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L'ANCIEN MINISTRE DES FINANCES GREC S'ENGAGE POUR FAIRE BARRAGE AU FN PHOTO NEIL HALL |
l'ObsDans une interview à «l'Obs », l'économiste grec Yanis Varoufakis, ancien ministre des Finances dans le gouvernement de gauche radicale d'Alexis Tsipras, insiste sur son désaccord avec Jean-Luc Mélenchon et réitère son soutien à Emmanuel Macron.
Le silence de Jean-Luc Mélenchon, qui ne dira pas ce qu'il votera au second tour de l'élection présidentielle dimanche 7 mai, tout comme il se refuse à appeler à voter Emmanuel Macron, suscite aussi des critiques dans les rangs de la gauche radicale européenne. C'est le cas de l'économiste grec Yanis Varoufakis, ancien ministre des Finances dans le gouvernement d'Alexis Tsipras, qui appelle à voter Macron. Interview.
En 2016, vous aviez déclaré qu’Emmanuel Macron avait été le seul ministre européen à comprendre réellement les enjeux de la crise grecque en 2015, alors qu'il était en charge de l'Economie dans le gouvernement de François Hollande. Cela a-t-il pesé dans votre décision de le soutenir ?
Lorsque j’étais le ministre des Finances de la Grèce, Emmanuel Macron fut en effet le seul ministre provenant d’un pays européen puissant à se montrer à la hauteur de la situation. Il comprenait les enjeux et voulait trouver une solution. Il a réellement essayé de nous aider en proposant sa médiation entre François Hollande et Alexis Tsipras, comme je le raconte dans ma tribune dans « Le Monde ».
Mais ce n'est pas la question : mon soutien à Macron n’est pas dû à notre relation personnelle. La réalité, c’est que nous sommes devant une situation précise : ce sera Macron ou Le Pen. J'aurais soutenu n'importe quel candidat qui ne provenait pas du milieu néofasciste et xénophobe, qui se nourrit de la haine des autres, face à Mme Le Pen, au deuxième tour de l’élection présidentielle française.
Comprenez-vous cependant l’attitude de Jean-Luc Mélenchon, dont vous êtes proche, qui refuse d'appeler à voter Emmanuel Macron au second tour ?
Je ne peux pas comprendre qu'un camarade applique une politique de distances égales envers les néofascistes et les néolibéraux. En tant qu’hommes de progrès et en tant qu'hommes de gauche, nous devons être cohérents. En 2002, nous avons soutenu Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen.
La situation est-elle différente aujourd’hui ? Je ne crois pas du tout que Macron puisse être considéré comme un choix pire que Chirac, comme je ne crois pas non plus que Mme Le Pen puisse être perçue comme meilleure que son père. Nous n'avons donc pas le droit de mettre les deux candidats à la présidence française sur le même plan. On ne l’a pas fait en 2002, je ne vois pas pourquoi on devrait le faire aujourd’hui.
En 2015, les efforts d'Emmanuel Macron pour vous aider et aider la Grèce n’ont pas eu de résultat concret. N’avez-vous jamais douté de sa sincérité ?
Je ne fais confiance à aucun homme politique, il faut que ce soit clair. Et je ne dis pas que je lui ferai confiance s'il est élu président. J’espère qu’il sera capable de saisir les enjeux et de relever les défis historiques qu’il aura devant lui une fois à l’Elysée. Mais je ne sais pas du tout s’il sera à la hauteur, et je ne peux en aucun cas en être le garant.
Ne vous est-il pas pénible de soutenir un homme politique qui défend le néolibéralisme que vous-même combattez depuis des années ?
Je suis totalement opposé à sa conception du marché du travail. Je lui indique clairement qu’il nous trouvera face à lui sur ce sujet. Je lui ai envoyé d'ailleurs un message personnel dans lequel je lui ai signifié que s'il continue, une fois élu, à persister dans la voie de la dérégulation du marché du travail et de la baisse de l’impôt sur la fortune, je m'opposerai à lui et je le combattrai avec autant de force et de vigueur que je le soutiens aujourd’hui.
Il appelle comme vous à « refonder » l’Europe. Que pensez-vous de son projet pour l'Union européenne et la zone euro ?
Nous avons la même analyse de ce qui ne marche pas dans l’architecture et le fonctionnement de la zone euro. Mais nos avis divergent nettement sur les solutions à apporter. Emmanuel Macron défend un modèle fédéral pour l’Union européenne et pour la zone euro qui n’a aucun rapport avec un fédéralisme réellement démocratique.
Mais je n'oublie pas qu'il a montré en 2015 certaines choses très positives : il a révélé que non seulement il comprenait les enjeux mais aussi qu'il était prêt à en découdre avec François Hollande et Angela Merkel en assumant le coût et le risque politique qui va avec ce choix.
Osera-t-il s’engager sur cette voie s'il est élu président de la République française ? La question mérite d’être posée. Mais c’est l’histoire qui nous le dira, pas moi. Cependant, même s'il ne trouve pas le courage de le faire, j'insiste sur le fait qu’il est nécessaire de le soutenir : il est d’une importance capitale d’empêcher Mme Le Pen d’avoir les leviers du pouvoir entre les mains. Car ce serait lui donner le pouvoir de répression de l’État…
En 2016, vous aviez déclaré qu’Emmanuel Macron avait été le seul ministre européen à comprendre réellement les enjeux de la crise grecque en 2015, alors qu'il était en charge de l'Economie dans le gouvernement de François Hollande. Cela a-t-il pesé dans votre décision de le soutenir ?
Lorsque j’étais le ministre des Finances de la Grèce, Emmanuel Macron fut en effet le seul ministre provenant d’un pays européen puissant à se montrer à la hauteur de la situation. Il comprenait les enjeux et voulait trouver une solution. Il a réellement essayé de nous aider en proposant sa médiation entre François Hollande et Alexis Tsipras, comme je le raconte dans ma tribune dans « Le Monde ».
EMMANUEL MACRON LORS DE SON DISCOURS DE CAMPAGNE À CHÂTELLERAULT (VIENNE) LE 28 AVRIL. PHOTO YOHAN BONNET / HANS LUCAS POUR LE MONDE |
Comprenez-vous cependant l’attitude de Jean-Luc Mélenchon, dont vous êtes proche, qui refuse d'appeler à voter Emmanuel Macron au second tour ?
Je ne peux pas comprendre qu'un camarade applique une politique de distances égales envers les néofascistes et les néolibéraux. En tant qu’hommes de progrès et en tant qu'hommes de gauche, nous devons être cohérents. En 2002, nous avons soutenu Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen.
La situation est-elle différente aujourd’hui ? Je ne crois pas du tout que Macron puisse être considéré comme un choix pire que Chirac, comme je ne crois pas non plus que Mme Le Pen puisse être perçue comme meilleure que son père. Nous n'avons donc pas le droit de mettre les deux candidats à la présidence française sur le même plan. On ne l’a pas fait en 2002, je ne vois pas pourquoi on devrait le faire aujourd’hui.
En 2015, les efforts d'Emmanuel Macron pour vous aider et aider la Grèce n’ont pas eu de résultat concret. N’avez-vous jamais douté de sa sincérité ?
Je ne fais confiance à aucun homme politique, il faut que ce soit clair. Et je ne dis pas que je lui ferai confiance s'il est élu président. J’espère qu’il sera capable de saisir les enjeux et de relever les défis historiques qu’il aura devant lui une fois à l’Elysée. Mais je ne sais pas du tout s’il sera à la hauteur, et je ne peux en aucun cas en être le garant.
Ne vous est-il pas pénible de soutenir un homme politique qui défend le néolibéralisme que vous-même combattez depuis des années ?
Je suis totalement opposé à sa conception du marché du travail. Je lui indique clairement qu’il nous trouvera face à lui sur ce sujet. Je lui ai envoyé d'ailleurs un message personnel dans lequel je lui ai signifié que s'il continue, une fois élu, à persister dans la voie de la dérégulation du marché du travail et de la baisse de l’impôt sur la fortune, je m'opposerai à lui et je le combattrai avec autant de force et de vigueur que je le soutiens aujourd’hui.
Il appelle comme vous à « refonder » l’Europe. Que pensez-vous de son projet pour l'Union européenne et la zone euro ?
Nous avons la même analyse de ce qui ne marche pas dans l’architecture et le fonctionnement de la zone euro. Mais nos avis divergent nettement sur les solutions à apporter. Emmanuel Macron défend un modèle fédéral pour l’Union européenne et pour la zone euro qui n’a aucun rapport avec un fédéralisme réellement démocratique.
Mais je n'oublie pas qu'il a montré en 2015 certaines choses très positives : il a révélé que non seulement il comprenait les enjeux mais aussi qu'il était prêt à en découdre avec François Hollande et Angela Merkel en assumant le coût et le risque politique qui va avec ce choix.
Osera-t-il s’engager sur cette voie s'il est élu président de la République française ? La question mérite d’être posée. Mais c’est l’histoire qui nous le dira, pas moi. Cependant, même s'il ne trouve pas le courage de le faire, j'insiste sur le fait qu’il est nécessaire de le soutenir : il est d’une importance capitale d’empêcher Mme Le Pen d’avoir les leviers du pouvoir entre les mains. Car ce serait lui donner le pouvoir de répression de l’État…
Propos recueillis par Pavlos Kapantais