Pour le quotidien chilien, “les manifestations étudiantes sont la cause principale du rejet dont le président est l’objet”. Etudiants et lycéens manifestent presque quotidiennement depuis deux mois pour réclamer une éducation gratuite et de qualité pour tous. Le système éducatif chilien est parmi les plus onéreux et les plus inégalitaires du monde. L’Etat ne consacre que 4,4 % du PIB à l’éducation. Seuls les enfants des familles les plus riches peuvent bénéficier de l’enseignement de qualité dispensé dans des institutions privées. Les autres doivent se contenter d’établissements semi-publics, qui restent chers, ou publics, aux mains des municipalités (depuis le régime de Pinochet), connus pour leur manque de moyens et leur mauvais niveau.
La plupart des Chiliens s’endettent pour pouvoir faire des études universitaires. Plusieurs manifestations ont été violemment réprimées, mais les étudiants rivalisent d’imagination pour montrer leur détermination et leur volonté de manifester pacifiquement. Le 6 juillet, plus de 2 000 élèves ont organisé un besatón (marathon de baisers) et se sont ainsi embrassés sur les places des principales villes du pays pour montrer que “l’éducation est une passion”.
Le lendemain, le ministre de l’Education nationale, Joaquín Lavín, ayant avancé la date des vacances scolaires de deux semaines en espérant casser le mouvement, étudiants et lycéens ont transformé la principale place de Santiago en plage et sont venus manifester en maillot de bain alors qu’il faisait à peine 15 °C en ce début d’hiver austral. Les étudiants ont réussi à placer l’éducation au cœur du débat politique, et les manifestations, dont certaines ont rassemblé plus de 100 000 personnes, sont parmi les plus importantes de ces dernières années.
Il y a moins de neuf mois, juste après le sauvetage des 33 mineurs bloqués sous terre pendant plus de deux mois, la cote de popularité de Sebastián Piñera, qui incarne le retour de la droite au pouvoir depuis la dictature, était au plus haut.