vendredi 26 juillet 2019

MORT DU CARDINAL ORTEGA, L’HOMME QUI DIALOGUAIT AVEC FIDEL CASTRO

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LE CARDINAL JAIME ORTEGA À LA HAVANE, LE 7 MAI 2016.
PHOTO ALEJANDRO ERNESTO/EPA/MAXPPP
Portrait Habile diplomate, l’ancien archevêque de La Havane, décédé vendredi 26 juillet à l’âge de 82 ans, fut l’artisan du rapprochement historique entre Cuba et les États-Unis et aida l’Église à reprendre sa place dans la société cubaine. Le cardinal, qui avait renoncé à sa charge en 2016, a accueilli sur l’île les trois derniers papes.
Sa vie aura été intimement liée au destin de son pays. Décédé vendredi 26 juillet à l’âge de 82 ans, trois ans après avoir renoncé à sa charge, l’ancien archevêque de La Havane, le cardinal Jaime Lucas Ortega y Alamino, fut l’artisan du rapprochement inattendu de Cuba avec les États-Unis. Tout comme de la renaissance de l’Église catholique cubaine, durement réprimée les premières années de la révolution, puis confinée dans ses églises jusqu’à la fin des années 1970, avant de devenir un interlocuteur incontournable de Fidel Castro.

Ses premiers pas dans le ministère correspondent aux années les plus dures d’une Église en butte à l’athéisme marxiste. Après la tentative de débarquement d’exilés cubains dans la baie des Cochons, en 1961, et alors que des milliers de prêtres et religieux fuient l’île, le père Ortega sera interné quelques mois en 1966 dans une de ces « unités militaires d’aide à la production » où sont envoyés alors les « parasites sociaux ».

Proche de Jean-Paul II

Pendant ces années difficiles pour l’Église de Cuba, il est curé de Jaguey Grande en 1967, puis de la cathédrale de Matanzas en 1969 et s’occupe de catéchèse et d’évangélisation, surtout auprès des jeunes.

Son ascension coïncide avec l’élection de Jean-Paul II qui comptera sur lui pour entraîner les évêques cubains (dont il sera président de 1988 à 1998 et de 2001 à 2007) dans une attitude plus active. Nommé évêque de Pinar del Rio fin 1978, il devient archevêque de La Havane trois ans plus tard, avant d’être créé cardinal en 1994 – le premier de l’île depuis 1963.

Grâce à son action notamment, l’Église regagne une plus grande liberté pour exprimer sa foi, développe l’évangélisation et n’hésite plus à prendre position sur la situation du pays. Lui-même crée de nouvelles paroisses, ainsi qu’un centre dédié à la formation des laïcs, fonde la Caritas locale, reconstruit plus de quarante églises et presbytères et n’a de cesse d’appeler au dialogue et à la réconciliation nationale.

Entre prudence et fermeté


C’est en 1998, après son intervention d’une demi-heure à la télévision d’État, la première d’un homme d’Église en 39 ans de régime communiste, une semaine avant le voyage historique du pape Jean-Paul II à Cuba – voyage qu’il prépare depuis 9 ans –, qu’il s’installe définitivement sur la scène nationale. Il recevra également sur l’île Benoît XVI en 2012 et François en 2015.

À partir de 2010, cet homme doté d’un réel savoir-faire politique, entre prudence et fermeté, mène un dialogue personnel inédit avec Raul Castro. Le pape François, qui a refusé sa démission pour raison d’âge en 2011, en fait son messager au cours des 18 mois de négociations secrètes menant à l’annonce inattendue d’un rapprochement entre Cuba et les États-Unis en décembre 2014, puis à la libération de prisonniers politiques et à la visite historique du président américain Barack Obama sur l’île en 2016.

« Alors que l’on commence à ressentir son absence physique, remontent, avec notre reconnaissance, les souvenirs de ses qualités personnelles et de son infatigable zèle pastoral », a salué son successeur à La Havane, Mgr Juan de la Caridad Garcia Rodriguez, en annonçant son décès.

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