Pour qui prend son destin en mains, ce rêve peut cesser d’être utopique. A présent, on voit apparaître pour nos peuples ce que le Gabo a appelé avec toute la raison « une seconde opportunité ». L’Amérique latine et les Caraïbes ne sont pas « des pions sans libre arbitre » et leurs désirs d’indépendance ne doivent pas être vus comme chimériques.
La défaite allemande qui a mis fin à la seconde guerre mondiale a conduit à ce que l’Europe cesse d’être le centre du monde, comme cela avait été le cas depuis le début de son expansion outre-mer au seizième siècle, grâce aux efforts de l’Espagne et du Portugal, suivis ensuite de l’Angleterre, de la France et de l’Allemagne.
Depuis la conquête et jusqu’à il y a peu, à l’exception de Cuba qui a réussi à obtenir sa véritable indépendance en 1959, les peuples latino-américains et caribéens n’ont pas eu une minute de tranquillité. Les six derniers coups d’état le démontrent : le Brésil, l’Argentine, le Chili, l’Uruguay, la Bolivie et le Perou.
La « science » de maintenir le pouvoir par la force a marqué l’histoire des peuples de cette partie du monde depuis la disparition de nos aborigènes et l’importation d’esclaves amenés de la lointaine Afrique jusqu’au maintient de l’égide du néo-colonialisme.
Le triomphe de la révolution cubaine a marqué un virage évident. A partir de son attitude de résistance non pas à l’Europe mais au nouveau monarque, l’impérialisme nord-américain, l’Amérique latine a vu se développer des mouvements de guérilla, dont certains continuent encore à exister.
Elle a également souffert directement plusieurs invasions militaires : celles de la grenade de Maurice Bishop, le Panama de Omar Torrijos, le Saint Domingue de Francisco Caamaño… et elle a assisté à des efforts de changement non violent liquidés par les forces réactionnaires internes et externes. Le continent a vécu une autre étape de frustrations avec la longue nuit des dictatures militaires : le Chili, le Paraguay, l’Argentine, avec la séquelle de milliers de morts et de disparus et le mépris total pour la vie des êtres humains. L’exemple chilien est le plus éloquent par sa cruauté et son irrespect de la volonté populaire. Le général génocide Augusto Pinochet a attaqué le palais de la Moneda comme s’il s’agissait d’un fort militaire et il a éliminé le véritable président de cette nation, Salvador Allende La répression qui s’en est suivie, supervisée par de hauts officiers de la CIA et du pentagone, a crée un climat de terreur dans cette nation et dans d’autres du continent. Le climax a été atteint avec l’opération Condor. On ignore encore le nombre de personnes assassinées ou disparues sous ce régime de terreur imposé contre la volonté populaire. La politique socio-économique capitaliste régnante dans le sous-continent depuis le début du siècle dernier a converti les millions d’habitants de cette partie du monde en simples objets ou marchandises. Ces derniers temps de néo-libéralisme ont vu s’exacerber le pillage, l’abandon et le mépris pour la vie. Ce sont ces circonstances qui ont ouvert la porte, au cours de ces huit dernières années, aux changements que l’on peut apprécier en Amérique Latine. De notables alternatives démocratiques sont apparues sur diverses scènes de la région et dignifient l’homme nouveau. L’ascension au pouvoir de gouvernements favorables à la cause des plus pauvres, à la recherche de nouvelles solutions pour un développement plus juste et égalitaire de l’économie et à la réappropriation des principales ressources des pays, tous ces signes indiquent les défis des temps présents.
Les exemples sont à la vue, la Révolution cubaine toujours debout, le Venezuela socialiste que proclame et développe Hugo Chavez, le gigantesque Brésil fortifié par Lula, l’Equateur avec sa nouvelle Constitution et les changements économiques qui s’y produisent sous la direction de Rafael Correa, la Bolivie, autrefois oubliée, avec Evo Morales à sa tête, qui avance à grands pas sur l’altiplano andin, toutes les transformations qui se sont opéré dans d’autres pays de la région. C’est toute une révolution en ébullition qui dépasse les frontières et se convertit en une force commune pour lutter et donner raison à l’écrivain William Faulkner : « je refuse d’admettre la fin de l’homme ».
En synthèse, il s’agit à présent de la volonté des masses, si souvent écrasées par le poids de graves problèmes socio-économiques et par l’incapacité des politiques impérialistes de les résoudre, et qui maintenant conduit à la naissance de gouvernements de gauche qui transforment le panorama politique dans cette partie du monde.
Toutes les épreuves par lesquelles sont passés les pays de l’Amérique Latine et des Caraïbes appartiennent à un passé auquel ils ne devraient pas revenir. Ils n’y reviendront pas s’ils comprennent que le plus important, pour cette partie du monde est de continuer à lutter pour cette cause. N’oublions pas que des grands drames naissent les grandes solutions.