samedi 1 janvier 2005

LA DEMANDE D’EXTRADITION DE GALVARINO APABLAZA : UNE AUTRE BLAGUE «INNOCENTE» DE LA JUSTICE CHILIENNE

GALVARINO SERGIO APABLAZA GUERRA 
Galvarino Apablaza, qui a appris qu’on lui reprochait la mort de Guzmán et l’enlèvement de Cristián Edwards, est mis en examen par le juge Hugo Dolmestch peu après son arrestation. Ces deux causes sont résolues policièrement et judiciairement, et il a été établi que Galvarino Apablaza n’est pas impliqué.

Les avocats qui représentent l’État chilien pour la demande d’extradition ne se sont pas présentés : il s’agit de l’avocat Jorge Morales du département juridique du Ministère de l’Intérieur et de l’avocate Lupy Aguirre du Conseil de Défense de l’État (CDE), présidé par Clara Szczaranski.

De son côté, la défense de « Salvador », l’avocat Carlos Margotta, qui a une grande expérience dans le domaine des Droits de l’Homme au Chile, a refusé de plaider devant les juges suprême car il a déclaré avoir eu « la certitude que tout était déjà préparé, je ne me suis pas présenté pour dénoncer le fait que cette instance n’était rien d’autre qu’une formalité puisque la sentence était décidée d’avance, ce qui montre qu’au Chili, Galvarino Apablaza ne bénéficie pas des garanties minimales d’un procès équitable, étant donné qu’il est déjà jugé et condamné ».

L’absence des avocats du Gouvernement chilien a surpris l’avocat Luis Hermosilla et a provoqué la colère des porte-paroles du pinochetisme, la UDI [2] qui a émis une série de qualificatifs négatifs à travers les déclarations d’Andrés Chadwick.

Le CDE, pour sa part, selon la presse chilienne, a considéré que la demande d’extradition était un jugement préalable administratif et donc, que l’audience au pénal était la dernière étape qui consistait à vérifier si la demande d’extradition était en bonne et due forme. C’est pour cela, ont-ils expliqué, que l’organisme s’est concentré sur les plaidoiries pour le procès d’Apablaza et a insisté pour qu’il soit arrêté et extradé.

Le sous-secrétaire du ministère de l’Intérieur, Jorge Correa Sutil, selon le même journal, a reconnu que l’absence du ministère a été une erreur. Cependant, il a rendu responsable de cela l’avocat Jorge Morales, qui était en charge du cas et qui actuellement se trouve en vacances à Cuba. Selon Correa, « cet avocat a informé que le cas serait examiné sans plaidoiries. Cette erreur a motivé la décision, le lendemain du jugement, de déssaisir cet avocat du cas Apablaza, et il est possible que d’autres mesures soient prises à son encontre. » 

Correa a réitéré que « cette erreur n’a pas eu de conséquences, car l’extradition a été accordée et le résultats était parfaitement prévisible » . Pour le moment, le cas est entre les mains du chef du département juridique du ministère de l’Intérieur, Jorge Claissac, dont le rôle joué dans l’« erreur » a été aussi mis en question de façon interne.

Les télévisions chiliennes ont fait remarqué que l’absence des avocats du gouvernement lors du jugement de la Cour Suprême donnait apparemment raison à l’avocat Margotta, car ils ont démontré par leur absence que c’était une perte de temps et une simple formalité. Ils connaissaient le résultat d’avance, ils n’avaient donc même pas besoin de se présenter.

D’accord sur l’impunité et la répression

Au-delà des aspects juridiques, administratifs et même anecdotiques de l’Audience du 28 décembre, il est évident que Galvarino Apablaza est la cible de la Concertation et de la Droite pinochetiste.

Le propre président Ricardo Lagos, dans une priorité peu commune après « la crise du gaz », a pris le téléphone de La Moneda pour demander l’extradition de « Salvador » a son homologue argentin, le président Néstor Kirchner. Le ministre de l’Intérieur, José Miguel Insulza et le ministre des affaires étrangères Ignacio Walker ont fait la même chose à de nombreuses reprises.

Pire encore, ils se sont démenés pour imposer l’expulsion immédiate, pour essayer d’éviter le délicat processus d’extradition et pour empêcher Apablaza de demander l’asile. Ce subterfuge a été rejeté par le gouvernement argentin puisqu’il est contraire à la loi.
La droite chilienne, de son côté, a décidé de renoncer au voyage des sénateurs Chadwick et Espina, en faveur de l’expulsion, après avoir évalué le manque d’effet de l’avancée des députés UDI Darío Molina, président de la Commission Bilatérale chileno-argentine, Cristián Leay, et du parlementaire de RN [3], Carlos Vilches en Argentine. Les ennuis de « santé » de l’avocat Hermosilla ont servi d’excuse.

Le discrédit dont souffre aujourd’hui la droite chilienne, sur la scène chilienne et argentine, pour des affaires de droits de l’homme, complicité de tortures, affaires diverses, pédophilie et autres, les pousse à déplacer leurs pressions sur les personnalités de la Concertation pour harceler, par leur intermédiaire, ceux qui ont lutté et se retrouvent personnalisés par Galvarino Apablaza.

Cela se traduit actuellement par des appels téléphoniques de personnalités de la Concertation au pouvoir exécutif et au lobby de leur ambassade.

Tout ceci est la continuité politique, juridique et diplomatique du plan Cóndor recyclé version 2004.

L’intervention de la Jipol, la police chilienne, dans l’arrestation de Galvarino Apablaza en Argentine le 29 novembre dernier, où est également impliqué le célèbre tortionnaire et responsable d’enlèvements d’enfants de détenus disparus à « Automotores Orletti » en 1975, Miguel Angel Furci, montre bien la continuité politique de l’État chilien.

Le Cas 1281 qui explique en détail la collaboration des organes répressifs chiliens avec le FBI et leurs homologues argentins, collaboration qui a été déclarée illégale judiciairement, a été l’élément clé de l’arrestation d’Apablaza.

Cela s’est produit malgré la négation de l’ancienne ministre chilienne des affaires étrangères, Soledad Alvear, qui dans une lettre adressée à des organisations de Droits de l’Homme en Argentine datée du 4 mai 2000, signale « ... le gouvernement du Chili ne participe à aucune coordination internationale d’organismes d’intelligence pour poursuivre des combattants sociaux. » Les faits contredisent l’ex ministre des affaires étrangères et actuelle et possible candidate à la Présidence de la République.

La complaisance complice

La transition vers la démocratie promise par la Concertation est encore une tâche en suspens. La Constitution politique pinochetiste est toujours en vigueur, avec des pouvoirs qui consolident peu à peu un régime civil-militaire, avec des super pouvois comme le COSENA et des enclaves de la dictature comme les sénateurs désignés. Avec les Tribunaux militaires qui restent en activité, qui imposent la prison à ceux qui ont lutté pour la démocratie contre le régime militaire passé et qui force des centaines de patriotes chiliens à vivre encore aujourd’hui dans la clandestinité. Pire encore, cette répression s’étend aujourd’hui aux communautés Mapuches qui comptent 400 personnes mises en examen par des tribunaux militaires.

On a fait connaître le terrible témoignage de plus de 28000 chiliens torturés. Un tremblement de terre social, selon le Président Lagos.

On connaît le témoignage et l’identité des torturés. Mais on cache l’identité des tortionnaires pendant 50 ans. Pourquoi ?

Parce que les assassins qui ont commis le génocide pendant le régime militaire passé sont aujourd’hui des personnalités reconnues, parce que la grande majorité de ces tortionnaires occupent aujourd’hui des postes importants dans des institutions. Tout cela avec la complaisance complice des gouvernements de la Concertation.

C’est pour cela que ce n’est pas surprenant que la Concertación et la droite s’unissent pour poursuivre et faire des procès à des combattants sociaux.

Cet orgueil indécent provoque le dégoût du peuple chilien, et principalement celui des jeunes qui chaque jour méprisent davantage des politiciens opportunistes et pusillanimes, qui préfèrent se taire et être les complices d’auteurs de génocides et de tortionnaires.

Voilà pourquoi Salvador a recueilli autant d’appuis solidaires du peuple chilien et de ses organisations sociales et de défense des Droits de l’Homme. C’est seulement ainsi que s’explique l’immense solidarité qu’il reçoit de divers peuples du monde entier.

C’est la même chose qui se passe en Argentine, qui a aussi souffert d’une dictature criminelle. La différence c’est qu’ici les auteurs de génocide, les tortionnaires et leurs complices sont montrés du doigts, sont prisonniers et n’ont pas le droit d’occuper des postes publics.


Notes

[1] Le 28 décembre est la fête des Innocents (Cette fête peut s'assimiler à celle du «Poisson d'avril»  en France. )

[2] UDI : Union des démocrates indépendants, parti de droite qui a soutenu la dictature et dont était issu Jaime Guzmán.

[3] RN : Rénovation Nationale, parti de droite qui a soutenu la dictature.