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RAÚL MADARIAGA, SISMOLOGUE. PHOTO GUADALUPE LOMBARDO |
Le tremblement de terre de magnitude 8,3 qui vient de frapper la région de Coquimbo, dans le Centre-Nord, est très fort, mais pas exceptionnel non plus : le bilan, qui reste à confirmer, fait état de huit morts, de dégâts sur des vieilles constructions et une montée des eaux de 5 mètres dans quelques villes seulement (à Coquimbo, La Serena et Tongoy) et non sur toute la côte.
Le Chili est malheureusement habitué : il est situé sur la zone de contact entre la plaque tectonique de Nazca et la plaque sud-américaine – la première plongeant sous la seconde selon un mouvement de subduction. C’est le pays le plus sismique de la planète, devant le Japon. Le séisme le plus puissant enregistré dans le monde l’a été dans le sud du pays, en 1960 – d’une magnitude de 9,5, tuant plus de 5 000 personnes. En moyenne, le Chili connaît tous les dix ans un tremblement de terre de magnitude 8 et entre dix et vingt secousses de magnitude 7. Mais depuis quelques années, la sismicité du pays s’est accrue, à l’image de celle du globe – avec notamment les forts séismes de Sumatra (2004), Tohoku (2011) ou Bohol (2013).
Ce tremblement de terre a donc provoqué beaucoup moins de dégâts humains et matériels que le dernier gros séisme de 2010, qui avait fait plus de 500 morts. Comment expliquer cette différence ?
Il y a trois raisons majeures. Tout d’abord, le séisme de cette nuit a touché une région très peu habitée, plutôt désertique. Il n’est pas rare, dans cet endroit, de parcourir plus de 200 km sans trouver de station-service. Ensuite, le séisme de 2010 était de magnitude 8,8, soit une puissance dix fois supérieure à celle d’une secousse de magnitude 8,3.
À ILLAPEL AU CHILI, APRÈS LE SÉISME DE MAGNITUDE 8,3 QUI A AFFECTÉ LE CENTRE-NORD DU PAYS. PHOTO VLADIMIR RODAS |
Enfin, en 2010, le Chili n’était pas du tout préparé à un tel tremblement de terre : les services sismologiques ont par exemple arrêté de fonctionner en raison des coupures d’électricité. Depuis, de nombreuses stations sismologiques ont été installées sur l’ensemble du territoire et elles peuvent toutes fonctionner avec une source d’énergie secondaire. Elles ont donc pu communiquer toutes les informations importantes.
Les normes de constructions parasismiques, prévues par une loi de 1960, ont également été renforcées, notamment pour l’appui des ponts. Enfin, il y a une réelle prise de conscience de la population des risques encourus avec les tremblements de terre. C’est pourquoi les autorités ont réussi à évacuer rapidement un million de personnes, grâce aux sirènes, à des SMS envoyés aux habitants et aux médias. Malgré tout, il reste des risques, notamment dans le nord du pays, où l’urbanisation s’est faite très près des côtes, pour avoir accès à l’eau.
Ce fort séisme, après celui de magnitude 8,2 en avril 2014 dans le nord du pays, peut-il accélérer la survenue d’un « big one » ?
Il y a trois zones dangereuses dans le pays, susceptibles d’être touchées par un « big one » [du nom donné au séisme dévastateur qui devrait toucher la côte ouest des Etats-Unis dans les prochaines années] : le Nord, la région de Coquimbo, au centre-nord (que les Chiliens appellent le « Norte chico ») et le Centre-Sud. Après deux séismes en deux ans, à Coquimbo et Iquique, il est très improbable que le Chili soit touché par un « big one » dans les années qui viennent.
Le Chili enregistre en effet deux « big one » par siècle, selon les statistiques que nous tenons depuis 1575 – après la conquête du pays par les Espagnols en 1541. Au XXIe siècle, pour l’instant, le pays a été touché par le séisme de 2010, qui a affecté les régions du Maule, de Santiago et de Valparaíso (centre). Avant celui de 1960, dans le sud du pays, le Chili avait connu un très fort tremblement de terre de magnitude 8,8 en 1922, dans la région du désert d’Atacama (nord-est).
Mais nous manquons de données historiques pour améliorer nos prévisions. Le nord du Chili est par exemple resté désertique et inhabité jusqu’en 1860, quand des compagnies étrangères ont commencé à exploiter les nitrates, le cuivre et le lithium. On ne sait pas quand sont survenus les précédents grands séismes antérieurs à celui de 1877, qui avait affecté la région avec une magnitude de 8,8. Les experts ne sont pas d’accord pour prévoir la date de la prochaine très grande secousse à cet endroit. Les sismologues chiliens penchent pour une fréquence de trois à cinq cents ans.
AUDREY GARRIC |