mercredi 31 décembre 2008

ALEJANDRO ARAVENA, LA VILLE COMME CREUSET DE L'ÉQUITÉ SOCIALE

Elle permet d'améliorer leur vie et de limiter les inégalités à court terme. Il faut agir sur l'éducation, l'emploi, mais cela prend beaucoup de temps. L'urbanisme est un raccourci."
L'année 2008 aura été fructueuse pour le directeur de l'agence Elemental Team, également professeur à l'Université catholique de Santiago, après avoir enseigné à Harvard et à Barcelone : Alejandro Aravena a été lauréat du Lion d'argent de l'architecte le plus prometteur à la Biennale de Venise, nominé au Global Award for Sustainable Architecture à Paris, et vient d'être nommé membre du jury du prix Pritzker, considéré comme le Nobel de l'architecture.
Face à des budgets publics toujours très serrés et à l'urgence sociale dramatique du logement, son approche inattendue suscite de plus en plus d'intérêt : "Nous préférons construire la moitié d'une bonne maison plutôt qu'un mauvais logement." Une recette qui permet, selon lui, pour un coût de seulement 10 000 dollars par habitation, de faire face à l'urbanisation galopante des pays du Sud et de résorber les bidonvilles sans sacrifier la taille des logements et sans exiler les pauvres à des kilomètres des centres urbains.

"Avec l'argent public, on construit ce qu'une famille ne peut pas faire correctement par elle-même : la cuisine, la salle de bains, les murs mitoyens, l'isolation...", explique l'architecte. Aux habitants de réaliser peintures et finitions sur les murs de briques et de béton ; à eux aussi de bâtir les pièces supplémentaires dans les vides prévus à cet effet. "Nous savons dès le départ pour qui nous construisons, ce qui nous permet d'impliquer les communautés dans une démarche participative, pour les aider à définir un contrat social, des règles communes, des modèles de construction efficaces et peu coûteux."

Ainsi, à Iquique (nord du Chili), cent familles d'un bidonville ont été relogées dans des habitations mitoyennes de 36 m2, au profil étrangement crénelé en forme de L. En quelques mois, les habitants ont bâti des chambres dans le vide des L et fait passer la taille de leurs logements à 70 m2. Cinq programmes de ce type ont déjà été réalisés au Chili, treize autres sont en chantier. "On a des appels de toute l'Amérique du Sud", se félicite Alejandro Aravena, qui démarre un projet au Mexique.

Le budget économisé sur la construction est affecté à des dépenses jugées plus stratégiques : "Les familles peuvent modifier l'allure de leur logement, pas la nature de leur quartier. Nous n'achetons que des terrains centraux, bien desservis par les transports, en consacrant au foncier trois fois plus d'argent que le logement social classique. Ainsi ces familles pauvres, souvent sans voiture, ne seront pas isolées et auront accès aux emplois."

Une manière aussi de faire du logement social un investissement, et non une simple dépense, pour les familles propriétaires : "Alors que la plupart des logements sociaux piègent les familles dans des habitations qui ne cessent de se dévaluer, nous fournissons un produit qui va prendre de la valeur. Nous utilisons les principes du capitalisme pour aider les pauvres..."

Alejandro Aravena ne se cantonne pas à ce travail social. Il poursuit une oeuvre où se manifeste un goût prononcé pour la mise en scène et la géométrie. Après avoir signé plusieurs bâtiments universitaires à Santiago, il dessine un nouveau bâtiment pour la Vitra Design Foundation, à Weil-am-Rhein, en Allemagne. Loin des bidonvilles chiliens, il côtoie là des stars mondiales de l'architecture comme Herzog & de Meuron, Frank Gehry ou Zaha Hadid.