Elle a de (très) bon, notamment, qu’elle «favorise l’alternance politique en Amérique latine», et par exemple au Chili, où «la victoire, le 17 janvier» dernier, de Sebastian Piñera (qui s’est enrichi sous Pinochet et qui juge (dès lors) qu’avoir travaillé pour la dictature n’est «pas un crime»), «marque les esprits» et «stimule», parmi d’autres véritables démocrates, «les opposants qui se présenteront aux élections au (…) Venezuela en septembre» 2010.
Telle est du moins l’«analyse» de Paulo A. Paranagua, idéologue au «service international» duMonde, que ronge de longue date une détestation quelque peu hallucinée de tout ce qui, sous Mexico, se positionne à gauche, en général, et du président vénézuélien Hugo Chavez (à droite, sur la photo), en particulier - et qui par conséquent souligne avec insistance que «l’alternance au Chili est une mauvaise nouvelle pour les partisans (...)d’Hugo Chavez», le gros salaud, le caudillo.
Pour Paulo A. Paranagua, donc : la crise née de l’obscène voracité du capitalisme financier a pour appréciable effet qu’elle a permis l’élection, au Chili, d’un candidat qui précisément incarne ce qu’il y a de plus dégueulasse dans le capitalisme financier, puisque, répétons-le, il a fait son magot sous la dictature, s’engraissant durant que les chiens de Pinochet garrottaient l’opposant(e).
Déjà, ce n’est pas rien - mais ce n’est pas tout non plus, puisque, emporté par son enthousiasme, le propagandiste du Mondejuge que la crise a également «favorisé l’alternance au Salvador, au Panama, au Honduras».
Tu lis ça, tu ne percutes pas forcément tout de suite, hein ?
Mais, rappelle-toi, ce n’est pas (si) vieux : l’alternance, que Paulo A. Paranagua présente comme une espèce de preuve de vie démocratique (genre, c’est bien d’alterner, hein mâme Dupont, un coup à gauche, un coup à droite, et si possible, juste après, encore un ou deux coups à droite), a pris, au Honduras, la forme très particulière, le 28 juin dernier, d’un coup d’État militaire- que la communauté internationale a, bien sûr, vitement entériné, ravie du renversement de l’impertinent José Manuel Zelaya Rosales (à gauche, sur la photo), dont elle redoutait qu’il sombre dans un hugochavisme débridé, et de son remplacement par un obéissant libéral.
Et donc, Paulo A. Paranagua est si peu ému que la droite hondurienne ait putsché, que, s’oubliant, il présente son coup de force comme un épisode banal, et normal (et pas moins normal en tout cas que les élections au Salvador ou au Panama), et pour tout dire assez vivifiant de l’essor de la démocratie latino-américaine.
C’est un peu, si tu veux, comme s’il s’était réjoui, à l’automne 1973, de ce qu’une démocratique alternance ait permis à Augusto José Ramón Pinochet Ugarte de succéder (un peu vite) à Salvador Allende, alors quoi, c’est pas drôle, si ce sont toujours les mêmes qui s’accrochent au pouvoir.
Lorsqu’il évoque «l’alternance au Salvador, au Panama, au Honduras», sans plus de précision(s), comme si elle relevait dans ces trois pays d’un même sain processus, Paulo A. Paranagua efface, tranquillement, la mémoire du putsch du 28 juin 2009.
Et c’est une forme assez raffinée de désinformation - mais, curieusement, elle ne semble pas (du tout) choquer l’encoléré big boss du Monde, Éric Fottorino.