samedi 31 juillet 2010

Les Mapuche et le terrorisme de l’État chilien.

Ils veulent ainsi protester contre une champagne menée par la droite qui vise à les “condamner de façon anticipée dans l’opinion publique” et accusent les autorités d’appliquer des procédures politico-judiciaires qui «contreviennent aux droits inhérents à la qualité de Mapuches et de prisonniers politiques», leur reprochant de «criminaliser la juste lutte des communautés».
Ils exigent la fin de l’application de la loi Anti-terroriste aux causes Mapuches, et la fin des procès ouverts par la justice militaire, et la liberté pour tous les prisonniers politiques Mapuches. Et pour finir la «démilitarisation» des zones Mapuches.
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COMMUNIQUÉ PUBLIC DES PRISONNIERS POLITIQUES MAPUCHE
EN GRÈVE DE LA FAIM À LA PRISON D’EL MANZANO À CONCEPCION

Nous, prisonniers politiques mapuche actuellement en prison à El Manzano (Concepción), informons le peuple nation mapuche et l’opinion nationale et internationale qu’à partir d’aujourd’hui lundi 12 juillet 2010 nous commençons une grève de la faim liquide indéfinie.
Cette décision drastique et extrême résulte d’une série de situations que nous avons dénoncées face aux procès politico-judiciaires injustes que nous subissons et qui violent tous les droits qui nous sont dus en tant que MAPUCHE et prisonniers politiques.
En bref, nous avons dénoncé les montages médiatiques dont nous sommes l’objet de la part du Ministère Public représenté par des procureurs antimapuche et des groupes de policiers corrompus qui prétendent nous imposer les lois de la dictature et des méthodes fascistes. C’est ainsi que l’État chilien défend les grandes entreprises compromises dans le conflit qui l’oppose à notre peuple, en le persécutant, en cherchant à anéantir le mouvement mapuche par la criminalisation de la juste lutte de nos communautés et l’emprisonnement de leurs représentants.
Nous dénonçons aussi la grotesque campagne anti-mapuche orchestrée par la droite économique et politique chilienne qui utilise ses moyens de communication pour préparer l’opinion publique chilienne à adhérer à la criminalisation et à la condamnation de nos militants sociaux menée par les procureurs.
Nos revendications sont les suivantes :
1. Supprimer l’application de la loi antiterroriste appliquée aux revendications mapuche
ce qui signifie la fin de la loi antiterroriste de la législation pinochetiste
2. Supprimer le recours à la justice militaire dans les conflits mapuche
ce qui signifie la fin de la justice militaire appliquée à la population civile au Chili.
3. Liberté à tous les prisonniers politiques Mapuche détenus dans différentes prisons de l’État chilien.
Autrement dit :
- Exiger le droit à un procès juste et équitable
- sans plus de montages politico-judiciaires et de procès viciés par l’utilisation de témoins « sans visage » et des pratiques qui violent les droits humains fondamentaux comme le sont l’extorsion d’aveux, les menaces, les tortures physiques et psychologiques et des conditions dégradantes dans les prisons.
4. La démilitarisation des zones Mapuche dans lesquelles les communautés revendiquent des droits politiques et territoriaux.
Enfin, nous appelons Notre Peuple à se mobiliser, à protester et à lutter pour ce que nous considérons une Cause Juste ainsi que toutes les organisations sociales et politiques qui nous soutiennent.
POUR LE TERRITOIRE ET L’AUTONOMIE DU PEUPLE NATION MAPUCHE
« WEUWAIN »
PRISONNIERS POLITIQUES MAPUCHE – CONCEPCION

Un général chilien condamné pour un assassinat en 1974 l'attribue à la CIA

L'ancien chef de la police secrète Juan Manuel Guillermo Contreras Sepúlveda dit El Mamo, main droite du dictateur Augusto Pinochet, le mois de novembre 2005 à Santiago du Chili. Photo EFE

La cour suprême du Chili a maintenu, il y a trois semaines, la condamnation du général Manuel Contreras pour complot dans le meurtre du général Carlos Prats, ayant précédé Pinochet à la tête de l'armée chilienne. Prats était un proche allié du président Salvador Allende, écarté du pouvoir par Pinochet lors du coup d'État de 1973.
Manuel Contreras, 81 ans, a parlé de Prats comme d'un ami et a indiqué à un groupe de journalistes triés sur le volet jeudi que le service de renseignement national chilien, qu'il dirigeait, n'avait rien à voir avec son assassinat.
Le général purge des peines cumulées de plus de 100 ans pour des meurtres et des enlèvements qui sont survenus durant les années de règne de Pinochet.
Manuel Contreras a déclaré que le meurtre de Prats était le travail de la CIA.
La CIA et Peter Kornbluh, responsable du programme d'archives sur le Chili de la Sécurité nationale à Washington, ont affirmé que le général avait tort.
M. Kornbluh, auteur du livre «The Pinochet File: A Declassified Dossier on Atrocity and Accountability», a soutenu que Manuel Contreras avait toujours utilisé cette «explication bidon» que la CIA était responsable, malgré que «la preuve indique sans équivoque que le général lui-même, probablement de concert avec Pinochet, était l'auteur du meurtre».
Manuel Contreras a affirmé que la CIA avait ordonné l'élimination de Prats car le service craignait que le général soit en train de constituer un gouvernement en exil.

vendredi 30 juillet 2010

CHILI - Tremblement de terre politique et retour des Chicago boys

Elu chef de l’Etat, en janvier, le leader de Rénovation nationale (RN) conquiert la première magistrature au nom de la coalition « Alliance pour le Changement » (qui regroupe néolibéraux et ultraconservateurs). Ainsi que nous le rappelions au moment de l’élection, c’est un tournant historique et politique : le dernier président de droite élu était Jorge Alessandri, en… 1958. Se référant à la transition démocratique qui mit fin à la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1989), certains analystes n’hésitent pas à parler d’une « deuxième transition ». Après dix-sept ans d’un terrorisme d’Etat contre-révolutionnaire qui mit fin à l’expérience de l’Unité populaire de Salvador Allende, et à deux décennies d’une démocratie sous tutelle issue d’une « transition pactée », conduite par la Concertation des partis pour la démocratie — coalition entre le Parti socialiste (PS) et de le Parti démocrate chrétien (DC) —, le peuple chilien connaîtrait désormais les joies de l’alternance… [1]. Face au terne ex-président Eduardo Frei (DC), le médiatique Piñera – « Berlusconi chilien » avec bronzage permanent et dents éclatantes – a promis monts et merveilles à grands coups d’ingénierie marketing et télévisuelle : croissance soutenue de 6% destinée à faire oublier la crise capitaliste mondialisée, création d’un million d’emplois, combat de la pauvreté et surtout, accompagné d’un discours sécuritaire bien aiguisé, fin de la délinquance (du moins celles des classes populaires car les cols blancs ne seront sûrement pas inquiétés…).


La défaite est amère pour la Concertation qui croyait pouvoir encore faire jouer la logique du « vote utile » face aux fantômes d’une droite marquée au fer rouge par son appui à la dictature. Mais Piñera, s’affirmant «humaniste », a su rappelé qu’il avait voté « non » à Pinochet en 1988, sans pour autant pouvoir se départir de son passé de nouveau riche issu du régime militaire, ni de son alliance avec l’Union démocratique indépendante (UDI), droite réactionnaire « pinochetiste » (proche de l’Opus Dei et première force au Congrès). Les députés du centre-gauche espéraient que l’imposante popularité de la Présidente Bachelet et ses récentes réformes en faveur des plus pauvres pourraient faire oublier le passif de décennies de social-libéralisme : justice pour les victimes de la dictature « dans la mesure du possible », alors que la loi d’amnistie de 1978 est toujours en vigueur et que Pinochet est décédé sans avoir été jugé ; « économie sociale de marché » où le social est trop souvent un faire valoir destiné à faire accepter un projet macro-économique fondamentalement au service du grand capital ; absence de volonté politique au moment de mettre définitivement fin à la constitution autoritaire de 1980 ; accords multiples avec la droite au Parlement ; politique environnementale désastreuse car soumise au caprice des transnationales ; répression non démentie des revendications historiques du peuple Mapuche et autisme face aux revendications étudiantes et salariales… [2]

A ce rythme comment s’étonner qu’il y ait toujours plus de citoyens qui s’éloignent des urnes et des grands partis institutionnels (31 % des Chiliens en âge de voter, soit 3,8 millions de personnes, ne sont même pas inscrits sur les registres électoraux) et que ceux qui se déplacent pour mettre un bulletin dans l’urne aient majoritairement choisit « l’original » (un patron milliardaire ambitieux) plutôt que pour « la copie » (un sénateur DC dont la présidence n’a pas laissé de bons souvenirs aux classes populaires et aux organismes de défense des Droits humains) ? Frei a bien essayé d’agiter un chiffon rouge entre les deux tours : « Au cours de la campagne, nos adversaires ont toujours dit que la Concertación est au bout du rouleau parce qu’elle a déjà gouverné pendant 20 ans. Mais eux-mêmes ont été au pouvoir pendant 17 ans et le Chili s’est beaucoup mieux porté avec la Concertación que durant leurs années [de dictature, NdE] ». Cela n’a pas suffit, pas plus d’ailleurs que l’appui reçu du Parti communiste et de sa coalition, Juntos Podemos…

Le dernier jour de Bachelet. Privatiser le littoral de la mer australe?

Et s’il fallait essayer d’expliquer pourquoi la Concertation est honnie de toute une partie du mouvement social et critiquée par de nombreux militants de gauche (y compris du Parti socialiste) ; s’il fallait tenter de montrer de quoi le social-libéralisme est-il le nom au Chili, on pourrait alors s’en tenir au denier jour de la présidence Bachelet. Ce 10 mars 2010, c’est avec l’approbation du dernier exécutif de la Concertation qu’est paraphée la réforme de la Loi générale de pêche et d’agriculture. L’objectif ? Tout simplement, venir en aide aux transnationales de saumon d’élevage qui ont inondé les côtes du sud du pays depuis des années et connaissent de graves difficultés. Crise sanitaire tout d’abord, conséquence d’un mode de production aberrant qui a dévasté une partie du littoral à coup de colorant, hormones, antibiotiques, surpêche (pour nourrir les saumons !). Crise économique ensuite. Alors que cette industrie était censée être un des moteurs de l’économie, elle a été engagée sur la voix d’une rentabilité à tout prix, basée sur une exportation de masse aux quatre coins de la planète (Japon, Etats-Unis, UE). Le développement exponentiel d’un virus (virus ISA) a affecté toute la chaîne, et c’est ce modèle d’élevage intensif entièrement dépendant du marché mondial s’est affaissé violemment [3]. Cette « agonie du saumon » a provoqué une chute de la production de plus de 30% entre 2007 et 2008 et le licenciement de milliers travailleurs (plus de 15.000) [4].
Vues les conditions offertes, en 20 ans, les capitaux ont afflué de toute part, à commencer par la transnationale hollandaise Nutreco (plus grosse productrice mondiale) mais aussi des entreprises norvégiennes, japonaises, canadiennes et espagnoles. Le patronat chilien n’est pas en reste puisqu’il détient 55% de la filière. N’en déplaise aux écologistes et aux pécheurs artisanaux (dont la vie a été ruinée), le Chili est devenu le second producteur de la planète, avec plus de 650 000 tonnes de saumon en 2007 et, en valeur, cette denrée représente le 4° poste d’exportation nationale [5]. Rapidement c’est un véritable lobby du saumon qui a fait son apparition au sein des institutions et de la société civile. Ainsi, alors que le secteur affiche désormais une dette de deux milliards de dollars, la proposition du gouvernement Bachelet a été de garantir le déblocage d’un fonds public de 450 millions de dollars. Les banques restant méfiantes, le projet de loi prévoit aussi une modification des règles de production, un meilleur confinement des poissons, une rotation régulière dans les lieux d’élevage et… la concession de milliers d’hectares de mer et de terre ferme offerte comme garantie hypothécaire auprès des banques ! Comme le rappellent les responsables de la campagne « Sauvons la mer chilienne », « Jamais dans l’histoire aucun pays n’avait permis d’hypothéquer la mer. Ce n’est pas seulement un scandale, c’est aussi le renoncement de notre pays à la souveraineté sur son territoire » [6]. Au lieu de s’inscrire dans le sillage d’Allende qui avait exproprié les grandes compagnies de cuivre (“le salaire du Chili”), le gouvernement Bachelet se sera montré beaucoup moins glorieux aux yeux de l’histoire… [7]

Les premiers jours de Piñera. Le retour des « Chicago boys »

« Se van los capataces y vuelve el patrón » : les contremaîtres partent et le patron revient… [8]. C’est le sentiment d’une partie des citoyens avec cette élection. En effet, la majeure partie du personnel politique de la Concertation n’était pas issu du milieu des affaires, bien que ses membres dirigeants s’en soient rapidement rapprochés au contact du pouvoir. Le président socialiste Ricardo Lagos n’avait-il d’ailleurs pas été proclamé, à la fin de son mandat, comme l’un des meilleurs hommes politiques du XX° siècle par le syndicalisme patronal chilien ? Cependant, l’arrivée de Piñera représente la fin d’une médiation politique : désormais, c’est un capitaliste décomplexé qui tient les rênes du pays. Certes, ce que certains sociologues nomment la démocratie « des compromis » ou encore « du consensus » [9] va se poursuivre, avec ses divers accords entre droite et gauche, alors que « l’Alliance pour le changement » ne possède pas de majorité absolue au parlement [10]. Il n’empêche : ce grand patron compte bien gouverner pour les siens. A la tête d’une fortune de plus d’un milliard de dollars et placé au 701ème rang du classement Forbes des personnes les plus riches du monde, son groupe est présent dans la télévision (Chilevision), la banque, la santé, la grande distribution, l’énergie, le transport aérien (Lan Chile) et même le football avec un club très populaire (« Colo Colo ») [11]. Grand admirateur du Président français Sarkozy, S. Piñera compte administrer l’Etat comme il gère ses entreprises, alors que la côte de ses actions en bourse a connu une envolée remarquée dès l’annonce de son élection. Si l’on regarde qui sont les actuels ministres [12], il est intéressant de noter que le nouveau président a choisit de choyer avant tout les élites économiques plutôt que la droite politique. Pablo Longueira, fondateur de la UDI, s’en est d’ailleurs ému, ce qui pourrait laisser augurer des tensions entre néolibéraux et ultraconservateurs dans un futur proche. « En effet, le nouveau cabinet ministériel ressemble par certains côtés à un véritable conseil d’administration du pays ! Le Président avait beaucoup insisté sur sa volonté de former un « gouvernement des meilleurs » […]. De fait, 13 des 22 ministres ne sont pas des militants. Cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas de conviction politique, mais au moins n’en ont-ils pas fait leur profession. Finalement, le politicien le plus aguerri est probablement Jaime Ravinet, ancien de la Concertation (DC) qui redevient ministre de la Défense […]. S’ils ne sont pas de purs politiques, d’où proviennent donc les nouveaux ministres ? Principalement du secteur privé et du monde universitaire. Si ce gouvernement n’incarne pas la « transversalité » annoncée, au sens de la représentation de différentes sensibilités politiques, il est par contre généreusement équilibré du point de vue de la représentation des groupes et familles qui pèsent dans l’économie chilienne. Alfredo Moreno, membre du directoire de Falabella (grande distribution) et de Penta (banque), devient ainsi ministre des Affaires Etrangères. Son expérience en matière de diplomatie est surtout fondée sur son rôle dans l’expansion internationale de l’entreprise, notamment vers le Pérou. Laurence Goldborne, ancien directeur général d’un concurrent direct dans la grande distribution (Cencosud), hérite du ministère des mines, secteur clé dans le pays du premier producteur mondial de cuivre. Magdalena Matte, issue d’une prestigieuse famille connue pour son opposition au gouvernement de Salvador Allende, occupera le portefeuille du logement. Au Sernam (Service National de la Femme), on trouvera Carolina Schmidt, qualifiée par le passé par une revue du monde des affaires de « première dame des Luksic », famille qui apparaît au 76ème rang du classement Forbes » [13]. Les autres responsables de portefeuille sont des universitaires (6 d’entre eux sont titulaires d’un doctorat). 16 membres du gouvernement ont étudié dans les amphithéâtres de la très conservatrice Université Catholique et une majorité exhibe fièrement des diplômes d’universités étasuniennes, particulièrement d’Harvard et de Chicago. On assiste à une sorte de retour d’une nouvelle génération de “Chicago boys”, prête à perfectionner le modèle débuté en dictature par leurs prédécesseurs, nourris dans les années 70 au biberon des économistes Milton Friedman et Arnold Harberger, pionniers du néolibéralisme [14]. Le meilleur représentant de ces idéologues de combat est sans aucun doute Juan Andrés Fontaine, nommé ministre de l’économie. Directeur du Centre d’études publiques (CEP), l’un des principaux réservoirs d’idée de la droite libérale, Fontaine est lié au groupe Matte et membre du directoire de plusieurs grandes entreprises. Ce gouvernement est ainsi formé par une majorité d’hommes, sans presque aucune expérience politique mais qui représentent à merveille la dimension de classe qu’ils se proposent de défendre.

Quand la terre tremble. Stratégie du choc néolibéral contre reconstruction démocratique et solidaire

A en croire que les dieux eux même en frémissent de colère ! C’est dans un pays partiellement détruit et une population mis à mal par un séisme (puis un tsunami) d’une magnitude exceptionnelle, que S. Piñera a dû assumer ses premiers moments de gouvernance. La droite n’aura pas pu fêter trop ouvertement sa victoire. Comme le soulignait la journaliste Claire Martin : « Pas de cotillon ni de célébration. La prise de pouvoir de Sebastian Pinera sera ce jeudi 11 mars d’une sobriété exemplaire ». La tragédie qui a fait plus de 800 morts et terrorisée les habitants de la région du Maule et Bío-Bío a bouleversé l’agenda du président qui a appelé à « sécher ses larmes » et à se mettre au travail.

L’exécutif a d’abord tout fait pour étouffer la défaillance complète de l’ONEMI, organisme lié au ministère de l’intérieur et à la marine qui est chargé d’organiser les évacuations en cas de danger de tsunami. Les familles des centaines de disparus et noyés crient pourtant au scandale devant l’incompétence de l’administration et l’arrogance de l’Amiral Edmundo González qui en est responsable [15]. Selon certaines estimations, ce ne sont pas moins de 30 milliards de dollars qui devront être investis au cours des prochaines années pour reconstruire les infrastructures et la droite pourrait en profiter pour avancer une logique de « stratégie du choc ». D’autant qu’elle a de l’expérience en la matière. Noami Klein a rappelé à quel point dans des moments de grande vulnérabilité, de désorganisation suite à des catastrophes naturelles ou des coups d’état, les individus comme les sociétés peuvent être plus facilement soumis à des thérapies de choc économique ou des formes croissantes d’autoritarisme [16]. En déployant plus de 10 000 militaires dans le sud du pays et en déclarant l’Etat de siège dans certaines régions au nom de la lutte contre les « saccages », à grand renforts de reportages télévisés, le signal est clair. La priorité a été donnée à une intervention sécuritaire musclée défendant la grande propriété privée, notamment celle des chaînes de distribution (telle Líder qui appartient à Wall-Mart), alors que dans de nombreuses zones affectées, souvent très pauvres, aucune action publique d’urgence n’avait été mis en place et que les services de base (comme l’eau potable ou l’électricité) n’étaient pas encore rétablis. Le chaos, une assistance défectueuse produit du modèle semi-public chilien, les manques de ravitaillement et la spéculation de certains commerçants peu scrupuleux ne pouvaient manquer de favoriser les comportements d’angoisse, y compris de violence. Mais certaines scènes de pillage ou d’achat compulsif, y compris dans le grand Santiago (pourtant peu affecté par le séisme), ont aussi mis en lumière certains comportements collectifs marqués par le « chacun pour soi » d’une société éclatée et anomique, dont le terreau est composé d’un mélange toxique de valeurs ultraindividualistes, d’appels à la consommation permanente (mais à crédit) combinés avec une brutale fracture sociale et un passé autoritaire, toujours présent en filigrane [17]. Sans aucun doute, il faudra dans les mois à venir prendre plus de temps pour décrypter ce qu’il s’est passé durant ces journées, mais il n’est pas exagéré d’affirmer, qu’une fois de plus, le mythe du « jaguar » de l’Amérique du sud, celui du pays riche et « développé », a été mis à nu dans toutes ses immenses contradictions : le Chili reste l’un des dix pays les plus inégalitaire de la planète.

Dans ce contexte, Piñera s’apprête à appliquer une politique de « capitalisme du désastre » (Noami Klein) où les discours « d’union nationale » sont au service d’une perspective de reconstruction qui se fera au profit de la bourgeoisie [18]. Déjà les grandes manœuvres on débuté. Au sein du cercle proche du pouvoir ont retrouve plusieurs personnages clefs des entreprises de construction du pays. Certains d’entre eux ont mené par le passé des actions immobilières importantes avec le groupe de l’actuel président, dont l’intendant (préfet) de la région Maule (l’une des plus touchées par la catastrophe), le ministre de l’économie et l’intendant de Santiago. Fernando Echeverría est d’ailleurs passé directement de la Chambre chilienne de la construction (syndicat patronal) à l’intendance de la région métropolitaine ! Pour les spéculateurs immobiliers les plus en vue (dont l’ami d’enfance de Piñera, Carlos Alberto Délano) les prochaines années s’annoncent on ne peut plus juteuses, même si par « malchance » leur responsabilité pénale est actuellement engagée du fait de la mauvaise qualité des édifices construits (et qui ont mal résisté au tremblement de terre)… Des projets fleurissent de partout et aiguisent les appétits, ainsi dans l’historique quartier Brésil de Santiago. Le Ministère des travaux publics (MOP) est quant à lui aux mains du lobby de l’Association des concessionnaires d’œuvres et d’infrastructures publiques (COPSA). « Nous voulons parler un peu avec le nouveau ministre et avec le Président Piñera pour que toutes ses routes, mais aussi ces écoles, hôpitaux, prisons et bâtiments publics qui se sont écroulés, soient transformés en concessions » a déclaré le dirigeant de la COPSA (et cousin de Piñera). Ce à quoi répondait le lendemain matin le ministre du MOP : « Le processus de concessions a aidé au développement du pays et je crois qu’il pourrait aider désormais à la reconstruction » [19]. Dans un Chili où quasiment tous les champs sociaux sont déjà dominés par le secteur privé et des logiques de rentabilité immédiates, de telles déclarations donnent le tournis.

Reconstruire les alternatives

Face à ce scénario du pire où la catastrophe géophysique rétroalimente le tremblement de terre politique, plusieurs lueurs d’espoirs pointent le bout de leur nez. Certes, le mouvement ouvrier, la Centrale unitaire des travailleurs, la gauche radicale, les associations de quartiers ne sont plus que l’ombre de ce qu’ils étaient avant le coup d’Etat de 1973. Cependant, depuis le début des années 2000, la « gueule de bois » de la transition pactée semble s’éloigner et une nouvelle génération de militants se mobilise et renouvelle les répertoires de l’action collective, en lien avec l’expérience des plus anciens. De multiples initiatives de solidarité active parcourent le pays, bien loin du show télévisé du « téléthon », sponsorisé par les mêmes entreprises qui pensent s’enrichir grâce au séisme. Syndicats, collectifs étudiants, associations de femmes ou indigènes, militants de gauche tentent, à contre-courant, de montrer que la notion de solidarité est encore possible face à la morgue du « tout marché » [20]. Ainsi que le déclare Carlos Gajardo, dirigeant social de la commune de La Florida (Santiago), « L’heure est à la réflexion lorsqu’on parle de reconstruction. Voulons-nous reconstruire un pays où prédominent les décisions de quelques uns, l’emploi précaire, le clientélisme, la corruption ? Ou bien faire ce qui correspond à un peuple digne : exiger la reconstruction du pays sur les bases de la solidarité, la justice sociale et la souveraineté nationale ? » [21]. L’alternative se pose effectivement en ces termes : choc néolibéral par en haut ou reconstruction solidaire par en bas ? Néanmoins, pour que le retour en fanfare de la droite ne soit qu’un mauvais souvenir et qu’il n’annonce pas un retour de bâton plus ample sur le plan régional, ce gouvernement et ses alliés devront être combattus sur leur terrain : celui de la lutte des classes.

Il faudra ainsi poser la question de la reconstruction politique d’une gauche populaire et combative : une « politique de l’opprimé » (selon la belle formule de Daniel Bensaïd), qui ne renonce pas à son indépendance devant les atermoiements de la Concertation et qui sache briser la fatalité de la fragmentation en proposant des alternatives concrètes. Nul doute qu’un gouvernement progressiste aurait pu mettre en branle un autre projet de reconstruction, financé notamment par une taxe immédiate (royalty) sur les entreprises minières transnationales, qui exploitent les multiples concessions sans quasiment rien laisser. Une telle fiscalité, pourtant très modérée, rapporterait au bas mot la coquette somme de 2,5 milliards par an [22].
Plus largement, c’est une véritable re-nationalisation du cuivre sous contrôle des salariés, comme des services de base (eau, électricité, communication, transports) qui devrait être annoncée comme mesure d’urgence sociale et nationale. Une décision de salut public soutenue par une imposition sur les revenus des transnationales, des classes aisées et à la mobilisation du mouvement social et syndical pour défendre une telle politique. Cette dynamique suffirait à démarrer une reconstruction gérée alors au travers d’un organisme public ad hoc, sous contrôle des populations concernées et favorisant les multiples initiatives d’auto-organisation qui ont surgit çà et là. Cette épreuve que traverse le peuple chilien serait, dans ces conditions, une opportunité de refondation démocratique et, pour les gauches sociales et politiques, l’occasion de reprendre le chemin des ouvriers des cordons industriels lorsqu’ils clamaient durant l’Unité populaire : « Créer, créer, pouvoir populaire ! ».

Première publication : revue Recherches Internationales.

Reproduction par initiative de l’auteur.

Les opinions exprimées dans les articles et les commentaires sont de la seule responsabilité de leurs auteur-e-s. Elles ne reflètent pas nécessairement celles des rédactions de Dial ou Alterinfos. Tout commentaire injurieux ou insultant sera supprimé sans préavis.

Notes
[1] Pour une analyse de l’élection : F. Gaudichaud, « Un entrepreneur multimillionnaire à la tête du Chili », Le Monde Diplomatique, 19 janvier 2010, www.monde-diplomatique.fr/ca... et pour plus d’informations, voir la sélections d’articles que nous avons réalisé (avec Mario Amoros) pour Rebelion.org : « Elecciones Presidenciales 2009-2010 », www.rebelion.org/apartado.ph....
[2] « Le Chili. Un pays modèle ? » in F. Gaudichaud (dir.), Le Volcan latino-américain. Gauches, mouvements sociaux et néolibéralisme en Amérique latine, Paris, Textuel, 2008, pp. 315-336.
[3] Voir le dossier « Industria salmonera en Chile » de l’OLCA (Observatorio Latinoamericano de Conflictos Ambientales), www.olca.cl/oca/chile/region....
[4] Darío Zambra B., « La agonía del salmón », La Nación Domingo, 15 mars 2009.
[5] Arnaldo Pérez Guerra, “Chile : Salmoneras, crecimiento a cualquier costo”, 28 août 2003, www.ecoportal.net/content/vi....
[6] Cette loi pourrait d’ailleurs être déclarée inconstitutionnelle puisqu’un recours a été présenté par 34 députés et 12 sénateurs devant le tribunal constitutionnel.
[7] Certains journalistes et militants ont même eu le mauvais gout de faire le parallèle avec le Général Pinochet qui avait lui aussi la veille de son départ, fait passer subrepticement (et en dictature) une loi léonine favorisant les intérêts de l’éducation privée dans le système scolaire du pays.
[8] M. Bercerra, « Se van los capataces y vuelve el patrón », www.elciudadano.cl/2010/01/1....
[9] M. A. Garretón, Alfredo Alejandro Gugliano (coord.), Democracia en las Américas : desafíos, peligros, expectativas, Editora Universidad Católica de Pelotas, Brasil, 2003.
[10] La droite obtient 55 députés sur 120 et 17 sénateurs sur 38 : http://especiales.americaeconomia.c....
[11] Piñera a annoncé qu’il pensait se séparer des propriétés qui pourraient représenter un conflit d’intérêt avec son rôle de Président de la République, à commencer par ses actions au sein de Lan Chile. Une annonce qui mérite d’être suivie de près…
[12] Pour voir la composition complète du gouvernement : www.elciudadano.cl/2010/02/0...
[13] Antoine Maillet, « Nouveau gouvernement chilien : le monde des affaires au pouvoir ? », www.opalc.org, 15 Février 2010. Voir également C. Rivas Arenas, « Asesor de A. Edwards y ejecutivo de Falabella es el nuevo canciller », El Mostrador.cl, 10 de febrero 2010.
[14] F. Marin, « El regreso de los Chicago Boys », www.elciudadano.cl/2010/02/2...
[15] T. Tricot, « El criminal “error” de la Armada », Barómetro Internacional, 18 mars 2010.
[16] N. Klein, La Stratégie du choc, Actes Sud, Paris, 2008.
[17] Voir les textes que nous avons réunis (avec Mario Amoros) pour Rebelion.org sur ce sujet : « Un terremoto destruye el mito chileno », www.rebelion.org/mostrar.php....
[18] « La tempestad social que se aproxima », Editorial de la revue Punto Final, edición Nº 705, 19 de marzo 2010 et V. Haya de la Fuente, « Que el terremoto no sea excusa », Le Monde diplomatique (Chili), N° 106, avril 2010.
[19] Francisca Skoknic y Juan Pablo Figueroa « Los hombres del Presidente. Los vínculos de Piñera con las empresas de los edificios dañados », CIPER Chile, 18 mars 2010.
[20] Parmi de nombreuses autres, citons les initiatives en faveur de la reconstruction des locaux de syndicats portuaires, notamment du port de Talcahuano, très touché par le tsunami qui a aboutit à la création du Regroupement des syndicats pour la reconstruction de Talcahuano (voir aussi l’action lancée par l’ONG « Plataforma Nexos » : www.plataforma-nexos.cl).
[21] Carlos Gajardo Álvarez, « A reconstruir un Chile solidario », 25 mars 2010, www.rebelion.org/noticia.php....
[22] C Cademartori, « El royalty de la minería del cobre debe financiar la reconstrucción », 25 mars 2010, www.rebelion.org/noticia.php....

jeudi 29 juillet 2010

Identifié disparu français

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Photo prise probablement en 1976 d'Yves Domergue Photo AFP/Archives/Familia Domergue

Yves Domergue était enterré dans le cimetière de Melincue, dans la province de Santa Fe (centre), aux côtés de sa compagne, Cristina Cialceta, une Argentine née au Mexique.
Tous deux militants de gauche, il avait 22 ans, elle 20 ans, quand ils furent enlevés le 26 septembre 1976 à Rosario (province de Santa Fe). Depuis, on n'a plus eu de nouvelles d'eux malgré les nombreuses démarches entreprises par la famille Domergue auprès des gouvernements français et argentins. Les deux cadavres portent de nombreux impacts de balles et des marques de tortures, a indiqué Eric Domergue.
La découverte macabre et divers témoignages de l'époque permettent de reconstruire l'histoire. Yves et Cristina ont été interceptés par une patrouille de l'armée de terre et conduits illégalement dans une caserne militaire. Quelques jours après leur enlèvement, leurs cadavres, jetés au bord de la route, furent découverts par un paysan, et enterrés anonymement à Melincue.
Une enquête judiciaire, ignorée pendant le régime militaire, a été rouverte en 2008. Les droits de l'homme sont une priorité depuis l'arrivée au pouvoir, en 2003, de l'ex-président Nestor Kirchner et, depuis 2006, de son épouse, Cristina Kirchner. De nombreux procès sont en cours pour juger les anciens tortionnaires.
18 CITOYENS FRANÇAIS DISPARUS EN ARGENTINE
"La dernière nouvelle que j'ai eue d'Yves, raconte ému son frère cadet à Buenos Aires, c'est une lettre qu'il m'a envoyée de Rosario ; là il me disait que de nombreux amis étaient tombés malades (euphémisme pour signaler qu'ils avaient été arrêtés ou tués) et que bientôt il retournerait à Buenos Aires." Mais il n'est jamais revenu.
Eric se rappelle de leurs dernières rencontres à Buenos Aires. Yves vivait dans la clandestinité, mais il prenait contact avec son frère, lui, fixant jour et heure de chaque rencontre, toujours dans le même lieu : la rue Sucre, dans le quartier chic de Belgrano. "Moi, je remontais la rue, Yves la descendait et nous nous retrouvions à un point quelconque du trajet pour marcher côte à côte et nous parler," se souvient Eric.
Yves Domergue est un des 18 citoyens français disparus en Argentine pendant les années de plomb. Jusqu'à présent, seule la dépouille de la religieuse Léonie Duquet avait été identifiée. Les cendres d'Yves et de Cristina seront inhumées, le 7 août, à Rosario, dans le Bois de la Mémoire, un espace dédié aux victimes de la dictature.
Venu de France, le père d'Yves, Jean Domergue, âgé de 80 ans, assistera à la cérémonie. Il a vécu et travaillé en Argentine, de 1959 à 1974, avec sa femme et ses neuf enfants. Quand la famille retourne en France, Yves qui était l'aîné décide de rester à Buenos Aires pour continuer ses études d'ingénieur. Eric revient en Argentine, en 1976, peu avant le coup d'Etat. Mais après l'enlèvement d'Yves, il repart pour Paris par crainte de subir le même sort que son frère. En 1983, au retour de la démocratie, Eric Domergue choisit de revenir vivre à Buenos Aires où il n'a cessé de se battre pour rechercher la vérité.
Christine Legrand

lundi 26 juillet 2010

Chili: Piñera ne graciera pas les condamnés pour violation de droits de l'homme

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Dimanche 25 juillet 2010, le milliardaire conservateur Sebastián Piñera, Président de la République, a annoncé la position de son Gouvernement sur la Grâce le Bicentenaire Photo José Manuel de la Maza
Le président chilien a affirmé que seraient "exclus du bénéfice (de la grâce) ceux qui ont été condamnés pour des délits particulièrement graves comme les violations des droits de l'homme, le terrorisme, le trafic de drogue, les homicides, les crimes de sang, les viols ou abus sur mineurs et d'autres délits de gravité équivalente".
"Il n'est ni opportun ni prudent dans la période actuelle de promouvoir une nouvelle loi d'amnistie générale", a estimé le président chilien.
M. Piñera a toutefois ajouté qu'il exercerait son pouvoir de grâce "de façon très prudente et restrictive, en analysant chaque cas avec beaucoup d'attention, de façon à ne pas affaiblir notre lutte frontale contre la délinquance".
L'Eglise catholique du Chili avait proposé mercredi de gracier à certaines conditions des militaires coupables de violations des droits de l'homme sous la dictature (1973-1990), pour "raisons humanitaires" à l'occasion du bicentenaire de l'indépendance du Chili, commémoré le 18 septembre.
"Tous n'ont pas eu la même responsabilité dans les crimes commis. Une grâce généralisée nous semble aussi inadaptée que de refuser en bloc de gracier tous les anciens membres des forces de l'ordre condamnés" pour des crimes commis sous la dictature, avait fait valoir l'Eglise dans sa proposition remise à Sebastian Piñera, premier président de droite depuis le retour de la démocratie.
La demande de grâce concerne des détenus malades, âgés ou ayant accompli la majorité de leur peine.
Cette proposition a provoqué la colère des proches des 3.000 personnes tuées ou disparues sous le régime militaire. Des centaines de personnes, brandissant des photos de proches tués ou disparus sous la dictature du général Augusto Pinochet, ont manifesté autour du palais présidentiel lors de la remise de cette demande de grâce.

samedi 24 juillet 2010

MESSAGE DU PCF POUR LE DÉCÈS DE LUIS CORVALAN

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Dans sa lettre adressée à Lautaro Carmona, secrétaire général du PCCH, Pierre Laurent évoque le rôle fondamental de Corvalán et des militants communistes dans la constitution de l’Unité Populaire aux cotés du président Salvador Allende.

Le responsable du Parti communiste Français signale aussi les dures conditions auxquelles Luis Corvalán dut faire face et notamment la persécution, la prison et l’exil pendant la dictature militaire.

Pierre Laurent salue le long parcours politique d’un dirigeant que de son courage a marqué l’Histoire de son pays, et aussi celle des forces progressistes du monde.

LE CHILIEN LUIS CORVALAN « LUCHO » EST MORT

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LUIS CORVALAN ET HORTENSIA BUSSI, VEUVE DE SALVADOR ALLENDE, LORS D'UNE ACTIVITÉ DE SOLIDARITÉ AVEC LE CHILI LE 13 09 1977, À L'HÔTEL DU CENTRE DE GROSVENOR À EDIMBOURG, ECOSSE. PHOTO SCOTSMAN PUBLICATIONS LTD
Don Lucho n’est plus. Luis Corvalan est mort, mercredi matin, à son domicile de Santiago, entouré des siens. L’infatigable démocrate avait quatre-vingt-quatorze ans.
Le destin de celui qui fut secrétaire général du Parti communiste chilien (PCC) de 1958 à 1989 restera étroitement lié aux espoirs de progrès balayés en 1973 par le coup d’État puis la dictature du sinistre Pinochet. Mais sans le mettre à genoux. « Le mot d’ordre proclamé par O’Higgins : “vivre avec honneur ou mourir avec gloire” sera notre drapeau », déclare-t-il aux heures les plus sombres.

Luis Corvalan est né en 1916. Dès l’âge de seize ans, il milite aux jeunesses communistes. Élu au comité central du PCC en 1950, il dirigera dix ans durant El Siglo, l’organe de son parti. Sénateur, il participe aux côtés de Salvador Allende, le futur président socialiste, à la création de l’Unité populaire. Réélu en 1969, il n’achèvera jamais son mandat. Arrêté en septembre 1973, il est déporté dans le bagne de l’île de Dawson. Il connaîtra l’horreur du camp de détention de « Ritoque » et les miradors des « Tres alamos ». Prisonnier de la junte fasciste qui l’accuse de « haute trahison », Luis Corvalan sera libéré en 1976 et expulsé vers l’URSS, dans le cadre d’un échange avec l’opposant russe Vladimir Boukovski. Une libération décidée par la majorité de la direction du Parti mais non sans soulever des polémiques à l’époque. En exil, aux côtés de son épouse Lily, Luis Corvalan plaide pour les 3 000 disparus, victimes du terrorisme d’État. Il dénonce ce Chili affamé. Son Chili où les libertés ont été abolies. De retour enfin chez lui, en 1988, l’homme au chapeau mou et au poncho jeté sur les épaules, ne cessera d’œuvrer en faveur de la démocratie.

Le jour de sa mort, l’Église catholique, dont il disait qu’elle est parfois « la voix de ceux qui n’ont pas de voix », a osé proposer de gracier des militaires coupables de violations des droits de l’homme. Elle aurait mieux fait de se taire. Le « camarade Lucho », comme le nomment avec tendresse ses compagnons de toujours, sera inhumé samedi dans la capitale.

vendredi 23 juillet 2010

L’Église chilienne appelle à la clémence pour les militaires de la dictature

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Le milliardaire conservateur Sebastián Piñera, Président de la République, accueillant le cardinal Francisco Javier Errazuriz Ossa, archevêque de Santiago, au palais présidentiel, mercredi 21 juillet 2010. Photo Hugo Adonis
Plus de 36 ans après le coup d’État du 11 septembre 1973 au Chili, une génération est passée et la société a changé. Mais les blessures d’hier restent toujours ouvertes. La proposition de l’Église catholiques appelant à la clémence pour certains militaires coupables de violations des droits de l’homme sous la dictature, entre 1973 et 1990, remise mercredi au président Sebastian Piñera suscite ainsi des controverses.
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Le milliardaire conservateur Sebastián Piñera, Président de la République, accueillant le cardinal Francisco Javier Errazuriz Ossa, archevêque de Santiago, au palais présidentiel, mercredi 21 juillet 2010. Photo Hugo Adonis
Depuis le départ de Pinochet en 1990, l’Église catholique du Chili multiplie les appels à la réconciliation nationale. Certains responsables catholiques avaient d’abord considéré comme une « délivrance divine » le coup d’État militaire de 1973, avant de prendre leurs distances avec le régime, et de condamner les exactions commises sous la dictature, qui ont causé la mort de plus de 3 000 opposants. L’Église avait également beaucoup œuvré avec succès pour un retour progressif à la démocratie.
Sebastian Piñera a plutôt bien accueilli la proposition
Dans un pays où 72% de la population se dit catholique, la dernière proposition des évêques ne fait pas consensus. L’appel à la clémence suscite une vive opposition de la gauche, notamment le parti d’opposition de centre gauche, qui a beaucoup souffert de la répression après le coup d’État de Pinochet, et des familles de victimes, qui ont manifesté leur colère. Pour eux, il ne peut y avoir de paix sans justice, d’autant plus que la justice au Chili a été longue et difficile à obtenir.

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Le milliardaire conservateur Sebastián Piñera, Président de la République, accueillant le cardinal Francisco Javier Errazuriz Ossa, archevêque de Santiago, au palais présidentiel, mercredi 21 juillet 2010. Photo Hugo Adonis
Sebastian Piñera, premier président de droite depuis le retour à la démocratie, a plutôt bien accueilli la proposition. Élu en 2009, il incarne une droite modérée, qui a pris ses distances à l’égard de l’ancien dictateur. En 1988, il avait voté « non » au plébiscite de 1988 par lequel le général Pinochet avait tenté de se maintenir au pouvoir.
À l’approche du bicentenaire de l’indépendance du Chili, les conseillers du président ont déclaré que ce dernier prendra une décision reposant sur des critères de « vérité, de justice, d’unité nationale et des considérations humanitaires ».

Julien DURIEZ

VEILLÉE FUNÈBRE DE LUIS CORVALAN

Des sources du PCCH ont signalé que les obsèques de Corvalán, -dont la veille mortuaire se tient actuellement dans l’ancien siège du Parlement-, auront lieu dans le Cimetière général de Santiago.

L’ancien professeur, journaliste et sénateur de la république, a été un très proche collaborateur du président Salvador Allende et un des artisans de l’Unité populaire. Il a été persécuté par la dictature militaire dès les premiers instants du putsch, et a subi la prison et un très long l’exil.

Des dizaines de responsables politiques, des dirigeants syndicaux des travailleurs et des étudiants, sont arrivés au Parlement pour rendre un dernier hommage à l’ancien secrétaire général du Parti communiste chilien, décédé des suites d’une pneumonie fulminante.
Prensa Latina. Traduit par Guy Desmurs

jeudi 22 juillet 2010

Dictature chilienne: l'Eglise propose de gracier certains militaires, colère des familles

"Tous n'ont pas eu la même responsabilité dans les crimes commis. Une grâce généralisée nous semble aussi inadaptée que de refuser en bloc de gracier tous les anciens membres des forces de l'ordre condamnés" pour des crimes commis sous la dictature, déclare l'Eglise dans sa proposition remise à Sebastian Pinera, premier président de droite depuis le retour de la démocratie.
"Il faut distinguer le degré de responsabilité de chacun, le degré de liberté avec lequel il agi, les gestes d'humanité dont il a fait preuve et les regrets qu'il a exprimés pour ses délits", ajoute-t-elle.
"Le président va prendre une décision reposant sur des critères de vérité, de justice, d'unité nationale, de sécurité citoyenne et des considérations humanitaires", a précisé la secrétaire générale du gouvernement Ena Von Baer.
Des centaines de personnes, brandissant des photos de proches tués ou disparus sous la dictature du général Augusto Pinochet, ont manifesté autour du palais présidentiel lors de la remise de cette demande de grâce pour "raisons humanitaires" à l'occasion du bicentenaire de l'indépendance du Chili, commémoré le 18 septembre.
Elle concerne des détenus malades, âgés ou ayant accompli la majorité de leur peine.
"Nous avons écouté monseigneur (Alejandro) Goic (président de la Conférence épiscopale du Chili) dire qu'ils n'allaient exclure personne de cette proposition. Cela veut donc dire qu'ils incluent des personnes qui ont violé les droits de l'homme, ce qui est inacceptable", s'est emportée Lorena Pizarro, présidente de l'Association des proches de détenus disparus.
Environ 3.000 personnes sont mortes ou disparues sous la dictature. Plus de 500 militaires de l'époque sont poursuivis pour violations des droits de l'homme.
Le but "n'est pas de rouvrir les graves blessures d'hier ni de prétendre qu'elles peuvent se refermer par décret", a précisé Mgr Goic.
"Nous croyons que l'on peut faire des gestes de clémence dans le cadre de l'Etat de droit", a-t-il ajouté.
La droite au pouvoir a salué la proposition.
"L'Eglise fait preuve de compassion de manière uniforme. Il n'y a pas de catégories en matière de compassion", a déclaré le président de Rénovation nationale, Carlos Larrain.
L'opposition de centre-gauche, qui a largement souffert de la répression après le coup d'Etat de Pinochet contre le président socialiste Salvador Allende, est en revanche indignée.
"Je rejette en bloc cette demande. Quand on invoque la miséricorde, c'est précisément celle que n'ont pas eu les auteurs de violations des droits de l'homme à l'endroit de leur victimes", a déclaré à l'AFP le député Jorge Tarud.
L'Eglise chilienne, divisée sous le régime militaire, conserve une forte influence dans ce pays laïc de 16,8 millions d'habitants, où 72% des personnes se disent catholiques.

mercredi 21 juillet 2010

LUIS CORVALÁN NOUS A QUITTÉS


L'ex-secrétaire du Parti communiste du Chili et l'un des principaux promoteurs du gouvernement de l'Unité Populaire, Luis Corvalán, est décédé ce mercredi à 93 ans dans son domicile de Santiago du Chili, ont informé ses parents.



Corvalán a été arrêté après le coup militaire d'Augusto Pinochet contre le gouvernement de Salvador Allende en septembre 1973, et a été déporté au camp de concentration de l'île australe Dawson avec d'autres dirigeants de l'Unité Populaire. Il a été aussi déplacé aux centres de torture de Ritoque et de Tres Álamos.

Le dirigeant communiste a été libéré lors d’une grâce collective que Pinochet a accordée à 200 prisonniers politiques en 1976, suite à une forte campagne internationale. Corvalán a été alors échangé par le dissident soviétique Vladimir Bukovsky et à la demande du dictateur chilien, l'échange eut lieu à Zurich (Suisse). L'écrivain russe fut ainsi libéré de la prison et l’asile politique fut accordé à Luis Corvalán en Union soviétique.

À la tête des communistes chiliens entre 1959 et 1989, Corvalán a été élu sénateur dans la période 1961-69 et jusqu’en 1973, lorsque la légalité démocratique fut violemment rompue par le putsch. Il est retourné au Chili en 1988, et il a activement participé à la transition à la démocratie.

LAN (Chili) a l'intention d'acheter 50 moyen-courriers

Ce protocole d'accord signé au deuxième jour du salon qui se déroule près de Londres "représentera la plus grosse commande passée par une compagnie latino-américaine auprès d'Airbus", indique l'avionneur dans un communiqué. La commande comprend dix A321, la version allongée de l'A320. Elle atteint au total 4,2 milliards de dollars au prix catalogue
indicatif. LAN avait déjà passé en décembre 2009 une commande ferme portant sur 30 A320.

vendredi 16 juillet 2010

Vague de froid polaire et chutes de neige sur le Chili et l'Argentine

Cour d'appel de Coyhaique, le 13/07/2010. Coyhaique (ou Coihaique), est une ville et commune du Chili, située dans la Région d'Aisén del General Carlos Ibáñez del Campo, dans la Patagonie, étant capitale administrative de la région. Photo Lucía Decidet.
Depuis plusieurs jours, des chutes de neige touchent 12 provinces argentines, provoquant la fermeture de plusieurs routes.
Hier la province de Buenos Aires a été touchée par la neige, et certains lieux situés sur la côte ont été touchés. C’est le cas de Mar del Plata ou les habitants se sont réveillés très surpris. Dans le sud du pays, le thermomètre est descendu jusqu’à –11.2°C à Esquel.
À Mendoza tout comme à Cordoba, la neige est tombée abondamment.
Le service météorologique a annoncé que la situation ne devrait pas s’arranger avant dimanche prochain, et que des chutes de neige sont aussi à prévoir sur la façade Atlantique, chose inhabituelle dans ces régions.
La neige est également tombée dans les régions de la Terre de Feu, Santa Cruz, Chubut, Neuquén, Black River, dans la Pampa, San Juan, Córdoba, Jujuy, La Rioja et Catamarca.
Suite à la vague de froid polaire, un homme est décédé mardi dans la ville de La Plata, a annoncé la police, un autre est mort du froid en Uruguay.
Voici quelques relevés de températures minimales relevées hier en Argentine : -11.2°C à Esquel, -10.5°C à Machincao, -9.2°C à Perito Moreno, -8.7°C à Bariloche, -7.5°C à La Quiaca, -6.3°C à Malargue, -6.2°C à El Calafate, -5.4°C à Neuquen, -4.3°C à Rio Gallegos.
Au Chili, on relevait –21.6°C à Balmaceda (520 m d’altitude) ou il est tombé près d’un mètre de neige ces derniers jours, un record de près de 30 ans.