jeudi 12 juin 2014

BRÉSIL MONDIAL 2014 : LES POLITIQUES À DISTANCE DES STADES

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DILMA VANA ROUSSEFF ET LUIZ INÁCIO LULA DA SILVA

Pour Lula, pas de doute : la coupe du Monde et les Jeux olympiques de 2016 feraient de solides arguments électoraux pour le Parti des travailleurs [au pouvoir depuis 2002]. Pas cette année, cependant. Briguant un second mandat [à la présidentielle d’octobre prochain], Dilma Rousseff n’entend pas surfer sur la vague de l’événement sportif le plus suivi de la planète, et pas plus que ses adversaires Aécio Neves (PSDB, social-démocrate) et Eduardo Campos (PSB, socialiste). 

Il règne une tension politique autour de la coupe du Monde comme on n’en avait plus vu depuis 1970”, estime Mauro Paulino, directeur général de l’institut de sondages Datafolha. “A l’époque, il s’agissait de savoir si soutenir la Seleção revenait à soutenir la dictature militaire. C’est pourquoi il est plus prudent pour un candidat de ne pas se montrer.” 

Échaudée par les sifflets du 15 juin 2013 entendus au stade national Mané Garrincha [à Brasilia], au plus fort des manifestations, Dilma ne prononcera pas de discours pour l’ouverture du Mondial ce 12 juin 2014. Ce sera la deuxième fois depuis 1994 que le dirigeant du pays organisateur ne prendra pas la peine de souhaiter la bienvenue aux supporteurs. 

Au Mondial de 1998, Jacques Chirac s’était contenté d’un “Je déclare ouverte la XVIe Coupe du monde en France”. Pour l’heure, il est prévu que Dilma Rousseff suive les matchs à la télévision. Côté stratégie marketing, elle se laissera photographier aux côtés de ses proches, en particulier de son petit-fils, pour des images qui seront publiées dans la presse et sur les réseaux sociaux. Une réclusion présidentielle décidée après des enquêtes qualitatives commandées par le gouvernement. Ce que ces sondages ont montré, c’est que les Brésiliens souhaitent que la classe politique reste à distance de la Coupe. 


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« MARACANAÇO », LE MATCH DE FOOTBALL BRÉSIL - URUGUAY EST LE MATCH ULTIME ET DÉCISIF DE LA PHASE DE GROUPE CONCLUANT LA COUPE DU MONDE DE FOOTBALL DE 1950. 

Il y a plusieurs raisons à cela. Notamment de la superstition. En 1950, le Brésil accueillait son premier Mondial. Il a atteint la finale en grand favori. La veille du match décisif contre l’Uruguay, les trois candidats à la présidentielle (dont Getúlio Vargas, le futur vainqueur) ont tenu à poser devant les photographes en compagnie des joueurs, qui avaient déjà l’aura de champions du monde. La fin de l’histoire tient à un mot, mythique : Maracanazzo [ou Maracanaço, le “choc du stade Maracanã” – l’Uruguay l’a emporté 2 à 1]. 

Mais l’enquête commandée par le gouvernement révèle un autre fait préoccupant pour Dilma : à en croire les sondés, si le Mondial est un échec, la présidente y perdra des voix ; et si c’est une réussite, elle n’en gagnera pas car elle n’aura fait que son devoir. De l’huile sur le feu. Grand amateur de football et ami d’anciens joueurs – dont le grand buteur et champion du monde 2002 Ronaldo –, le président du PSDB, Aécio Neves, envisage d’assister au moins à un match dans son fief de Belo Horizonte, où il pourra compter sur un public clément. 

Il a également été convié à des rencontres organisées à Manaus et Salvador, mais il n’a pas encore dit s’il aurait le courage d’affronter les électeurs ailleurs que sur son propre terrain. Le socialiste Eduardo Campos a déjà montré sa volonté de prendre une distance réglementaire avec la compétition. Il a tenu à publier sur un réseau social son soutien à la décision de Geraldo Júlio, le maire de Recife, d’annuler une fête officielle de la Fifa qui devait coûter 20 millions de reais [environ 6,5 millions d’euros]. 


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LA CÉLÈBRE BICYCLETTE DE PÉLE : « GOL DE PLACA » D'ALBERTO FERREIRA


Les dépenses publiques pour la Coupe, on le sait, sont de l’huile jetée sur le feu des manifestations. “Le PSB est fier de compter parmi ses dirigeants un maire qui sait tenir les comptes publics et penser au bien de sa ville”, a écrit Eduardo Campos. Des proches de la direction de son parti entendent le dissuader de se rendre dans les stades. Pour le publicitaire Fernando Barros, qui dirige une agence travaillant pour la présidence, “le seul homme politique à avoir su tirer profit du foot fut Emílio Médici, président de 1969 à 1974, qui assistait aux matchs au Maracanã le transistor collé à l’oreille”. 

C’est en 1970, lors du Mondial au Mexique, que le Brésil, alors sous la férule du général Garrastazu Médici, remporta son troisième titre de champion du monde. Le pays lui-même subissait un durcissement de la répression militaire qui empêchait toute manifestation démocratique – y compris les huées et les élections.

VEJA | ADRIANO CEOLIN