dimanche 3 janvier 2010

Du Chili ou de la bouillie ?

La Roja a repris l'entraînement au stade Juan Pinto Durán à Santiago du Chili. Photo MARCO MUGA

Oui mais voilà, comme nos petits Bleus, les Chiliens ont eu par le passé leur Coupe du monde à eux, en 1962, et l’affaire s’est plutôt bien goupillée: les partenaires de l’illustre (si, si) Leonel Ramirez se sont imposés à l’occasion de la petite finale de la compétition. Ça vous en bouche un coin ? Rassurez-vous, globalement, même nous n’avons rien à leur envier. Lors de ses cinq autres participations au Mondial, le Chili n’a pas dépassé le stade du premier tour. Pis, on ne l’a pas vu en Coupe du monde depuis 1998. La honte…

L’ANECDOTE – Le premier rouge pour la Roja
Le foot a beau être un art séculaire, il y a encore une quarantaine d’années, c’était un foutu bordel sur le terrain. Avant 1970, les arbitres n’avaient aucun artifice pour se faire comprendre des bouchers du pré. Un comble qui a poussé l’Anglais Ken Aston, sifflet de son état, à révolutionner la balle au pied, en soumettant à la Fifa, déjà très en avance sur son temps, l’idée des cartons de couleurs à la veille du premier Mondial mexicain. Autant dire que les hommes en noir qui bénéficieront de la vidéo ne sont pas encore nés… And so what ? Quatre ans plus tard, le 14 juin 1974 à Berlin, le Chilien Carlos Caszely passait à la postérité en devenant le premier expulsé de l’histoire de la Coupe du monde. Le Turc Dogan Babacan voyait rouge à la 67e minute, et la Roja s’inclinait devant la RFA (1-0). Depuis, Desailly, Blanc, Henry et Zizou ont aussi expérimenté la chose. Tout ça pour se faire remarquer.

LE COACH – Marcelo Bielsa, un ouf dans sa tête
Marcelo Bielsa, c’est le mec qui a réussi à planter l’une des plus belles Albiceleste de tous les temps dès le premier tour du Mondial 2002. Un exploit qu’il est parvenu à nuancer deux ans plus tard, en offrant à l’Argentine un titre olympique dont tout le monde se fout. En gros, pas de quoi se taper le cul sur la banquise à en faire des étincelles. Et pourtant, le type est aujourd’hui considéré comme le meilleur entraîneur de l’histoire du foot chilien. Surnommé "el loco" (le fou) pour sa passion débordante et son obsession quasi maladive de la tactique, il a su redonner des couleurs à une Roja franchement délavée depuis l’avènement du nouveau millénaire. A base de popopopop - comprenez un ersatz de foot total qui défouraille grave – et avec des p’tits jeunes qui n’en veulent et courent partout. Bref, une équipe super relou à jouer.

LE JOUEUR – Humberto Suazo, dit "la sucette"
Il ne fume pas (sinon il ne cavalerait pas comme ça), il ne boit pas (enfin pas autant que Sidney Govou), mais alors qu’est-ce qu’il peut sucer ! En particulier si son sobriquet – "Chupete", soit "la sucette" – est lié à son rendement devant le but adverse. Avec son crâne en peau de fesse, son modeste mètre 71 et sa drôle de manière de se boucher les oreilles quand il marque, comme un autiste, Humberto Suazo ne paie pas de mine. Mais le gaillard peut se targuer d’avoir été élu meilleur réalisateur de la planète en 2006, du haut de ses 17 buts inscrits cette année-là en compétitions internationales. Aujourd’hui âgé de 28 ans, l’attaquant vedette du club mexicain de Monterrey n’a rien perdu de son efficacité. Avec 10 pions au compteur, "Chupete" a tout bonnement fini meilleur buteur des qualifications sud-américaines du Mondial 2010, devant le Brésilien Luis Fabiano.

L’AVIS DE L’EXPERT – Diego Panomiño *: "Le deuxième tour, c’est possible"
"Le Chili est en forme depuis quelques temps. On sent qu’il peut se passer quelque chose parce que l’équipe est unie et qu’il y règne une bonne ambiance. Marcelo Bielsa, qui est très populaire, y est pour beaucoup. Il a considérablement amélioré le niveau de la sélection et a suscité davantage d’engouement et de passion autour d’elle. Nous avons hérité d’un groupe difficile au Mondial, mais je pense que la qualification pour le deuxième tour est possible. Ça va sans doute se jouer avec la Suisse puisque l’Espagne devrait finir première du groupe sans problème. Et pour la suite, on verra bien…"

L’AVIS DE FOOTBALL-RAVAGEUR.FR – Du Chili à la bouillie en huitièmes
Ce n’est pas un hasard si le Chili a été après le Brésil le deuxième pays sud-américain à se qualifier pour la Coupe du monde 2010. Dotée du plus jeune effectif de ces éliminatoires, la Roja a alors séduit par sa vivacité, sa fougue et son irrésistible attirance pour le but. Reste à savoir si la qualité première de cette sélection – sa jeunesse – ne sera pas également son point faible en Afrique du Sud. Dans une poule qui réunit l’Espagne et le Honduras, le Chili devra sans doute batailler avec la Suisse pour obtenir le deuxième sésame menant aux huitièmes de finale. Pas forcément un cadeau puisque l’heureux élu y affrontera alors le premier rescapé du groupe de la mort: le Portugal, la Côte d’Ivoire ou, plus vraisemblablement, le Brésil…

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* Diego Panomiño est journaliste à la rédaction sport du quotidien La Tercera, l’un des journaux les plus diffusés au Chili, avec un tirage de 200.000 exemplaires par jour. Ses propos ont été recueillis par Julie Delmaison.

Écrit par Ronny Agacinski et Julie Delmaison