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LE PRIX SAKHAROV À « L’OPPOSITION AU VENEZUELA » : UN « JOUR NOIR » AU PARLEMENT EUROPÉEN |
JEAN-JACQUES RÉGIBIER« Ce sont les considérations politiciennes qui l’ont emporté», a déploré de son côté la députée Marie-Christine Vergiat (GUE-GVN), qui compare le choix de cette année à ceux faits entre 2000 et 2010 quand le prix a été attribué à trois reprises à des dissidents cubains.
MARIE-CHRISTINE VERGIAT |
On n’a pas eu droit à l’habituel tonnerre d’applaudissement, encore moins à la standing ovation, ni à « l’émotion palpable » qu’ont toujours l’air de ressentir en pareille occasion les commentateurs avisés. Non.
Cette fois, quand le président du Parlement européen, l’ancien porte-parole de Berlusconi, Antonio Tajani, a annoncé le gagnant, la droite (PPE) a applaudi, une partie des libéraux (ALDE) aussi, mais pas tous, les députés d’extrême-droite, avec ferveur, certains socialistes, et d’autres du bout des doigts. A gauche de l’hémicycle, beaucoup ont souri, puis franchement ri quand Tajani a prétendu que le Parlement européen défendait la démocratie et les droits de l’homme partout dans le monde, sans exclusive.
Autant dire que le prix Sakharov 2017 est loin d’avoir réuni le sacro-saint consensus européen qui prévaut habituellement dans ce genre de récompense symbolique. Les Verts (Verts-ALE), estiment même que c’est « un jour noir au Parlement européen. » Rappelant que le prix Sakharov a normalement vocation d’honorer les défenseurs des droits humains, le groupe écologiste rappelle que « le passé de certains opposants nominés (faisant partie de l’opposition au Venezuela, ndlr) les disqualifie pour recevoir un tel prix puisqu’impliqués dans des scandales financiers ou des violations des droits humains. »
« Ce sont les considérations politiciennes qui l’ont emporté », déplore de son côté la députée Marie-Christine Vergiat (GUE-GVN), qui compare le choix de cette année à ceux faits entre 2000 et 2010 quand le prix a été attribué à trois reprises à des dissidents cubains. D’autant, ajoute-t-elle, que dans cette galaxie de « l’opposition au Venezuela, », il y a aussi beaucoup de gens d’extrême droite « qui loin de vouloir rétablir la démocratie veulent faire renouer l’Amérique latine avec les jours les plus sombres de son histoire. »
La candidature de « l’opposition au Venezuela » au prix Sakharov était soutenue par le parti de droite au Parlement européen (PPE) auquel s’était attelé pour l’occasion le groupe des libéraux (ALDE). Ce sont eux, par un effet arithmétique (les deux groupes disposent de la majorité), qui ont imposé leur choix, contrairement à la tradition suivie depuis plusieurs années qui veut qu’il y ait, après négociation, un accord large pour l’attribution de ce prix.
Deux autres candidats correspondant aux critères du prix Sakharov
2017 marque donc une rupture dans l’attribution du prix Sakharov qui devient, les députés ont raison de le faire remarquer, une arme politique au service de certains groupes. La droite prend « le risque de compromettre la légitimité et la crédibilité du prix Sakharov, » commente-t-on chez les Verts.
Cette attribution est d’autant plus malvenue qu’elle « risque de polariser la crise politique au Venezuela, » ajoutent-ils, et ce alors que l’essentielle de l’opposition vient de participer aux élections locales, comme on le fait remarquer du côté de la Gauche unitaire européenne (GUE-GVN). On voit mal en effet comment honorer l’un des protagoniste alors que le processus de dialogue entre gouvernement et opposition est en cours, peut contribuer à favoriser le dialogue.
Cette décision est aussi malvenue parce qu’il y avait deux autres candidats correspondant tout à fait, eux, aux critères du prix Sakharov. Dawit Isaak, un journaliste suédo-érythréen emprisonné, déjà sélectionné pour le prix Sakharov, ainsi que la candidate soutenue par les Verts, une défenseure des peuples indigènes du Guatemala, Aura Lolita Chavez Ixcaquic, engagée dans de nombreux contre les multinationales et le gouvernement et menacée de mort dan son pays. Nous l’avions rencontrée début octobre au Parlement européen (entretien à revoir sur ici. )
En récompensant les opposants vénézuéliens plutôt que les mouvements citoyens, les peuples indigènes et l’opposition au régime corrompu du Guatemala, la droite et les libéraux du Parlement européen auraient voulu signifier que le régime de Jimmy Morales est préférable pour l’Amérique latine à celui de Nicolas Maduro, qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement.
Jean-Jacques Régibier
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