jeudi 29 juillet 2010

Identifié disparu français

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Photo prise probablement en 1976 d'Yves Domergue Photo AFP/Archives/Familia Domergue

Yves Domergue était enterré dans le cimetière de Melincue, dans la province de Santa Fe (centre), aux côtés de sa compagne, Cristina Cialceta, une Argentine née au Mexique.
Tous deux militants de gauche, il avait 22 ans, elle 20 ans, quand ils furent enlevés le 26 septembre 1976 à Rosario (province de Santa Fe). Depuis, on n'a plus eu de nouvelles d'eux malgré les nombreuses démarches entreprises par la famille Domergue auprès des gouvernements français et argentins. Les deux cadavres portent de nombreux impacts de balles et des marques de tortures, a indiqué Eric Domergue.
La découverte macabre et divers témoignages de l'époque permettent de reconstruire l'histoire. Yves et Cristina ont été interceptés par une patrouille de l'armée de terre et conduits illégalement dans une caserne militaire. Quelques jours après leur enlèvement, leurs cadavres, jetés au bord de la route, furent découverts par un paysan, et enterrés anonymement à Melincue.
Une enquête judiciaire, ignorée pendant le régime militaire, a été rouverte en 2008. Les droits de l'homme sont une priorité depuis l'arrivée au pouvoir, en 2003, de l'ex-président Nestor Kirchner et, depuis 2006, de son épouse, Cristina Kirchner. De nombreux procès sont en cours pour juger les anciens tortionnaires.
18 CITOYENS FRANÇAIS DISPARUS EN ARGENTINE
"La dernière nouvelle que j'ai eue d'Yves, raconte ému son frère cadet à Buenos Aires, c'est une lettre qu'il m'a envoyée de Rosario ; là il me disait que de nombreux amis étaient tombés malades (euphémisme pour signaler qu'ils avaient été arrêtés ou tués) et que bientôt il retournerait à Buenos Aires." Mais il n'est jamais revenu.
Eric se rappelle de leurs dernières rencontres à Buenos Aires. Yves vivait dans la clandestinité, mais il prenait contact avec son frère, lui, fixant jour et heure de chaque rencontre, toujours dans le même lieu : la rue Sucre, dans le quartier chic de Belgrano. "Moi, je remontais la rue, Yves la descendait et nous nous retrouvions à un point quelconque du trajet pour marcher côte à côte et nous parler," se souvient Eric.
Yves Domergue est un des 18 citoyens français disparus en Argentine pendant les années de plomb. Jusqu'à présent, seule la dépouille de la religieuse Léonie Duquet avait été identifiée. Les cendres d'Yves et de Cristina seront inhumées, le 7 août, à Rosario, dans le Bois de la Mémoire, un espace dédié aux victimes de la dictature.
Venu de France, le père d'Yves, Jean Domergue, âgé de 80 ans, assistera à la cérémonie. Il a vécu et travaillé en Argentine, de 1959 à 1974, avec sa femme et ses neuf enfants. Quand la famille retourne en France, Yves qui était l'aîné décide de rester à Buenos Aires pour continuer ses études d'ingénieur. Eric revient en Argentine, en 1976, peu avant le coup d'Etat. Mais après l'enlèvement d'Yves, il repart pour Paris par crainte de subir le même sort que son frère. En 1983, au retour de la démocratie, Eric Domergue choisit de revenir vivre à Buenos Aires où il n'a cessé de se battre pour rechercher la vérité.
Christine Legrand