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Photo Héctor Yáñez |
"500 à 1800 dollars par mois"
"L’endettement des étudiants est insoutenable, nous exigeons que le gouvernement y mette fin", résume sur CNN Chili Camilla Vallejo, leader du mouvement, le 28 avril dernier. « Le Chili possède les ressources qu'il faut pour se payer une éducation publique gratuite », s’indignait-elle.
Faire des études supérieures au Chili coûte extrêmement cher. La nation chilienne s'inscrit à la deuxième place du classement des pays où l'enseignement universitaire est le plus couteux pour les étudiants, juste derrière les Etats-Unis.
L'accès aux études supérieures de qualité reste donc encore réservé aux enfants de milieux aisés, ou implique que les étudiants s’endettent très fortement. « Plus de la moitié des étudiants suivent un cursus dans une université privée, dont les prix varient de 500 à 1800 dollars par mois », explique Gregory Elacqua, directeur de l’institut de politiques publiques de l’université Diego Portales.
Une réalité délicate, puisque "la plupart des étudiants reverse une part très importante de leurs revenus futurs pour rembourser leurs crédits", s’inquiète Gregory Elacqua.
Dans les universités publiques, le problème reste le même, puisque l’Etat chilien ne les finance qu’à hauteur de 10% maximum. "90% des coûts d’éducation reste à la charge de l’étudiant et de sa famille, ça représenter de très grosses sommes à l’année", explique Vladimir Sierpe, professeur d'espagnol et de civilisation hispano-américaine à Sciences Po Lille.
L’endettement pour l’éducation des enfants est pesant pour les familles chiliennes, qui ont d’autant plus de mal à supporter la situation que les indicateurs économiques du pays sont au beau fixe. Selon une récente enquête de l’Université Federico Santa Maria, 81% des chiliens soutient le mouvement étudiant. Récemment, la popularité du président Sebastián Piñera est descendue à 31%, bien loin des 63% d’opinion positive dont il jouissait en octobre 2010, au lendemain du très médiatique sauvetage des mineurs. Une dégringolade en seulement quinze mois de pouvoir.
Inscrire l'éducation dans la Constitution
Les étudiants et lycéens demandent également que l’éducation soit inscrite comme un droit pour tous dans la constitution. Une constitution qui date de la dictature d’Augusto Pinochet, sous laquelle l’éducation supérieure a largement été privatisée.
Le retour des écoles publiques gérées par les municipalités dans le giron de l’Etat est aussi perçu par les étudiants comme le meilleur moyen pour contrer les inégalités entre écoles dues aux écarts de richesse entre les quartiers ou d'une ville à l'autre.
Les étudiants avaient organisé la grande marche du 14 juillet pour signifier leur rejet du Grand Accord National pour l’Education (GANE) proposé par le président Sebastián Piñera la semaine dernière. Ce plan doté d’un fond de 4 milliards de dollars prévoit une augmentation des bourses pour les étudiants et une baisse des taux d’intérêt des prêts contractés pour financer leurs études.
Des propositions insuffisantes pour les étudiants, qui dénoncent également les tentations du gouvernement d'autoriser les universités privées de faire des bénéfices.
Au Chili, la loi interdit de tirer profit de l’éducation supérieure « mais dans la pratique, les universités privées ont trouvé nombre de subterfuges légaux pour contourner le problème, via les services payants proposés aux étudiants par exemple », explique Gregory Elacqua.
"La marmite explose"
"La marmite explose, il y a un peu du mouvement des indignés dans l’ambiance, on parle de 'ras-le-bol' au Chili", raconte Vladimir Sierpe, pour qui "les chiliens mettent en question la classe politique dans sa capacité à agir pour l’intérêt général". Le mouvement de grogne pourrait donc s’étendre au reste des travailleurs chiliens.
Depuis deux mois la tension monte, les principales villes du Chili sont en ébullition. Etudiants et lycéens descendent régulièrement dans la rue, bloquent les universités publiques et lycées et organisent des activités politico-culturelles pour protester contre l’inégalité du système éducatif chilien. Le 30 juin dernier, les organisations étudiantes ont compté environ 400 000 manifestants dans tout le pays.
La situation est loin d’être anodine, car le Chili n’avait pas connu de manifestations de cette ampleur depuis 1990, année du retour à la démocratie après la dictature de Pinochet.
Jeudi 14 juillet, divers syndicats de travailleurs, dont les professeurs et les transporteurs publics s’étaient joint à la marche. Les mineurs sont aussi mobilisés puisque étudiants et lycéens proposent de nationaliser les mines de cuivre chiliennes pour financer les réformes à mener dans le système éducatif.
Léonor Lumineau-Marsaudon -