L’ancien pilote raconte cet épisode dans son livre « Le 11 dans la mire d'un Hawker Hunter » —un des rares témoignages existants sur les détails de l’opération aérienne—, qu’il a publié en 1999 malgré les réserves de la l’armée de l’air et de ses compagnons d'armes. Il n’y révèle pas non plus l'identité des équipages à sa charge.
Les noms des officiers qui ont participé en 1973 aux opérations du 11 septembre ont été strictement gardés durant quatre décennies, bien que ce n’est pas un secret à l'intérieur de l'institution armée, où plusieurs gradés connaissent précisément les identités de tous les pilotes qui ont volé ce jour-là et qu'ont ouvert le feu contre le palais du gouvernement Chilien.
Dans un des volets de son enquête pour établir les causes de la mort du président Salvador Allende, le juge a demandé à la force aérienne et au ministère de la défense le listing des pilotes et il a déjà interrogé certains d'entre eux. Mario López Tobar a été le premier mais il a refusé de donner l'identité du personnel sous son commandement.
L’ancien commandant en chef de l’armée de l’air, le général Gustavo Leigh —un des instigateurs du coup d’état et membre de la junte militaire—, n'a pas voulu non plus à son époque autoriser la presse étrangère à interviewer les pilotes, mais il a reconnu que son fils était un des pilotes de cette unité.
L’ancien commandant en chef de l’armée de l’air, le général Gustavo Leigh —un des instigateurs du coup d’état et membre de la junte militaire—, n'a pas voulu non plus à son époque autoriser la presse étrangère à interviewer les pilotes, mais il a reconnu que son fils était un des pilotes de cette unité.
« J'ai toujours été fier de ma Force aérienne, et le 11 septembre ils ont couronné mes aspirations. Les pilotes n'ont pas à apparaître à la télévision, je veux les maintenir anonymes pour des raisons évidentes. Même mon fils est pilote de cette unité, un lieutenant ».
Malgré la résistance des aviateurs, des nombreux témoignages et d’éléments concordants permettent d’affirmer que les équipages du 11 septembre 1973 étaient composés par Ernesto González Yarra, Mario López Tobar, Fernando Rojas Vender, Eitel von Müllenbrock, Enrique Montealegre Julliá et Gustavo Leigh Yates.
C’est le général Gustavo Leigh qui a ordonné l'attaque à La Moneda et à Tomás Moro. À Concepción les équipages —quatre pilotes, deux avions pour chaque cible— ont été briefés et on a décidé d’utiliser des fusées Sura P-3, une arme antiblindage, pour perforer les gros murs de la maison de gouvernement et limiter les dommages collatéraux.
Tous les avions qui ont participé à cette opération appartenaient au Groupe 7, basé à l’aérodrome militaire de Cerrillos, renforcés par 4 pilotes du Groupe 9. Dès le début août ces avions avaient été secrètement déplacés à l'aéroport Carriel Sur, à Concepción, par ordre du commandant en chef, qui craignait que l’aérodrome militaire fût attaqué en cas de troubles par des travailleurs de la « ceinture ouvrière » de Cerrillos.
La première frappe sur le siège du gouvernement est lancée peu avant 11.30 par Ernesto González Yarra. À trois mille pieds d’altitude et juste après passer sur la station Mapocho sont lancées les premières fusées, qui touchent la façade nord du palais et détruisent l'énorme porte principale. Ce pilote est décédé en 1995.
Le deuxième Hawker Hunter piloté par Fernando Rojas Vender fait feu sur le toit et déclenche tout de suite un grand incendie. Ce pilote est arrivé à commandant en chef de la force aérienne du Chili, et il est un des généraux mis en cause par l’enquête.
En huit passages successifs avec fusées et des arrosages de mitrailleurs de 30 mm, en 20 minutes les avions laissent La Moneda semi détruite.
Simultanément est bombardée la résidence du président Allende, à Tomas Moro, dans l’ouest de la ville de Santiago, par deux avions pilotés par le capitaine Eitel Von Mühlenbrock et le lieutenant Gustavo Leigh Yates. Peu expérimenté, ce jeune pilote du Groupe 9 manque sa frappe et touche l'hôpital de l’armée de l’air. Ce lieutenant —mort depuis de maladie—, était le fils du général homonyme, à l’époque commandant en chef de l’aviation et membre du quarteron de généraux qui prenait d’assaut le pouvoir au Chili.
Comme dans toutes les enquêtes qui tentent laborieusement d’élucider les faits de violence des militaires et de démêler les responsabilités lors du putsch, les participants se défaussent invariablement sur une vaste et imprécise responsabilité institutionnelle.
Comme dans toutes les enquêtes qui tentent laborieusement d’élucider les faits de violence des militaires et de démêler les responsabilités lors du putsch, les participants se défaussent invariablement sur une vaste et imprécise responsabilité institutionnelle.
Le dictateur et la junte militaire —aux commandes pendant 17 ans—, ont entretenu l’idée fallacieuse que les troupes et officiers qui ont agi lors du putsch ont participé à un fait historique, une louable action patriotique, et c’est le discours toujours en vogue chez les militaires à la retraite. Ils réagissent pourtant tel un réseau maffieux qui se dérobe aux investigations, muré dans un pacte de silence similaire à l’omerta. Sans doute parce qu'ils savent que plus que de la reconnaissance de la patrie, leurs exactions relèvent de la félonie et de la haute trahison, et qu’ils méritent les geôles plutôt que des médailles.