lundi 25 juin 2012

LE NOUVEAU BÂTIMENT DE L'ARMÉE : LA MÉMOIRE DÉLOCALISÉE

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LA TRADITIONNELLE CASERNE D’ARTILLERIE « TACNA », DÉPLACÉE AUJOURD’HUI AU SUD DE LA CAPITALE. SA GARNISON AVAIT DÉJÀ PARTICIPÉ À D’AUTRES AVENTURES PUTSCHISTES, ET LE JOUR DU COUP D’ÉTAT EN SEPTEMBRE 1973, SA TROUPE A ÉTÉ L'UNE DES PRINCIPALES FORCES LANCÉES À L’ASSAUT DU PALAIS DE LA MONEDA, À QUELQUE VINGT PÂTÉS DE MAISONS.

Le 1° Régiment d'Artillerie « Tacna » a été déménagé en 2009 à San Bernardo, pour intégrer le Camp militaire Carlos Prats, vaste complexe des forces armées érigé au sud de Santiago.
C’étaient des unités  de cette caserne  « Tacna », sous commandement du colonel Luis Joaquín Ramírez Pineda, qu’ont occupé des points clefs à la ville de Santiago le jour du coup d’état, le 11 septembre 1973.


Ces troupes ont été les acteurs de l’inégal affrontement entre les foyers de résistance du palais de La Moneda, dans quelques ministères et certains quartiers, et les puissants dispositifs terrestres et aériens déclenchés par les putschistes pour soumettre militairement la capitale. Dans son livre Le jour décisif, Pinochet a appelé cet épisode la « bataille de Santiago ».


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L’APRÈS MIDI DU 11 SEPTEMBRE 1973 LES MILITAIRES PUTSCHISTES SOUS ORDRE DU COLONEL LUIS RAMIREZ PINEDA CAPTURENT LES RÉSISTANTS DE LA MONEDA SORTIS PAR UNE PORTE LATÉRALE DU PALAIS RUE MORANDÉ. PHOTO CHAS GERRETSEN

Les troupes commandées par Ramírez Pineda qu’ont investi ce mardi 11 septembre le siège du gouvernement ont fait prisonniers une cinquantaine d'hommes et les ont emmenés au quartier « Tacna ». Sont arrivés à cet endroit les membres de l'escorte du président Allende, des policiers en civil et d'autres conseillers capturés à l’issue d'un combat très disproportionné.
Des survivants ont témoigné que tous les prisonniers, couchés sur les dalles de la cour de la caserne, ont été alors brutalement torturés par les militaires, et le colonel Ramírez  Pineda, hors de contrôle, voulait les tuer immédiatement.
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PRES D'UNE CINQUANTAINE D’HOMMES ONT ÉTÉ FAITS PRISONNIERS PAR LES FORCES DE PINOCHET À LA MONEDA ET DANS LES ENVIRONS. LES DÉFENSEURS DU PALAIS SONT EMMENÉS À LA CASERNE « TACNA ». LA PLUPART VA DISPARAÎTRE EN MOINS DE 48 HEURES, ET LEUR TRISTE SORT NE SERA CONNU QUE DES DÉCENNIES APRÈS. PHOTO CHAS GERRETSEN

Le 13 septembre, 20 résistants de La Moneda ont été transférés dans deux camions à Peldehue, camp d'entraînement de l'armée au nord de Santiago, ─rebaptisé depuis Fort Arteaga─ et ils y ont été froidement assassinés, criblés de plusieurs rafales de mitrailleur devant un puits par le jeune sous-lieutenant Jorge Herrera López. Ensevelis dans le puits, les corps ont été ensuite déchiquetés par plusieurs grenades explosives lancées dans la cavité.


À la fin 1978, un détachement du « Tacna », sous les ordres du colonel Hernán Canales Varas, a déterré les corps du puits original pour les mettre dans des sacs et les conduire ensuite, à bord des hélicoptères, à la mer. C'était l’opération nommée « retrait de téléviseurs », et les corps ont été alors lancés à l’océan Pacifique au large des côtes chiliennes.


Des très proches collaborateurs du président Allende sont restés ainsi longtemps « détenus disparus », parmi eux, ses gardes de corps, des médecins et des conseillers. En 2001, plus de 20 ans après les faits, une juge a réussi à retrouver à Peldehue des restes pour les soumettre à des expertises et à la fin de janvier 2010 ont été obtenues des identifications définitives.
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LE DOCTEUR GEORGES KLEIN PIPPER AVEC SA PETITE FILLE VANESSA EN 1971. C’ÉTAIT UN DES MÉDECINS ET PROCHE COLLABORATEUR DU PRÉSIDENT ALLENDE, CITOYEN FRANÇAIS, MILITANT COMMUNISTE ARRÊTÉ À LA MONEDA LE 11 SEPTEMBRE 1973. IL A ÉTÉ VU POUR LA DERNIÈRE FOIS À LA CASERNE « TACNA » ET DISPARU DEPUIS. IL AVAIT 28 ANS.

Luis Ramírez Pineda a poursuivi sa carrière et, déjà général, il est arrivé à chef de l'État-major de la défense Nationale de 1978 à 1981. En 2002, alors qu’il se trouvait à Buenos Aires, il a été capturé suite au mandat d’arrêt international émis par la justice française, enquêtant sur la disparition de Georges Klein Pipper, jeune médecin personnel du président Allende et citoyen français, arrêté à la caserne « Tacna » en septembre 1973.
L’extradition de Ramírez Pineda au Chili a permis, en 2003, d’élargir l’enquête judiciaire vers une douzaine d’autres détenus disparus parmi les prisonniers du palais de La Moneda.

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LUIS JOAQUIN RAMIREZ PINEDA, GÉNÉRAL
DE L’ARMÉE, EX COMMANDANT DE LA CASERNE
TACNA JUGÉ PAR DÉFAUT AVEC 12 AUTRES
OFFICIERS CHILIENS RESPONSABLES
D’ATROCITÉS SOUS LA DICTATURE DE
PINOCHET, ET RECONNU COUPABLE PAR LA
COUR D'ASSISES DE PARIS D’ENLÈVEMENT,
SÉQUESTRATION ARBITRAIRE AVEC TORTURE
OU ACTE DE BARBARIE, CONDAMNÉ EN
DÉCEMBRE 2010 À 25 DE PRISON PAR
CONTUMACE. RAMIREZ PINEDA VIT EN
LIBERTÉ DES JOURS PAISIBLES À SANTIAG
Détenu quelque temps dans une unité militaire, Ramírez a retrouvé sa liberté très vite et actuellement, « il est inculpé et libre, sans mesures de contrôle », selon des sources locales spécialisées des Droits de l’homme.

Avec l’inauguration des nouveaux bâtiments sur le site historique du « Tacna », et sa préalable migration vers San Bernardo, il apparaît maintenant clair le sens et le double objectif de cette transformation majeure. D’une part l’hommage ultime, indispensable, au général Carlos Prats, dernier commandant en chef de l’armée loyal à la Constitution, assassiné par la DINA à Buenos Aires en septembre 1974. Et d’autre part, la mise à couvert du « Tacna » et sa terrible histoire, à l’écart de recherches désagréables, pour construire les nouveaux bâtiments EBE sur un espace débarrassé de mémoires gênantes.
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« LES DISPARUS NOUS MANQUENT À TOUS
Cette véritable opération de délocalisation de la mémoire ─qui a d’autres précédents similaires─ associée maintenant à la notion du bicentenaire et à l’ensemble des activités de commémoration des deux siècles de la nation, recouvre un aspect refondateur inquiétant pour l’intégrité de notre Histoire récente.