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Des assistants de Baltasar Garzón retirent des tableaux de son bureau de l'Audiencia. Photo REUTERS du 15-05-2010
La chasse est ouverte. On ne pouvait pas imaginer plus gros gibier : le «superjuge», le «juge étoile» ou «Supergarzón». Celui qui paraissait se situer par-delà le bien et le mal. L’homme qui faisait trembler tous les puissants de ce monde. Celui qui a stupéfait l’opinion internationale lorsqu’en 1998, sur son initiative, l’ancien dictateur chilien Augusto Pinochet est arrêté à Londres alors qu’il prenait le thé avec son amie Margaret Thatcher. Depuis des années, il tutoie le prix Nobel de la paix, on l’a souvent annoncé à la tête de la Cour pénale internationale, la CPI (1). Il est une icône de la justice universelle, une référence de l’ingérence dans tous les recoins de l’impunité. Une légende vivante. Les Espagnols ont une expression pour cela : «Se merece una estatua», il mérite qu’on lui érige une statue.
Or, il s’agit maintenant de le déboulonner de son piédestal. Depuis 1988, ce type est toujours en haut de l’affiche, sans cesse sous les projecteurs. Aujourd’hui plus que jamais, au moment où il joue la fin de sa carrière. Pas un «faiseur d’opinion» qui ne se soit fendu d’un billet au vitriol sur son compte, ou d’une chronique dithyrambique dans l’espoir de sauver sa peau. Dans toute l’Espagne, on est sorti dans la rue pour le salir ou le défendre. Référence morale selon les uns, grand inquisiteur selon les autres. Pour ou contre son lynchage, au choix.
Car le superjuge est bel et bien au banc des accusés. Avec la bénédiction du Tribunal suprême (2), rien que cela. Il a trois affaires sur le dos, trois dossiers d’accusation. Sont-ils contestables, sinon même discutables ? Peut-être bien. Car tout laisse à penser que Baltasar Garzón est surtout la cible de nombreux ennemis, qui veulent son scalp en lui retirant sa fonction. Ce qui a été fait vendredi par son autorité de tutelle, qui l’a suspendu le temps qu’il soit jugé (2).
Reprenons l’une après l’autre les casseroles que traîne le juge. Dans l’ordre, l’accusation la plus cruciale portée contre lui est d’avoir agi par mauvaise foi (en droit, on dit prévarication) en instruisant un procès contre les crimes du franquisme, alors qu’ils avaient été amnistiés. Le deuxième grief vise ses méthodes d’investigation jugées douteuses par la droite espagnole, qu’il a mise en cause dans un récent procès de corruption. Dans le troisième dossier, il est accusé de corruption, pour avoir favorisé un grand banquier qui avait grassement rétribué des conférences qu’il a tenues aux Etats-Unis. Bref, des charges assez variées et lourdes pour que, sauf miracle, il s’en tire indemne. Même s’il n’est pas homme à se laisser abattre facilement. Garzón risque jusqu’à vingt ans d’interdiction d’exercer. Autant dire qu’à 54 ans, cela mettrait fin à sa carrière. Une retraite (très) anticipée, le crépuscule d’une idole. Celui qui brisait les destins des mafieux, des terroristes et des corrompus voit soudain le sien en balance, suspendu à un fil.
Pouvoirs exorbitants
Ni le battage médiatique autour de lui ni les battues de chasse contre lui n’entravent, depuis vingt-et-un ans, le rituel qu’il suit avec la régularité d’un pantin articulé : sous le crépitement des flashes, il s’extirpe de sa voiture officielle un peu lourdement, active le pas en portant à bout de bras un cartable trop lourd et, ignorant son pouvoir d’attraction, se dirige tout droit vers son bureau de l’Audience nationale, le tribunal d’instruction n° 5. Sur les six existants, c’est le plus connu, celui de Garzón, la star.
En plein cœur de Madrid, près de la place Colomb, ce n’est pas rien, l’Audience nationale. Une puissante machine judiciaire - héritière du franquiste «Tribunal de l’ordre public» - qui monopolise et centralise toutes les affaires sensibles (grande criminalité, terrorisme, pédophilie, haute corruption…), et où les juges d’instruction ont des pouvoirs exorbitants (3). Sa juridiction est ordinaire, mais tout change lorsqu’il s’agit de terrorisme, d’ETA ou d’islamiste. Même si les peines sont plafonnées à quarante ans de prison, les procédures sont exceptionnelles, les gardes à vue à la discrétion du juge, la mise en détention préventive presque systématique ; et, une fois derrière les barreaux, le suspect est placé en régime d’isolement. Autant dire que n’importe quel juge d’instruction de l’Audience nationale a de quoi faire trembler. Baltasar Garzón particulièrement.
Comment savoir ce qui se passe dans la tête du superjuge ? Ses récentes déclarations, prononcées de la même voix aiguë et chevrotante, ne laisse transpirer aucun état d’âme, c’est une langue juridique, froide et mécanique. Il a toujours cette démarche de notaire replet, ce visage terriblement sérieux et buté, ces lunettes rondes d’expert-comptable, ces cheveux peignés en arrière qui lui confèrent un air d’hidalgo un brin arrogant. Comment savoir ce qui trotte dans sa tête, s’il ne donne aucune interview, s’il ne lâche aucune confession ? Sauf une fois, dans un livre publié en 2005, Un monde sans peur (4).Piochons cet extrait qui peut nous donner une piste : «Tu attires l’attention, et à partir de là, tu te transformes en vedette, en protagoniste, en médiatique, en controversé. C’est-à- dire en quelqu’un qui agit sous l’impulsion de la popularité et des sondages […] pour être reconnu ou récompensé. En un mot, en un monstre. Un monstre bon pour certains, mauvais pour d’autres, mais toujours un monstre.»
Bon ou mauvais, le voici, notre monstre, presqu’en cage. Fini de soupçonner et d’accuser, il lui faut se défendre. Fini d’arracher des aveux, il doit rendre des comptes. Arroseur arrosé, voilà le superjuge superjugé. Ou mieux, dans son cas, le chasseur chassé. Car, plus encore que le foot (il a toujours joué gardien de but), la chasse est, depuis tout jeune,sa passion. De préférence dans les maquis semi-arides des sierras de Jaen, au nord-est de son Andalousie natale. Et, bien évidemment, Baltasar Garzón n’est pas de ceux qui sillonnent la garrigue en solitaire, avec son bon vieux chien pour dézinguer un canard boiteux. Son affaire, c’est la caza mayor, grandes battues et gros gibier. L’autre jour, un sénateur conservateur, anticipant le châtiment judiciaire contre lui, lançait cette réflexion sarcastique : «Si jamais on le laisse en liberté, il aura tout le temps de chasser abondamment, le superjuge!»
Une manifestation de soutien au juge Garzón. Photo LUIS SEVILLANO le 15-05-2010
Trophées de chasse
Si Baltazar Garzón est aujourd’hui un paria, c’est qu’il a franchi une ligne rouge, celle marquée par le passé franquiste de l’Espagne. Jusqu’ici, certes, il n’a pas manqué de courage et d’ambition, s’attaquant pêle-mêle à des barons de la cocaïne en Galice, à des mafieux russes sur la Costa del Sol, à des terroristes basques d’ETA, à Berlusconi et sa chaîne Tele 5, à Pinochet et aux tortionnaires de l’ex-dictature argentine, aux geôliers de Guantánamo, sans compter d’innombrables politiciens véreux… De beaux trophées de chasse judiciaire, souvent coffrés et jugés. L’Argentin Luis Moreno Ocampo, procureur de la Cour pénale internationale de La Haye, n’a jamais caché son admiration : «C’est le seul juge au monde à avoir enquêté sur les services secrets de son pays.» On y reviendra.
La ligne rouge, il l’a franchie tout simplement en balayant devant sa porte, ce qu’aucun magistrat espagnol n’avait osé faire. Depuis des années, Garzón a fait avancer les frontières de la compétence judiciaire. La législation espagnole permet à tout juge d’instruire des affaires pour crimes contre l’humanité, quel que soit le pays, contre un dictateur déchu ou en exercice. Mais dans le même temps, il était reproché à Garzón de ne pas appliquer ce principe dans son pays, l’Espagne, qui fut la chasse gardée d’un dictateur, Francisco Franco, durant quatre décennies. En 2008, Garzón répond à ces détracteurs et ouvre une instruction contre le régime franquiste. Deux ans plus tôt, le socialiste Zapatero a fait approuver une «loi de mémoire historique», qui accorde une réparation morale aux victimes de la dictature et élimine des symboles de l’ancien régime. Mais Garzón va plus loin. Il accuse le Caudillo et 44 responsables franquistes de «volonté d’extermination» et de «crimes contre l’humanité», à partir de 1936, contre des opposants républicains qui seront incarcérés, assassinés, ostracisés ou poussés à l’exil. Tant pis si Franco et la plupart des autres accusés sont morts depuis longtemps, le mal est fait.
Chape de plomb
Car, pour l’Espagne conservatrice, en bonne partie héritière du franquisme, le juge a commis un acte irréparable. Que Zapatero rende hommage aux victimes républicaines, passe encore. Mais qu’un magistrat balance par-dessus bord la légitimité du franquisme et le range dans les régimes les plus vils, nazi inclus, pas question. Baltasar Garzón a enfreint un principe sacro-saint : on ne touche pas aux franquistes. En 1975, à la mort du Caudillo (dans son lit), ce fut le deal : le régime dictatorial accepte le jeu démocratique mais, en échange, il impose l’impunité de tous les responsables franquistes comme condition non-négociable. «Logiquement», en 1977, des lois d’amnistie sont votées. C’est la transition de l’«amnésie» : une chape de plomb scelle un passé honteux et sanglant. Que personne ne s’avise de la lever…
C’est exactement ce qu’a fait Garzón, brisant du même coup un tabou et déclenchant des cris d’orfraie dans l’Espagne conservatrice, le Parti populaire, les médias (les quotidiens ABC et El Mundo, la Cope, radio de la conférence épiscopale…) et surtout dans la magistrature, un des milieux où l’empreinte franquiste est toujours vivace. D’autant que, sur demande d’associations de descendants de victimes, le superjuge exige l’identification de 151 000 cadavres répartis dans des centaines de fosses communes. Au nom des lois d’amnistie, la justice lui barre la route. Garzón est dessaisi de l’affaire au profit de 62 tribunaux provinciaux qui, bien sûr, enterreront l’enquête. On est en novembre 2009. Normalement, tout aurait dû en rester là.
Février 2010, coup de théâtre : avec l’aval du Tribunal suprême, un juge, Luciano Varela, voit en Garzón une belle proie et attaque bille en tête. Il dénonce une prévarication pour avoir instruit un procès en «ignorant de façon inexcusable les lois d’amnistie». Deux groupuscules tomberont du ciel pour déposer la plainte. L’un, Mains propres, est une association inconnue de magistrats d’extrême droite ; l’autre, Falange de las Jons, jadis un des bras armés du régime franquiste, est une formation résiduelle qui, aux dernières élections, n’a recueilli que 23 000 suffrages. Le juge d’instruction, lui, a un autre profil. Chevronné, vaniteux et arrogant comme Garzón, Luciano Varela a un passé gauchiste, ses proches sont socialistes. La rumeur dit qu’il a une dent contre le superjuge. Une guerre d’egos, tout bêtement.
Alors évidemment, vu de l’étranger, c’est l’incompréhension. Comment celui qui fait arrêter Pinochet peut-il être accusé dans son propre pays de s’être attaqué à l’ancienne dictature ? Qui plus est par deux mouvements d’extrême droite ! Tout le monde se dit que la justice espagnole a perdu la tête. Des magistrats prestigieux, de France notamment, appuient publiquement Garzón. Le New York Times exige «un procès juste» et dénonce «une tentative politiquement motivée pour mettre fin à la carrière d’un juge valeureux». En Argentine, où l’impunité a été levée et où on doit une fière chandelle à Baltasar Garzón, 800 associations manifestent leur répulsion contre un «procès contre-nature».
Côté espagnol, malgré la crise financière et un chômage à 20 %, beaucoup se déchirent de nouveau sur le passé. La presse souligne que Garzón a ouvert la boîte de Pandore et que l’ambiance est «guerracivilista». En clair, qu’elle a des airs rappelant la Guerre civile qui opposa franquistes et républicains, entre 1936 et 1939, et dont Franco sortira vainqueur. Le quotidien conservateur ABC s’en prend au juge étoile qui «a réveillé le fantôme des deux Espagne». Une majorité semble malgré tout soutenir le procès de Garzón contre Franco : 61 % des Espagnols estiment que le superjuge était «habilité à instruire le procès» et qu’il est «victime d’une persécution judiciaire». Le 24 avril, à Madrid, des dizaines de milliers de gens, emmenés par le cinéaste Pedro Almodóvar, se mobilisent en faveur de Garzón et des victimes du franquisme.
Confériencier bien payé
Baltasar Garzón a d’évidence des alliés mais, dans les hautes sphères, ce redresseur de torts s’est surtout attiré beaucoup d’inimitiés. Le zèle justicier irrite, notamment les magistrats. Pas un dossier sulfureux ne lui échappe. Le terrorisme basque, c’est pour lui, et l’Irak, et la grande corruption, et le terrorisme islamiste… Personne ne lui dénie un certain courage, lui qui vit sous forte escorte, et dont la maison de Madrid a été plusieurs fois vandalisée par des inconnus. Mais tout de même, il en fait trop ! Sa réputation internationale insupporte, les gros cachets qu’il touche à chacune de ses conférences aussi. C’est l’opinion du juge Varela, par exemple, qui l’a mis sur le banc des accusés.
Agaçant, le superjuge a des allures de shérif, ou de procureur à l’américaine. Il veut tout, il peut tout. Il est le premier juge à superviser une opération antidrogue, en Galice, du haut d’un hélicoptère. Le premier à parler en France avec des chefs d’ETA. En 1993, il se lance dans la politique, adoubé par le socialiste Felipe González. Garzón se voit déjà ministre de la Justice omnipotent, ou à la tête d’un FBI à l’espagnole. Or, il ne sera qu’un secrétaire d’Etat de l’ombre. Furieux, il claque la porte, revient à l’Audience nationale et prépare sa vengeance : il déterre le dossier des GAL, groupes antiterroristes de libération (des escadrons de barbouzes anti-ETA téléguidés par le gouvernement socialiste), et met au trou de hauts dirigeants pour «terrorisme d’Etat». Ce qui lui vaut, depuis, la haine des socialistes.
Instructions à la va-vite
Vaincu en politique, Garzón s’est juré de triompher en père Fouettard de la justice. Quitte, souvent, à en faire trop, à en perdre les pédales. Ici, on parle de garzonada pour qualifier un coup à la Garzón : un dossier d’instruction bouclé à la va-vite, truffé d’imprécisions, suivi d’un grand show judiciaire. Dans un procès-fleuve intenté en 1998 à l’entourage d’ETA, il emprisonne des dizaines de suspects… pour en relâcher la majorité plusieurs mois plus tard, faute de preuves. Idem concernant l’enquête des sanglants attentats islamistes de mars 2004, à Madrid.
A la rigueur judiciaire, il préfère le barouf médiatique. Ses collaborateurs de l’Audience nationale le décrivent comme un «dictatorcito» (un petit dictateur) qui impose un rythme infernal, épuise ses équipes, ne supporte pas qu’on lui tienne tête. Et c’est là que le bât blesse : héraut des défenseurs des droits de l’homme, il n’en est pas, lui, un garant. Dans les milieux judiciaires, il est réputé pour prendre des mesures arbitraires, ne pas respecter les droits de la défense. «Il abuse du secret de l’instruction, de la détention provisoire, de la mise sous séquestre des biens et des périodes d’incommunication pour les gens accusés de terrorisme», critique le juriste Jaume Asens. De même, il ne s’embarrasse pas des règles de procédure pour parvenir à ses fins : ainsi, pour confondre la corruption du Parti populaire, bien réelle apparemment, le superjuge aurait mis illégalement sur écoutes des politiciens en conversation avec leurs avocats.
Un observateur judiciaire le décrit ainsi : «Il a un côté coupeur de têtes, à l’image d’autres juges d’instruction mégalos, comme Eva Joly ou Arnaud Van Ruymbeke. Garzón a fini par se croire tellement haut et puissant qu’il s’imagine au-dessus des lois. La fin a fini par justifier les moyens.» Avec ses airs d’incorruptible au-dessus de tout soupçon, l’Eliott Ness de l’Audience nationale en énerve bien d’autres, dans la magistrature espagnole. Les convaincus que Baltasar Garzón ne cadre pas forcément avec l’image qu’il a toujours projetée, celle d’un bon père de famille (il a trois enfants) à la morale irréprochable, ou d’un moine soldat de la justice pur et désintéressé. Ils estiment notamment que le superjuge a toujours été moins sévère avec le «délit économique» que d’autres crimes. La troisième affaire qui le concerne l’accuse d’ailleurs de corruption. En 2005-2006, Supergarzón aurait été financé (on parle de 1,7 million d’euros) par la banque Santander pour des colloques dans une université new-yorkaise. Or, à peine rentré à Madrid, il a classé sans suite une plainte présentée contre Emilio Botín, le président de cette même banque. Echange de bons procédés ?
Mégalo, utopiste…
Le grand inquisiteur andalou possède au moins une belle vertu. Par courage, éthique, ego surdimensionné, ou peut-être les trois à la fois, il choisit et donne de la résonance à des causes justes. Et tant pis si, parfois, sa justice universelle vire au donquichottisme. Faut-il s’étonner que les autorités guatémaltèques ne veulent pas coopérer pour juger Efraín Rios Montt, l’ancien dictateur génocidaire qui a pignon sur rue ? Ou que la justice américaine ait refusé de lui livrer ceux qui ont «monté» Guantánamo ? Ou encore que la Chine protège des généraux impliqués dans la répression au Tibet de mars 2008 ? Le gouvernement Zapatero en a assez de se faire remonter les bretelles par les chancelleries concernées.
Alors, quel avenir pour ce Batman pas toujours vertueux ? S’il avait été interdit d’exercer pour avoir usé d’écoutes téléphoniques illégales ou pour corruption dans l’affaire des conférences à New York, son prestige en aurait subi un coup fatal. Mais puisqu’il est suspendu de ses fonctions pour avoir instruit le procès du franquisme, il devrait en sortira moralement vainqueur. Garzón défend l’idée que les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles, argument qui réduit à néant les fameuses lois d’amnistie de 1977. Et son avocat de rappeler que l’Espagne est l’unique pays européen avec un passé dictatorial où ce type de crimes n’ont pas été jugés. «Le procès contre Garzón est une absurdité, affirme Leandro Despouy, ex-juriste de l’ONU. Pour un peu, viendront un jour des réclamations internationales contre l’Espagne, qui a signé des conventions contre les violations des droits de l’homme.»
«Notre grand inquisiteur brûlé sur un bûcher ! Ça fait drôle», écrit un chroniqueur d’El Pais. «Ses dossiers d’instruction laissent certes à désirer, mais il a l’immense mérite d’être un agitateur qui secoue le cocotier judiciaire, milieu qui a une tendance naturelle à s’ankyloser», tranche le philosophe Fernando Savater. Dans l’immédiat, on a du mal à imaginer Garzón à 54 ans, savourant une préretraite dorée dans sa sierra de Jaen, entre rédaction de ses mémoires et battues de chasse. La chute dans l’anonymat après tant d’années dans la lumière serait une rupture trop forte.
A propos d’anonymat, au cas où Oussama Ben Laden l’aurait oublié, Baltasar Garzón a lancé contre lui un mandat d’arrêt international. C’était en 2003. Toujours sans résultat.
(1) La CPI a proposé au juge une mission de sept mois (lire «Libération» du 12 mai). (2) Lire page 6. (3) Seul le Tribunal suprême peut annuler une décision de l’Audience nationale. C’est la plus haute juridiction espagnole, excepté lorsqu’il s’agit d’interpréter la Constitution, compétence exclusive du Tribunal constitutionnel. (4) Calmann-Lévy, 2006, 310 pp., 17 €.
Par FRANÇOIS MUSSEAU MADRID