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DES EMPLOYÉS DE LA PRÉSIDENCE DE SALVADOR ALLENDE ARRÊTÉS PAR L'ARMÉE LORS DU COUP D'ETAT DU 11 SEPTEMBRE 1973, À SANTIAGO DU CHILI. PHOTO REUTERS PHOTOGRAPHER |
"DE QUI SE MOQUE-T-ON ?"
Les services électoraux n'avaient toutefois pas prévu qu'environ 1 200 disparus sous la dictature de Pinochet se retrouveraient ainsi automatiquement inscrits, car leur certificat de décès n'a jamais été officiellement émis. Selon la loi, les détenus disparus sont en effet considérés comme vivants tant que leur mort n'a pas été établie par un médecin ou prouvée devant un tribunal. Mardi 22 mai, le Service du registre électoral a dû admettre que leurs noms figuraient bien dans le corps électoral.
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PORTRAITS DE DÉTENUS DISPARUS AU MUSÉE DE LA MÉMOIRE ET DES DROITS DE L'HOMME, INAUGURÉ À SANTIAGO DU CHILI EN JANVIER 2010. PHOTO VICTOR RUIZ CABALLERO |
Pour les familles de victimes, cette aberration ressemble à une mauvaise blague. "Mon père a le droit de voter ? De qui se moque-t-on ? Je ne sais même pas où il est", a réagi Lorena Pizarro, présidente d'une association de victimes de la dictature et fille de Walter Ulises Pizarro Molina, membre du Parti communiste, disparu en décembre 1976.
"Nous devons inclure les disparus sur les listes car la loi nous y oblige, a expliqué à l'Associated Press Elizabeth Cabrera, sous-directrice du Service du registre électoral. C'est une situation déplorable pour les familles de victimes, mais nous n'avons pas le pouvoir de décider qui est inclus sur les listes et qui ne l'est pas." Pour Elizabeth Cabrera, les disparus resteront inscrits tant que les tribunaux n'auront pas fini de se prononcer sur les crimes de la dictature d'Augusto Pinochet.
FLOU JURIDIQUE
Cette lecture strictement légale ne satisfait pas les proches de disparus. "Aucun respect n'a jamais été montré aux victimes ni à leurs familles. Nous ne devrions pas avoir à faire face à une telle situation", juge Lorena Pizarro. Pour les familles de victimes, le flou juridique concernant les disparus de la dictature symbolise l'échec de l'Etat chilien à répondre à leur demande de vérité et de justice. "Cela participe à l'impunité et à l'absence de réparations aux familles pour les torts causés", poursuit Lorena Pizarro.
Selon l'Etat chilien, la dictature de Pinochet (1973-1990) a provoqué la mort de 3 225 Chiliens, parmi lesquels 1 200 sont considérés disparus. Environ sept cents anciens cadres de la junte militaire sont jugés pour des disparitions forcées de dissidents. Soixante-dix ont été condamnés et emprisonnés pour crime contre l'humanité, mais très peu d'informations sont sorties de ces procès pour retrouver la trace des disparus.