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DES SUPPORTERS D'HUGO CHÁVEZ APRÈS L'ANNONCE DE SA MORT PAR LE VICE-PRÉSIDENT LE 5 MARS 2013 À CARACAS. PHOTO A.CUBILLOS |
D'ailleurs, l'appui que donnent les Etats-Unis et l'Union européenne à la demande de recomptage des bulletins exprimée par Henrique Capriles rappelle l'appui de Bruxelles et Washington au pouvoir putschiste mis en place brièvement en avril 2002. Les grandes puissances occidentales manquent cruellement de prudence face à un tel contexte de crise. Il demeure très compliqué de savoir qui a raison concernant les résultats du vote. On ne peut pas se fier totalement au Conseil national électoral, qui est chaviste.
Mais, un groupe d'observateurs électoraux espagnols mixte politiquement a affirmé dans le quotidien espagnol El Pais n'avoir constaté aucune irrégularité flagrante, d'autant que le système de vote électronique est considéré comme le plus fiable au monde. Jusqu'à preuve du contraire, Henrique Capriles dénonce des irrégularités sans en fournir les preuves. L'opposition a l'impression d'être passée à côté du but et cette frustration l'amène a renouer avec ces formes de violence politique du début des années 2000.
Nicolas Maduro ne semble pas pour le moment jouer la carte de l'apaisement. A-t-il la capacité de ramener le calme et l'unité au sein du pays ?
Hugo Chavez savait sortir parfaitement des situations politiques tendues en appelant à une nouvelle unité de la nation. Ce n'est pas la ligne de Maduro. N'est pas Chavez qui veut. Il n'a ni l'intelligence ni le charisme de son prédécesseur. Il n'est pas à la hauteur de la gestion de la crise politique. On peut attendre de lui la multiplication des provocations et des défis davantage que des paroles d'apaisement. J'ai été frappé par un certain nombre de paroles caricaturales et à la limite du nauséabond pendant la campagne de Maduro à l'instar de l'assimilation de Capriles à Hitler, qui est du plus mauvais goût. Chose que Chavez savait également faire.
En imaginant que les tensions finissent par s'apaiser, le fait que Maduro ait enregistré une courte victoire et son manque d'intelligence politique risquent par ailleurs de faire ressurgir les tensions latentes au sein du chavisme. Il n'y a pas d'unité du chavisme, qui est une coalition d'intérêts et d'acteurs qui se sont réunis à un moment autour d'un seul acteur, Hugo Chavez. La succession de Chavez a d'ailleurs été douloureuse car il n'incarne pas tout le chavisme : il était face à d'autres prétendants légitimes et il ne tient pas l'armée. Si Maduro persiste dans ses dérives, il y a un vrai risque de fragmentation du chavisme.
Quelles perspectives s'offrent à l'opposition en cas de reconnaissance définitive de la victoire de Nicolas Maduro à la présidentielle ?
La défaite est difficile pour l'opposition car Henrique Capriles a fait une très bonne campagne et l'horizon de la reconquête du pouvoir est en 2019. Il y a, entre-temps, les municipales en 2014, les législatives en 2015 et la possibilité d'un référendum révocatoire en 2016. L'opposition a les moyens de réunir les signatures nécessaires à la convocation d'un référendum révocatoire, mais elle pourrait être échaudée par l'expérience de celui de 2004. L'opposition était sûre de remporter ce référendum, or elle a perdu et a contribué ainsi à renforcer le chavisme.
L'opposition n'a pas intérêt à jouer la guerre civile larvée. Elle a déployé beaucoup de moyens non démocratiques au début des années 2000 qui ont eu pour résultat de la décrédibiliser et de consolider le chavisme. Aujourd'hui, elle dispose d'une chance énorme : elle a trouvé un vrai leader en la personne de Henrique Capriles et elle s'est recrédibilisée à l'international en acceptant le jeu démocratique. A terme, elle peut reconquérir le pouvoir car il y aura forcément une usure du chavisme. Son intérêt stratégique est donc de jouer le jeu démocratique et de miser sur une victoire aux législatives de 2015 car Maduro pourrait ne pas être à la hauteur.
Hélène Sallon