Oeyvind Blom inspecte le parc à poissons le 27 mai 2009 à Oeygarden. Photo AFP
Mais, si elle permet d'atténuer les pressions que la pêche industrielle fait peser en mer, la pisciculture n'est pas sans poser de problèmes: fugues, maladies et polémiques sur les aliments ternissent la réputation d'un secteur qui a rapporté 2,5 milliards d'euros à la Norvège l'an dernier.
"Dans certains domaines, les problèmes sont si graves qu'on ne peut pas certifier que l'activité est viable écologiquement", affirme Geir Lasse Taranger, scientifique à l'Institut de recherche marine de Bergen (ouest).
"Nous devrions ralentir l'expansion du secteur et nous assurer que tous les problèmes sont sous contrôle", ajoute-t-il.
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Des employés de la ferme Blom surveillent le parc à poisson le 27 mai 2009 à Oeygarden. Photo AFP
De telles concentrations de poissons favorisent la diffusion de maladies et de parasites aux effets dévastateurs, tel le Lepeophtheirus salmonis, un pou qui s'attaque à la peau et aux muqueuses.
Au Chili, l'autre grand pays du saumon d'élevage, un virus a fait chuter la production de moitié cette année et mis plus de 20.000 travailleurs au chômage, selon l'ONG Campagne internationale pour un saumon pur.
Le problème n'est pas circonscrit aux seules fermes. Affichant une furieuse tendance à se faire la belle, les poissons d'élevage contaminent leurs cousins sauvages, dont ils appauvrissent par ailleurs le patrimoine génétique.
"Le génotype sauvage finira par disparaître s'il y a trop de fugues", estime M. Taranger.
Un temps dépassés par les fuites massives de saumons qui ont culminé en 2006 avec 920.000 évasions, les professionnels ont pris le problème à bras-le-corps. Inspections des filets par des plongeurs et contrôles par caméras ont permis de ramener ce nombre à 100.000 l'an dernier.
Mais leurs ennuis ne s'arrêtent pas là. Leurs pratiques concernant l'alimentation des poissons les placent aussi dans le collimateur.
Un récent documentaire suédois a fait des remous en Scandinavie en accusant les pisciculteurs norvégiens de vider les océans. Pour produire un kilo de poisson d'élevage, il faut en effet l'équivalent de 2,5 kilos de poisson sauvage en nutriments (farine et huile).
Les éleveurs, qui ont produit un peu plus de 800.000 tonnes de poisson l'an dernier, ont ainsi consommé 2 millions de tonnes de poisson sauvage.
"Le saumon et la truite ont un très bon rendement par rapport aux protéines qu'ils consomment, bien meilleur que le poulet, le porc ou le boeuf" qui nécessitent plus d'aliments par kilo obtenu, réplique Oeyvind Blom, le patron de la ferme d'Oeygarden.
"Nous sommes donc une industrie viable et respectueuse de la nature", ajoute-t-il.
Une affirmation nuancée par les défenseurs de l'environnement.
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Autre vue de la ferme familiale des Blom, le 27 mai 2009 à Oeygarden, en Norvège. Photo AFP
"Ce ne sont pas les ratios quantité d'aliments/produit obtenu qui nous inquiètent", souligne Nina Jensen, biologiste marine de la branche norvégienne du Fonds mondial pour la nature (WWF). "C'est ce qu'on met dans les aliments".
Selon elle, les farines et huiles alimentaires proviennent en partie de stocks de poissons vulnérables à l'état sauvage, tels que le lançon, le maquereau islandais ou le tacaud.
WWF réclame donc la traçabilité des contenus. "On sait bien comment sont nourris les autres animaux d'élevage, pourquoi ne le saurait-on pas pour le poisson?", estime Mme Jensen.
Pierre-Henry DESHAYES