne fasse pas un bruit qui, d’une manière ou d’une autre, nuise au chemin que [le Venezuela et nous]empruntons. J’en ai parlé au ministre des affaires étrangères [vénézuélien Nicolás]Maduro et nous avons décidé de tourner la page et de regarder vers l’avenir(6).»
(1) « Informe forense de Interpol sobre los ordenadores y equipos informáticos de las FARC décomisados por Colombia, OIPC-Interpol » (PDF), Lyon, mai 2008.
(2) BBC Mundo, Londres, 10 mai 2011.
(3) Déclaration dont le texte scanné est consultable sur Scribd.com (en espagnol).
(4) Le 4 octobre 2010, le procureur général de la République Alejandro Ordóñez a utilisé les dossiers tirés des ordinateurs de Reyes pour obtenir la destitution de la sénatrice libérale Piedad Córdoba, médiatrice dans la libération de dix-sept otages des FARC depuis 2007. Outre Mme Córdoba, ce matériel a permis d’inculper quatorze opposants – journalistes, militants des droits humains, parlementaires ou ex-parlementaires – accusées de collaboration avec la guérilla.
(5) La justice colombienne a entre les mains plus de 3 000 cas de « faux positifs » (citoyens lambdas assassinés par l’armée et présentés comme des guérilleros morts au combat).
(6) Agence France Presse, 10 mai 2011.
(7) El Espectador, Bogotá, 20 mai 2011.