Trente-quatre ans après sa disparition, l'homme est réapparu, bien vivant. A 63 ans, le disparu est rentré chez lui dans la commune de La Cisterna, à Santiago, il y a une semaine. Il avait en fait quitté le Chili pour l'Argentine en 1975, où il avait refait sa vie et reconstruit une famille. Entendu par la justice, il a déclaré ne pas être rentré depuis, afin d'assurer sa sécurité. Son fils serait celui qui l'aurait dénoncé lundi auprès du Ministère de l'intérieur.
L'Association des familles de disparus a aussitôt rendu l'affaire publique. Sa présidente, Lorena Pizarro, a donné tous les antécédents à la justice, exigeant que l'affaire soit traitée «avec la plus grande rigueur». «Nous ne permettrons pas que notre tragédie soit traînée dans la boue», insiste-elle.
Depuis que ces femmes ont commencé à réclamer leurs proches, les sarcasmes n'ont pas manqué. Sous la dictature, elles s'entendaient dire que leurs proches étaient sûrement sous les palmiers d'une île paradisiaque. Cette soudaine apparition d'un disparu jette donc l'opprobre sur tous les autres cas. Lorena Pizarro ne manque pas de rappeler que si les forces armées avaient aidé à retrouver leurs proches, cette erreur n'aurait pas été commise.
En 1974, le communiste German Cofré est détenu par les forces de l'armée de l'air. Mais selon une voisine de la famille, Margarita Rivera Monsalve, il est fait prisonnier seulement pendant deux jours. C'est un an plus tard, en juillet 1975 qu'il quitte le pays pour Mendoza, accompagné par le mari de cette voisine - qui a confirmé l'information - et deux autres compagnons. Impossible donc, selon elle, que l'épouse de German Cofré, décédée l'année dernière, ne l'ait pas revu entre-temps.
Aides perçues par la famille
Or, c'est elle qui, en mars 1992, annonce sa disparition. Elle enterre même, trois ans plus tard, des ossements correspondant, selon elle, à son mari et remis par le service médico-légal. Ils avaient été retrouvés dans la fosse commune dite du «Patio 29», où plus de 130 victimes de la répression ont été jetées.
En 1996, la Commission présidentielle, chargée de répertorier les disparus, intègre German Cofré dans ses fichiers. La famille commence à percevoir les aides de l'Etat destinés aux familles de victimes... Il semble que ce soit là le mobile de cette arnaque au disparu. Claire Martin, Santiago du Chili