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LE VICE-PRÉSIDENT, FEDERICO FRANCO, LE SUCCESSEUR LÉGAL MAIS ILLÉGITIME A ÉTÉ INVESTI, LORS D'UNE BRÈVE CÉRÉMONIE AU CONGRÈS D'ASUNCION.PHOTO JORGE ROMERO |
La gauche latino-américaine a immédiatement dénoncé ce que la présidente argentine, Cristina Kirchner, a qualifié de « coup d'Etat illégitime », suivie par le Bolivien Evo Morales, qui y a vu un « coup d'Etat parlementaire », tandis que le Vénézuélien Hugo Chavez qualifiait d'« illégitime » son successeur.
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Dès l'annonce de la condamnation du président, au terme de ce procès expédié en cinq heures, plusieurs milliers de ses partisans rassemblés sur la Place d'armes de la capitale paraguayenne ont manifesté leur colère. Certains protestataires s'en sont pris aux forces de l'ordre, qui ont répliqué à coups de matraques, de gaz lacrymogènes et de lances à eau.
La foule s'est rapidement dispersée avant de revenir peu à peu devant le Congrès en respectant l'appel « à ne pas verser le sang des justes » formulé par leur favori déchu.
A 18H27 locales (22H27 GMT)à Asuncion, un total de 39 sénateurs sur les 43 présents, soit plus des deux tiers requis, ont déclaré Fernando Lugo coupable des accusations formulées contre lui, entraînant sa destitution immédiate.
M. Lugo, a qui il restait un peu plus d'un an de mandat, était accusé d'avoir « mal rempli ses fonctions » à la suite des heurts qui ont provoqué la mort de 11 paysans sans-terre et six policiers lors d'une opération visant à déloger les occupants d'une propriété agricole le 15 juin dans le nord-est du pays.
Pendant la séance, quatre sénateurs ont dénoncé un procès expéditif, constituant selon eux une atteinte à la démocratie paraguayenne.
« Je me soumets à la décision du Congrès », a réagi peu après M. Lugo dans une déclaration à la Présidence, affirmant que « c'est l'histoire paraguayenne, sa démocratie, qui ont été profondément blessées ».« Aujourd'hui je me retire comme président, mais pas comme citoyen paraguayen », a-t-il ajouté, tout en appelant ses partisans au calme.
L'ex-évêque de 61 ans, premier président de gauche après 62 ans de pouvoir du parti Colorado (conservateur), a ensuite quitté le bâtiment à bord d'un convoi automobile vers une destination inconnue, a constaté un journaliste de l'AFP.
M. Lugo, qui vient d'être soigné avec succès d'un cancer du système lymphatique, avait annoncé qu'il ne se représenterait pas à l'élection d'avril 2013. Auparavant surnommé « l'évêque des pauvres », il a abandonné la soutane en 2006, deux ans avant d'être élu.
Quelques minutes après cette destitution, le vice-président, Federico Franco, a prêté serment, revêtu l'écharpe tricolore et le bâton de commandement devant les caméras de télévision, lors d'une rapide cérémonie au siège du Parlement bicaméral.
« Il s'agit de l'engagement le plus important qui soit et je ne pourrai le remplir qu'avec l'aide et la collaboration de chacun d'entre vous », a déclaré M. Franco, aux côtés de son épouse, la députée Emilia Alfaro.
M. Franco est un dirigeant du Parti libéral. Cette formation, qui soutenait M. Lugo au moment de son élection en 2008, lui a officiellement retiré son appui jeudi sur fond de querelles politiques récurrentes. Les libéraux étaient en première ligne de la fronde menée contre l'ex-président.
Dans la matinée, le président paraguayen avait tenté en vain de ralentir la procédure expresse le visant en saisissant la Cour Suprême, lui demandant « de suspendre le procès politique jusqu'à ce que lui soient fournies les garanties constitutionnelles pour sa défense ».
Interrogé sur une radio argentine avant le verdict, M. Lugo avait dénoncé « un coup parlementaire déguisé en procédure juridique ». Il avait précisé qu'il allait certainement « résister par le biais d'autres organisations ».
Hors des frontières de ce petit pays pauvre et enclavé du cône sud-américain, plusieurs voix se sont élevées contre ce procès en destitution.
Avant-même le départ de M. Lugo, le président équatorien Rafael Correa avait déjà annoncé qu'il ne reconnaîtrait pas un éventuel nouveau président. Et le Venezuela, le Nicaragua et la Bolivie avaient dénoncé un « coup d'Etat déguisé », lors d'une réunion extraordinaire de l'Organisation des Etats américains (OEA) consacrée à cette crise.