vendredi 22 juin 2012

PARAGUAY : LE COUP D'ETAT DEGUISE

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LE PRÉSIDENT PARAGUAYEN LORS D'UNE CÉRÉMONIE OFFICIELLE. PHOTO AP

A partir de 14H30, les arguments seront étudiés, avant une session extraordinaire prévue à 16H30 (20H30 GMT), pour statuer sur le sort du président, qui ne compte que cinq partisans sur les 45 membres du Sénat.

Je « refuse de renoncer à mes fonctions et (me) soumets au procès politique avec toutes les conséquences » que cela implique, a annoncé M. Lugo, un ancien évêque de 61 ans, premier président de gauche du pays, dans un message à la nation jeudi.

Quelques heures plus tôt, la Chambre des députés (chambre basse) avait surpris le pays en votant en faveur d'une procédure de destitution visant le président Lugo, considérant que ce dernier avait « mal rempli ses fonctions », à la suite des récents heurts sanglants entre policiers et paysans sans-terre.

Dans cette motion, le président paraguayen est accusé d'avoir exercé ses fonctions d'une manière «impropre, négligente et irresponsable, provoquant le chaos et l'instabilité politique dans toute la République ».


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MANIFESTATION DE SOUTIEN AU PRÉSIDENT DU PARAGUAY, FERNANDO LUGO, LE 21 JUIN 2012 À ASUNCION. PHOTO AFP

Le document ajoute que le chef de l'Etat a généré une « constante confrontation et la lutte des classes sociales avec comme résultat final le massacre de compatriotes, un fait inédit dans les annales de l'histoire depuis notre indépendance nationale jusqu'à cette date, en temps de paix ».

La motion se réfère au massacre de 11 paysans sans-terre et de six policiers lors d'une opération visant à déloger les paysans d'une propriété agricole occupée illégalement, vendredi dernier à Curuguaty, à 250 km au nord-est de la capitale.

La motion, qui fait planer une sérieuse menace sur le mandat de Fernando Lugo, a été votée à une large majorité par 77 députés sur 80.

Les principaux soutiens du président ont déconcerté les observateurs en se déclarant favorables à cette motion, présentée par plusieurs partis.

Le Parti libéral a décidé de retirer son appui au président de gauche après plusieurs désaccords politiques.

« Lugo nous ignore », a assuré jeudi devant la presse le président du Parti libéral radical authentique (PLRA), Blas Llano, confirmant le passage de sa formation dans l'opposition.

Les évêques catholiques du Paraguay ont également demandé jeudi au président Lugo de renoncer à sa charge « pour le bien du pays », a indiqué à la presse l'évêque Claudio Giménez, secrétaire général de la Conférence épiscopale du pays.

« Nous lui avons parlé avec beaucoup de sincérité et de franchise pour qu'il renonce à sa charge pour faire tomber cette tension », a-t-il ajouté.

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MANIFESTATION DE SOUTIEN AU PRÉSIDENT DU PARAGUAY, FERNANDO LUGO, LE 21 JUIN 2012 À ASUNCION. PHOTO REUTERS

Préserver la stabilité et l'Etat de droit

Dans son allocution, Fernando Lugo a dénoncé une «attaque sans pitié de secteurs qui se sont toujours opposés au changement qui vise à faire du peuple un protagoniste de sa démocratie », alors que ses partisans évoquent déjà un coup d'Etat déguisé.

Selon lui, les députés ont abandonné toute mesure et réflexion pour mener ce procès « tambour battant » et « voler la décision suprême du peuple » qui l'a élu pour un mandat de cinq ans le 20 avril 2008.

Jeudi soir, les huit principaux ministres des Affaires étrangères de l'Union sud-américaine des nations (Unasur) sont arrivés au Paraguay dans un seul et même avion, avec pour mission de défendre le président Lugo.

« Les présidents (de l'Unasur) ont exprimé la conviction qu'il faut préserver la stabilité et le respect de l'ordre démocratique paraguayen, maintenir les dispositifs constitutionnels et défendre l'Etat de droit », a déclaré le ministre brésilien des Affaires étrangères Antonio Patriota après une réunion des chefs d'Etat de l'organe régional à Rio de Janeiro.

Le ministre des Affaires étrangères de l'Equateur, Ricardo Patiño, a pour sa part assuré que l'Unasur « ne permettrait pas un retour de la dictature ni un coup d'Etat »au Paraguay sur son compte social Twitter.

En outre, les Etats-Unis ont demandé jeudi que le processus du jugement politique initié par le congrès paraguayen soit respecté « scrupuleusement ».

« Il est extrêmement important que les institutions agissent d'une manière transparente et que les principes du procès et les droits des accusés soient scrupuleusement respectés », a déclaré le porte-parole pour l'Amérique latine du Département d'Etat William Ostick dans un message à l'AFP.


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LE PRÉSIDENT DU PARAGUAY, FERNANDO LUGO, REÇOIT LA VISITE DE LULA LE 27 JANVIER 2012   DANS L'HÔPITAL DE SAO PAULO OÙ LES DEUX SONT TRAITÉS CONTRE LE CANCER. PHOTO REUTERS
A Washington également, l'Organisation des Etats américains (OEA) a appelé à ce que « le processus politique en cours se poursuive dans le cadre de la Constitution et des lois en vigueur, dans le respect des droits de toutes les personnes impliquées ».

M. Lugo, qui vient d'être soigné avec succès d'un cancer du système lymphatique, a déjà annoncé qu'il ne se représenterait pas au scrutin d'avril 2013. En cas de destitution, il serait remplacé par son vice-président, Federico Franco, leader du Parti libéral.